Mea culpa, j'ai encore détourné le thème avec un jeu de mot au
ras des pâquerettes...
Chroniques de l’Institut
d’Archéologie Grecque
Nous sommes à Athènes, le 1er
février 1988. Une équipe de chercheurs a été envoyée dans le quartier
sud-est, après un appel d’un habitant proche. Un soir, il y a deux
semaines de cela, Mr. Graphos, cantonnier de métier, a découvert un
objet étrange en construisant un trottoir. Son collègue était en train
de creuser, quand Mr. Graphos vit quelque chose de blanc dépasser de la
terre fraîchement retournée. Il s’approcha, avec prudence, et il
s’aperçut que c’était un bout de papier. Il le retira, mais fut
incapable de lire les inscriptions, écrites en grec ancien. Il décida
alors de prévenir la mairie, qui accourut et pris le papier en
question, en promettant à Mr. Graphos et son collègue de les tenir au
courant des recherches. La mairie a ensuite remis le papier à une
équipe de spécialistes, qui traduisirent le manuscrit ancien. En voici
le contenu :
« Chronique du cours de grammaire, classe de
six et sept ans.
Aujourd’hui, j’ai découvert quelque chose
d’étrange. J’ai donné à faire un exercice à mes élèves, dans le cadre
de l’apprentissage de l’écriture, qui consistait en cela :
/>J’annonçais à l’oral une série de lettres, et les élèves devaient en
écrire chacun une, l’un après l’autre, sur une feuille que je faisais
passer. Je leur indiquais également une couleur pour chacune, afin
d’avoir un mot coloré et agréable à regarder. J’ai donc épelé
l’expression « oi basilei » (note : cela signifie « les rois »), et
neuf élèves composèrent chacun une lettre sur la feuille. Le premier
écrivit le « o » en bleu, le second le « i » en violet, le troisième le
« b » en bleu ciel, le quatrième le « a » en gris, le cinquième le « s
» en noir, le sixième le « i » en jaune, le septième le « l » en vert,
le huitième le « e » en rose et le neuvième le « i » en rouge. Or,
quand la feuille me revint, je m’aperçus que l’un des élèves n’avait
pas respecté la couleur demandée. Le neuvième, un petit garçon du nom
d’Andronicos, né de parents riches, avait fait son « i » de la même
couleur que le « l ». Je ne comprenais pas pourquoi, et je tentai de
trouver une explication. Je sais qu’il était le meilleur ami du
septième élève, Alcibiade, et cela expliquait peut-être pourquoi il
avait utilisé la même couleur malgré ma requête. Je suis donc allé
questionner Andronicos, et je lui ai demandé pourquoi il avait esquissé
sa lettre de la même couleur qu’Alcibiade. Il me répondit en ces termes
:
-Mais, professeur, j’ai utilisé la couleur que vous aviez
demandée !
-Pourtant, tu vois bien que tu as mis la même couleur
que ton ami Alcibiade, lui répondis-je.
-Non, professeur,
Alcibiade a mis du vert et moi du rouge. C'est parce que ces deux
couleurs se ressemblent... Vous confondez ! dit-il, les larmes aux
yeux.
Je commençai alors à me demander sérieusement ce qu’il se
passait. Pourquoi ce fameux « i », dernière lettre de « oi basilei »,
était-il vert ? Andronicos ne semblait pas se rendre compte de son
erreur. Et tous ses camarades de classe étaient d’accord pour dire
qu’il avait recopié la couleur d’Alcibiade, et que la lettre n’était
pas rouge. Finalement, je ne résolus jamais vraiment le problème, et
j’en déduisis qu’Andronicos avait un problème de vision. »
/>Il semble que ce manuscrit date du IVè siècle avant J.-C.
/>L’équipe de spécialistes travaille toujours dessus, mais une première
constatation a été faite : il s’agit de l’écrit le plus ancien qui
décrit le phénomène du daltonisme.