Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

22 mai 2024 à 00:08:06
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Le Monde de L'Écriture » Messages récents

Messages récents

Pages: [1] 2 3 ... 10
1
Textes courts / Re : Les Dire Straits et les U2.
« Dernier message par Feather le Hier à 22:21:16 »
Bonsoir Hars.p,
Intéressant de voir la composition des associations.  Belle discographie ! Peut-être est-ce le regard d'un homme de soixante ans, nostalgique empreint de stéréotypes amusés sur un background tombé en désuétude !
Si la clé fait l'harmonie, la note donne le ton!
2
Poésie / Mon amour passionné ( La balladette étendue)
« Dernier message par Béatrice M le Hier à 21:34:18 »
Mon amour passionné ( La balladette étendue)

Ma passion des mots flatte la poésie
En accord avec moi sur les chemins d’antan
De nos chauds souvenirs sans nul anesthésie, 
Je me souviens alors de nous, heureux chantant
Sous le soleil d’été qu’ouïr un long silence, 
 Ma déclaration, ce bouquet d’excellence,
Que mon âme amoureuse a ce brin d’insolence
Soulignant un refrain coquin au fusain noir,
Oui, ma muse ne peut ! Révéler mes fractures,
Donc elle te décrit ! Mes folles aventures 
En une balladette expulsant les ratures
D’un beau tour de magie avec un grand mouchoir.

Ma plume aime jouer de son encre impudique   
Sur la page en narrant l’écho de mes désirs
Oh, combien sulfureux sur le fil mélodique
De ma vie enchantée au centre des plaisirs
D’hier et d’aujourd’hui, caressant mes pensées
Sur ma feuille d’argent des stances romancées
Qui fleure l’érotisme en lettres cadencées,
D’une ode t’adulant mon ange libertin,
Ma sensualité te donne le vertige
Avec cet art si noble exposant mon prestige 
Qui taquine ton corps en très haute voltige,
C’est l’ivresse des sens de ton amour fortin.

Érato fort troublée en cette fantaisie
Que livre mon écrit léger représentant   
L’avidité d’aimer en toute courtoisie
Mon tendre compagnon, fort émut, consentant
Mon ouvrage glamour qu’il en voit l’opulence
Et le parfum des vers charnels en succulence.

Béatrice Montagnac           
3
Textes courts / Re : La moumoute du mammouth
« Dernier message par jonathan le Hier à 20:21:25 »
Tu sais, Mimi, si on s'aide pas entre copines et copains, qui qui va nous aider, hein ? Après tout, ici nous sommes sur un forum d'entraide, on nous le serine assez ! donc...  ;) ;)
4
Poésie / Re : Désolation
« Dernier message par Cyr86 le Hier à 20:03:07 »
Un poème délicat ! Cela fait plaisir de la poésie sur ce genre de sujet. La répétition est bien trouvé.
5
Textes mi-longs / Odyssée dans le Royaume du Temps qui Passe
« Dernier message par artemium le Hier à 16:40:39 »
Bonjour !

Je suis content de revenir sur le forum. J'ai déjà eu l'occasion de publier une nouvelle policière que j'avais adaptée grâce aux retours de la communauté !

Mes nouvelles sont l'occasion d'explorer des thématiques contemporaines, liées souvent aux technologies et toujours à la condition humaine.

J'ai écrit une nouvelle de science-fiction et d'aventures ! Un parcours d'obstacles terrible; ou peut-être un impitoyable voyage initiatique ! Les héros de cette histoire sont confrontés à leurs rapports actuels au temps qui passe. Ce texte traite de son accélération, son évolution, de ce que nous en faisons, de la peur de l'urgence... mais aussi des temps libres !

N'hésitez pas à le commenter et me dire ce que vous en avez pensé ! Un grand merci par avance.



"Préface

Au gré de mes recherches et de mes lectures, un mot s’imposait à moi : Accélération. L’accélération du temps.

Je percevais que dans le XXIè siècle naissant, le monde occidental continuait à s’éprendre toujours plus de vitesse.

A l’évidence, l’émergence des nouvelles technologies n’a pas eu l’effet escompté. La micro-informatique, la robotisation de certaines tâches nous ont bien sûr facilité la vie. Ces phénomènes ont permis de dominer les contraintes du temps et de l’espace et il est possible de se délester et d’automatiser des tâches répétitives.

Le temps libre qui en a résulté ne nous a pas conduit à rechercher la lenteur, la sollicitation intellectuelle, le temps long. Non. Parce que le but de la cybernétique a toujours été de rationaliser, nous avons suivi le mouvement au point de vouloir optimiser nos vies. Ce temps libre, nous avons voulu le consacrer pour faire d’autre choses, de plus en plus de choses et toujours plus vite. De sorte que l’envie de davantage remplir sa vie semble être allé de pair avec la peur des temps inoccupés, des temps morts. Qui signent la Mort.

Il faut dire qu’Internet a décloisonné toutes les formes de frontière, ouverts à des réservoirs gigantesques de connaissances, diverses et variées, disponibles en toutes les langues depuis tous les pays. Ainsi donc, la vieille malle en osier des années 1970-80, qui contenait à peine quelques livres chinés en un an, a fait la place à des sites de e-commerce qui ont ouvert l’accès à des centaines et des milliers de livres. Et d’autres sites ont fait de même pour nous rapprocher de la littérature de tous les pays.

Nous pouvons voir sans souci la filmographie de toutes les époques et toutes les contrées, écouter tous les morceaux de musique, lire tous les livres. Et bientôt, grâce à internet, nous pouvons accéder à d’autres formes d’expression : les articles de blogs, les interactions sur les réseaux sociaux, les vidéos…

A ce petit jeu, Internet casse les codes et livre toutes les connaissances en les plaçant sur un même pied d’égalité. La recherche du Beau et la patience que cela implique laisse la place à une impatience et un appétit insatiable d’en voir et d’en lire toujours plus.

Je devinais un besoin naissant de toujours chercher de quoi s’occuper, de quoi se sentir stimulé. Pour donner l’impression d’être actif, pour exister, par peur de la mort…

J’étais certain que cela existait aussi dans l’entreprise. Peut-être le monde du travail a-t-il même encouragé cette évolution. Une partie de la productivité devait se résumer à des projets, des avancées, des innovations technologiques dont le but n’est pas tant de développer une activité commerciale dans un sens socialement utile, mais simplement d’exister, de rayonner, de dépenser un budget que l’on nous a alloué.

Et tant pis si cette pression terrible - qui vient des autres et de soi-même - peut conduire à la dépression, à la procrastination ou à l’autodestruction. Et tant pis si ce besoin de tous d’agir à tout prix pousse la société vers sa propre perte.

Ce sont ces sujets que la nouvelle « Chronosaïa » traite. Le Legmer George vit des tribulations incroyables, dignes de grands romans d’aventures, dans le but désespéré de revoir la Déesse du Temps qui Passe qui, un jour, avait croisé son chemin. Ce sera donc un récit d’aventures et d’action, un récit qui raconte un parcours jalonné d’obstacles emportant, l’un après l’autre, tous les candidats à ce jeu extraordinaire. Derrière cette histoire a priori simple, se cache une nouvelle dystopique et philosophique.

L’histoire nous entraîne sur une planète qui propose une vision de cauchemar. Un lieu dans lequel tout un peuple a œuvré pour toujours plus de progrès et d’innovations sans se rendre compte qu’il rendait ainsi sa propre planète aride et inhospitalière. Un endroit terrible où chacun ne peut survivre qu’en rejoignant une tribu qui essaie de continuer de vivre sans rien changer. Ces peuplades, façonnées par l’idéologie du progrès à tout prix et de la croissance, se sont certainement éloignées des religions traditionnelles et des structures traditionnelles. Mais elles ont aussi fabriqué leurs propres Dieux : clui de la technologie, celui de la science… et celle du Temps qui passe.

« Chronosaia » renoue ainsi à la tonalité sombre d’une autre de mes nouvelles de science-fiction : « Rien que deux petits vers ». Cette nouvelle sombre raconte le devenir dramatique d’une tribu qui, à vouloir se doter d’une technologie, avait fini par se laisser anéantir. Cette fois, le peuple des Legmers a survécu, pour l’instant tout du moins.

Dans cette nouvelle, l’individualité disparaît. Chaque protagoniste, jusqu’au héros, sont des personnages peu détaillés, au caractère peu étoffé, tout simplement parce qu’ils personnifient simplement l’humanité dans son ensemble. Ce qui compte est l’impitoyable parcours d’obstacles auxquels ils vont être confrontés, et sa dimension initiatique. Cela fait de cette histoire un mélange d’action pure et de références, d’allusions et de symboles dont la signification relève du 2nd ou du 3ème degré.

Pourquoi les Dieux ont-ils imposé cette épreuve aux Legmers ? Pourquoi, maintenant ? L’histoire ne le détaillera pas. Peut-être est-ce le constat que la situation est grave. Peut-être comme nous les Legmers sont-ils à l’horizon de nouveautés technologiques qui les pousseront à accélérer encore davantage.

Aussi, en partant retrouver la Déesse qui l’avait tellement obsédé, le héros de cette histoire va plonger dans une aventure incroyable, parsemée de dangers. Et qui le confronte,t dans son rapport à toutes les formes de temps. Le temps de l’urgence, le temps de l’action, le temps trop précipité, le temps gaspillé, le temps long…

Beaucoup vont échouer sur ce chemin semé d’embûches. Celui qui triomphera des épreuves aura sans doute beaucoup appris de lui-même et de ce qui compte dans son existence. En ce sens, je n’ai cette fois pas écrit une nouvelle tragique. L’accélération n’est pas inéluctable, même si le ralentissement total de sa vie n’est peut-être pas forcément non plus la solution ultime.

Quoiqu’il en soit, il y a un espoir à la fin de l’histoire et c’est plutôt rassurant pour notre propre devenir d’êtres humains.





 



I


Je m’appelle George Oliver Stone et je vis dans le monde des Legmers.



Si vous levez les yeux vers le ciel, vous apercevrez peut-être ma planète. Une grosse boule rocheuse noire, au relief sans aspérité. Il n'y a plus ici de montagne ni de lac; il n'y a pas de cratère et l'on y chercherait en vain une grotte.

Pour nous, la roche est comme un homme muni de deux sceptres. Elle est le minéral et l'animal, la vie et la mort, le tout et le rien. Nous croyons à la colère et à la violence inhérente à notre nature. Alors pour la contenir, nos Legmers mâles se sont retroussés les manches et avec force pelles et pioches, se sont mis a creuser d'énormes fondations. A bâtir d’innombrables villes, ces fleurs de pierre gigantesques, qui s’ouvrent avec fracas et se déploient sur de vastes surfaces. Fallait-il parler d’une irruption florale ou d’un vomissement d’immeubles d’une blancheur immaculée ?

Au-dessus de ce spectacle incroyable, une femme à la robe-mongolfière flottait régulièrement, portée dans les airs par les cris de rages, les ahans et les soupirs. Elle incarnait à merveille l’Espérance. Partenaire fidèle, elle demeurait des heures durant penchée vers l’avant, longue-vue en main, guettait l’avenir apaisé que nous recherchions tellement.


*

Les immeubles furent érigés avec une rage toute guerrière et c'est ce spectacle que je contemplai à présent, assis sur le rebord d’un quai de gare. Le spectacle de gigantesques colosses en pierre blanche qui me parurent converger d’un pas lourd vers le lieu de la bataille. Leur cause n’était pas la mienne et malgré leur stature, je ne redoutai pas ces corps monstrueux qui sauraient passer à côté de moi sans m’écraser.

Pourtant, derrière moi, là-bas, il n’y avait que l’infini parsemé d’étoiles. A scruter l’horizon, on quêterait en vain l’adversaire. D’ailleurs, l'Espérance observait-elle réellement ou faisait-elle semblant ? Je ne sus jamais le dire aussi mon regard se fit-il avec le temps moins candide. Ces immenses constructions ressemblaient à de longs tissus blancs sous lesquels des enfants se seraient cachés, avec leurs bêtises, leur malice et leurs caprices. Pour la Nature, en tout cas, notre folie des grandes villes dut être une bien mauvaise farce !

L’âge d’or de mon peuple s’épanouit sans grève, ni manifestation. Sans combat ni même désaccord. Et parce que l’on ne s’entend jamais aussi bien qu’avec ceux qui nous ressemblent, notre morphologie changea au gré du temps. Nos corps devinrent blancs, eux aussi. Nos visages perdirent leurs traits, leurs poils, tout ce qui les différenciait l’un de l’autre. Quiconque scruterait nos faces en quête d’une identité pourrait tout aussi bien traverser un escalier en colimaçon dont chaque étage aurait la forme d’un visage – gueule béante – relié aux autres. Le même, puis le même. Encore et toujours...

*

Et puis, un jour, ils surgirent. Ils. Les dieux. Cela se produisit par une belle soirée. Un habitant Legmer fut le témoin de cette arrivée inopinée. Une lumière chaude et diffuse se déversa sur la roche, comme pour annoncer l’heureux évènement. Elle marcha, s’arrêta.

Devant elle, le sol se fractura et de longs doigts, des doigts interminables, s’en extirpèrent. Les doigts d’une main gigantesque qui précédaient une tête. Puis un tronc, étiré à l’infini comme il se dressait lentement. Ce géant répondait au nom de Technologios.

En un autre, Saientis déchira le sol. De la même manière. Il dressa son corps noir et informe juste au dessus d’une de nos villes. Il n’y avait sur son visage que deux yeux brillants et enfoncés. Rien qui ne permit d'exprimer  une émotion. Et pourtant, de là haut, il aurait pu se demander : à quoi pouvait bien servir cet amas de parallélépipèdes blancs ? N’y avait-il pas là de quoi s’étonner ?

Et tandis qu’ils nous dévisageaient sans comprendre, nous les contemplions. Pour nous, ils paraissaient grands au point de toucher le ciel du doigt !

La troisième géante apparut juste devant moi, en pleine rue. Elle interrompit ma promenade, me forçant à la contemplation du mur lisse et blanc d’un immeuble. Cette surface homogène fut bientôt entaché par l’émergence d’une chose de couleur grise. Elle prit du relief lentement, au fur et a mesure qu’elle apparut. Quelle surprise fut pour moi l’arrivée douce d’un gigantesque visage pixellisé ! Il était composé d’une myriade de rectangles épousant toutes les nuances du gris. Celui d’une jeune femme triste. La tête baissée, elle tentait de dissimuler une envie de pleurer en gardant les yeux fermés. Son entrée ici-bas était inévitable et tel était le drame de sa vie. Quelle mélancolie profonde, quelle pitié que le spectacle déchirant de quelqu’un se désolant de venir ! Sa venue en notre monde progressa à contrecœur et le corps vint ainsi inéluctablement à moi. Le buste gigantesque, les jambes colossales et magnifiques... Elle se dressa bientôt dans son intégralité.

Pourquoi étaient-ils tous apparus sur notre planète ? Sans le vouloir, nous avions pendant des décennies abreuvé le sol de notre conviction en faveur du progrès et des inventions, de notre passion sans borne pour la raison et la science. Nous avions fait du temps une denrée rare. Chronosaïa était la déesse du temps derrière lequel l’on court, qui toujours nous manque.
 
Elle et les autres dieux n’avaient nulle part où aller. Ils prirent le parti de marcher sans but, d’un pas lent et vacillant. Ils contournèrent les villes et firent du sol rocheux le terrain d’un jeu sans règle. Et nous ? Nous décidâmes de les adorer.

Pourquoi ici ? Pourquoi en cet instant ? Ils durent se rendre à l'évidence : ils n’avaient aucune réponse à cette question. Ils jetèrent un regard lointain sur ce monde pour lequel ils n’étaient pas faits et entreprirent de le sillonner au hasard. Au moment de sortir de terre, savaient-ils seulement qu’ils n’étaient pas uniques sur la planète ? Qu'il y avait plusieurs géants ?  Peut-être pas.

*

Je demeurai subjugué par ma rencontre fantastique avec la Déesse. Lorsqu’elle décide, à l’instar de ses comparses, de partir visité ce monde, ce départ résonna en moi comme la rupture déchirante d’une histoire d’amour improbable.

Elle partie, je me sentis soudain seul et vide, immobile comme un automate. Amant malheureux, je guettais fiévreusement son retour impensable. Mais notre planète était grande et jour après jour l’horizon ne s’emplissait point de la présence tant espérée.


A hauteur de colosse, ce monde avait certainement de quoi déconcerter. Chacun avança et se déroula sous ses pieds comme un tapis bleu parsemé de figures géométriques. Comme une mer sombre que, pour une raison inconnue, beaucoup tentaient de fuir dans de minuscules barques blanches. Ils ne comprenaient pas la raison pour laquelle les Legmers fuyaient la terre qui les avaient fait jaillir.
 
Technologios s’étendit un instant sur le côté et ferma les yeux, pour oublier. Alors qu’il les rouvrit, nos villes l’entouraient comme des créatures fidèles à leur maître. Loin de là, Saientis entoura une autre ville de ses bras. Il provoqua un remous éolien qui ressemblait à s’y méprendre à une tornade ! Il se pencha en avant et si les habitants ne virent qu’une masse sombre lui tenant lieu de face, ils y projetaient sans peine les traits d’un enfant dépité qui ne comprend pas.

Je resterai hanté toute ma vie durant par l’apparition fugace de Chronosaïa. Elles furent si rare par la suite! Chaque apparition fut un message délivré à notre attention. Sur le temps qui s’écoulait trop vite. A moins que ce ne fut nous qui nous convainquions qu’il accélérait ? Chronosaïa était splendide, pareille à un arbre en majesté par sa grandeur ! Un arbre sombre, irradié par une lumière franche et fraîche et autour duquel je me rêvais en train de danser. De virevolter avec grâce et légèreté. Son départ dans ma vie sonna comme une incompréhensible rupture. La perte de l’être cher et aimé... à peine rencontré.

Jour après jour, je guettai inlassablement des retrouvailles. Mon cœur invariablement palpitait et l’arc-en-ciel de l’espoir vint chaque fois irradier une âme usée par la déception de la veille.  Et pourtant, la retrouvaille maintes fois désirée n’arriva pas.

*

Un beau jour… L’occasion enfin se présenta, sans prévenir.

Émergeant du brouillard qui embruma ma vie ainsi que la ville, une tête, sombre et impassible. Puis son corps impressionnant, marchant avec calme et fermeté. Quelle félicité, quelle douceur ! Quelle féminité ! Non... Hélas cent fois non, ce ne fut que Technologios qui contournait la ville. Combien de  fausses joies ponctuèrent une vie soudain devenue insupportable ? Je suis incapable de le dire...

*
Des jours durant, le récit de ma vie se résuma à une complainte mélancolique dont l’orchestre fut pourtant troublé alors que je reçus un courrier inattendu.

C'est pour cela que ce jour-là, j'étais assis sur un quai. A contempler des bâtiments immobiles et pourtant partis en guerre. J'attendais un train, un papier en main. Une invitation pour être précis.

Pour revoir… enfin… la Déesse du temps qui passe. Avait-elle donc entendu au loin mon chant triste ? Tout à mon émotion, je ne lus et relus que la première moitié du document qui me parlait de retrouvailles, d’un lieu à rejoindre et d’un pèlerinage à accomplir.

Je formai un bagage léger et partis le lendemain même.

II

Le véhicule s’arrêta pour moi et pour d’autres, je montai. Le voyage dura à peine quelques heures.

Je me retrouvai à gravir un sentier montant, au milieu d’une foule de gens que je ne connaissais pas. D’autres que moi aussi avaient été conviés à cette retrouvaille absolument inroyable.

Ne cherchez pas la cohérence de mon histoire. Les faits défilent sans aucune rationalité. Acceptez simplement que je fus en cet endroit dont je n’avais seulement jamais entendu parler. Ce qui expliquait ma présence ? Ca va vous paraître bête mais je ne saurai pas vraiment l’expliquer ! Tout en m’élançant, j’avais simplement en moi la certitude de rejoindre ma déesse. Pendant longtemps, ce fut un désir inscrit dans un futur aussi volatile que l’air.

Ce désir devait devenir ma réalité, celle que je m’apprêtais à l’accomplir.

L’invitation avait à vrai dire quelque chose d’assez mystérieux. Elle nous intimait de nous rassembler en un endroit précis à partir duquel nous devions entamer une marche, longue peut-être, dangereuse ?

Une chaleur torride nous écrasait tous. Si le Diable nous tendait là un piège, j’eus apprécié qu’à tout le moins il se montrât. Je ne pus pourtant distinguer qu’un disque solaire, machiavélique et lumineux quand nous n’étions que faces blanches, vides.

Sitôt arrivés, une équipe d’organisateurs nous pris en charge pour nous orienter. Je fus intégré dans un groupe qui comprenait 5 personnes. Qui étaient ces inconnus, d’où ils venaient n’avaient aucune importance. On nous remit aussi des indications sur les premières étapes de notre périple. Rencontrer la Déesse devait après tout se mériter !

Je débutai mon périple d’un pas léger bien que lesté des victuailles de mes comparses. De manière naturelle, je pris le commandement du groupe et les entraînais. Ensemble, nous devions franchir un chemin long de 12 km, tournoyant autour de la montagne pour atteindre un palais. Et là…

La marche donc commença.

*

« - C’est ici que nos chemins se séparent !

Nous nous retournâmes d’un seul mouvement. Qui avait ainsi brisé l’élan silencieux de notre marche ? Était-ce possible que l’un des nôtres se désolidarisât du groupe ? Comme le corps pleure de perdre l’un de ses membres, nous devînmes soudain sombres devant la séparation imminente. Oui. L’un des nôtres nous quittait. Trahison ? Choix délibéré du destin ?
- Je suis certain que ce chemin-là est plus rapide », se justifia-t-il.

Plusieurs jours s’étaient écoulés, du moins nous le pensions. Plusieurs jours de marche cadencée dans un paysage monotone. Un sentier interminable, à franchir sous une chaleur impossible, voilà le fardeau que nous nous imposions. Nous, ainsi qu’une myriade d’autres groupes de deux à trois personnes. La ferveur nous poussait à continuer, obéissant à une injonction divine ou à l’aveuglement. Son geste de rébellion, abrupt, inattendu, avait tout du blasphème. Et pourtant, tandis que je guettai sur sa face les stigmates du remords, je les aurai dessiné moi-même s’il le fallait, j’y trouvai les apparats de l’insolence. Quant à nous, malgré notre surprise, nous ne réussimes pas à lui en vouloir.

Peut-être qu’il avait raison de vouloir abréger son parcours ? Peut-être que gagner du temps était important sachant que notre voyage était un périple sportif ?

Il lança un appel à nos camarades pour le rejoindre et désigna un endroit précis de la montagne. Commandait-il aux éléments ? Était-ce le fruit du hasard ? En tout cas, elle se dévoila comme percée d’une porte. Nul ne savait où elle menait et pourtant… Avec quelle confiance asséna-t-il sa vérité ! Comme le ton était décidé ! Nous eûmes la sensation désagréable qu’il avait raison : ce serait peut-être plus rapide et moins dangereux par là.

Mais...
Une voix intérieure m’intima de ne pas le suivre. Oh, ce n’était pas celle, austère, de la soumission, le ton gras de la bêtise. Non. C’était plutôt l’Intuition. Cette femme gauche, cette mendiante mal aimée, en quête de reconnaissance et qui ne savait prononcer une phrase complète. Percluse au fond de la grotte de la rationalité, elle ne savait que tendre un doigt ou prononcer un mot. Celui qui entend ce mot n’en est pas moins riche de tous les plus beaux discours. J’en connaissais pour ma part la force pour avoir su l’écouter dans les moments importants de ma vie.

Aujourd’hui encore, elle m’alertait. Quelque chose d’imperceptible me disait que notre voyage serait une confrontation au temps. Au temps qui va vite, au temps qui va lentement. Je me disais que rien ne servait de se presser.

Je sentis qu’il ne fallait pas y aller et je déclinai. Ce refus fut un venin terrible qui se distilla dans les veines de mes compagnons de route. Tous refusèrent aussi. Il ouvrit la porte fièrement, s’engouffra à l’intérieur... et la referma rageusement en essuyant un échec. Quant à nous, nous reprîmes notre route avec nos doutes, parfois même – déjà -  nos regrets.


*

Le spectacle s’offrant à nos yeux de pèlerins ne dédaigna pas de nous laisser pantois !

Quelle force occulte fut à ce point puissante qu’elle pût dompter la nature ? Ici, d’un chemin montagneux et accidenté, elle sut faire une route lisse. La matière en avait perdu ses aspérités et sa rugosité. La paroi réfléchissait la lumière tant et si bien que le soleil nous lardait de ses coups de couteaux.

Je fus fasciné par ce spectacle d’un sol lumineux sur lequel nous, âmes en peine, marchions. La souffrance a parfois des allures magnifiques.

A chaque instant, nous eûmes chaud et soif, mal aux muscles. Cela ne fit que croître. L’effort paraissait au-delà de nos capacités. Nos nuits suffirent à peine à nous redonner la force de continuer le lendemain. Avancions-nous seulement ? Certainement. En tout cas, devant nous, le soleil se levait puis se couchait tandis que le chemin, lui, se déploya à l’infini. Chaque jour déclinant croisait notre chemin à la manière d’un nain malingre passant et moquant nos efforts. A raison ?

Qui levait les yeux voyait une route infinie en colimaçon et les seuls contours d’un palais inaccessible. Qui les baissait voyait le chemin accompli ; cela lui paraissait bien dérisoire.

Nous marchâmes, mangeâmes, somnolâmes et marchâmes à nouveau, sans répit. Parfois, je croyais voir la Mort dans une femme prévenante qui m’attendait au coin d’un virage et me souriait. Vous devez me trouver bien ridicule, me croire au bord de la folie peut-être ? Il est vrai que j’en avais assez de ma solitude, assez de ce paysage monotone où de pauvres hères se trimbalaient et ployaient l’échine. La chaleur nous arrachait des gouttes de sueur et c’était un exploit. Car si le Diable s’est à présent grimé en un paysan, il ne sut faire pousser sur nos corps ni les poils ni les cheveux.

Pauvre de nous !

*

« Faites que cela s’arrête » ! « Faites que cela s’arrête » !

Il tomba sur les genoux, éprouva un spasme et s’effondra. C’était fini.

Depuis quelques temps déjà, il marchait mal, tombait sans cesse.

Qui ?
Un quidam devant nous. Sa chute lourde souleva un peu de poussière mais aucune émotion. Le désespoir nous vola jusqu’à notre empathie ! Personne ne s’était arrêté pour l’aider, nous n’eûmes pas même un regard compatissant. Seules les langues se délièrent.

Pas pour le plaindre, non.

Nous ressentîmes plutôt le besoin d’en parler, pour alléger l’importance de nos souffrances en ergotant sur notre réalité insignifiante devant pareille tragédie. Insignifiante et pourtant si importante.

Il avait toujours été très actif de son vivant, très énergique. Il multipliait les activités, était toujours pressé. Il fut le premier d’entre nous à tomber parce qu’il ne supporta pas la monotonie, les tâches répétitives, longues et éprouvantes.

Quelle tâche ? Celle de marcher. Rien de plus. Il n’y avait rien d’autres à faire.

*

« - Vous avez remarqué les parois ? »
Aucun d’entre nous n’avait remarqué quoique ce soit jusqu’à ce qu’un des nôtres leva les yeux au ciel, trouvant dans le monde extérieur l’aliment incontournable d’un repas fait de foi en l’avenir. Un tel mets délicat se partageait !

A présent, la montagne se trouvait percée de cavités refermées par une vitre. Des cavités aux dimensions d’un homme. Des trous vides. Maigre spectacle mais cela suffit pour divertir les voyageurs fatigués que nous étions. C’était une simple curiosité pour oublier un instant notre quotidien cruel.

Car depuis quelques temps, d’autres Legmers tombaient en chemin. Devant et derrière nous. Définitivement. Chaque chute rappela à nos cerveaux endoloris que ce n’était pas un jeu, pas un simple pèlerinage. Que nous étions engagés dans un combat pour la survie. En piteux militaires, à vrai dire.

Que les amateurs de bataille se ravisent puisqu’ici, le soldat marchait et tombait sans livrer bataille.


III

Nous pûmes atteindre le bord d’un virage. Un de plus ! Ce faible exploit me donna un regain d’énergie. Une intense joie me gagna d’ailleurs, un sentiment d’excitation infantile, plutôt. Je me plus à accélérer et même à sautiller guillerettement. Pathétique spectacle, n’est-ce pas ? Mais j’en avais besoin et votre regard sans concession ne m’aidera pas à sauver ma peau. Alors je savourai ces quelques instants de folie tellement bienvenue.

Ma joie fut de courte durée.
Un bruit des plus étranges freina l’ardeur de mes sauts. Le tonnerre éclata. Moi, je sentis mon corps s’alourdir. Ma joie disparut subitement en apercevant une horde étrange apparaître à l’horizon. Qu’est-ce donc ? Je l’ignorai. Je constatai simplement avec horreur que cela fonçait sur nous !

Attention !

J’eus à peine le temps d’observer leur apparence terrifiante de cavaliers noirs qui galopaient au même rythme. A pleine vitesse.

Chacun était revêtu d’une armure lourde et imposante. Patiemment posée pièce par pièce. Leur peau aussi était noire, leurs visages, traversés d’épaisses lignes rouge sang, déformées, striées même. Ces lignes leur procuraient une apparence hideuse et sûre d’elle qui contrastait avec nos propres visages épouvantés.

Le pas terrible des chevaux résonnait dans nos oreilles tel un sinistre roulement de tambour. Chacune des bêtes souleva des nuées de poussière qui prirent la forme de danseuses orientales entonnant leurs chorégraphies gracieuses. Ces superbes créatures célébraient à leurs manières les héros qui poussaient nos malheureux comparses dans le vide. Qui leur ôtaient la vie pour l’offrir à ces golems de sable.
- Tous contre le mur ! Ai-je hurlé.
Nous nous sommes précipités en fermant les yeux. Ce fut juste car à peine eûmes nous agi que nous sentîmes le souffle chaud des bêtes brûler nos visages. Des pattes musclées battirent le sol aux endroits même où nous nous tenions l’instant d’avant.
C’était fini. Nous avions frôlé la mort de justesse.

- AAAAAAAH !!!

Qui a crié ?

Nous nous retournâmes brusquement pour n’apercevoir que nos assaillants de dos. Même les danseuses s’évanouirent une à une. L’une d’elle pourtant resta et entonna une danse plus vive. Sa grâce me donnait la nausée, je détestai ces grands yeux marrons qui me toisaient avec mépris. La voir ainsi s’agiter était un calvaire. Enfin, elle disparut pour révéler l’un des nôtres, gisant, totalement désarticulé. Une partie du visage était écrasée sur le sol, un filet de sang s’écoulant doucement.

Cette boucherie nous laissa pantois quelques instants. Je regardai autour de moi et je vis des êtres tétanisés. Pleins de désespoir, des Legmers masculins ou féminins qui avaient peur de mourir. Ce décès-là nous marqua tous de manière indélébile. La Mort nous joua la pièce de théâtre la plus intense de toute sa carrière. Celle qui fait des vivants des déments. Alors je pressai les autres de partir. Je devrai plutôt avouer que je les forçai à suivre mon rythme. J’étais peut-être le plus terrifié de nous tous.

J’adoptai en effet une cadence folle. Une force irraisonnée imprégna mes muscles, à moins que je ne dilapidai mes réserves ? Je fus terrassé de douleur, accablé par une culpabilité incurable. Avais-je eu tort de ne pas écouter mon intuition ? Où était à présent celui qui nous avait quitté pour pénétrer la montagne ? Etait-il seulement en vie ? Je ne pus m’empêcher de le penser. Peut-être même était-il arrivé ?

Je marchai, d’un pas décidé. Mais décidé à quoi ?"

Je termine ici mon extrait... Alors, qu'en avez-vous pensé ?


Lais les aventures de notre Legmer se poursuivent !  La troupe réussira-t-elle à gravir la paroi montagneuse sous ce soleil de plomb meurtrier? Pourquoi la paroi est-elle recouverte de baies vitrées ? Quels dangers terribles attendent encore les héros de cette histoire ? Qu'est devenu le Legmer qui a abandonné le groupe pour emprunter un passage secret? Est-il encore en vie? Est-il au plus près des Dieux ?

Si vous voulez le savoir, vous pouvez lire ici la nouvelle en intégralité. Comme je l'ai déjà publiée sur internet, je préfère ne pas reproduire le texte partout.
https://www.monbestseller.com/manuscrit/9241-chronosaia-que-le-temps-passe-vite


6
Actualités du forum / Re : Les bonnes nouvelles éditoriales
« Dernier message par Basic le Hier à 11:37:13 »
Merci alan
7
Bonjour Ilyes,


J'ai découvert avec grand plaisir ce chapitre de ton roman de fantasy.

C'est plutôt bien écrit pour une première tentative, avec de l'action et des émotions vives. Je me suis demandé ce qu'était ce démon qui ne montre aucune pitié pour la pauvre famille.

C'est un très bon début, ai-je trouvé.


Merci à toi pour cette lecture.

Et à bientôt sur le Monde de l'Écriture.
8
Actualités du forum / Re : Les bonnes nouvelles éditoriales
« Dernier message par Alan Tréard le Hier à 11:00:51 »
Bravo à toi, Basic, pour cette publication.
9
Poésie / Re : Pantoum pour une geisha
« Dernier message par Vincent le Hier à 06:01:49 »
Mon frangin qui a fait la guerre de Vietnam en avait "épousé " une pendant sis mois elle était a ses petits "soins", j'adore tes "contes"
10
Textes courts / Re : un tunnel sous le ciel
« Dernier message par SablOrOr le 20 mai 2024 à 23:25:45 »
 :)
Eh bien, voici le retour des majuscules et des points, ce n’est pas déplaisant  ;)
Attention à l’accord des participes passés employés avec l’auxiliaire avoir, ils ne s’accordent que lorsque le COD précède   ::)
Quant au personnage assoiffé de sang, il est fort bien amené par ce doigt sur lequel on peut lire les rhumatismes du temps.
Pour ce qui est du concept de liberté, il est abordé à la toute fin comme un champ de réflexion.
C’est malin, bravo.
Does Dead can dance ?
SOo
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