[Anne]

Bonjour !

Je ne suis pas sûre de poster ça au bon endroit, j'ai procédé par élimination...
Et je m'excuse si vous vous sentez trahis par mon titre 

Il s'avère que j'ai eu une idée de roman il y a quelques jours - ce qui ne m'arrive jamais - et que même si j'en suis encore loin j'ai très envie d'y mettre des passages érotiques explicites. Avec délicatesse, pas pornographiques, mais présents et développés.
Du coup je m'interrogeais sur la présence de l'érotique dans les romans quand ils ne le sont pas du tout, les catégories étant très distinctes à ce niveau-là il me semble, puisque je ne me souviens pas avoir lu de scènes d'amour (développées) dans des livres dont ce n'était pas l'objet...
Mais j'ai une mémoire sélective, je me trompe peut-être complètement.

Bref, même si je n'ai pas posté depuis longtemps, j'étais curieuse de connaître votre avis là-dessus, si vous avez déjà lu ou écrit quelque chose qui s'en rapproche vous mêmes et comment vous le percevez.

[Meilhac]

salut Anne
à mon très humble avis tu te prends la tête pour pas grand-ch'
si dans ton roman y a des personnages, et que tes personnages forniquent ou se masturbent et que tu as envie de le raconter, raconte le, de même que tu raconterais qu'ils boivent un coup, vont regarder un match de foot, travaillent, dorment.
et des exemples de romans comme ça y en a des milliards je pense.
après le truc c'est que si tu écris bien, ton passage érotique aura de l'originalité, du caractère, et ne ressemblera pas à des harlequin, et donc pas forcément à ce qu'on entend par "érotique"
Genet
Ferrari
Baudelaire
voilà des auteurs où y a du cul mais pas que du cul
bonne écriture ! 

[ernya]

Je crois que ce topic pourrait t'intéresser. 

[Anne]

Merci 

C'est vrai que c'est un sujet pas évident...

En fait je compte bien écrire ce que je veux, et ce n'est pas la façon de l'écrire qui me pose problème, même si c'est délicat - mais pour moi tout est très délicat à écrire...
C'était vraiment pour avoir des exemples et des avis 

Maintenant que tu le dis, je vois bien ça chez Baudelaire, j'irai peut-être chercher un peu d'inspiration chez lui. Les autres, je ne connais pas...

[Meilhac]

Merci 

C'est vrai que c'est un sujet pas évident...

En fait je compte bien écrire ce que je veux, et ce n'est pas la façon de l'écrire qui me pose problème, même si c'est délicat - mais pour moi tout est très délicat à écrire...
C'était vraiment pour avoir des exemples et des avis 

Maintenant que tu le dis, je vois bien ça chez Baudelaire, j'irai peut-être chercher un peu d'inspiration chez lui. Les autres, je ne connais pas...

En fait le "problème" c'est que "érotisme", soit c'est très poétique, soit c'est harlequin. Concrètement, soit tu as un style intéressant, original, avec du caractère, et à ce moment là, fonce et quoi qu'il arrive ce que tu écriras sera bien, à ta sauce ; soit tu te heurteras à une difficulté : si c'est pas sublimé par un regard décalé, original, poétique, c'est souvent assez chiant à raconter et à se faire raconter, un acte sexuel (à un, à deux, à trois, à mille).

ceux qui s'en sortent très, très bien je trouve, dans le trip "évocation poétique sensuelle" : Baudelaire ; dans le trip "évocation poétique décalée, un peu plus "glacée" - et éventuellement plus drôle - que Baudelaire" : Gainsbourg (ses chansons, et aussi son roman Evguénie Sokolov) ; quant à Ferrari, il fait ça très très bien, c'est un peu drôle, et c'est du cul pas cucul, mais c'est pas "érotique" - pas excitant en tout cas ; quant à Genet, c'est assez saisissant, lui c'est du poétique-trash, c'est à la fois très poétique et très trash, très poétique quoique très trash, et peut-être même très poétique parce que très trash (dans tous les livres de Genet y a des hommes qui s'enculent, et c'est pas vraiment "érotique" mais c'est poétique et puissant). 

et sinon, dans le genre qui ne s'en sortent pas très bien je trouve : Houellebecq ; les scènes de cul sont ni poétiques ni drôles ni originales ; elles font même étonnamment cliché - après, c'est peut-être fait exprès, ça veut faire écho peut-être à la misère sexuelle des personnages - mais bon on n'est pas obligé de rajouter la misère littéraire à la misère sexuelle normalement :--) (je précise que Houellebecq je trouve ça certes pas génial et pas très poétique, mais que j'aime bien quand même, je trouve ça un peu drôle et un peu bien vu sociologiquement) ; Apollinaire : onze mille verges, c'est tout simplement pénible à lire en fait, à l'époque y avait peut-être un vague intérêt, mais là concrètement on croirait un récit érotique sur un forum quelconque, avec quelques audaces scato mais bon... le seul truc marrant chez apollinaire c'est que les mecs "insinuent" leur  bite ici ou là, c'est rigolo ce verbe "insinuer", mais sinon franchement on s'ennuie ; dans le genre chiant aussi : Ernaux, les quelques scènes de cul sont pas terribles (mais bon globalement j'aime pas trop annie ernaux perso) ;
jean-philippe toussaint, y a parfois des scènes pas trop mal.

mais bon, in fine : pas forcément un hasard si les plus grands écrivains font peu de scènes érotiques : un coït en somme c'est émouvant pour ceux qui le font, mais à raconter, c'est souvent moins intéressant qu'une matinée au bureau ou un match de foot, sauf si on a un regard vraiment décalé, drôle, poétique, original.

dommage quand même que Proust n'en ait pas écrites ; lui aurait sûrement écrit des choses trippantes. S'il avait décrit une pénétration comme il décrit la manière dont cambremer manipule son monocle ou dont mme verdurin écoute du wagner ou dont je ne sais plus qui agite son éventail... on se serait bien marrés. 

En tout cas à mon très humble avis il ne faut surtout pas écrire des scènes érotiques en ayant pour objectif d'exciter le lecteur ; à ce moment là, c'est du harlequin, et c'est littérairement nul. L'excitation du lecteur peut éventuellement être un effet collatéral, secondaire, mais pas le but ; de même que quand Huysmans décrit ce que mange des Esseintes, il le fait pas dans le but de donner faim au lecteur, et heureusement.

Gainsbourg, c'est vraiment pas "érotique" au sens où c'est pas particulièrement excitant, mais y a des images tout simplement sublimes, ultra esthétiques, ou drôles, ou riches, ou évocatrices, dans cette https://www.youtube.com/watch?v=0XRL6S7qrx8 longue séance de masturbation, dans ce http://www.paroles.net/serge-gainsbourg/paroles-transit-a-marilou soixante-neuf (à moins que ce soit seulement une fellation, mais plus probablement un soixante-neuf), dans ce https://www.youtube.com/watch?v=07MezqbbeXU coït, dans cet https://www.youtube.com/watch?v=VKtGRC3IAc0 autre coït   

bonne écriture, et tiens nous au jus !
 

[milena-owein]

Tu as des scènes de sexe explicite dans les romans de Robin Hobb (héroic fantasy) et dans les nouvelles de Stéphane Sweig (je suis presque sur que c'est lui).

A mon sens c'est mieux de "prévenir" le lecteur en amont avant de balancer une scène de sexe car comme tu le souligne, si on ne s'attend pas à en trouver ça peut surprendre. Par "prévenir" je ne veux pas dire mettre une indication du type "attention contenu explicite", plutôt intégrés au récit des épisodes ou une esthétique érotisé qui indiqueront au lecteur que le sexe fera partit des sujets du livre.

Là comme ça je pense aussi à Twilight qui érotise presque toutes les interactions entre les deux protagonistes, Bella et Edward (un regard peut être décrit comme une scène de sexe). Je l'ai lu à 17 ans donc je saurais pas dire si c'est vraiment pertinents, mais à voir peut-être.

[Meilhac]

A mon sens c'est mieux de "prévenir" le lecteur en amont avant de balancer une scène de sexe car comme tu le souligne, si on ne s'attend pas à en trouver ça peut surprendre.

?
moi j'ai tendance à penser exactement l'inverse (à moins d'être en mode censeur CSA, mais c'est quand même mieux, le lecteur, de le surprendre que de lui donner pile ce à quoi il s'attend il me semble)

[milena-owein]

C'est un vaste débat en effet
Personnellement je suis du genre plutôt réservé et le sexe dans un récit à tendance à me mettre mal à l'aise plus qu'autre chose, voir me faire sortir du récit, comme si l'auteur me l'imposait alors que j'ai rien demandé. Tendis que quand le récit présente d'amblé le sexe comme un thème possible, je choisi de lire ou pas suivant si l'histoire ou l'écriture me plait ou non.

Bref : surprendre ou prévenir il faut choisir

[Meilhac]

comme si l'auteur me l'imposait alors que j'ai rien demandé.
Bref : surprendre ou prévenir il faut choisir

faut surtout choisir entre mal écrire et bien écrire je suppose :--).
en fait la question n'est pas très bien posée à mon humble avis (cette histoire de "pause"). si y a pas lieu de mettre du sexe dans un récit, faut pas en mettre ; et si y a lieu d'en mettre, c'est ni une pause ni une interruption, c'est un passage du livre, ni + ni - important que les autres.
la question posée  http://monde-ecriture.com/forum/index.php/topic,9730.0.html  est un tout petit peu bizarre aussi au sens où elle isole le sexe du reste (une question plus large pourrait être : comment écrire sans être vulgaire :--)) mais elle est peut-être plus féconde.

bô mon paradoxe c'est que je pense qu'il faut traiter le sexe comme n'importe quel thème ; et que je pense aussi que le sexe dans la littérature c'est important (autrement dit : c'est important qu'on ne s'interdise pas d'en mettre, et, quand on en met, qu'on en mette avec classe et originalité, ni en mode porno trash moche, ni en mode harlequin/téléfilm érotique cucul)

[Anne]

Ah, la pause était dans le topic, pas dans le bouquin 

Ca me donne déjà bien à penser, je vais aller voir tout ça dans les prochains jours !

Je ne connais qu'Ernaux, pas de sexe dans Regarde les lumières mon amour. Et n'ayant pas aimé celui-là je n'ai pas lu les autres...

Dans le genre qui ne prévient pas, j'ai lu hier soir le début des Mille et unes nuits (traduction de Bencheikh et Miquel) 

Oui, Twilight ! Elle s'évanouit tout le temps, c'est fabuleux En jeunesse je me souviens de Quatre filles et un jean aussi, maintenant. J'avais trouva la scène ou ils font l'amour après qu'elle ait posé pour lui pas mal, mais avec le recul c'est peut-être un peu cliché 

Oui je suis plutôt réservée aussi. Mais bien amené, pas vulgaire, ni planplan, quand ça sert l'histoire, je trouve que ça peut apporter beaucoup de richesse...

Du coup je vous détaille un peu l'idée. Il y a deux scènes en particulier qui me tiennent beaucoup à coeur.
La première, c'est une première fois entre deux personnes assez jeunes, autour de 25 ans ; elle, s'est réveillée deux mois plus tôt sans se souvenir de rien, dans un lieu inconnu, bref amnésie totale, c'est donc vraiment une "première fois" pour elle. Ce qui en rajoute une couche, c'est qu'ils sont seuls dans un chalet... Dans ces circonstances j'ai la sensation que ce serait plutôt de ne pas montrer leur rapport qui ferait tourner toute l'histoire au cul-cul absolu. Je veux que ce soit une très belle histoire d'amour, sans véritable coup de foudre, avec beaucoup de douceur mais aussi charnelle. Une scène d'amour ni hyper originale et acrobatique, ni tout à fait banale... Normale, en fait. Et que l'aspect sexuel donne un peu de profondeur au personnage amnésique. Je ne sais pas encore comment je vais traiter ce passage, j'attends de voir.
L'autre, c'est une jeune fille qui se sait condamnée par une maladie qui entame une relation BDSM avec un homme. C'est leur dernière fois, et la plus douce, qui me servirait donc aussi à illustrer indirectement les autres (+ la faiblesse du personnage malade, par ailleurs extrêmement secret et avec une forte façade)... Parce que ça ne me tente pas particulièrement d'aller dans le trash, même suggéré. Même si c'est assez doux en général, puisqu'elle est suivie de près médicalement et qu'il ne faut pas qu'il laisse de traces sur elle. Donc bondage, soft. Sans tomber dans le gentil dominant tout mignon, j'espère... Enfin je vais y travailler. Ils ne sont amoureux en aucun cas. Je suis très attachée à cette scène, je crois qu'elle pourrait montrer beaucoup d'enjeux et de psychologie.

Enfin je crois que je vais bannir tous les termes techniques ("vagin", "verge", "tétons"...) et les métaphores un peu sucrées ("son intimité", "bouton de plaisir" ou que sais-je...), pour me concentrer sur des sensations plus auditives, ou dans des zones moins directes. Sinon il faut dire aussi que c'est plié en deux minutes, et là tout le monde s'ennuierait, y compris moi - à moins de les faire recommencer toute la nuit, mais mes personnages ne sont a priori pas des professionnels

[Anne]

Comme ça... Je viens de l'écrire d'une traite. Ce n'est pas relu. 
Attention : explicite.

Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.

[FinalCrisis]

salut Anne
à mon très humble avis tu te prends la tête pour pas grand-ch'
si dans ton roman y a des personnages, et que tes personnages forniquent ou se masturbent et que tu as envie de le raconter, raconte le, de même que tu raconterais qu'ils boivent un coup, vont regarder un match de foot, travaillent, dorment.
et des exemples de romans comme ça y en a des milliards je pense.
après le truc c'est que si tu écris bien, ton passage érotique aura de l'originalité, du caractère, et ne ressemblera pas à des harlequin, et donc pas forcément à ce qu'on entend par "érotique"
Genet
Ferrari
Baudelaire
voilà des auteurs où y a du cul mais pas que du cul
bonne écriture ! 

salut Anne
à mon très humble avis tu te prends la tête pour pas grand-ch'
si dans ton roman y a des personnages, et que tes personnages forniquent ou se masturbent et que tu as envie de le raconter, raconte le, de même que tu raconterais qu'ils boivent un coup, vont regarder un match de foot, travaillent, dorment.
et des exemples de romans comme ça y en a des milliards je pense.
après le truc c'est que si tu écris bien, ton passage érotique aura de l'originalité, du caractère, et ne ressemblera pas à des harlequin, et donc pas forcément à ce qu'on entend par "érotique"
Genet
Ferrari
Baudelaire
voilà des auteurs où y a du cul mais pas que du cul
bonne écriture ! 

Perso j'ai pas souvenir de personnage qui vont au toilette. Ce qui veut dire qu'il y a des choses importantes et d'autre non. Si dans l'idée de Anne c'est important qu'il face du sport en chambres et bien grand bien leur face. Si c'est trahir tes personnage, je conseil comme fait Elisabeth Peters de les accompagner jusqu'à la porte et de la refermer en restant de l'autre coté. Si c'est pas important, et bien pourquoi l'écrire ? Pour attirer l'oeil du lecteur ?

Je trouverais très drôle (Et je le dis de suite j'en suis incapable) de faire un tel écris et de suggérer au lecteur qu'il est dans un rôle de voyeur un peu "pervers" (Qu'on aime ou pas, hein je critique pas. Ce mot parfois à un coté érotisant)

[Anne]

Je doute aussi d'en être capable, ça pourrait être très dérangeant à lire 
Je n'ai toujours pas tranché.

Pour les toilettes, je n'en ai pas souvenir non plus... Mais je me suis souvent dit en lisant de la SF ou de la fantasy, dans des situations pas évidentes : "ils font comment, là ?".
La distinction important / inutile (+ gênant) est sûrement la bonne, j'imagine qu'une scène aux toilettes pourrait avoir un sens, tout dépend toujours de l'histoire.

[Anne]

Merci pour le déplacement 

J'avais pas mal avancé et en étais arrivée à la première scène que j'envisageais un peu érotique sans vouloir l'expliciter au final...  Ni la taire complètement. Du coup j'étais partie sur une métaphore complètement transparente, j'aimerais bien votre avis là-dessus :

- Le couple est seul dans un chalet sans électricité (justification des chandelles) et vient de faire un excellent repas -

Leurs mains s’étaient trouvées. Elle était venue sur lui, ils s’embrassaient entre les soupirs des bougies. À la chaleur des flammes, leur cire se liquéfiait doucement, et dessinait le long des tiges de délicats motifs, dont les raffinements singuliers ne devaient exister que pour se consumer… De subtils courants d’air frôlant parfois leur mèche, elles poussaient par moments d’imperceptibles râles, parcourues de frissons faisant trembler les flammes, léchant alors les murs de lumières fulgurantes. Quelques-unes, s’embrasant au-delà de leurs limites, s’éteignaient de plaisir dans un dernier souffle… Lorsqu’elles eurent toutes cédé, le couple les ralluma plusieurs fois.

[Verasoie]

J'ai lu ce topic depuis mon téléphone y'a un moment et j'avais pas pris le temps de répondre, je voulais surtout dire que j'appréciais grandement la qualité informative et détaillée des réponses de Meilhac et que je le plussoyais en de nombreux poins !

Je voulais aussi t'encourager, Anne, en plus de ce topic, à poser ta question à Docteur Mout, on recueille des questionnements pour le prochain numéro de notre webzine ! : P

Le dernier passage que tu as mis est, à mon sens, bien écrit et bien maîtrisé au niveau du style (sauf "les soupirs des bougies" parce que bon les bougies ne font pas de bruit ni de déplacement d'air, alors je vois pas à quoi on compare ces soupirs là >_o). Mais, comment dire... Le fait que cette métaphore soit transparente je trouve que ça donne plutôt un effet humoristique. Un peu comme dans les films parodiques (Scary Movie etc) où on voit un personnage féminin astiquer une bougie ou un manche à balai et où on sait tous ce qu'on a en tête, même si concrètement l'image à l'écran n'a rien de sexuel au premier degré. Tu vois ce que je veux dire ? Perso je trouve ton passage très bien écrit MAIS il me fait carrément marrer. Et je pense pas du tout que ce soit l'effet que tu recherches

Comme dit Meilhac, tu te prends certainement trop la tête sur "l'effet" que tu veux produire. Juste, raconte ce que tu as envie de raconter. Pense pas à un "effet", pense à ce que tu racontes. Et ça se fera tout seul, cette nuance entre l'érotique et l'explicite.

(Et pour l'autre passage, sans rentrer dans les détails j'ai surtout été gênée par les répétitions, perso )