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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » La Bataille de Bugarach

Auteur Sujet: La Bataille de Bugarach  (Lu 833 fois)

Hors ligne EriG

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La Bataille de Bugarach
« le: 11 février 2013 à 15:30:51 »
La Bataille de Bugarach


Vingt-et-un décembre deux-mille-douze.

Tout le monde attendait cette date, certains avec impatience, exaltation même, d'autres avec appréhension, le reste avec une totale indifférence. Pourtant, rien ne saurait décrire le chaos qui s'est abattu ce jour là sur la petite ville autrefois tranquille de Bugarach.

Je vais essayer quand-même.

Bugarach : Village de quelque deux-cents habitants situé sur la Méridienne Verte à vingt-deux kilomètres au sud de Limoux, dans le département de l'Aude, et proche des Pyrénées-Orientales. C'est ainsi que le décrivait Wikipédia avant de disparaître. Sa grande attraction était le fameux Pic de Bugarach, encore appelé la Montagne Renversée, curiosité tellurique tellement improbable qu'elle a suscité l'intérêt bien avant cette rumeur prétendant que le village serait le seul épargné par la fin du Monde en deux-mille-douze.

Depuis quelques décennies, déjà, les campements hippies n'étaient pas rares, les roches provenant de la montagne ayant la réputation de vertus thérapeutiques. Ainsi, voir des illuminés se promener sur la montagne le pendule à la main n'était pas une nouveauté quand, dès la première moitié de l'année deux-mille-douze, les sectes apocalyptiques s'installèrent aux alentours.
Grâce à Internet, la nouvelle avait fait le tour du Monde : sa montagne aux grottes inondées et insondables protégerait le village de Bugarach de cette fin du monde prévue par les Mayas pour le vingt-et-un décembre. Malheureusement, les Mayas ne nous ont pas donné l'heure.

L'été deux-mille-douze fut un paradoxe touristique pour le maire de Bugarach, un élu comme on aimerait en trouver partout, c'est à dire avec la tête sur les épaules. Certes cet afflux touristique était une aubaine pour les commerçants du village, mais le maire craignait avec raison l'extrémisme et surtout la dégradation de sa chère montagne s'en allant un caillou après l'autre, emportée par les curieux. Ainsi, dès l'été, appela-t-il à la modération et à la raison, rappelant avec cartésianisme que cette fin du monde avait été annoncée par un peuple au calendrier certes plus précis que le nôtre - sans-doute les Mayas auraient-ils ri de nos années bissextiles -, mais ayant été incapable de prédire sa propre disparition puisque leur calendrier s'en allait jusqu'à nous alors qu'eux-même non.

Dès le début de décembre, les choses se dégradèrent. Diverses sectes avaient fleuri aux alentours, les demandes de réservation pour la date fatidique se multipliaient auprès d'un hôtel affichant complet depuis des lustres. Il y eu même un afflux d'acheteurs éventuels désireux de s'installer au village avant la date fatidique. Les campements se multiplièrent autour de Bugarach, tant et si bien que, les dernières semaines avant le vingt-et-un décembre, le maire fut obligé de faire construire un mur de parpaings autour du village et de sa montagne renversée, afin de protéger son électorat des envahisseurs.

La veille de la date annoncée, les fous de tous pays s'étaient agglutinés autour de Bugarach. Ils étaient des milliers à tenir le siège autour de ce village de moins de deux-cents habitants. Par la force des choses, le maire de Bugarach dut faire appel aux forces armées pour défendre son village.

Vingt-et-un décembre deux-mille-douze. Pendant la nuit, l'armée se fraya en silence un chemin parmi les hippies, prédicateurs, défenseurs de la sacro-sainte astrologie et autres allumés de la fin du Monde endormis par le hashisch , les médocs et autres anti-on-ne-sait-pas-trop-quoi. Certains, défoncés au LSD, crurent voir en les tanks, jeeps et fantassins passant par là moulte anges et démons venant confirmer la fin du Monde. Au matin, l'aube se leva sur une défense prête à protéger le village coûte que coûte.

Dès les premiers rayons du Soleil, l'on entendit les prédications des gourous galvanisant leurs foules :

« Aujourd'hui, c'est le jour de la fin du Monde ! Ceux qui survivront gouverneront la Terre comme les Cieux ! Vous avez le choix, fidèles ! Mourir à coup sûr, ou affronter cette armée de Satan avec peu de chance de survie, certes, mais une chance quand-même ! »

Qu'auriez-vous choisi ?
Ainsi commencèrent les combats pour la survie du seul village au monde promis à la survie face à la fin du monde. Les soldats étaient bien armés, mais peu nombreux face à cette foule en délire... ce fut une boucherie ! Les fanatiques armées de grigris et de pendules se jetaient sur les balles et les obus tirés par les fusils et les canons ! Les corps sanglants s'amoncelaient autour de Bugarach, les hordes suivantes escaladant les cadavres de leurs pairs pour parvenir un peu plus loin vers la survie ultime. Au milieu des tanks et des soldats en uniforme, les habitants du village avaient eux aussi pris les armes, qui au fusil de chasse, qui même au tromblon ou à la baïonnette gardée en souvenir de guerres passées qui, elles, semblaient avoir un sens ! Agglutinés sur le mur en parpaings terminé quelques jours à peine auparavant, ils défendirent leur patrimoine, leur gloire, leur montagne si étrange qui leur apportait tant de fierté, non pas pour quelque raison ésotérique, mais parce qu'elle était unique ! Elle était leur !

Quand la marée montante des cadavres d'illuminés dépassa la hauteur de la muraille en parpaings, quand les tanks mêmes furent submergés par les dépouilles de ces fous qui espéraient échapper à la fin du monde en se jetant au devant des balles, les habitants et les quelques soldats restants durent se réfugier dans les grottes de la montagne renversée, acculés dans des couloirs en impasse se terminant par... eh bien de l'eau, je vous l'ai dit : les grottes étaient inondées. Ils périrent en héros, mais sans savoir exactement comment.

Les fanatiques s'étaient rendus maîtres des tanks. Pris dans l'élan, sans même s'apercevoir qu'ils avaient enfin pénétré dans l'enceinte de ce village promis à la survie, ils dirigèrent les canons vers la montagne. Le pilonnage de la montagne ne dura pas longtemps ; c'était la montagne renversée ! C'était cette montagne qui portait ses propres fondations en chapeau sur la tête et, en passant, est-il utile de préciser que Bugarach fut autrefois célèbre pour ses chapeliers ? Non ! La fin du monde est passée ; il n'y a plus personne pour porter le chapeau.

Cette montagne reposait sur une base creusée comme le plus aérien des gruyères. Dès les premiers obus, elle s'écroula sur elle-même. La terre trembla, la montagne partit en poussière dans un fracas et un nuage de graviers qui décima encore quelques-uns des fanatiques réunis autour d'elle. Quand, enfin, la poussière fut retombée, il ne restait rien de la vaillante montagne.

Debout en équilibre sur les monceaux de cadavres de leurs pairs, les fanatiques de la fin du monde survivants marquèrent un long instant de silence, puis se mirent à chanter. La bataille avait duré toute la journée. La nuit s'annonçait déjà largement et toujours pas de fin du monde. Ils restèrent ainsi autour du vide laissé par la montagne, alternant chants et silences, attendant fiévreusement que le calendrier passe au vingt-deux décembre.

A minuit précise, les rangs des survivants commençaient déjà à s'effilocher, quand la terre se mit à trembler. On y était ! Les Mayas ne s'étaient pas trompés : c'était forcément la fin du Monde. La terre trembla de plus en plus fort. Une lumière apparut au milieu des restes de la montagne. De plus en plus éblouissante, elle grossissait, grossissait tandis que les fidèles se mettaient à genoux, prêts à recevoir leur récompense. Soudain, dans un « pop » à peine perceptible, la lumière s'éteignit pour révéler...

Là, au milieu des restes de la montagne, se tenait un être étrange. Petit, nu, gris, avec une tête en forme de poire renversée et des yeux immenses et noirs ; un extra-terrestre ! Un pur stéréotype des témoignages de Roswell se tenait au milieu des décombres de la montagne.

Tous les fidèles se mirent à genoux.

L'extra-terrestre s'avança vers eux. Après un instant d'hésitation, il demanda d'une voix forte et métallique :

« J'arrive trop tard ? »

Un gourou au crâne rasé et à la robe rouge s'avança à son tour vers lui pour clamer :

« Non ! L'instant est arrivé ! Allez-y ! Détruisez le monde ! Nous sommes là pour vous servir ! »

Avec un mouvement de recul, l'extra-terrestre répondit :

« Quoi ? Mais non ! Je ne suis pas là pour détruire le monde, mais pour empêcher la catastrophe !
- Mais quelle catastrophe, s'écria le gourou ? »

L'extra-terrestre lança un regard autour de lui.
Finalement, il s'écria à son tour :

« Pauvres fous que vous êtes ! Vous avez détruit la Porte de Zlorg !
- La... la quoi, s'enquit le gourou d'une voix tremblante ?
- La Porte de Zlorg ! Cette montagne ! »

Le visiteur sembla réfléchir un instant, puis :

« Pour empêcher que l'eau ne s'évacue dans le siphon d'un évier, vous mettez bien un bouchon ?
- Heu, oui, mais enfin... qu'est-ce que ?...
- Cette montagne était le bouchon de votre monde, s'écria l'extra-terrestre, furieux ! Elle obstruait un passage inter-dimensionnel menant directement à un trou... »

SLURP

C'est à ce moment précis que, en une seconde, la Terre toute entière disparut comme dans le siphon d'un évier. Les terriens eurent à peine le temps de crier, en un chant harmonieux quoique bref de milliards de voix terrorisées.

Pardon ?

Comment moi, puis-je être encore là pour vous le raconter ?
Mais enfin, c'est évident, voyons ! C'est parce que...

SLURP
« Modifié: 11 février 2013 à 17:05:52 par EriG »

Hors ligne Kerena

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Re : La Bataille de Bugarach
« Réponse #1 le: 11 février 2013 à 15:47:53 »
C'est super décalé, c'est con, mais j'adore  :mrgreen:

Oui oui, j'aime les commentaires constructifs  :huhu:
Je crois qu'il y a dans le coeur des hommes une place créée pour l'émerveillement, une place endormie qui attend de s'épanouir ~ Les Aventuriers de la mer


Hors ligne EriG

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Re : La Bataille de Bugarach
« Réponse #2 le: 11 février 2013 à 16:01:45 »
Merci  ;D

Mais il va falloir quand-même que je fignole, lol. Entre autres, on va le savoir que l'extra-terrestre a une voix forte  :-¬?

Voilà ! Mais, peut mieux faire encore. Dites moitou !
« Modifié: 11 février 2013 à 17:06:43 par EriG »

Hors ligne Kath

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Re : La Bataille de Bugarach
« Réponse #3 le: 11 février 2013 à 18:47:56 »
Moitou!!!

Euh, enfin

*se reprend*

J'adoooore! :-\!!!! :D
C'est excessif,, irréaliste, crétin, mais j'ai pas vu venir la chute!!!

Relectrice-Correctrice pro, et fière et enthousiaste correctrice du Mout'!

Hors ligne EriG

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Re : La Bataille de Bugarach
« Réponse #4 le: 11 février 2013 à 18:59:29 »
MDR ! C'est fait pour, lol  :D

 


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