Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

19 Septembre 2025 à 20:34:52
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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » Seule au monde

Auteur Sujet: Seule au monde  (Lu 5916 fois)

Hors ligne Leddel

  • Plumelette
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Re : Seule au monde
« Réponse #15 le: 06 Août 2017 à 00:03:18 »
Bonsoir Sophie,

Du froid, du vide, brrrr ce fut dérangeant mais une lecture très agréable. Personnellement, j'ai toujours un peu de mal avec ces personnages "table rase" dont la personnalité se construit au fur et à mesure du récit, parce que, souvent, on voit trop les ficelles par lesquelles l'auteur mène son personnage. Là où les naturalistes expérimentent et mettent leur personnage dans des situations inconnues pour les regarder évoluer, la table rase ordinaire est menée de bout en bout là où l'écrivain souhaite qu'elle aille sous nos yeux, et on perd en spontanéité, en vérité. La frontière est fine et pas évidente à percevoir, et c'est plutôt une question de ressenti, mais elle différencie à mon sens le traitement de ce type de personnage. J'ai hâte de voir ce que deviendra Tori et comment son caractère évoluera !

D'ailleurs, je ne sais pas si c'était voulu, mais une partie de l'histoire, et notamment le passage sur la télévision, m'a fait penser à Leeloo, du 5ème Élément de Luc Besson, cet alien aux apparences féminines et aux cheveux oranges qui découvre l'Humanité tout au long du film, en particulier lors d'une séquence où un écran lui montre des images qui définissent les mots qu'elle prononce (War, la guerre, entre autres). J'ai retrouvé dans ton écriture son innocence et son ignorance.

Hors ligne Sophie131

  • Grand Encrier Cosmique
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  • Libellule et saltimbanque
Re : Seule au monde
« Réponse #16 le: 06 Août 2017 à 01:35:57 »
Merci pour ton commentaire Leddel :)
Non la ressemblance avec Leeloo n'était pas voulue vu que je connais pas le film mais c'était l'effet recherché.

Hors ligne Berceuse Violente

  • Aède
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Re : Seule au monde
« Réponse #17 le: 10 Août 2017 à 21:16:55 »
Salut, avant que je ne parte en vacances un certains temps, je vais analyser ce texte  ;)

Je n'ai trouvé que deux fautes (mais je ne suis pas la mieux placé pour tout voir)
-Je reviendrais te voir avant que le candidat n'arrive. (C'est je reviendrai, puisqu'il s'agit d'un futur simple et non d'un imparfait ou un conditionnel)
-Elle reste assise sur mon lit (tu devais vouloir écrire son lit)

Le style est intéressant, je dirais froid et automatique avec des petites pointes de chaleur qui correspond bien à l'histoire elle aussi froide, lente, blanche. J'ai remarqué que dans les dialogues tu intercales des mots (non-phrases), c'est assez intéressant. Tu pourrais peut être le faire ailleurs, pas que dans les dialogues.
Et dans les dialogues, tu n'utilises jamais (dit-elle, dit le médecin) C'est original mais attention, dans le premier dialogue j'ai eu un doute, je me demandais qui parlais, si c'était bien elle.

Le suspens est efficace. On se demande si elle est exploité, cobaye ? Puis on pense que c'est un robot ? Où un clone comme dans le film "l'île" (si tu connais). J'voue qu'on ne voit pas venir cette histoire de femme avant un long moment. Je l'ai seulement pensé quand il dit " tu es la dernière ".
C'est culotté. Parce que l'inverse est biologiquement (prof de SVT sort de ce commentaire !!) plus probable. L'espèce humaine pourrait facilement se passer des hommes, l'inverse est beaucoup plus improbable, et donc finalement inattendu et original. Par contre je suis très très curieuse de savoir comment deux hommes peuvent reproduire l'espèce. Je me demande aussi quelle est cette histoire de compatibilité, je ne vois vraiment pas.

En tout cas, c'est pas mal, ça met en appétit pour un début de roman, ou même une nouvelle.

A bientôt, en espérant t'avoir aidé.
BV

"Pour devenir un meilleur artiste, il te faut prendre les bonnes critiques positivement et les mauvaises critiques positivement aussi. J'espère que tu seras un artiste qui prête davantage l'oreille à des paroles qui le défient plutôt qu'à des paroles qui le flattent." BYG

Hors ligne Sophie131

  • Grand Encrier Cosmique
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Re : Seule au monde
« Réponse #18 le: 11 Août 2017 à 01:01:45 »
Salut Berceuse Violente merci pour ton commentaire
Pour ce qui est des fautes, je n'ai pas encore corrigé, vu que je n'ai pas accès au texte original dans l'immédiat mais je le ferai bientôt promis.
J'ai choisi volontairement deux styles de narration pour les descriptions et les dialogues, en donnant aux dialogues un air de restranscription mécanique. Comme il n'y a jamais plus de deux personnes, je ne pense pas que l'absence de "dit-elle" soit vraiment handicapant mais si j'ai d'autres avis comme le tien j'y penserai. Et les mots comme "pause" servent simplement à rythmer le dialogue, à aider le lecteur à l'imaginer un peu mieux, ça aurait moins de sens dans la narration je pense.
L'idée n'est pas de moi d'ailleurs, jai eu envie d'écrire l'histoire après avoir vu une vidéo (des Parasites)
Clonage, c'est pour ça qu'ils ont besoin des femmes, c'est pas une vraie reproduction. Et la compatibilité c'est pour avoir des enfants les plus "réussis" possible (et surtout des filles).
Contente que ça t'aies plu.

Hors ligne Sophie131

  • Grand Encrier Cosmique
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Re : Seule au monde
« Réponse #19 le: 26 Janvier 2018 à 16:12:27 »
Et cinquante ans après la première partie, j'ai enfin trouvé l'inspiration pour la suite. J'espère que ça vous plaira ;)



Elle regarde Holden qui a toujours l’air gêné. Elle commence à comprendre la situation. Les humains ont besoin d’elle. La dernière représentante de son espèce. Sa considération envers elle lui semble plus claire.
Il semble cependant ne pas lui avoir tout dit et continue de la regarder avec un peu d’appréhension.
Elle attend qu’il parle mais avant qu’il ne le fasse, un médecin amène deux plateaux. Elle se lève pour prendre le sien. Sur celui d’Holden, il n’y a pas de pilule.
Ils mangent en silence, échangeant des regards fréquents. Chacun essaie de comprendre l’autre.

-Pourquoi tu prends des pilules ?
-Pour être en forme.
-Tu en es sûre ?
Pause.
-Peut-être que c’est pour s’assurer que tu sois capable de… la continuité de l’espèce. Et même pour t’empêcher de te souvenir.
-Tu crois ?
-Je ne sais pas, ce ne sont que des théories.
-Je veux comprendre quelque chose. Avant, nos deux espèces avaient des enfants ensemble.
-Oui.
-Ça veut dire qu’ils étaient faits pour être ensemble. Comment avez-vous pu changer au point d’être maintenant avec ceux de votre propre espèce ?
-Nous n’avons pas eu le choix. Notre survie était en jeu. Mais…
Hésitation.
-C’est pour ça qu’il y a eu autant de candidats pour avoir ma place. Les hommes préfèrent toujours être avec des femmes pour la plupart et ils rêvent de te rencontrer.
-Toi aussi ?
Rire gêné.
-Je dois l’avouer, oui. Ce n’était pas simplement pour aider mon espèce.
-Et comment sommes-nous censés… ?
-Nous reproduire ?
-Oui.
Regard fuyant. Rire gêné.
Pause.
-C’est… Je dois avouer que je ne sais pas trop. Enfin, je connais la théorie, mais je n’ai jamais…
Pause.
-Viens, on va regarder la télé. Peut-être que je trouverai quelque chose qui m’aidera à t’expliquer.

Elle se lève, marche en silence jusqu’à la porte. Un médecin est posté derrière. Même s’il évite son regard, elle sait qu’il les a écoutés. Sans savoir pouvoir, cela la gêne. Elle accélère le pas, Holden la suivant de près.
Un plus grand fauteuil a remplacé l’ancien, leur permettant de s’asseoir tous les deux. Cependant, il n’y a pas assez de place pour qu’ils ne se touchent pas et elle se colle à l’accoudoir, mal à l’aise. Le contact d’Holden lui donne d’étranges sensations dans le ventre, quelque chose qu’elle ne connait pas et qui lui fait peur.
Il allume la télévision, fait défiler les chaines. Il s’arrête sur une chaine qui ne diffuse que des films où les humains s’embrassent. Un humain qui ressemble à Holden est blotti dans les bras d’un humain plus grand, qui a passé la main sous son T-shirt. Elle ramène les genoux contre sa poitrine, de plus en plus gênée. Holden la dévisage et elle ne quitte pas les yeux de l’écran. Il tend lentement la main vers sa joue et l’oblige à le regarder.

-Je sais que tu as peur.
Pause.
-Je ne vais rien faire sans ta permission, d’accord ?
-Merci.
Sourire.

Il la regarde avec une telle tendresse qu’elle a envie de s’abandonner dans ses bras mais elle repousse violemment cette idée. Elle regarde de nouveau l’écran. Les humains sont allongés l’un sur l’autre, s’embrassent presque violemment, leurs mains explorent le corps de l’autre. Elle comprend que c’est comme ça que les humains se reproduisent et elle enfouit son visage dans ses mains, plus que jamais consciente de la proximité d’Holden.
Il ne dit rien, passe son bras autour de ses épaules et l’amène doucement vers lui, dans un geste de réconfort. Il pose sa tête contre la sienne, l’enveloppe de son deuxième bras.

-Ne te sens obligée de rien. Tu devrais avoir le choix, comme tout le monde. Tu es humaine autant que moi et ce n’est pas juste, la manière dont ils t’exploitent.
-Je ne suis pas humaine. Je suis la dernière de mon espèce, je dois faire en sorte que d’autres femmes naissent.
-Non. Tu dois penser à toi en tant qu’individu. Tu n’es pas un objet.

Ils se fixent. Il a l’air furieux. Elle touche son visage du bout des doigts, s’attardant sur ses pommettes dessinées et l’os de sa mâchoire. Il est vraiment beau. La respiration d’Holden est hachée, il la fixe avec un regard presque fou.
Soudain, il pose ses deux mains de chaque côté de son visage et appuie sa bouche contre la sienne. Elle recule brutalement, surprise. Son regard a repris son aspect habituel, mais il semble effaré. Il se lève et part en courant, la laissant blottie contre l’accoudoir du fauteuil.
Après quelques minutes à regarder les humains parler autour d’un repas, assis au milieu de plusieurs autres humains en train de manger, elle se lève à son tour et regagne calmement sa chambre. Holden est assis sur le bord du lit et contemple le sol à ses pieds.

-Désolé.
-J’imagine que ce n’est pas facile pour toi non plus. Et je ne suis pas douée pour… discuter. Ou comprendre les sentiments.
-Ce n’est pas ta faute.
Pause.
-Je n’aurais pas dû t’embrasser. Je sais que nous sommes censés… enfin, tu vois, mais je ne veux te forcer à rien.
-Je sais.

Ils se fixent. Il est assis sur le lit, elle est debout face à lui, sans savoir quoi faire de ses bras. Holden se lève et s’approche doucement d’elle, restant à plus d’un pas de distance. Il l’interroge du regard avant de faire un pas en avant et de poser ses mains sur sa taille. Elle a du mal à respirer, son cœur bat trop fort contre sa poitrine.
Holden la serre contre lui, appuyant sa joue sur le sommet de sa tête. Il murmure doucement à ton oreille.

-J’ai vraiment envie qu’on le fasse, mais je refuse de le faire juste pour faire plaisir à une bande de scientifiques.
-Est-ce qu’on a vraiment le choix ?
Pause.
-Arrête de prendre tes médicaments. Et je trouverai un moyen de te faire évader.
-Pourquoi tu serais prêt à faire ça ?
Pause.
-Je ne sais pas. Parce que c’est totalement injuste que tu n’aies aucun libre-arbitre. Parce que j’ai envie que tu veuilles toi aussi être avec moi. Parce que t’es beaucoup trop bien pour rester ici. Parce que tu devrais avoir le droit de voir le monde.

Elle lève la main pour essuyer les larmes qui commencent à couler et s’écarte un peu de Holden pour le regarder dans les yeux. Elle le trouve de plus en plus beau à mesure qu’elle apprend à le connaitre. Elle se met sur la pointe des pieds et l’embrasse doucement. Il la serre plus fort, l’embrasse passionnément.
Un médecin les interrompt en ouvrant brutalement la porte et demande à Holden de le suivre. Elle se retrouve seule et s’assoit sur son lit, appuyée contre le mur, touchant ses lèvres. Elle ne comprend pas les sentiments qui l’agitent mais, à ce moment, elle est heureuse. Elle comprend enfin ce que voulait dire l’homme qui venait parler avec elle.
Des larmes coulent sur ses joues ; elle ne les essuie pas.

-Je peux savoir à quoi tu joues ?
Pause.
-Réponds.
-Je ne sais pas quoi dire.
Pause. Regard furieux.
-Vous prenez votre temps comme s’il n’était pas impératif que tu aies des enfants.
-J’ai encore quelques années à vivre.
Pause. Soupir.
-Ce n’est pas la question. Rien ne nous garantit que vous ayez des filles et il n’en faudra pas qu’une pour garantir la pérennité de ton espèce.
-Je suis humaine.
-Non. Tu es la dernière représentante d’une espèce qui vivait auparavant avec les humains. Mais tu n’es qu’une femme et ton seul devoir est d’avoir des enfants. Si vous ne le faites pas vous-même rapidement, nous trouverons un moyen de vous y forcer.
Pause.
-D’accord.

Quand on referme la porte de sa chambre derrière elle, elle se précipite sur son lit et enfouit son visage dans son oreiller. Holden n’est toujours pas revenu. Elle se relève rapidement et commence à faire les cent pas entre ces quatre murs beaucoup trop blancs. Elle a entendu le médecin fermer à clé, ce qui, d’une manière incompréhensible, la rend furieuse.
Pendant plus de deux mois, elle a subi ce traitement inhumain sans broncher, incapable de penser, ne faisant que contempler le plafond parfaitement lisse, mais depuis qu’Holden est entré dans sa vie, elle est envahie par les sentiments au point de regretter l’apathie des jours précédents. Elle a constamment besoin de sa présence, de son regard sur elle, de ses mots si rassurants.
Et la seule condition pour le garder pour toujours est qu’ils aient des enfants. Pourquoi cela la gêne-t-il autant ?
La porte s’ouvre et il entre. Il la fixe, l’air surpris, et elle touche son visage mouillé. Elle ne s’était même pas rendu compte qu’elle pleurait. Il enveloppe sa main dans les siennes et la fait asseoir sur le lit.

-J’imagine qu’ils t’ont dit la même chose qu’à moi.
-Ils ont menacé de nous forcer.
-Je sais. Ne pleure pas. Je vais trouver une solution.
-Et si on faisait ce qu’ils nous demandent ?
Pause. Surprise.
-Tu es sérieuse ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Qu’est-ce qu’ils t’ont vraiment dit ?
-Non, rien. C’est juste… moi.
Pause.
-Je ressens des choses et je ne sais pas les gérer. Je voudrais qu’elles disparaissent.
-C’est normal d’avoir des sentiments. Ce qui n’est pas normal, c’est que ce soit nouveau pour toi. Si j’ai un moyen de te sortir de là, est-ce que tu me suivras ?
Pause. Acquiescement. Sourire.
-Je ne ferai jamais rien qui puisse te rendre malheureuse.

Elle laisse les larmes couler et pose son front contre celui d’Holden. Il pose doucement ses lèvres contre les siennes, passe son bras autour de sa taille pour l’amener plus près de lui. Ses lèvres glissent sur son cou, elle se laisse faire, surprise. Le soleil projette une lumière orangée sur les murs blancs. Elle sent qu’Holden a du mal à se contrôler, son cœur bat trop fort contre ses côtes.
Sans savoir comment, elle se retrouve allongée sous lui. Ses mains sont posées sur sa taille, sous le T-shirt. Il la fixe de ses yeux bleus, semblant attendre son approbation. Elle a peur.
Il se penche un peu plus, l’embrasse passionnément, s’allonge sur le dos à côté d’elle, passe son bras derrière sa tête. Elle se blottit contre lui. Il respire lourdement dans ses cheveux. Elle tend une main pour déterminer l’expression de son visage.
Il a les yeux fermés, la mâchoire serrée. Il lui attrape la main, entremêle ses doigts aux siens, pose leurs mains sur sa poitrine. Elle ferme les yeux à son tour, se laisse bercer par sa respiration.

-Et donc c’est du football, c’est ça ?
-Si tu veux suivre le match, il faudrait arrêter de poser des questions.
Sourire.
-Mais je ne comprends rien.
-Regarde, je te dis.
Pause.
-Pourquoi ils s’arrêtent ?
-Parce qu’il y a eu une faute. On n’a pas le droit aux contacts trop violents et il faut toucher le ballon quand on fait un tacle.
-Un tacle ?
Soupir.
-Quand on essaye de reprendre le ballon à un adversaire.
-Tous les sports sont aussi compliqués ?
-Non.
Pause.
-Celui-là est sûrement le plus simple.
Rire.

Blottis l’un contre l’autre sur le canapé, ils regardent la télévision. Trois jours après la discussion avec les médecins, ils ont réussi à faire croire que les choses avançaient, mais elle sait qu’ils ne vont pas tarder à vouloir des résultats concrets. Elle ne prend plus ses médicaments, les cache dans son matelas. Sa mémoire ne revient toujours pas mais elle est devenue hypersensible, fond en larmes pour un rien, est envahie constamment par des sentiments trop violents.
Holden arrive à la calmer par sa présence silencieuse, son regard doux. Ce même regard la met parfois mal à l’aise. Elle est consciente qu’il ressent pour elle des choses qu’elle ne peut même pas comprendre, elle l’a vu dans les films. Il semble prêt à tout pour elle et cela lui fait peur.

-Dis, à ton âge, on a déjà eu des… histoires ?
-Tu veux dire des histoires amoureuses ?
Pause.
-Arrête de rougir, la plupart des gens en parlent très facilement. Et oui, je suis sorti avec des hommes avant de venir ici.
-Donc tu as déjà…
-Il ne faut pas que tu aies peur. Tu sais très bien qu’il ne se passera rien tant que tu ne le voudras pas.
-Mais quand même, tu…
-Non, on en a déjà parlé.
-Désolé.

Hors ligne Claudius

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Re : Seule au monde
« Réponse #20 le: 26 Janvier 2018 à 16:44:31 »

Coucou Sophie

J'ai lu les deux extraits, en première lecture c'est une histoire prenante, l'idée est bonne et j'aime beaucoup l'intrigue.

Tu sais que je ne suis pas douée pour analyser, alors je te donne un aperçu juste synthétique. C'est bien vu pour moi ce dialogue mené tambour battant, ça semble sec et pourtant on ressent les sentiments, ou l'absence de sentiment suivant les époques.

Dans la première partie, je en sais plus trop où, j'ai eu du mal parfois à me retrouver dans les dialogues, qui parle à qui.
Mais en relisant je pense que ça sera plus clair.

Une petite remarque : le dernier mot "désolé" ne devrait-il pas être au féminin ?

En tout cas j'ai lu, je relirai pour entrer mieux dans le récit, et j'aime assez pour espérer une suite.

Dernière chose, ton style n'a pas beaucoup changé en 40 ans !  :D :D

« Modifié: 26 Janvier 2018 à 16:52:43 par Claudius »
Usage de la fenêtre : inviter la beauté à entrer et laisser l'inspiration sortir. Sylvain Tesson

Ma page perso si vous êtes curieux

Hors ligne Sophie131

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Re : Seule au monde
« Réponse #21 le: 26 Janvier 2018 à 17:04:26 »
Salut Claudius, contente de voir que ça te plait !

Les dialogues sont en effet un problème, je tiens beaucoup à ce format mais il n'est pas toujours très clair ^^
(Et tout à fait pour désolé, je vais changer de ce pas)

J'ai bien repris le ton de ce texte alors ;)

(Je posterai la suite en deux parties dans quelques jours)

Hors ligne Sophie131

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Re : Seule au monde
« Réponse #22 le: 26 Janvier 2018 à 18:19:37 »
T'es sûr que tu as posté dans le bon sujet jobear ? Je ne vois pas le rapport avec mon texte

Hors ligne Sophie131

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Re : Seule au monde
« Réponse #23 le: 27 Janvier 2018 à 15:53:58 »
Merci pour ton passage Lila ;)

Le rendu robotique est volontaire, mais je comprends qu'il puisse perturber (je trouve ce texte perturbant dans son ensemble, c'était très particulier à écrire)

Et voici donc la suite :)

Une simple pression sur son épaule suffit à la réveiller. Holden se tient à quelques centimètres d’elle, lui montre ses habits posés sur le bureau. Elle se lève en silence, frissonnant, et se change rapidement. Il lui tend une carte, elle n’arrive pas à lire ce qui est inscrit dessus.
Il la pousse doucement dans le dos et appuie sur le bouton d’alarme à gauche de la porte. Quelques minutes après, deux médecins aux yeux embués de sommeil ouvrent la porte. Elle recule, lance un regard d’incompréhension à Holden. Il l’ignore, frappe le premier dans la gorge, l’empêchant de crier. Il esquive la riposte du second, se glisse dans son dos, passe son bras autour de son cou.
Holden la prend par la main, la tire derrière lui. Elle est complètement paniquée, son cœur bat trop vite, sa vision est obscurcie d’un voile noir. Elle court sans même savoir comment. Ils arrivent aux ascenseurs, Holden sort une autre carte de sa poche, mais les portes de métal refusent de s’ouvrir.
Il jure.
Il la tire vers une autre porte semblable à la sienne, qui s’ouvre quand il passe la carte au-dessus de la poignée. La pièce est envahie d’écrans de contrôle. On y voit sa chambre, la télévision, les couloirs vides. Holden la serre brièvement dans ses bras. Il traverse rapidement la salle, ouvre une deuxième porte.
Elle donne sur un couloir aux murs noirs, couverts de tuyaux, éclairé d’une étrange lumière rouge. Il se met à courir vers la droite, elle referme instinctivement la porte derrière eux. Elle a du mal à respirer, son corps n’est pas habitué à l’exercice physique. Au bout du couloir, un escalier métallique descend.
Trois étages plus bas, ils trouvent une nouvelle porte qui débouche sur un grand hall très blanc, illuminé par la lune. Une immense baie vitrée ouvre sur le monde extérieur et elle a du mal à détacher les yeux de ces rues qu’elle voit pour la première fois.

-Qu’est-ce que vous faites ici ?
Voix agressive.
-Tori, il faut qu’on y aille.
-Ne bougez pas, sinon je tire.
-Nous sommes juste venus pour des examens, ce n’est rien.
-Et lui, c’est… Est-ce que c’est une femme ?

Holden s’interpose entre l’homme et elle. Elle essaie de voir par-dessus son épaule mais il la force à baisser la tête.
Un autre gardien surgit d’une petite pièce illuminée et pointe un pistolet sur eux. Elle a vu les dégâts qu’ils font dans les films, elle ne veut pas connaitre la même douleur que ceux qui s’étaient fait tirer dessus. Plusieurs médecins déboulent des ascenseurs. Il est trop tard pour fuir. Holden lui serre la main avant qu’ils ne soient séparés. Elle ne crie pas, ne se débat pas. Elle y a cru, pendant une seconde, une minute. Elle a vu l’extérieur, mais elle ne peut qu’imaginer la sensation d’un vent non traité sur son visage. Elle n’avait plus qu’une vitre à franchir.
Ils la ramènent dans sa chambre, lui donnent de nouveaux médicaments et vérifient qu’elle les avale bien. Quand ils sont partis, en refermant la porte à clé, elle regarde sous son matelas. Les pilules qu’elle y cachait ont disparu. Elle se laisse tomber sur le lit et pleure, évacue la tension qui s’est accumulée dans sa poitrine et qu’elle ne s’était pas autorisée à laisser sortir. Elle se raccroche à la sensation familière des lattes dans son dos, à la lumière qui éclaire les murs blancs et dessine des ombres au plafond.

-Pourquoi est-ce que tu as fait ça ?
-Je veux voir le vrai monde, je veux être libre.
-C’est à cause d’Holden ?
Silence.
-Tu es en danger dehors, tout le monde veut t’utiliser parce que tu es unique. Ici, nous te gardons en sécurité.
Silence.
-Nous allons renvoyer Holden dans quelques jours, le temps de trouver un autre candidat compatible. Je te conseille de lui dire au revoir.

Elle a retenu ses larmes pendant tout le trajet du cabinet du psychologue jusqu’à sa chambre. Elle ne voulait pas pleurer devant le médecin, devant son regard neutre et son visage fermé. Elle a besoin des bras d’Holden. Elle s’accommodait de sa solitude lorsqu’elle ne savait pas ce qu’était la compagnie, elle ne veut plus jamais connaitre ses longues heures solitaires à errer dans les couloirs.
Dans son lit, elle pleure jusqu’à ce que le soleil se couche de nouveau. Un médecin entre et lui dépose un plateau. Elle garde la tête blottie dans ses bras croisés, refusant de le regarder. Elle finit par se redresser au bout de plusieurs minutes. La porte est toujours ouverte, mais il n’y a personne en vue. Délaissant son assiette fumante, elle sort de la chambre et se dirige vers celle d’Holden, quelques mètres plus loin. Comme elle s’y attendait, la porte n’est pas fermée.
Il est assis devant son plateau et lève un regard stupéfait vers elle. De nouveau, les larmes menacent. Il la prend dans ses bras, la serre contre lui de toutes ses forces. Elle se dégage pour l’embrasser, sans un mot, sans un bruit. Doucement, elle le pousse vers le lit. Son cœur bat à tout rompre, elle est terrifiée par ce qu’elle s’apprête à faire, mais elle sait que c’est sa dernière chance. Leur dernière chance.

-Tu es sûre de toi ?
-Oui.
-Vraiment ?
Hésitation.
-Oui.
-Tori, je ne veux pas que tu le regrettes après.
Pause.
-Tu me plais, je… j'en ai vraiment envie.

Elle ne veut pas lever les yeux vers lui, elle ne veut pas rencontrer son regard brûlant. Bien sûr qu'elle a peur, mais il lui a prouvé qu'il était digne de confiance et qu'il ne lui ferait jamais de mal. Elle a envie d'explorer ça avec lui.
Avec un soupir, il cesse de la dévisager et entremêle leurs doigts. Délicatement, il soulève son menton de sa main libre et l'embrasse, insufflant dans ce contact tout l'amour qu'il lui porte. Elle libère ses doigts pour mieux les glisser dans ses cheveux et se laisse faire lorsqu'il la met sur ses genoux. Ses jambes entourent d'elle-même la taille d'Holden, comme elle l'a vu faire dans les films. Il la plaque contre lui pour mieux accéder à son cou. Des frissons la parcourent jusqu'entre ses cuisses et elle ne peut retenir un gémissement. Elle croyait comprendre ce qu'était le désir mais jamais Holden ne l'avait touchée comme ça et elle a l'impression que son corps est en feu.
Il murmure d'une voix rauque contre son oreille mais ses mots sont incompréhensibles. Elle acquiesce tout de même et il s'allonge sur elle. Elle sent son excitation contre son ventre, son corps répond en s'arquant pour ne plus laisser un seul espace entre eux. Ses mains explorent son dos, sous son T-shirt, savourant les muscles dessinés. Holden se redresse brusquement pour se mettre torse nu. Son cœur manque un battement et elle reste figée. Il est beau, comme une œuvre d'art. Il ne se rallonge pas immédiatement et glisse ses mains contre son ventre, l'interrogeant du regard. Elle le laisse faire et il la déshabille lentement. Elle frémit devant son regard empli de désir. Il se plaque contre elle, collant leurs peaux nues, et ses mains explorent la moindre parcelle de son torse, s'arrêtant juste sous sa poitrine. Elle prend sa main pour la glisser plus haut, sans un mot.
Pendant de longues minutes, rien d'autre que leurs baisers et leurs caresses n'existent. Ils ne forment qu'un. Elle a cessé de réfléchir pour se laisser guider par l'envie qui lui tord le ventre.

-On doit te faire des tests.
Pause.
-Tu ne dis rien ?
Pause.
-C'est important pour tout le monde, tu le sais. Ça nous dépasse tous.
-Il y avait d'autres moyens que de vous servir de moi.
-Tu savais que ça se passerait comme ça. Ce n'est pas simplement pour ton bien-être que nous t'avons fait rencontrer Holden, nous devons espérer que vous parveniez à concevoir une fille.
-Pour qu'elle soit comme moi, enfermée et étudiée sans cesse ?
Colère. Regard compatissant.
-Tu es l'avenir de notre espèce. Je suis désolé.
Silence.

Elle est enceinte. Il n'a pas fallu longtemps pour le découvrir, une prise de sang et vingt minutes d'analyse. Suivies de deux heures de tests en tous genres pour s'assurer qu'elle allait bien et que le bébé survivrait à la grossesse. Elle avait une relative liberté tant qu'elle était avec Holden, elle sera maintenant surveillée à chaque instant, bourrée de médicaments et soumise à des examens quotidiens. Mais tout ce qu'elle se demande, c’est s'il restera à ses côtés.
Dans le couloir devant sa chambre, un médecin donne une enveloppe à Holden. Le docteur qui la ramène la tire en arrière, hors de vue, mais l'image est incrustée sur sa rétine. Elle ne veut pas comprendre, elle ne veut pas y croire, mais elle n’est pas idiote. Elle ne sent pas immédiatement les larmes qui dévalent ses joues, mais sa main les essuie mécaniquement. Inspirant profondément, elle se dégage de la prise du docteur sur son bras et avance dans le couloir, ignorant Holden et le médecin.
La porte claque derrière elle et elle s'effondre sur son lit en pleurant. La douleur dans sa poitrine est insoutenable, comme si on compressait son cœur dans un poing de fer. Elle a l'impression de suffoquer et peine à respirer à cause des sanglots qui la secouent. Au travers des larmes, elle le voit entrer et venir s'asseoir à côté d'elle.

Hors ligne Claudius

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Re : Seule au monde
« Réponse #24 le: 27 Janvier 2018 à 16:23:36 »
 :'( :'( :'(

je veux la suiiiiiiiiiiite ! C'est envoûtant, prenant, obsédant  :coeur: :coeur: j'ai avalé à grande goulée cette partie, hummm c'est délicieux !

 :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen:
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Re : Seule au monde
« Réponse #25 le: 27 Janvier 2018 à 16:32:26 »
Bientôt la fin, Claudius ;) contente de voir que ça te plait toujours

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Re : Seule au monde
« Réponse #26 le: 27 Janvier 2018 à 17:18:51 »
Pourquoi ce texte ne m'appartiendrait pas ? Si la question est de savoir qui l'a écrit, c'est bien moi

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Re : Re : Seule au monde
« Réponse #27 le: 27 Janvier 2018 à 23:59:50 »
Pas de problème, même si je me demande bien ce qui a pu te faire penser ça  :???:

Heureuse de savoir que tu as bien accroché à la suite

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Re : Seule au monde
« Réponse #28 le: 28 Janvier 2018 à 15:39:27 »
Je sais pas pourquoi il a dit ça, mais je comprends mieux ta confusion ^^

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Re : Seule au monde
« Réponse #29 le: 28 Janvier 2018 à 16:33:13 »
Et voici la dernière partie :) j'ai l'impression d'être allée un peu vite sur la fin, j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je vous en dis pas plus, je vous laisse la surprise

-Ce n'est pas ce que tu crois.
Silence.
-Tori…
-Ne me touche pas.
-Je l'ai fait pour toi. Pour que tu ne sois plus seule.
-Je n'étais pas seule ! Je t'avais, toi. Ça me suffisait et je croyais que ça te suffisait aussi.
-Ça me suffit. Bien sûr que ça me suffit. Tu es tout ce dont j’ai toujours rêvé.
-Alors pourquoi tu as collaboré avec eux ?
-Après la tentative d’évasion… C’était le seul moyen de rester avec toi.
Pause.
-Tu ne pars pas finalement ?
-Ils savent que tu as besoin de moi, ils veulent que tu ailles bien.

Elle revoit l’enveloppe et le doute persiste, mais elle veut croire Holden, elle veut croire qu’il a fait ça pour elle. C’est si simple de tout pardonner, de tout oublier, devant son regard bleu. Sans réfléchir, elle se glisse dans ses bras, savoure son contact chaud. Leurs lèvres s’effleurent, puis le baiser se fait passionné. Elle veut y croire, plus que tout, parce qu’il est tout ce qu’elle a.
De nouveau, il se place entre ses jambes et glisse ses mains sous son T-shirt pour accéder à sa poitrine. Elle le sent fébrile, complètement livré à son désir. Elle-même veut le sentir de nouveau contre elle, veut partager encore cette intimité, mais l’envie ne la dévore pas. Elle reste consciente de chacun de ses gestes, de chacune de ses pensées. Son instinct ne la guide plus. Pourtant, elle ne se pose pas de question et laisse Holden la déshabiller complètement. Il est maladroit avec son corps de femme, ce corps qu’il ne connait pas, mais elle sent dans ses caresses qu’il a connu d’autres amants avant elle et la jalousie enfle. Elle voudrait être la seule.

-Les deux premiers mois se passent très bien.
Silence.
-Tu es contente, n’est-ce pas ?
Silence.
-Tout se passe bien avec Holden ?
-Oui.
-Tu es heureuse qu’il soit là ?
Hochement de tête.
-Très bien. N’hésite pas à demander tout ce que tu veux, nous voulons que tu sentes au mieux.
-Et si je veux aller dehors ?
-Tu sais bien que ce n’est pas possible.
Pause.
-Alors j’ai tout ce que je peux avoir.

Holden l’attend dans sa chambre. Il ne prend pas la peine de lui demander comment les examens se sont passés, il l’embrasse et commence à la toucher. Elle se laisse faire, épuisée. Cette scène a lieu presque tous les jours. Au début, elle en avait autant envie que lui, puis le désir s’est estompé, mais elle n’a jamais osé lui dire de peur de briser leur lien. Tout le monde ressent du plaisir dans cet acte, pourquoi pas elle ? Elle se dit que c’est parce qu’elle est une femme, alors elle satisfait Holden sans protester. C’est l’une des rares choses qu’ils partagent désormais.
Les longs moments silencieux, allongés l’un contre l’autre à regarder les ombres au plafond, lui manquent. Leurs après-midis devant la télévision, quand il lui expliquait le monde extérieur, lui manquent. Ses emportements sur sa condition de prisonnière lui manquent. Parfois ils passent du temps ensemble, sans se toucher, juste à discuter, mais ils n’ont rien à se dire. Toute leur complicité s’est envolée.

-J’ai une grande nouvelle.
Pause. Soupir.
-Qu’est-ce que c’est ?
-Nous avons appris qu’un laboratoire en Afrique avait lui aussi réussi à préserver une femme. Grâce à notre succès, ils ont accepté de nous la confier pour une fécondation.
-Une… fécondation ? C’est comme ça que vous appelez ça ?
-C’est le terme scientifique.
-Nous sommes des personnes, vous savez.
-Ce n’est pas le sujet de la conversation. Tu vas enfin rencontrer une autre femme.
-Quand vient-elle ?
-Dans une semaine.

Elle a la peau très noire, si loin de sa pâleur à elle. Elle s’appelle Nihahsah, la princesse noire. Nihah, comme ils l’appellent, a l’air plus âgée qu’elle. Elle aussi est petite et mince. Elle flotte dans sa blouse blanche. Elle est entourée de médecins qui la surveillent étroitement, regardant avec méfiance les autres docteurs.
Le directeur du centre dit à tout le monde d’aller dans la salle de réunion et elles se retrouvent seules. Sans un mot, elles se regardent comme on observe un animal étrange. Nihah ne lui ressemble pas du tout. Elle ne sait pas à quoi elle s’attendait, mais ce n’était pas à ça. En même temps, les hommes aussi sont différents les uns des autres, ça doit être normal.
Finalement, elle fait signe à Nihah de la suivre dans les longs couloirs blancs et elles vont s’asseoir devant la télévision. Le bruit d’un film d’action remplit le silence qui bourdonne entre elles.

-Tu connais d’autres femmes ?
-Non. Tu es la première que je rencontre.
-C’est comment l’Afrique ?
-L’Afrique ?
-C’est le nom de ton pays, je crois.
-Ah… C’est plus chaud qu’ici. Enfin je crois. Je ne suis jamais sortie.
-Même pour venir ici ?
-Ils m’ont endormie pour prendre la voiture.
Silence.
-Tu te souviens de quand tu étais petite ?
-Non. Toi non plus j’imagine.
-Ils nous cachent quelque chose.
-Evidemment. Nous sommes des cobayes pour eux. On ne sait même pas ce qu’ils veulent faire de nous, à part nous forcer à nous reproduire au maximum pour avoir des filles. Tant qu’on sera aussi peu nombreuses, on ne sera que du bétail. Si tu as une fille, elle subira le même sort que toi.
Main sur le ventre.
-Comment tu peux en être sûre ?
-Tu as vécu la même chose que moi, et tu n’es pas idiote. Tu sais que je dis la vérité.
Silence.
-Et l’homme qui t’a mise enceinte ?
-Il est toujours là.
-Pour recommencer dès que tu auras accouché.
-Ce n’est pas… Il m’aime.
Regard inquisiteur.
-Tu le penses vraiment ?
-Il est toujours là.
Voix faible. Regard compatissant.
-Tu es une femme, c’est pour ça qu’il est là. Il sera célèbre pour le bébé qui est dans ton ventre.
Silence.
-Non.

Nihah disait peut-être la vérité. Elle ne parvient pas à oublier ses paroles. Sa voix résonne dans sa tête chaque fois qu’elle pose les yeux sur Holden. Après sa rencontre avec la femme africaine, elle l’a repoussé. Juste pour voir. Pour être sûre qu’il l’aimait et qu’il n’allait pas lui en vouloir. Depuis, il ne vient plus. Ils se parlent à peine. Ça fait plusieurs jours. Peut-être que Nihah avait raison.
Nihah passe ses journées dans la salle d’examen maintenant. Elle se sent coupable d’être heureuse de ne plus être le centre de l’attention. Elle sait ce que ça fait d’être un animal de laboratoire, elle devrait compatir. Mais elle est heureuse parce qu’on la laisse tranquille. Elle ne pleure même pas l’absence d’Holden.
Ce qui la rend triste parfois, ce sont les souvenirs. Elle ne pleure pas le Holden d’aujourd’hui, celui qui ne l’aime que pour son corps, mais le Holden qui la poussait à être elle-même, à être plus que ce que les médecins voyaient en elle.
A-t-il vraiment existé ou n’était-ce qu’une manipulation de plus, une façon de lui donner confiance en lui pour mieux se servir d’elle ? Est-elle amoureuse d’un homme qui n’existe pas ? Jusqu’à quel point s’est-il servi d’elle ? Est-ce que tout n’était qu’un mensonge ?
Elle passe ses journées à penser à ces questions, allongée sur son matelas trop mince. Les lattes du sommier lui rentrent dans le dos. Elle fixe les ombres qui évoluent sur le plafond blanc. Ce sont les mêmes journées que trois mois plus tôt. Quand elle était seule. Quand elle n’avait pas rencontré Holden. Quand elle ne savait même pas ce qu’elle était. C’est un retour à la case départ, sauf qu’elle ne peut pas effacer les souvenirs et les questions qui les accompagnent. Elle réfléchit mais, malgré tout ce qu’elle a appris, elle est loin de comprendre toutes les subtilités de la nature humaine. Cette incertitude la ronge, elle l’obsède. Elle veut connaitre les réponses à ses questions. Mais elle ne veut pas demander à Holden.
Un jour, elle cèdera, elle le sait. Parce que malgré ses doutes, elle l’aime.

-Je veux tout savoir.
Froncement de sourcils.
-De quoi tu parles ?
-Est-ce que tu pensais vraiment pouvoir me faire évader ?
-Tori…
-Répond.
Hésitation.
-Non. C’était une idée des médecins, il fallait que tu prennes l’initiative. Si je te forçais, tu te serais brusquée et je n’aurais plus eu aucune chance.
-Qu’est-ce qui était vrai entre nous ?
Silence.
-Je t’ai fait confiance.
-Tu avais besoin de moi.
-Trouve-toi des excuses autant que tu veux, mais tu n’avais pas le droit de me faire ça.
Regard baissé.
-C’est toi qui m’as appris ce que ça voulait dire quand quelqu’un évitait mon regard. C’est toi qui m’as appris la plupart des choses que je sais, d’ailleurs.
-Tu aurais préféré rester dans l’ignorance ?
-Oui.

Elle pleure. Parce qu’elle a la certitude que tout est fini. Il ne lui a même pas menti. Ça la blesse encore plus.
Elle claque la porte de sa chambre derrière elle et fait les cent pas pour se calmer, mais les larmes ne font que couler de plus en plus, noyant ses joues et sa vision. Elle les essuie rageusement et se laisse tomber par terre. La douleur dans sa poitrine s’étend, dévorant tout l’intérieur de son corps, jusqu’à ce qu’elle ne soit plus qu’un trou noir, une boule de souffrance pure dans un corps qu’elle déteste. C’est sur ce ventre qu’Holden a promené ses mains, ce sont ces épaules qu’il a caressées quand elle se sentait mal, ce sont ces lèvres qu’il a embrassées. Elle déteste tout chez elle parce que tout lui rappelle Holden. Ses ongles griffent la peau sensible de son avant-bras, machinalement. La douleur physique remplace celle qui la ronge de l’intérieur. Elle appuie plus fort. Le sang affleure, une grosse goutte coule sur la peau. Elle est d’un rouge étincelant, fascinant.
Elle veut voir plus de sang. Son plateau est toujours sur le bureau, intact. Elle ne mange plus depuis plusieurs jours, alors ils sont obligés de lui faire des injections, mais ils continuent à lui amener son plateau. Le couteau n’est qu’un accessoire, il ne coupe pas. Alors elle prend la fourchette et s’en sert pour élargir l’entaille jusqu’à déchirer complètement son bras. Elle ne sent même plus la douleur. Elle se noie dans la contemplation du sang qui s’échappe de ses veines.
Elle s’allonge sur le dos et continue à regarder son bras levé au-dessus d’elle. Des gouttes tombent sur sa poitrine, tâchant ses vêtements immaculés. Son bras retombe de lui-même. Elle est trop faible pour le soutenir. Ses yeux se ferment. Le monde tangue. Elle va mourir, mais elle n’a pas peur. Elle ne veut plus de cette souffrance, de ce monde dans lequel elle ne vaut que pour l’embryon qui grandit dans son ventre. Elle voulait voir l’extérieur, ces immenses immeubles miroitants qu’elle a découverts à la télévision. Mais elle est prisonnière et elle le sera toujours. Elle rouvre les yeux pour contempler une dernière fois son bras déchiré.
L’alarme retentit enfin. Sa conscience est déjà loin de son corps. Loin de la mare écarlate qui s’étend autour de son bras comme une tâche d’encre. Ses yeux se referment.

 


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