[ernya]

Bonjour, les gens. Pour la petite histoire, je dois ficher pour mes cours le bouquin critique Du descriptif de Philippe Hamon. J'ai trouvé dedans des choses intéressantes qui, je pense, peuvent être utiles à nous autres écrivailleurs qui ne savons pas toujours bien comment faire pour que le ou les passages descriptifs de nos textes ne fassent pas artificiels, plaqués sur un texte narratif avec lequel ils n'entretiennent peu ou prou aucun rapport.
Bref, je vais essayer de vous faire un petit résumé sans jargon.

Bon déjà, sur le plan historique (ouais, un peu d'histoire, ça ne fait jamais de mal), la description, à ces débuts, c'était plutôt des morceaux de bravoure, le poète-écrivain montrait comment il savait trop bien écrire (genre je vous fais des pages sur le bouclier d'Achille ou sur une pauvre tente d'Agamemnon parce que je suis Homère et que j'écris grave bien). La description, c'était aussi l'occasion de faire des portraits de personnages et donc de célébrer avec des beaux mots bien choisis et bien placés quelqu'un d'important de qui on voulait se faire bien voir. On se la pète quoi.
Mais à partir en gros du 17e, ça n'a plus trop été bien vu, on s'est dit que ça faisait quand même assez artificiel tout ça et que la description pouvait être dangereuse pour 3 raisons :

• Elle risque d’introduire dans le texte du vocabulaire étranger, notamment du lexique spécialisé donc le lecteur risque de ne rien piger à ce qu'il lit
• En devenant fin et non moyen, elle risque de compromettre l’efficacité de l’unité globale de l’œuvre ou la démonstration
• Comme elle fait "bloc", le lecteur peut tout simplement décider de la sauter (alors à quoi vous êtes fait chier à écrire, hein ?)

Bref à partir de là, on a commencé à se dire que pour qu'une description fonctionne et ne soit pas sautée par le lecteur, il fallait faire en sorte qu'elle s'intègre de manière homogène avec le reste de la narration ou du poème. Eviter de la mettre en relief donc, de trop signaler "attention ceci est une description, vous allez vous faire chier parce que ce que je raconte n'a aucun rapport avec le reste". Fallait pas que ce soit une digression donc, mais bien un passage essentiel permettant par exemple de mieux comprendre ou appréhender un personnage. Pas de portraits gratuits.
On a commencé à se dire que si la description intéressait le personnage, ça pouvait intéresser le lecteur.

Sauf que bon après avec en particulier le roman dit "réaliste", la description-qui-sert-à-rien a retrouvé ses beaux jours. Sauf que je pense que vous êtes beaucoup à vous dire que Balzac abuse et je doute que vous lisiez de manière très attentive toutes les pages d'un Balzac ou d'un Zola. On veut de l'action, bordel, arrêtez de nous parler de la tache sur la commode ! Bref, maintenant la description ça relasse.

Voilà pour le topos historique. Tout ça, c'est bien beau mais ça n'arrange pas nos affaires. Donc passons à non pas des recettes (ça n'existe pas en littérature) mais à des propositions de moyens (repérés par Philippe Hamon dans les grands textes de notre patrimoine) pour rendre un passage descriptif le moins chiant possible.

Bon un des moyens commode, c'est de tout faire passer par le personnage. Par exemple, si vous tenez à décrire votre personnage physiquement, admettons qu'il se nomme Martin, bon, Martin se retrouve à un moment donné devant une glace. Il voit donc son reflet. Hop une petite description physique ici (qui sera motivée par le fait qu'il se voit). Ou alors vous voulez introduire le personnage de Martin mais pour l'instant vous êtes en train de suivre les faits et gestes de Rose, hop Rose et Martin se rencontrent, et quand on rencontre quelqu'un, a priori, on le regarde (pas comme on examine un cheval bien sûr mais on prend note de ses fringues, de sa coupe de cheveux, de sa taille), du coup décrire Martin à ce moment-là par les yeux de Rose, c'est une bonne idée. Et le mieux ce serait d'intégrer des réactions de Rose dans la description. Est-elle étonnée, contente, séduite, dégoûtée, inquiète devant l'aspect physique de Martin ? Bref toujours lier description et impact sur l'intrigue/le personnage.

Pour la description d'un bâtiment par exemple, vous pouvez la faire dans un dialogue.Un personnage pose une question à un autre (genre: "c'est quoi ce bâtiment  ?") et l'autre lui explique et peut donc lui décrire le bâtiment ("et le trou dans le toit de la petite remise là, c'est parce que Martin a voulu sauter dessus du haut du 2e étage sauf que ça s'est effondré").

Pour la description d'un paysage, le motif de la fenêtre peut être une solution facile. Le personnage regarde par la fenêtre et voit tel paysage. Là encore, insister sur ce que ça lui fait de voir tel ou tel truc, ça permet de ne pas rendre la description inutile.

Voilà quelques idées, non exhaustives bien sûr. L'idée, ça serait donc de toujours chercher à motiver la description, à lui donner un sens par rapport à l'intrigue ou au caractère du personnage, bref à la rendre dynamique pour qu'elle s'inscrive pleinement dans le temps de l'histoire et non pas en contre-temps (l'équivalent d'une pause pub quoi).

Bon, je sais pas si ça peut vous aider. 

[Moyen Moyen]

Si si c'est intéressant merci 

Il y a une idée qui me traverse souvent l'esprit à ce sujet sur le fait qu'en littérature l'auteur ne donne à voir que ce qu'il veut au lecteur et que c'est un pouvoir extraordinaire. Je veux dire par rapport au cinéma où tout doit être présent "baigné" dans un univers existant qui vient finalement constamment perturber l'attention du spectateur de la trame de l'histoire.

Mais comme tout pouvoir, il a sa contrepartie qui veut qu'en effet l'auteur ne "s'écoute pas parler", en décrivant sur cinq pages un environnement qui n'aura aucun impact sur le déroulement de l'histoire. Quant à l'ambiance ou au "plantage de décor" à proprement parler je crois que s'il en faut, il faut aussi s'en méfier comme de la peste. C'est très vite plein de lieux communs et ça casse le rythme... sans compter que l'évocation de l'ambiance en question requiert très souvent du lecteur des références liées au contexte géographique, générationnel ou social.

Tous les extrêmes sont possibles en littérature, on pourrait par exemple raconter la fantastique aventure d'un type qui descend une rivière en barque, aperçoit quelqu'un qui l'épi depuis le rivage, part à pied à sa poursuite, se perd, se fait sauver par l'inconnu, etc... sans donner le moindre détail géographique ou temporel, une histoire qui puisse avoir eu lieu depuis l'antiquité jusqu'à aujourd'hui quasiment n'importe où sur terre. Donc voilà quoi les description pour moi c'est souvent superflu.

[Huitieme]

Je rejoins Moyen Moyen, il s'agit d'une analyse (et donc d'un compte-rendu) très intéressante.

Il faut commencer par diviser les descriptions de lieu, de personnages, d'actions, etc. Parce que chacune a un objectif un peu différent (il convient donc aussi de définir l'objectif de chaque description préalablement).

Une description de lieux permettra au lecteur de s'imaginer le contexte géographique. Elle peut être courte ou longue selon l'importance accordée à l'endroit où se déroule l'action :
"Dans sa cuisine, Marinette faisait cuir une omelette" -> bon, on sait qu'elle est chez elle, dans sa cuisine, et qu'elle prépare la popote, on n'a pas forcément besoin d'en savoir plus.
"Dans sa vieille cuisine où flottaient encore des odeurs fraîches d'épices safranées, Marinette faisait cuir une omelette" -> quelle différence avec le premier exemple ? Ben, maintenant, on peut se dire que Marinette est peut-être une passionnée de cuisine qui aime les épices, que sa cuisine est vieille, donc elle habite un appartement/maison vétuste, etc.

Dans ce cas, une description plus longue permet de donner plus d'informations sur un personnage de manière indirecte, à condition de ne pas en abuser.

Pour la description des personnages, j'ai toujours trouvé intéressant la particularité de la littérature de décrire ce qui ne saurait être rendu autrement. Par exemple :
"Riton était blond, la trentaine avec deux yeux bleus comme l'océan" -> le lecteur visualise un peu mieux Riton physiquement, mais un film, une bédé, même un jeux vidéo sauraient nous le montrer sans soucis.
"Riton avait dans les yeux la noblesse de ses ancêtres, mais ils étaient voilés par la tristesse d'avoir vu Rita mourir dans ses bras" -> la description de Riton n'est pas physique, mais le lecteur l'imagine quand même. Seul les descriptions (et à la rigueur les didascalies) peuvent retransmettre ce genre d'informations. Je trouve que c'est une force du roman qu'on ne trouve pas dans les autres médias.

Bon, j'ai seulement survolé ce sujet, et j'espère avoir été clair (rien n'est moins sûr ^-^), mais je finirai sur un conseil que je ne prends moi-même pas toujours en compte :
Il vaut mieux éviter de décrire des choses trop en détail, et plutôt les esquisser. Dessiner les contours. C'est la même différence que l'on peut avoir entre quelqu'un qui vous colle une photo sous le nez et un paysage dessiné à l'encre de Chine. Ça permet ainsi au lecteur de remplir lui même les trous, de s'approprier les lieux, les personnages, etc.

Voilà, bien à vous.

[Ned Leztneik]

Merci Ernya. La démarche est intéressante et peut s'ajouter à d'autres, pour le domaine concerné.

[Miromensil]

J'ai une question 

Avec le nano je suis confrontée à un truc inédit: j'ai imaginé tout un monde (comme c'est beaucoup le cas en fantastique), mais c'est un peu lourd à expliquer, bazarder et décrire bim comme ça dès le début. Donc en fait je "distille" des petits bouts par ci par là, pour ne pas donc que ce soit trop lourd à accumuler. Ma question est: certes ça créé un lieu très énigmatique, mais du coup il y a des infos importantes qui arrivent qu'à la 25e page...Dans le même ordre d'idée, y a la description physique un peu plus complète du perso principal vers la moitié du nano (c'est à dire: je l'ai pas encore écrit).  Donc est-ce que c'est vraiment embêtant pour la compréhension d'avoir ce genre de descriptions au fur et à mesure de l'histoire?

J'espère que j'ai réussi à écrire un truc compréhensible '

[ernya]

A voir en lisant ? C'est difficile de te répondre dans le vide en fait.
L'essentiel reste qu'il vaut mieux que ça fasse pas parachuté, que tu trouves une façon de motiver telle explication ou tel portait à ce moment-là de ton histoire.

[Miromensil]

D'ac je vais penser à ca en écrivant.

Je ne voudrais pas que tu te coltines la lecture de mon nano, ca risque pas d'être fabuleux  xd

[Vivi]

Voilà quelques idées, non exhaustives bien sûr. L'idée, ça serait donc de toujours chercher à motiver la description, à lui donner un sens par rapport à l'intrigue ou au caractère du personnage, bref à la rendre dynamique pour qu'elle s'inscrive pleinement dans le temps de l'histoire et non pas en contre-temps (l'équivalent d'une pause pub quoi).

Bon, je sais pas si ça peut vous aider. 

C'est génial ça ! Merci. J'me demandais souvent si les descriptions automatiques du personnage dès son apparition n'était pas chiantes à force (justement à cause du côté pavé). Ce thread m'a donné de bonnes idées.

J'ai tenté de l'appliquer directement dans mon nano, et je pense que ça en jete pas trop mal 

Comme chaque jour, la jeune femme se poste au plus près de la paroi translucide, sa petite taille n'étant pas pour lui faciliter la tâche aux heures de pointe. Aujourd'hui, elle a la chance extraordinaire d'y trouver une place assise. Posant sa tête contre le moléplast, elle regarde d'un air distrait l'hyper géante bleue ECα en pensant à tous ces souvenirs étranges qui ont déboulé dans sa tête au réveil. Même le lever de la secondaire ECβ — une géante rouge vingt fois plus petite que la primaire — qui enchante les passagers de son balai cosmique, n'arrive pas la tirer de sa mélancolie passagère. Sa joie de vivre s'est éclipsée, à l'instar de la tertiaire ECγ — une naine rouge — cachée par les deux astres flamboyants.

[Daji]

Bonjour,

J'ai cherché si vous aviez déjà abordé ce sujet mais je ne l'ai pas trouvé, alors je lance la question à 1 million:

Quelle est la recette d'une bonne description ?

Je ne suis pas très à l'aise dans cet exercice, ou en tout cas, je n'en ai pas l'impression alors que les descriptions tiennent une place primordial dans chaque écrit. Du coup, avez-vous des conseils, pistes de réflexion, lectures recommandées... ?

Je vous mets 2 descriptions, extraites de 2 de mes textes, n'hésitez pas à les critiquer.

" Près du somptueux buffet, une magnifique jeune femme se sert une énième assiette. Une longue crinière brune aux reflets rougeoyants ondule autour de son parfait petit visage rond. Ses yeux, d’un vert intense, semblent comme enflammés. Ses lèvres pulpeuses et largement rougies sucent avec avidité la petite crevette épicée qu’elle tient du bout de ses ongles parfaitement manucurés. Elle porte une robe moulante d’un vert profond, qui met largement en valeur sa poitrine généreuse et son fessier ferme et galbé. Pour compléter sa tenue, des chaussures à talons de quinze centimètres, étrangement assortis à sa chevelure, assurent un appui ferme à ses immenses jambes. "

"Devant moi se dressait un majestueux portail en fer gris. Il s’ouvrit au moment où ma mère appuya sur le bouton d’un petit boitier électronique qu’elle tenait dans la main. Je pouvais désormais contempler une large allée de béton noir foncé, ornée de rosiers gelés tous plus magnifiques les uns que les autres. Des deux côtés, la pelouse enneigée s’étendait à perte de vue. En face de moi se trouvait une imposante maison de briques rouges. Une immense fontaine la devançait. Un paon, toutes plumes dehors et le bec dirigé vers le ciel, trônait en son centre. Comme nous étions en hiver, elle était malheureusement éteinte mais, ma mère me promit qu’en été, la fontaine rendait le lieu magique. Quel intérêt pourrais-je y trouver, je savais parfaitement que je ne viendrai jamais ici en été. La porte d’entrée était située en hauteur et de larges escaliers y conduisaient, à la manière des châteaux de la renaissance. Choisissez : souhaitez-vous monter par la gauche ou bien par la droite ?
Une fois entrée, un incroyable hall, paré de trois énormes lustres de crystal, d’orangers et d’un impressionnant escalier de marbre, se dévoilait. Je n’eus pas la permission de visiter l’étage. Ma mère me montra rapidement les pièces qui constituaient le rez-de-chaussée : une cuisine digne des plus grands restaurants, une salle à manger grandiose disposant d’une table de bois pouvant faire manger une vingtaine de personnes, les chambres du personnel et, non loin de là, ma chambre. "

[estelle1789]

Bonjour !

Pour répondre à ta question, je ne pense pas qu'il existe de "bonne recette" pour une description. De plus , je pense que cela dépend si l'on veut dresser le portrait d'une personne ou montrer un paysage.

Pour la première description, c'est ainsi que j'aurais fait. Faire un portrait en partant du haut jusqu'en bas.
Mais par exemple, si tu avais voulu insister sur la longueur de ses jambes, tu aurais pu partir des pieds pour remonter jusqu'à la tête. Je pense que le regard serait directement dirigé vers ce point.
Essaie ainsi de mettre un ordre sur les choses que tu veux décrire chez une personne en fonction de la partie sur laquelle tu as envie d'insister.
Voilà ce que je pense de la façon de faire le portrait de quelqu'un.

Pour les paysages, cela dépend également. Chacun a sa façon de faire. Personnellement, quand je veux décrire un paysage, je commence par ce qu'il y a de plus grand pour me concentrer sur la chose la plus importante (par exemple une maison) ; ce que tu as fait également.
Pour ton deuxième exemple, je vais te dire ce que j'en pense :

Je pouvais désormais contempler une large allée de béton noir foncé,

Le noir est forcément foncé

Un paon, toutes plumes dehors et le bec dirigé vers le ciel, trônait en son centre.

Si j'ai bien compris, on est en hiver. Alors que le paon ne fait la roue qu'au printemps, à la saison des amours 

Une immense fontaine la devançait. Un paon, toutes plumes dehors et le bec dirigé vers le ciel, trônait en son centre. Comme nous étions en hiver, elle était malheureusement éteinte mais, ma mère me promit qu’en été, la fontaine rendait le lieu magique.

La troisième phrase et la deuxième devraient permuter. "Elle", c'est bien la fontaine, pas le paon.

Une fois entrée, un incroyable hall, paré de trois énormes lustres de crystal, d’orangers et d’un impressionnant escalier de marbre, se dévoilait

Cristal. Et je trouve cette phrase un peu maladroite, avec trop de virgules. J'aurais écrit : " Une fois entrés, un incroyable hall se dévoila. Il était paré de trois énormes lustres de cristal, d'orangers et d'un impressionnant escalier de marbre.

Ta description en général est très belle, on comprend bien le luxe que tu veux représenter là.
Mais je pense qu'il manque quelque chose... Les cinq sens. Pour moi, c'est une chose primordiale dans la description d'un paysage (après, c'est mon avis). On ne perçoit ton paysage que par les yeux, on n'est pas assez "immergé" dedans.
Tu devrais dire s'il y a des sons, ou bien justement un silence de mort. Et aussi les odeurs de l'hiver... La sève des sapins ou quelque chose comme ça... A toi de choisir les bruits, les odeurs et les sensations propres à ce que tu veux nous faire ressentir.
De la peur, de l'angoisse, de l'admiration (je pense que c'est plutôt cela)... ?
Bien sûr, pour le portrait d'une personne, c'est plus délicat. A part la vue et l'odorat, c'est difficile de représenter une personne par le toucher, l'ouïe ou...le goût, (c'est étrange de dire ça ) si c'est d'un point de vue extérieur.

Donc pour résumer : Je pense vraiment que c'est les cinq sens qui nous font ressentir l'atmosphère qui règne dans le lieu que tu veux nous faire découvrir, ainsi que l'ordre choisi.
Et pour une personne, c'est aussi par quel(s) point(s) tu commences, sur le(s)quel(s) tu veux insister.

Voilà voilà ! Après, c'est ma façon de faire, tu en fais ce que tu veux ! Je suis une débutante, mais je te donnes mon ressenti !

En espérant avoir pu t'aider !

[ernya]

Comme on avait déjà un sujet semblable, je me suis permise de fusionner !