Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

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Auteur Sujet: Citations  (Lu 89218 fois)

Hors ligne Marcel Dorcel

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Re : Citations
« Réponse #225 le: 29 décembre 2019 à 10:50:46 »
René Daumal

Le Contre-ciel -Clavicules d’un grand jeu poétique


Je suis mort parce que je n’ai pas le désir ;
Je n’ai pas le désir parce que je crois posséder ;
Je crois posséder parce que je n’essaie pas de donner ;
Essayant de donner, je vois que je n’ai rien ;
Voyant que je n’ai rien, j’essaie de me donner ;
Essayant de me donner, je vois que je ne suis rien ;
Voyant que je ne suis rien, j’essaie de devenir ;
Essayant de devenir, je vis.

Un imbécile ne s'ennuie jamais il se contemple
De Gourmont

Tout dire ou se taire
J Green

 Croyez-vous que je me sois donné la peine de me lever tous les jours de ma vie à quatre heures du matin pour penser comme tout le monde 
J Hardouin

Tout ce qui est atteint est détruit
Montherlant

Hors ligne Marcel Dorcel

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Re : Citations
« Réponse #226 le: 29 décembre 2019 à 10:56:08 »
Si tu pleures de joie, ne sèche pas tes larmes : tu les voles à la douleur.
Paul-Jean Toulet

A ce propos, ce poète peu connu, est une mine d'or en citations exquises.

On a dit de la beauté que c'était une promesse de bonheur. On n'a pas dit qu'elle fut tenue.

Le pardon n'est peut-être que la forme raffinée de la vengeance.
« Modifié: 29 décembre 2019 à 11:08:27 par Marcel Dorcel »
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Hors ligne Alan Tréard

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Re : Citations
« Réponse #227 le: 03 février 2020 à 15:37:40 »
Bonjour aux visiteuses & visiteurs du fil,


J'ai trouvé dans mes lectures quelque chose qui fait le point sur des discussions que nous avons eues récemment, et il s'avère que Sade aborde à la fois la question de l'éducation, de la violence sur les enfants, de l'intérêt général/particulier et de l'interdit.

Je mets l'extrait en spoiler « explicite », parce qu'il met très clairement un personnage gore en scène qui utilise des références littéraires prétendument intellectualisées pour faire l'apologie du meurtre, de l'infanticide et de la torture (l'un des personnages les plus effroyables du bouquin...). Le contexte : Rodin est chirurgien de renom, et sa science ne lui suffisant pas pour s'épanouir, il prend en charge à son domicile des élèves qu'il torture, faisant l'apologie d'une éducation « au service d'intérêts privés », prétendant disposer des enfants comme de l'objet de son autorité omnipotente.

Trêve de présentations, je vous laisse découvrir comment le personnage de Rodin détourne l'objet littéraire à des fins personnelles cruelles et choquantes.


Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.


On voit combien les faits d'histoire servent au personnage pour justifier ses crimes, avec une interprétation de la sagesse humaine étrangement hasardeuse... et cela m'amène à me demander si, lorsque l'étude de notre héritage historique en vient à justifier les pires atrocités, il n'y aurait pas de rupture entre conscience des vérités et abus d'autorité.


Enfin Sade crée des personnages absolument effroyables et redoutables, une lecture qui tord les boyaux. :mrgreen:


À bientôt pour de nouvelles lectures ! ^^
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Hors ligne Marcel Dorcel

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Re : Citations
« Réponse #228 le: 08 février 2020 à 07:58:17 »
« Si un poète ne fait plus peur, mieux vaut qu’il abandonne le monde. »

Pasolini

Dans Le chaos, recueil de textes littéraires et d'essais parus dès l'été 1968 dans l'hebdomadaire "Tempo" dans lequel l'auteur tenait une rubrique intitulée Le Chaos.

« Je déteste le noble silence. Je déteste également une méchante prose hâtive. Mais mieux vaut une méchante prose hâtive que le silence. »
« La caractéristique principale des astronautes (aussitôt perçue d’après ce premier coup d’œil instantané sur leur image photographique) est celle d’êtres rassurants et un brin vulgaires. En cela aussi, les images astronautiques et les images publicitaires se ressemblent. »
«... des types d’hommes moyens et parfaits, exemples de comment on doit être, inesthétiques mais fonctionnels, dépourvus de fantaisie et de passion, mais impitoyablement pratiques et obéissants

Pasolini démonte crûment la mécanique conjointe du capitalisme alliée de la religion. Il s'installe en homme libre, ni prophète ni démon mais témoin pourfendeur du chaos qui menace et aliène la culture.
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Contrainte et littérature
« Réponse #229 le: 23 février 2020 à 08:18:21 »

Contrainte et littérature

L’art est toujours le résultat d’une contrainte. Croire qu’il s’élève d’autant plus haut qu’il est plus libre, c’est croire que ce qui retient le cerf-volant de monter, c’est sa corde.
André Gide

Une idée ne vaut que par la forme et donner une forme à une vieille idée, c’est tout l’art.
Anatole France

Il y a un danger pour les jeunes gens. Ils trouvent en entrant dans la vie trop d’idées éparses autour d’eux, et leur vanité les porte aisément à croire qu’elles leur appartiennent alors qu’elles appartiennent à leur époque.
Léon Blum

Les verbes être et avoir sont, en français, des ennemis mortels du style concret, car ils ramènent toutes les pensées à des équations. [...] Du reste, ces deux auxiliaires bâtissent toutes les phrases sur le même modèle. Ils encouragent l’inertie de l’esprit ; ils entraînent des pléthores d’adjectifs, des multiples d’adverbes. Il faut les fuir comme la peste. Il faut faire la guerre aux adjectifs et aux adverbes ; ce sont les preuves d’un esprit paresseux ou romantique. Il est rare, du reste, qu’un adjectif ne se puisse remplacer par un verbe.
Jean Dutourd

… (Il faut)supprimer d’un texte tout ce que tout le monde connait déjà par le journal ou le cinéma, ce que tout le monde sait avant de le lire, le composer par conséquent de trous. Ce qui reste, c’est de la dentelle.
Alexandre Vialatte

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Re : Citations
« Réponse #230 le: 30 mars 2020 à 14:30:43 »
En ces temps de playa fantasy,


Et pour toutes celles & ceux qui aiment la mythologie, la fantasy, le fantastique, le merveilleux et autres rêvasseries. Je vous conseille de piocher de nouvelles idées dans la poésie d'Apollinaire... Celui-ci a créé quelques magnifiques poèmes mythologiques, je pense notamment à son bestiaire qui est une œuvre des plus imaginatives. ^^

Quelques sélections pour l'occasion :

La Méduse

Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.


Méduses, malheureuses têtes
Aux chevelures violettes
Vous vous plaisez dans les tempêtes,
Et je m'y plais comme vous faites.


Le Poulpe

Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.


Jetant son encre vers les cieux,
Suçant le sang de ce qu'il aime
Et le trouvant délicieux,
Ce monstre inhumain, c'est moi-même.


Les Sirènes



Saché-je d'où provient, Sirènes, votre ennui
Quand vous vous lamentez, au large, dans la nuit ?
Mer, je suis comme toi, plein de voix machinées
Et mes vaisseaux chantants se nomment les années.



Le Dauphin



Dauphins, vous jouez dans la mer,
Mais le flot est toujours amer.
Parfois, ma joie éclate-t-elle ?
La vie est encore cruelle.

Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.


Apollinaire - Le Bestiaire ou Cortège d'Orphée (1911)
« Modifié: 30 mars 2020 à 14:37:17 par Alan Tréard »
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Dernière lettre
« Réponse #231 le: 16 mai 2020 à 10:21:30 »

Lettre du mercredi 30 décembre 1959 d’Albert Camus à Maria Casarès.

Bon. Dernière lettre. Juste pour te dire que j’arrive mardi, par la route, remontant avec les Gallimard lundi (ils passent par ici vendredi). Je te téléphonerai à mon arrivée, mais on pourrait peut-être convenir déjà de dîner ensemble mardi. Disons en principe, pour faire la part des hasards de la route — je te confirmerai le dîner au téléphone.
Je t’envoie déjà une cargaison de tendres vœux, et que la vie rejaillisse en toi pendant toute l’année, te donnant le cher visage que j’aime depuis tant d’années (mais je l’aime soucieux aussi, et de toutes les manières). Je plie ton imperméable dans l’enveloppe et j’y joins tous les soleils du cœur.
A bientôt, ma superbe. Je suis si content à l’idée de te revoir que je ris en t’écrivant. J’ai refermé mes dossiers et ne travaille plus (trop de famille et trop d’amis de la famille !)
Je n’ai donc plus de raison de me priver de ton rire, et de nos soirées, ni de ma patrie. Je t’embrasse, je te serre contre moi jusqu’à mardi, où je recommencerai.
A.

Le 30 décembre 1959, Maria Casarès est à Paris et Albert Camus à Lourmarin. Camus choisit de rentrer à Paris avec son éditeur et dans la matinée du lundi 4 janvier, entre Pont sur Yonne et Montereau, la Facel Vega de Michel Gallimard quitte la route et s’écrase contre un platane. Camus est tué sur le coup. Gallimard meurt quelques jours plus tard. 

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Re : Citations
« Réponse #232 le: 09 juin 2020 à 09:58:44 »
Plutarque raconte l'histoire de la ligue Achéenne dans sa Vie d'Aratos (ou Vie d'Aratus), un récit historique qui se passe au IIIeme siècle avant JC, dans une époque où la Grèce était fréquemment harcelée par les Macédoniens : les Grecs étaient en proie à la dangereuse hégémonie de la Macédoine, menace pour leurs libertés et leur singularité culturelle.

Plutarque expose comment ces communautés diversifiées se sont progressivement constituées en ligue en se rapprochant les unes des autres afin de préserver un certain équilibre ; il assimile cette union à la constitution d'un corps humain.


« Aratus, à sa première sortie, se jeta dans l’Attique, et passa ensuite à Salamine : il mit cette ville au pillage, et se servit des Achéens comme d’un corps de troupes qu’il aurait tiré de prison pour l’employer à tout ce qu’il voulait entreprendre. Mais il renvoya sans rançon les prisonniers athéniens, afin de jeter dans Athènes des semences de révolte contre les Macédoniens. Il attira dans la ligue achéenne le roi Ptolémée, en lui laissant le commandement des troupes de terre et de mer ; et ce trait de politique acquit à Aratus une telle autorité parmi les Achéens que, ne pouvant l’élire chef militaire tous les ans, parce que la loi s’y opposait, ils le nommaient à cette charge de deux années l’une ; mais Aratus, par l’influence que lui donnaient ses actions et ses conseils, était réellement perpétué dans le gouvernement. Car on voyait que ni les richesses, ni la gloire, ni l’amitié des rois, ni l’intérêt de sa propre patrie, en un mot qu’aucun bien n’était à ses yeux préférable à l’accroissement de la ligue achéenne. Il pensait, et non sans raison, que des villes faibles par elles-mêmes, en se liant ensemble par un intérêt commun, se conservent au moyen de cette union réciproque. En effet, de même que les parties du corps humain tirent leur aliment et leur vie de l’union qu’elles ont entre elles, mais, dès qu’elles sont séparées, ne prennent plus de nourriture et finissent par se détruire ; de même aussi tout ce qui rompt la société des villes les conduit à leur dissolution : au lieu qu’elles s’accroissent lorsque, devenues parties d’un corps puissant, elles participent aux avantages d’une sagesse commune. »
Vie d'Aratus, Plutarque, traduction d'Alexis Pierron.
« Modifié: 09 juin 2020 à 10:12:36 par Alan Tréard »
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Citations
« Réponse #233 le: 20 février 2021 à 14:45:00 »
Salut,

je ne sais si un topic existe déjà de ce genre.. Les anciens ont laissés depuis des millénaires des fragments de leurs histoires, de leurs philosophies, de leurs voies. Citons ici les phrases les plus marquantes de leurs auteurs. Je commence :

-----------------------------------------------------------------------------------------------

Lao Zi (concernant un père qui s'inquiète pour son fils qu'il pense fou)
"Si encore il n'y avait qu'un fou par village, qu'un village de fou par région, qu'une région de fou par pays, qu'un pays de fou dans le monde ! Mais c'est le monde entier qui est atteind""

Lao Zi
"Le Sage connaît sa valeur, mais ne s'exhibe pas. Il s'aime, mais ne cherche pas à se faire estimer"

Montesquieu
"Il n'y a de plus cruelles tyrannies que celle que l'on exerce à l'ombre des lois et avec les couleurs de la justice"

Nietzche
"J'aime celui dont l'âme se dépense, celui qui ne veut pas qu'on lui dise merci et qui ne restitue point : car il donne toujours et ne veut point se conserver."

Nietzche
"- Peu de gens savent cela, mais il faut avoir toutes les vertus pour bien dormir.
Dix fois il faut te réconcilier avec toi-même; car s'il est amer de se surmonter, celui qui n'est pas réconcilié dort mal.
Dix fois dans la journée il te faut rire et être joyeux: autrement tu seras dérangé la nuit par ton estomac, ce père de l'affliction.
"
"- M'est avis que ce sage est un fou, avec ses milles pensées, mais il s'entend à bien dormir"

ça fait rêver^^

à vous
Amour Paix Bonheur
////////////////////
Le langage, l'alphabet, la culture, beauté mystique spirituelle
enseigné par les animaux, les forêts, la Nature

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Un diner de promo
« Réponse #234 le: 06 novembre 2021 à 08:59:04 »
Il y aura bientôt cinq ans, j’assistai à un dîner qui réunissait les anciens élèves de ma promotion de l’école des  -------. Il s’agissait de la promotion 1966, c’est dire si aucun d’entre nous n’était vraiment neuf.
Quand la salle de restaurant fut pleine de mes congénères, la vision d’une abondance de crânes chauves, de barbes grises et de gilets de laine tricotés-main commença par réjouir mon esprit taquin. Mais elle m’inspira bientôt d’autres sentiments car, ce soir-là, pour la première fois, je réalisai l’âge avancé que nous avions atteint.

L’un des plaisirs sans cesse renouvelé que procure la lecture de Proust, c’est celui de constater que, nous aussi, un jour, nous avons éprouvé le sentiment qu’est en train de décrire le petit Marcel.
Et, le petit Marcel en est conscient. La preuve, voici ce qu’il écrit dans Le Temps retrouvé :

"En réalité, chaque lecteur est quand il lit, le propre lecteur de soi-même. L’ouvrage de l’écrivain n’est qu’une espèce d’instrument optique qu’il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner ce que sans ce livre, il n’eût peut-être pas vu en soi-même.

Ceci étant dit, si, dans l’extrait qui suit, vous voulez bien remplacer « Les parties blanches de barbe jusque-là entièrement noires » par « l’abondance de crânes chauves, de barbes grises et de gilets de laine tricotés-main », vous aurez l’exact reflet de ce que je ressentis ce soir-là.

"Les parties blanches de barbe jusque-là entièrement noires rendaient mélancolique le paysage humain de cette matinée, comme les premières feuilles jaunes des arbres alors qu’on croyait encore pouvoir compter sur un long été, et qu’avant d’avoir commencé d’en profiter on voit que c’est déjà l’automne. Alors moi qui depuis mon enfance vivais au jour le jour, ayant reçu d’ailleurs de moi-même et des autres une impression définitive, je m’aperçus pour la première fois, d’après les métamorphoses qui s’étaient produites dans tous ces gens, du temps qui avait passé pour eux, ce qui me bouleverse par la révélation qu’il avait passé aussi pour moi. Et indifférente en elle-même, leur vieillesse me désolait en m’avertissant des approches de la mienne."

Le Temps retrouvé

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Restez chez vous - Citations
« Réponse #235 le: 31 août 2022 à 07:40:48 »
Voici pour commencer un court extrait du très léger et tout dernier livre de Philippe Delerm : New York sans New York.

« Il y a eu une époque où pouvoir se targuer d’un périple lointain vous conférait un prestige. Aujourd’hui, même un mot aussi miraculeux que Taj Mahal a perdu son pouvoir poétique. Tout le monde imagine à l’avance ces queues dans les aéroports et ces longs retards humiliants, ces désœuvrements peu gratifiants, ce désir entravé, essoufflé, teint brouillé, posture avachie, tee-shirt de fraîcheur matinale devenu avant même le départ relâché, douteux, uniforme ennuyeux des riches pauvres. »

Si je publie cette chose, ce n’est pas que je la trouve particulièrement réussie sur le plan littéraire, c’est parce qu’elle contribue à me conforter dans mon opinion sur le tourisme et les voyages.
Mais je n’ai pas attendu de lire le New York sans New York de Delerm avant-hier soir pour avoir les voyages touristiques et le tourisme en horreur. Je pense que ça m’est venu très vite, très tôt dans ma désormais longue existence. C’était sans doute une tendance naturelle que n’a pas manqué de renforcer l’expérience acquise au cours des ans et la lecture des grands anciens.

Ah ! les Grands Anciens ! Par exemple, tenez ! Louis-Ferdinand Céline, lapidaire :

Le voyage, un petit vertige pour couillons…

 et Samuel Beckett qui confirme :

On ne voyage pas pour le plaisir. On est con, mais pas à ce point-là !

 Car il ne peut y avoir de satisfaction véritable dans le tourisme, et Cesare Pavese est bien d’accord :

Tout voyage est une agression. Il vous contraint à faire confiance à des inconnus et à perdre de vue le confort familier du foyer et des amis, on est en perpétuel déséquilibre.

 Bernard Arcand ne nous apprend rien quand il déclare :

Heureux le touriste qui a tout vu avant l’arrivée des touristes !

Évidence, bien sûr ! Mais la conséquence que Sam Ewing en tire c’est que

Les touristes veulent toujours aller là où il n'y en a pas.

 Alors, ils s’adressent aux professionnels de l’industrie du tourisme qui, selon Jean Mostler, se définit comme suit :

Le tourisme est l'industrie qui consiste à transporter des gens qui seraient mieux chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux.

 En réalité, les touristes ne sont jamais heureux. Frédéric Dard l’a constaté :

Les touristes, leur manière de tout vérifier par rapport aux guides qu'ils trimbalent. Ils n'admirent pas : ils confrontent.

D’ailleurs, en général, le touriste est idiot car,  comme le disait Émile Genest

Un touriste, c'est quelqu'un qui parcourt des milliers de kilomètres pour se faire photographier devant sa voiture.

Et maintenant, selon moi, le narcissisme est à son comble grâce à

la prolongation indispensable de votre bras, la perche à smart phone, la rallonge à iPhone, la tige à Android, le machin à selfies. C’est la géniale invention qui vous permettra de vous prendre vous-même en photo devant n’importe quoi, tandis que vous ferez un sourire béat, enthousiaste ou stupide au petit rectangle magique avec, dans votre dos, le monument que, de toute façon, vous aurez bien le temps de voir chez vous

 En plus, le tourisme, c’est dangereux ; n’oublions jamais le conseil que Jonathan Swift donnait aux autochtones :

A condition de se poster aux bons endroits, le touriste est plus facile à exterminer que la vipère.

 Mais la meilleure illustration de ce que le touriste tire du voyage, c’est encore Baudelaire qui nous la donne :

Dites, qu’avez-vous vu ?


Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;

Et, malgré bien des chocs et d’imprévus désastres,

Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.
 (...)
Amer savoir, celui que l’on tire du voyage !

Le monde, monotone et petit, aujourd’hui,

Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image :
Un oasis d’horreur dans un désert d’ennui !


Le prix du pétrole augmente ? Celui des billets d'avion aussi ?

Alors, restez chez vous, sacré bonsoir !
« Modifié: 31 août 2022 à 07:42:52 par Champdefaye »

Hors ligne txuku

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Re : Citations
« Réponse #236 le: 31 août 2022 à 18:01:18 »
Bponjpour

un foetus grimacant pendait entre ses jambes
Cendrar - Moravagine

 :)
Je ne crains pas d etre paranoiaque

"Le traducteur kleptomane : bijoux, candelabres et objets de valeur disparaissaient du texte qu il traduisait. " Jean Baudrillard

Hors ligne Kwak'

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Re : Citations
« Réponse #237 le: 31 août 2022 à 18:43:37 »
Citer
Alors, restez chez vous, sacré bonsoir
!

Je me souviens de tes suites africaines... Je me suis arrête au milieu, tant les reports de voyage littéraires m'insupportent, mais content de constater ce revirement improbable ;)

Cocasse cependant comme l'époque change les impératifs. Il fut un temps où l'on lisait ici grande pompe sur tes pérégrinations.
« Modifié: 31 août 2022 à 18:50:03 par Kwak' »

Hors ligne Champdefaye

  • Calame Supersonique
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Re : Citations
« Réponse #238 le: 01 septembre 2022 à 10:16:03 »
Bonjour kwak,
Et merci pour ton commentaire sur mon petit recueil de citations "Restez chez vous"
Mes récits de voyage, ou plutôt celui des anecdotes que j’ai vécues en Afrique ou ailleurs ont été les premiers textes que j’ai écrits. Dans mon esprit, il ne s’agissait pas de décrire un pays exotique quelconque, mais plutôt une minuscule aventure personnelle, survenue souvent à mes dépens, au cours d’un voyage. A part quelques brèves descriptions de lieux touristiques à Rome, ( j’y ai habité) je ne me souviens pas avoir écrit quoi que ce soit à partir d’un voyage touristique. En effet toutes les histoires que j’ai racontées sont arrivées au cours de voyages et de séjours professionnels à l’étranger.
Ce que je n’aime pas, ce que je critique ou ridiculise avec ces quelques citations, c’est le tourisme, pas le voyage. Le tourisme abime les paysages et, plus souvent encore, les villes que j’aime.
J’imagine qu’ici et là, ons’élèvera contre ma position, qu’on la qualifiera d’élitiste, qu’on la dira caractéristique d’un privilégié, qu’on me vantera les bienfaits du tourisme en matière de culture individuelle, d’empathie collective et, allons-y, de paix dans le monde et toute cette sorte de choses…
Et alors ? En disant que je n’aime pas le tourisme, est-ce que je nuis à la culture des autres, à la paix dans le monde ? Soyons sérieux, mes petites opinions n’ont aucune importance, aucune influence et le tourisme progresse à grands pas sans se préoccuper de mes avis. Ça ne m’empêche pas d’aimer en faire part.
Apparemment, tu n’aimes pas les récits de voyage. Moi, ce sont les voyages que je n’aime pas.
« Modifié: 01 septembre 2022 à 10:18:18 par Champdefaye »

Hors ligne Miléna

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Re : Citations
« Réponse #239 le: 01 septembre 2022 à 10:24:42 »
Le tourisme de masse est un problème c'est certain. Mais il n'y a pas que le tourisme de masse heureusement

 


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