Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

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Auteur Sujet: Florilège de vos plus beaux poèmes d'amour  (Lu 3750 fois)

Hors ligne ernya

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Florilège de vos plus beaux poèmes d'amour
« le: 14 juillet 2018 à 00:38:24 »
Bonsoir,

Ce n'est pas la Saint-Valentin mais ce n'est pas grave. J'aimerais savoir quels poèmes d'amour vous émeuvent. Cela pourra m'aider à choisir quoi donner à lire à mes vauriens de quatrièmes donc allez-y faites-moi rêver, je prends de tout  ^^
"Je crois qu'il est de mon devoir de laisser les gens en meilleur état que je ne les ai trouvés"
Kennit, Les Aventuriers de la Mer, Robin Hobb.

Hors ligne Chouc

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Re : Florilège de vos plus beaux poèmes d'amour
« Réponse #1 le: 14 juillet 2018 à 00:40:15 »
Le Vase Brisé, de Sully-Prudhomme. Découvert à l'école justement.

Citer
Le vase où meurt cette verveine
D’un coup d’éventail fut fêlé ;
Le coup dut effleurer à peine :
Aucun bruit ne l’a révélé.

Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D’une marche invisible et sûre
En a fait lentement le tour.

Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s’est épuisé ;
Personne encore ne s’en doute ;
N’y touchez pas, il est brisé.

Souvent aussi la main qu’on aime,
Effleurant le coeur, le meurtrit ;
Puis le coeur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;

Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde ;
Il est brisé, n’y touchez pas.
Tel esprit qui croyait se pendre.

Eveil

  • Invité
Re : Florilège de vos plus beaux poèmes d'amour
« Réponse #2 le: 14 juillet 2018 à 00:47:38 »
une chanson de Léo Ferré, comme ça tu peux leur faire écouter en même temps :


"Géométriquement tien

Ton corps est comme un vase clos
J'y pressens parfois une jarre
Comme engloutie au fond des eaux
Et qui attend des nageurs rares
Tes bijoux ton blé ton vouloir
Le plan de tes folles prairies
Mon squale qui viendra te voir
Du fond de moi si tu l'en pries

Une herbe douce comme un lit
Un lit de taffetas de carne
Une source dans le midi
Quand l'ombre glisse et me décharne
Un sentiment de rémission
Devant ta violette de Parme
Me voilà soumis comme un pion
Sur l'échiquier que ta main charme

Mon organe qui fait ta voix
Mon pardessus sur ta bronchite


Mon alphabet pour que tu croies
Que je suis là quand je te quitte
Ma symphonie dans ton jardin
La mer dans ta rivière close
L'aigre parfum de mon destin
Sur le delta d'où fuit ta rose

L'odeur canaille de ta peau
Tendue comme un arc vers sa cible
Quand pointe de mes oripeaux
Le point de mire inaccessible
Du feu pour le bel incendie
Que j'allumerai à ta forge
Cette nuit puisque tu me dis
Que ça te remonte à la gorge

Et moi qui ne suis pas régent
De tes propriétés câlines
J'irai comme l'apôtre Jean
Dormir un peu sur ta poitrine
J'y verrai des oiseaux de nuit
Et leurs géométriques ailes
Ne pourront dessiner l'ennui
Dont se meurent les parallèles"

Hors ligne Zacharielle

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Re : Florilège de vos plus beaux poèmes d'amour
« Réponse #3 le: 14 juillet 2018 à 07:20:33 »
Cendrars, toujours  :mrgreen:


Tu es plus belle que le ciel et la mer

Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir

Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises

II y a l'air il y a le vent
Les montagnes l'eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre

Apprends à vendre à acheter à revendre
Donne prends donne prends

Quand tu aimes il faut savoir
Chanter courir manger boire
Siffler
Et apprendre à travailler

Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va-t'en

Je prends mon bain et je regarde
Je vois la bouche que je connais
La main la jambe l'œil
Je prends mon bain et je regarde

Le monde entier est toujours là
La vie pleine de choses surprenantes
Je sors de la pharmacie
Je descends juste de la bascule
Je pèse mes 80 kilos
Je t'aime

Blaise Cendrars, Feuilles de route, 1924

Hors ligne Loup-Taciturne

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Re : Florilège de vos plus beaux poèmes d'amour
« Réponse #4 le: 25 septembre 2018 à 22:24:39 »
Je ne sais pas si ce sujet est d'actualité mais je passe par là. Poèmes d'amour ou poèmes sur l'amour ? Sans doute une part de l'un dans l'autre et réciproquement.

Citation de: Mawlânâ Djalâl-od-Dîn Rûmî, 1973 (XIIIe siècle Ôdes mystiques Dîvân-e-Shams-e-Tabrîzî, Traduction du persan par Eva de Vitray-Meyerovitch et Mohammad Mokri
362

Ses deux yeux pareils aux gazelles capturent les lions ;
Ils font pleuvoir sur moi une pluie de flèches.
L'arc de ses sourcils et la flèche de ses cils
Attestent que c'est lui le maître de ma vie.
Si je suis troublé par ses cheveux épars,
C'est que leur parfum est plus grisant que l'ambre et que le musc.
Si mon âme se cache dans sa chevelure et s'y mêle,
C'est qu'elle est retenue captive dans les chaînes de ses tresses.
Ne cherche pas un cyprès comparable au nôtre,
Car cette beauté est d'une perfection sans égale.
Je jette toute ma vie à ses pieds,
Bien que la vie devant lui ne soit qu'une humble chose.
Prosterne-toi devant l'image du visage du Roi,
Car l'image du Roi est le vizir de la Réalité suprême.

1022

Hier matin, en passant, l'Ami m'a dit :
« Tu es espris et hors de toi ; combien de temps cela durera-t-il ?
Mon visage fait l'envie de la rose, tandis que toi
Tu as les yeux rougis et tu cherches les épines ».
J'ai dit : « Ô toi devant la taille de qui le cyprès semble un arbuste,
Ô toi auprès du visage de qui le flambeau du ciel paraît sombre,
Ô toi par qui le ciel et la terre sont boulversés !
Quoi d'étonnant que je n'aie pas audience près de toi ? »
Il répondit : «  Je suis ta propre âme et ton propre cœur, pourquoi es-tu frappé de stupeur ?
Ne souffle mot, et reste à côté de moi, en pleurant ».
J'ai dit : « Ô toi qui as ravi le repos à mon cœur et à mon âme,
Je n'ai pas la force de rester calme ». il me dit enfin :
« Tu es la goutte de mon océan, ne parle plus.
Sois noyé, et ton âme, comme une coquille, se remplira de perles ».

Mawlânâ Djalâl-od-Dîn Rûmî, 1973 [XIIIe siècle] Ôdes mystiques Dîvân-e-Shams-e-Tabrîzî, Traduction du persan par Eva de Vitray-Meyerovitch et Mohammad Mokri




Citation de: Mahmoud Darwich, 2000 (1999) La terre nous est étroite (et autres poèmes)
L'art d'aimer

Avec la coupe sertie d’azur,
Attends-la
Auprès du bassin, des fleurs du chèvrefeuille et du soir,
Attends-la
Avec la patience du cheval sellé pour les sentiers de montagne,
Attends-la
Avec le bon goût du prince raffiné et beau,
Attends-la
Avec sept coussins remplis de nuées légères,
Attends-la
Avec le feu de l’encens féminin omniprésent,
Attends-la
Avec le parfum masculin du santal drapant le dos des chevaux,
Attends-la
Et ne t’impatiente pas. Si elle arrivait après son heure,
Attends-la
Et si elle arrivait, avant,
Attends-la
Et n’effraye pas l’oiseau posé sur ses nattes,
Et attends-la
Qu’elle prenne place, apaisée, comme le jardin à sa pleine floraison,
Et attends-la
Qu’elle respire cet air étranger à son cœur,
Et attends-la
Qu’elle soulève sa robe qu’apparaissent ses jambes, nuage après nuage,
Et attends-la
Et mène-la à une fenêtre qu’elle voit une lune noyée dans le lait,
Et attends-la
Et offre-lui l’eau avant le vin et
Ne regarde pas la paire de perdrix sommeillant sur sa poitrine,
Et attends-la
Et comme si tu la délestais du fardeau de la rosée,
Effleure doucement sa main lorsque
Tu poseras la coupe sur le marbre,
Et attends-la
Et converse avec elle, comme la flûte avec la corde craintive du violon,
Comme si vous étiez les deux témoins de ce que vous réserve un lendemain,
Et attends-la
Et polis sa nuit, bague après bague,
Et attends-la
Jusqu’à ce que la nuit te dise :
Il ne reste plus que vous deux au monde.
Alors porte-la avec douceur vers ta mort désirée
Et attends-la!...


Mahmoud Darwich, 2000 [1999] La terre nous est étroite (et autres poèmes).



Citation de: Gibran Khalil Gibran, Le Prophète
L'amour

Alors Almitra dit, Parle-nous de l'Amour.
Et il leva la tête et regarda le peuple assemblé, et le calme s'étendit sur eux. Et d'une voix forte il dit :
Quand l'amour vous fait signe, suivez le.
Bien que ses voies soient dures et rudes.
Et quand ses ailes vous enveloppent, cédez-lui.
Bien que la lame cachée parmi ses plumes puisse vous blesser.
Et quand il vous parle, croyez en lui.
Bien que sa voix puisse briser vos rêves comme le vent du nord dévaste vos jardins.
Car de même que l'amour vous couronne, il doit vous crucifier.
De même qu'il vous fait croître, il vous élague.
De même qu'il s'élève à votre hauteur et caresse vos branches les plus délicates qui frémissent au soleil,
Ainsi il descendra jusqu'à vos racines et secouera leur emprise à la terre.
Comme des gerbes de blé, il vous rassemble en lui.
Il vous bat pour vous mettre à nu.
Il vous tamise pour vous libérer de votre écorce.
Il vous broie jusqu'à la blancheur.
Il vous pétrit jusqu'à vous rendre souple.
Et alors il vous expose à son feu sacré, afin que vous puissiez devenir le pain sacré du festin sacré de Dieu.
Toutes ces choses, l'amour l'accomplira sur vous afin que vous puissiez connaître les secrets de votre coeur, et par cette connaissance devenir une parcelle du coeur de la Vie.
Mais si, dans votre appréhension, vous ne cherchez que la paix de l'amour et le plaisir de l'amour.
Alors il vaut mieux couvrir votre nudité et quitter le champ où l'amour vous moissonne,
Pour le monde sans saisons où vous rirez, mais point de tous vos rires, et vous pleurerez, mais point de toutes vos larmes.
L'amour ne donne que de lui-même, et ne prend que de lui-même.
L'amour ne possède pas, ni ne veut être possédé.
Car l'amour suffit à l'amour.
Quand vous aimez, vous ne devriez pas dire, "Dieu est dans mon coeur", mais plutôt, "Je suis dans le cœur de Dieu".
Et ne pensez pas que vous pouvez infléchir le cours de l'amour car l'amour, s'il vous en trouve digne, dirige votre cours.
L'amour n'a d'autre désir que de s'accomplir.
Mais si vous aimez et que vos besoins doivent avoir des désirs, qu'ils soient ainsi :
Fondre et couler comme le ruisseau qui chante sa mélodie à la nuit.
Connaître la douleur de trop de tendresse.
Être blessé par votre propre compréhension de l'amour ;
Et en saigner volontiers et dans la joie.
Se réveiller à l'aube avec un cœur prêt à s'envoler et rendre grâce pour une nouvelle journée d'amour :
Se reposer au milieu du jour et méditer sur l'extase de l'amour ;
Retourner en sa demeure au crépuscule avec gratitude ;
Et alors s'endormir avec une prière pour le bien-aimé dans votre cœur et un chant de louanges sur vos lèvres.

Gibran Khalil Gibran, Le Prophète.
« Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
Je suis toi. Point d'exil
Si je suis toi. Point d'exil
Si tu es mon moi. Et point
Si la mer et le désert sont
La chanson du voyageur au voyageur
Je ne reviendrai pas comme je suis parti
Ne reviendrai pas, même furtivement »

Hors ligne Ambriel

  • Palimpseste Astral
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Re : Florilège de vos plus beaux poèmes d'amour
« Réponse #5 le: 28 septembre 2018 à 16:43:20 »
 :mrgreen: :mrgreen:

En cette ultime danse où se joue le hasard
Plus jamais ne serai ton cavalier de bal.
C'en est un autre qui, sous mon triste regard,
Te fera parcourir en tournoyant la salle.

En cette ultime dans où se joue le hasard
Quand il me faudra dire à ta vie adieu
Je voudrai que pour toi elle ait tous les égards,
Que tu saches un jour t'envoler dans les cieux.

En cette ultime danse où se joue le hasard
Quand je serai certain de te perdre à jamais
Te laisserai aller, regrettant ton départ,
Souhaitant que devant toi s'enfuie les vents mauvais.

En cette ultime danse où se joue le hasard
Nous verrons nos esprits l'un à l'autre avoués.
Nous nous séparerons, endeuillés et hagards,
Quand le nœud qui nous lie se sera dénoué.


--- Bien-Aimé - Robin Hobb · Arnaud Mousnier-Lompré (Traducteur) ---
Mais les copains suivaient le sapin le coeur serré
En rigolant, pour faire semblant de ne pas pleurer
Et dans nos cœurs pauvre joueur d'accordéon
Il fait ma foi beaucoup moins froid qu'au Panthéon

- Georges Brassens -

Eveil

  • Invité
Re : Florilège de vos plus beaux poèmes d'amour
« Réponse #6 le: 23 octobre 2018 à 14:46:37 »
Un poème sans titre de Béatrice Douvre :


"Je t'appellerai d'un langage plus léger
Je te prendrai par la main de personne
Nous aurons la peau lavée, les yeux noyés
Tu cesseras de retenir tes mains contre les grilles
Nous grandirions sans retour

Je toucherai ta peau comme pour revivre
Tremblant du bruit de ton sourire
De ton prénom de neige à la mesure des yeux
De l'âpreté de tes mains

Orée grise d'oiseaux, nous grandirions
Près des fleurs qu'on sèche dans les vases
Près des vitres embaumées de la lumière
Un doigt déchire enfin la vitre

Le jour au nord est mûr
Sans un vent."

Hors ligne Alan Tréard

  • Vortex Intertextuel
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  • Optimiste, je vais chaud devant.
    • Alan Tréard, c'est moi !
Re : Florilège de vos plus beaux poèmes d'amour
« Réponse #7 le: 01 janvier 2019 à 17:41:02 »
Ma chère ernya,

Je profite du nouvel an pour faire renaître ce fil comme tu as profité de la fête nationale pour le faire naître.

Apollinaire, sur le front de cette affreuse guerre, séparé de sa Lou – Louise de Coligny-Châtillon – lui écrit quelques magnifiques pièces d'une ardente sensualité.

Une lecture émouvante.


NOS ÉTOILES

    La trompette sonne et résonne,
    Sonne l’extinction des feux.
    Mon pauvre cœur, je te le donne
    Pour un regard de tes beaux yeux.

    Et c’est l’heure, tout s’endort,
    J’écoute ronfler la caserne,
    Le vent qui souffle vient du Nord,
    La lune me sert de lanterne
    Un chien perdu crie à la mort.

    La nuit s’écoule, lente, lente,
    Les heures sonnent lentement
    Toi, que fais-tu, belle indolente
    Tandis que veille ton amant
    Qui soupire après son amante,

    Et je cherche au ciel constellé
    Où sont nos étoiles jumelles
    Mon destin au tien est mêlé
    Mais nos étoiles où sont-elles?
    Ô ciel, mon joli champ de blé….

    Hugo l’a dit célèbre image
    Booz et Ruth s’en vont là-haut
    Pas au plafond sur le passage
    Comme au roman de Balao
    Duquel je n’ai lu qu’une page

    Un coq lance « cocorico »
    Ensemble nos chevaux hennissent
    A Nice me répond l’Echo
    Tous les amours se réunissent
    Autour de mon petit Lou de Co

    L’inimaginable tendresse
    De ton regard parait aux cieux
    Mon lit ressemble à ta caresse
    Par la chaleur puisque tes yeux
    Au nom de Nice m’apparaissent

    La nuit s’écoule doucement
    Je vais enfin dormir tranquille
    Tes yeux qui veillent ton amant
    Sont-ce pas ma belle indocile
    Nos étoiles au firmament

Poèmes à Lou, XV, Apollinaire
« Modifié: 01 janvier 2019 à 17:43:41 par Alan Tréard »
Mon carnet de bord avec un projet de fantasy.

Hors ligne Doctor Grimm

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Re : Florilège de vos plus beaux poèmes d'amour
« Réponse #8 le: 01 janvier 2019 à 20:26:36 »
ils sont beaux vos poèmes  :coeur:

J'ajoute celui-ci (c'est peut-être pas mon "plus beau" mais c'est le premier qui m'est venu et je l'aime beaucoup)(et je pense que ça peut valoir le coup d'aller fouiller dans le recueil) :

Les Yeux d'Elsa
Louis Aragon

Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire

À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés

Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche

Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages

Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août

J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa



Oh ! Et celui-là aussi  :coeur: :coeur:

Les espaces du sommeil, de Robert Desnos

Dans la nuit il y a naturellement les sept merveilles
du monde et la grandeur et le tragique et le charme.
Les forêts s’y heurtent confusément avec des créatures de légende
cachées dans les fourrés.
Il y a toi.
Dans la nuit il y a le pas du promeneur et celui de l’assassin
et celui du sergent de ville et la lumière du réverbère
et celle de la lanterne du chiffonnier.
Il y a toi.
Dans la nuit passent les trains et les bateaux et le mirage des pays
où il fait jour. Les derniers souffles du crépuscule
et les premiers frissons de l’aube.
Il y a toi.
Un air de piano, un éclat de voix.
Une porte claque. Un horloge.
Et pas seulement les êtres et les choses et les bruits matériels.
Mais encore moi qui me poursuis ou sans cesse me dépasse.
Il y a toi l’immolée, toi que j’attends.
Parfois d’étranges figures naissent à l’instant du sommeil et disparaissent.
Quand je ferme les yeux, des floraisons phosphorescentes apparaissent
et se fanent et renaissent comme des feux d’artifice charnus.
Des pays inconnus que je parcours en compagnie de créatures.
Il y a toi sans doute, ô belle et discrète espionne.
Et l’âme palpable de l’étendue.
Et les parfums du ciel et des étoiles et le chant du coq d’il y a 2 000 ans
et le cri du paon dans des parcs en flamme et des baisers.
Des mains qui se serrent sinistrement dans une lumière blafarde
et des essieux qui grincent sur des routes médusantes.
Il y a toi sans doute que je ne connais pas, que je connais au contraire.
Mais qui, présente dans mes rêves, t’obstines à s’y laisser deviner sans y paraître.
Toi qui restes insaisissable dans la réalité et dans le rêve.
Toi qui m’appartiens de par ma volonté de te posséder en illusion
mais qui n’approches ton visage du mien que mes yeux clos
aussi bien au rêve qu’à la réalité.
Toi qu’en dépit d’un rhétorique facile où le flot meurt sur les plages,
où la corneille vole dans des usines en ruines,
où le bois pourrit en craquant sous un soleil de plomb,
Toi qui es à la base de mes rêves et qui secoues mon esprit plein de métamorphoses
et qui me laisses ton gant quand je baise ta main.
Dans la nuit, il y a les étoiles et le mouvement ténébreux de la mer,
des fleuves, des forêts, des villes, des herbes,
des poumons de millions et millions d’êtres.
Dans la nuit il y a les merveilles du mondes.
Dans la nuit il n’y a pas d’anges gardiens mais il y a le sommeil.
Dans la nuit il y a toi.
Dans le jour aussi.
Toute ma peau est maladésir.

 


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