Et cinquante ans après la première partie, j'ai enfin trouvé l'inspiration pour la suite. J'espère que ça vous plaira

Elle regarde Holden qui a toujours l’air gêné. Elle commence à comprendre la situation. Les humains ont besoin d’elle. La dernière représentante de son espèce. Sa considération envers elle lui semble plus claire.
Il semble cependant ne pas lui avoir tout dit et continue de la regarder avec un peu d’appréhension.
Elle attend qu’il parle mais avant qu’il ne le fasse, un médecin amène deux plateaux. Elle se lève pour prendre le sien. Sur celui d’Holden, il n’y a pas de pilule.
Ils mangent en silence, échangeant des regards fréquents. Chacun essaie de comprendre l’autre.
-Pourquoi tu prends des pilules ?
-Pour être en forme.
-Tu en es sûre ?
Pause.
-Peut-être que c’est pour s’assurer que tu sois capable de… la continuité de l’espèce. Et même pour t’empêcher de te souvenir.
-Tu crois ?
-Je ne sais pas, ce ne sont que des théories.
-Je veux comprendre quelque chose. Avant, nos deux espèces avaient des enfants ensemble.
-Oui.
-Ça veut dire qu’ils étaient faits pour être ensemble. Comment avez-vous pu changer au point d’être maintenant avec ceux de votre propre espèce ?
-Nous n’avons pas eu le choix. Notre survie était en jeu. Mais…
Hésitation.
-C’est pour ça qu’il y a eu autant de candidats pour avoir ma place. Les hommes préfèrent toujours être avec des femmes pour la plupart et ils rêvent de te rencontrer.
-Toi aussi ?
Rire gêné.
-Je dois l’avouer, oui. Ce n’était pas simplement pour aider mon espèce.
-Et comment sommes-nous censés… ?
-Nous reproduire ?
-Oui.
Regard fuyant. Rire gêné.
Pause.
-C’est… Je dois avouer que je ne sais pas trop. Enfin, je connais la théorie, mais je n’ai jamais…
Pause.
-Viens, on va regarder la télé. Peut-être que je trouverai quelque chose qui m’aidera à t’expliquer.
Elle se lève, marche en silence jusqu’à la porte. Un médecin est posté derrière. Même s’il évite son regard, elle sait qu’il les a écoutés. Sans savoir pouvoir, cela la gêne. Elle accélère le pas, Holden la suivant de près.
Un plus grand fauteuil a remplacé l’ancien, leur permettant de s’asseoir tous les deux. Cependant, il n’y a pas assez de place pour qu’ils ne se touchent pas et elle se colle à l’accoudoir, mal à l’aise. Le contact d’Holden lui donne d’étranges sensations dans le ventre, quelque chose qu’elle ne connait pas et qui lui fait peur.
Il allume la télévision, fait défiler les chaines. Il s’arrête sur une chaine qui ne diffuse que des films où les humains s’embrassent. Un humain qui ressemble à Holden est blotti dans les bras d’un humain plus grand, qui a passé la main sous son T-shirt. Elle ramène les genoux contre sa poitrine, de plus en plus gênée. Holden la dévisage et elle ne quitte pas les yeux de l’écran. Il tend lentement la main vers sa joue et l’oblige à le regarder.
-Je sais que tu as peur.
Pause.
-Je ne vais rien faire sans ta permission, d’accord ?
-Merci.
Sourire.
Il la regarde avec une telle tendresse qu’elle a envie de s’abandonner dans ses bras mais elle repousse violemment cette idée. Elle regarde de nouveau l’écran. Les humains sont allongés l’un sur l’autre, s’embrassent presque violemment, leurs mains explorent le corps de l’autre. Elle comprend que c’est comme ça que les humains se reproduisent et elle enfouit son visage dans ses mains, plus que jamais consciente de la proximité d’Holden.
Il ne dit rien, passe son bras autour de ses épaules et l’amène doucement vers lui, dans un geste de réconfort. Il pose sa tête contre la sienne, l’enveloppe de son deuxième bras.
-Ne te sens obligée de rien. Tu devrais avoir le choix, comme tout le monde. Tu es humaine autant que moi et ce n’est pas juste, la manière dont ils t’exploitent.
-Je ne suis pas humaine. Je suis la dernière de mon espèce, je dois faire en sorte que d’autres femmes naissent.
-Non. Tu dois penser à toi en tant qu’individu. Tu n’es pas un objet.
Ils se fixent. Il a l’air furieux. Elle touche son visage du bout des doigts, s’attardant sur ses pommettes dessinées et l’os de sa mâchoire. Il est vraiment beau. La respiration d’Holden est hachée, il la fixe avec un regard presque fou.
Soudain, il pose ses deux mains de chaque côté de son visage et appuie sa bouche contre la sienne. Elle recule brutalement, surprise. Son regard a repris son aspect habituel, mais il semble effaré. Il se lève et part en courant, la laissant blottie contre l’accoudoir du fauteuil.
Après quelques minutes à regarder les humains parler autour d’un repas, assis au milieu de plusieurs autres humains en train de manger, elle se lève à son tour et regagne calmement sa chambre. Holden est assis sur le bord du lit et contemple le sol à ses pieds.
-Désolé.
-J’imagine que ce n’est pas facile pour toi non plus. Et je ne suis pas douée pour… discuter. Ou comprendre les sentiments.
-Ce n’est pas ta faute.
Pause.
-Je n’aurais pas dû t’embrasser. Je sais que nous sommes censés… enfin, tu vois, mais je ne veux te forcer à rien.
-Je sais.
Ils se fixent. Il est assis sur le lit, elle est debout face à lui, sans savoir quoi faire de ses bras. Holden se lève et s’approche doucement d’elle, restant à plus d’un pas de distance. Il l’interroge du regard avant de faire un pas en avant et de poser ses mains sur sa taille. Elle a du mal à respirer, son cœur bat trop fort contre sa poitrine.
Holden la serre contre lui, appuyant sa joue sur le sommet de sa tête. Il murmure doucement à ton oreille.
-J’ai vraiment envie qu’on le fasse, mais je refuse de le faire juste pour faire plaisir à une bande de scientifiques.
-Est-ce qu’on a vraiment le choix ?
Pause.
-Arrête de prendre tes médicaments. Et je trouverai un moyen de te faire évader.
-Pourquoi tu serais prêt à faire ça ?
Pause.
-Je ne sais pas. Parce que c’est totalement injuste que tu n’aies aucun libre-arbitre. Parce que j’ai envie que tu veuilles toi aussi être avec moi. Parce que t’es beaucoup trop bien pour rester ici. Parce que tu devrais avoir le droit de voir le monde.
Elle lève la main pour essuyer les larmes qui commencent à couler et s’écarte un peu de Holden pour le regarder dans les yeux. Elle le trouve de plus en plus beau à mesure qu’elle apprend à le connaitre. Elle se met sur la pointe des pieds et l’embrasse doucement. Il la serre plus fort, l’embrasse passionnément.
Un médecin les interrompt en ouvrant brutalement la porte et demande à Holden de le suivre. Elle se retrouve seule et s’assoit sur son lit, appuyée contre le mur, touchant ses lèvres. Elle ne comprend pas les sentiments qui l’agitent mais, à ce moment, elle est heureuse. Elle comprend enfin ce que voulait dire l’homme qui venait parler avec elle.
Des larmes coulent sur ses joues ; elle ne les essuie pas.
-Je peux savoir à quoi tu joues ?
Pause.
-Réponds.
-Je ne sais pas quoi dire.
Pause. Regard furieux.
-Vous prenez votre temps comme s’il n’était pas impératif que tu aies des enfants.
-J’ai encore quelques années à vivre.
Pause. Soupir.
-Ce n’est pas la question. Rien ne nous garantit que vous ayez des filles et il n’en faudra pas qu’une pour garantir la pérennité de ton espèce.
-Je suis humaine.
-Non. Tu es la dernière représentante d’une espèce qui vivait auparavant avec les humains. Mais tu n’es qu’une femme et ton seul devoir est d’avoir des enfants. Si vous ne le faites pas vous-même rapidement, nous trouverons un moyen de vous y forcer.
Pause.
-D’accord.
Quand on referme la porte de sa chambre derrière elle, elle se précipite sur son lit et enfouit son visage dans son oreiller. Holden n’est toujours pas revenu. Elle se relève rapidement et commence à faire les cent pas entre ces quatre murs beaucoup trop blancs. Elle a entendu le médecin fermer à clé, ce qui, d’une manière incompréhensible, la rend furieuse.
Pendant plus de deux mois, elle a subi ce traitement inhumain sans broncher, incapable de penser, ne faisant que contempler le plafond parfaitement lisse, mais depuis qu’Holden est entré dans sa vie, elle est envahie par les sentiments au point de regretter l’apathie des jours précédents. Elle a constamment besoin de sa présence, de son regard sur elle, de ses mots si rassurants.
Et la seule condition pour le garder pour toujours est qu’ils aient des enfants. Pourquoi cela la gêne-t-il autant ?
La porte s’ouvre et il entre. Il la fixe, l’air surpris, et elle touche son visage mouillé. Elle ne s’était même pas rendu compte qu’elle pleurait. Il enveloppe sa main dans les siennes et la fait asseoir sur le lit.
-J’imagine qu’ils t’ont dit la même chose qu’à moi.
-Ils ont menacé de nous forcer.
-Je sais. Ne pleure pas. Je vais trouver une solution.
-Et si on faisait ce qu’ils nous demandent ?
Pause. Surprise.
-Tu es sérieuse ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Qu’est-ce qu’ils t’ont vraiment dit ?
-Non, rien. C’est juste… moi.
Pause.
-Je ressens des choses et je ne sais pas les gérer. Je voudrais qu’elles disparaissent.
-C’est normal d’avoir des sentiments. Ce qui n’est pas normal, c’est que ce soit nouveau pour toi. Si j’ai un moyen de te sortir de là, est-ce que tu me suivras ?
Pause. Acquiescement. Sourire.
-Je ne ferai jamais rien qui puisse te rendre malheureuse.
Elle laisse les larmes couler et pose son front contre celui d’Holden. Il pose doucement ses lèvres contre les siennes, passe son bras autour de sa taille pour l’amener plus près de lui. Ses lèvres glissent sur son cou, elle se laisse faire, surprise. Le soleil projette une lumière orangée sur les murs blancs. Elle sent qu’Holden a du mal à se contrôler, son cœur bat trop fort contre ses côtes.
Sans savoir comment, elle se retrouve allongée sous lui. Ses mains sont posées sur sa taille, sous le T-shirt. Il la fixe de ses yeux bleus, semblant attendre son approbation. Elle a peur.
Il se penche un peu plus, l’embrasse passionnément, s’allonge sur le dos à côté d’elle, passe son bras derrière sa tête. Elle se blottit contre lui. Il respire lourdement dans ses cheveux. Elle tend une main pour déterminer l’expression de son visage.
Il a les yeux fermés, la mâchoire serrée. Il lui attrape la main, entremêle ses doigts aux siens, pose leurs mains sur sa poitrine. Elle ferme les yeux à son tour, se laisse bercer par sa respiration.
-Et donc c’est du football, c’est ça ?
-Si tu veux suivre le match, il faudrait arrêter de poser des questions.
Sourire.
-Mais je ne comprends rien.
-Regarde, je te dis.
Pause.
-Pourquoi ils s’arrêtent ?
-Parce qu’il y a eu une faute. On n’a pas le droit aux contacts trop violents et il faut toucher le ballon quand on fait un tacle.
-Un tacle ?
Soupir.
-Quand on essaye de reprendre le ballon à un adversaire.
-Tous les sports sont aussi compliqués ?
-Non.
Pause.
-Celui-là est sûrement le plus simple.
Rire.
Blottis l’un contre l’autre sur le canapé, ils regardent la télévision. Trois jours après la discussion avec les médecins, ils ont réussi à faire croire que les choses avançaient, mais elle sait qu’ils ne vont pas tarder à vouloir des résultats concrets. Elle ne prend plus ses médicaments, les cache dans son matelas. Sa mémoire ne revient toujours pas mais elle est devenue hypersensible, fond en larmes pour un rien, est envahie constamment par des sentiments trop violents.
Holden arrive à la calmer par sa présence silencieuse, son regard doux. Ce même regard la met parfois mal à l’aise. Elle est consciente qu’il ressent pour elle des choses qu’elle ne peut même pas comprendre, elle l’a vu dans les films. Il semble prêt à tout pour elle et cela lui fait peur.
-Dis, à ton âge, on a déjà eu des… histoires ?
-Tu veux dire des histoires amoureuses ?
Pause.
-Arrête de rougir, la plupart des gens en parlent très facilement. Et oui, je suis sorti avec des hommes avant de venir ici.
-Donc tu as déjà…
-Il ne faut pas que tu aies peur. Tu sais très bien qu’il ne se passera rien tant que tu ne le voudras pas.
-Mais quand même, tu…
-Non, on en a déjà parlé.
-Désolé.