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Le Monde de L'Écriture » Salon littéraire » Salle de lecture » Théâtre et poésie » [Poésie, auteur] Jacques Prévert

Auteur Sujet: [Poésie, auteur] Jacques Prévert  (Lu 48524 fois)

Hors ligne Elhora

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[Poésie, auteur] Jacques Prévert
« le: 27 janvier 2012 à 00:46:29 »
Étonnée de voir que Prévert n'est pas encore cité, je remédie à cela tout de suite  :noange:

Bien connu pour ses textes (que vous avez tous appris en primaire j'imagine) tels que : "pour faire le portait d'un oiseau" ou "le cancre", ce Monsieur que j'admire profondément flirte un moment avec des surréalistes tels qu' André Breton, Robert Desnos et Louis Aragon, puis il quitte le mouvement. Mais je ne vais pas faire sa biographie, je n'en serais pas capable et wiki est toujours là  :P

Mon avis : j'admire son engagement politique, sa simplicité de ton, cette capacité extraordinaire qu'il a de décrire des instants simples et pourtant extrêmement fort émotionnellement.

Je mets ci-dessous trois textes, extraits de son recueil de poèmes "Paroles".

Le premier parle d'une relation amoureuse..

Déjeuner du matin

Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Avec la petite cuiller
Il a tourné
Il a bu le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler

Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder

Il s'est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis son manteau de pluie
Parce qu'il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder

Et moi j'ai pris
Ma tête dans ma main
Et j'ai pleuré

J. Prévert


Le deuxième est un grand cri de désespoir sur l'état du monde, simple (toujours) mais efficace.

Chanson dans le sang

Il y a de grandes flaques de sang sur le monde
où s'en va-t-il tout ce sang répandu
Est-ce la terre qui le boit et qui se saoule
drôle de saoulographie alors
si sage... si monotone...
Non la terre ne se saoule pas
la terre ne tourne pas de travers
elle pousse régulièrement sa petite voiture ses quatre saisons
la pluie... la neige...
le grêle... le beau temps...
jamais elle n'est ivre
c'est à peine si elle se permet de temps en temps
un malheureux petit volcan
Elle tourne la terre
elle tourne avec ses arbres... ses jardins... ses maisons...
elle tourne avec ses grandes flaques de sang
et toutes les choses vivantes tournent avec elle et saignent...
Elle elle s'en fout
la terre
elle tourne et toutes les choses vivantes se mettent à hurler
elle s'en fout
elle tourne
elle n'arrête pas de tourner
et le sang n'arrête pas de couler...
Où s'en va-t-il tout ce sang répandu
le sang des meurtres... le sang des guerres...
le sang de la misère...
et le sang des hommes torturés dans les prisons...
le sang des enfants torturés tranquillement par leur papa et leur maman...
et le sang des hommes qui saignent de la tête
dans les cabanons...
et le sang du couvreur
quand le couvreur glisse et tombe du toit
Et le sang qui arrive et qui coule à grands flots
avec le nouveau-né... avec l'enfant nouveau...
la mère qui crie... l'enfant pleure...
le sang coule... la terre tourne
la terre n'arrête pas de tourner
le sang n'arrête pas de couler
Où s'en va-t-il tout ce sang répandu
le sang des matraqués... des humiliés...
des suicidés... des fusillés... des condamnés...
et le sang de ceux qui meurent comme ça... par accident.
Dans la rue passe un vivant
avec tout son sang dedans
soudain le voilà mort
et tout son sang est dehors
et les autres vivants font disparaître le sang
ils emportent le corps
mais il est têtu le sang
et là où était le mort
beaucoup plus tard tout noir
un peu de sang s'étale encore...
sang coagulé
rouille de la vie rouille des corps
sang caillé comme le lait
comme le lait quand il tourne
quand il tourne comme la terre
comme la terre qui tourne
avec son lait... avec ses vaches...
avec ses vivants... avec ses morts...
la terre qui tourne avec ses arbres... ses vivants... ses maisons...
la terre qui tourne avec les mariages...
les enterrements...
les coquillages...
les régiments...
la terre qui tourne et qui tourne et qui tourne
avec ses grands ruisseaux de sang.

J. Prévert

Et un petit dernier sur l'amour et la prison de l'amour (je suis branchée sur l'amour en ce moment mais ça me passera  ;) )

Chanson du geôlier

Où vas-tu beau geôlier
Avec cette clé tachée de sang
Je vais délivrer celle que j'aime
S'il en est encore temps
Et que j'ai enfermée
Tendrement cruellement
Au plus secret de mon désir
Au plus profond de mon tourment
Dans les mensonges de l'avenir
Dans les bêtises des serments
Je veux la délivrer
Je veux qu'elle soit libre
Et même de m'oublier
Et même de s'en aller
Et même de revenir
Et encore de m'aimer
Ou d'en aimer un autre
Si un autre lui plaît
Et si je reste seul
Et elle en allée
Je garderai seulement
Je garderai toujours
Dans mes deux mains en creux
Jusqu'à la fin des jours
La douceur de ses seins modelés par l'amour.

J. Prévert

Pas sur d'avoir du succès avec ce poète là mais je serais ravie de lire vos avis.

Salutations

 :mafio:
 
« Modifié: 07 septembre 2015 à 23:55:32 par Rain »

Hors ligne FleurdeSel

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Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #1 le: 06 mars 2012 à 17:54:39 »

Mon avis : j'admire son engagement politique, sa simplicité de ton, cette capacité extraordinaire qu'il a de décrire des instants simples et pourtant extrêmement fort émotionnellement.
 

Je ne pourrais m'exprimer plus clairement !

Jacques Prévert est mon poète préféré ! Une simplicité d'écriture mais une profondeur de sentiments qui me laisse... frissonnante ?
Je trouve qu'il y a quelque chose d'étrange, de décalé dans ces poèmes, qui rends le texte plus vivant et quelque part, plus pertinent.

A ces trois poèmes que j'aime beaucoup, j'ai envie d'ajouter :

Le Jardin

Des milliers et des milliers d'années
Ne sauraient suffire
Pour dire
La petite seconde d'éternité
Où tu m'as embrassé
Où je t'ai embrassée
Un matin dans la lumière de l'hiver
Au parc Montsouris à Paris
A Paris
Sur la terre
La terre qui est un astre.

Hors ligne Rain

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Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #2 le: 09 mars 2012 à 14:19:26 »
La seule chose que je sais de ce poète, outre qu'il a fait pas mal de films avec Marcel Carné, c'est que j'ai les premiers vers d'un de ses poèmes qui me tournent  et retournent comme un refrain dans la tête depuis... aussi loin que je me souvienne. Je ne connais pas le bonhomme, et  à vrai dire, je ne sais pas si ça m'intéresse assez pour que j'aille jeter un oeil à ce qu'il a fait d'autre - ou peut-être que j'ai simplement envie de garder ce côté unique d'un poème qui ne ressemble, pour moi, à aucun d'autre (je me dis que si je lis le reste, il perdra peut-être de son mystère, de sa force, enfin c'est pas tout à fait ce que j'ai en tête mais j'arrive pas à m'exprimer, bref).

Du coup, je vous le mets aussi quand même. Na.

Etre ange
c'est étrange
dit l'ange
Etre âne
c'est étrâne
dit l'âne
Cela ne veut rien dire
dit l'ange en haussant les ailes
Pourtant
si étrange veut dire quelque chose
étrâne est plus étrange qu'étrange
dit l'âne
Etrange est !
dit l'ange en tapant des pieds
Etranger vous-même
dit l'âne
Et il s'envole.
Perdu

Hors ligne Meilhac

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Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #3 le: 09 mars 2012 à 16:10:17 »
j'ai vu "Les enfants du paradis" son film, j'avais trouvé ça pas mal

il a dû faire des chansons aussi j'imagine ("Les feuilles mortes").

par contre sa poésie à vrai dire je suis pas fan

Elhora, tu peux nous en dire un peu + sur les engagements politiques du gars ?

Hors ligne FleurdeSel

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Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #4 le: 09 mars 2012 à 19:22:33 »
Je savais pas qu'il avait fait des films...
En revanche je me souviens d'un dessin animé qui s'appelait Le Roi et l'oiseau, qui est génial, et dont Prévert à écrit les dialogues.

Hors ligne Meilhac

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Re : Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #5 le: 09 mars 2012 à 19:25:15 »
Je savais pas qu'il avait fait des films...
En revanche je me souviens d'un dessin animé qui s'appelait Le Roi et l'oiseau, qui est génial, et dont Prévert à écrit les dialogues.
en fait c'est pareil : dans "Les enfants du paradis", il a fait les dialogues je crois.

Oui, Le roi et l'oiseau c'est pas mal (la fin est un peu lourde j'avais trouvé, un peu longue, un peu too much, un peu didactique, mais pas trop mal sinon)

pehache

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Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #6 le: 16 mars 2012 à 18:37:41 »
C'est son frère, Pierre, cinéaste, qui l'amène au cinéma.

Hors ligne Jété

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Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #7 le: 08 janvier 2013 à 16:10:51 »
Paroles m'avait vraiment laissé sur ma faim ; il y a du bon et du moins bon dans tous les recueils de poèmes, mais là j'étais un peu déçu de Prévert vu tout le tintouin qu'on en fait régulièrement. Par contre, je relis avec plaisir le recueil Fatras, agrémenté d'images choisies/retouchées par Prévert. Il y a aussi pas mal de documents rigolos, comme la réponse de Prévert à un curé qui a utilisé l'un de ces textes.. Il finit d'ailleurs son texte sur cette formule de politesse :

Je termine par quelques phrases de politesse que j’ai le tact, comme le plaisir, de garder secrètes. :mrgreen:

D'autres extraits déjà notés sur mon recueil de citations :

« Mangez sur l’herbe
Dépêchez-vous
Un jour ou l’autre
L’herbe mangera sur vous »


« Je suis heureuse
Il m’a dit hier
Qu’il m’aimait
Je suis heureuse et fière
Et libre comme le jour
Il n’a pas ajouté
Que c’était pour toujours. »


« Bien sûr, des fois, j’ai pensé à mettre fin à mes jours, mais je ne savais jamais par lequel commencer. »  :D
« [...] Et, se glissant sous les couvertures, il dormit d’un sommeil de plomb, comme, seuls, dorment les bienheureux qui ignorent les hémorroïdes, les puces et l’excès de facultés intellectuelles. » Gogol

Hors ligne Vergüenza

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Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #8 le: 22 janvier 2013 à 13:19:06 »
Dans ce recueil-là, j'aime particulièrement ce poème :

Je suis comme je suis

Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j'ai envie de rire
Oui je ris aux éclats
J'aime celui qui m'aime
Est-ce ma faute à moi
Si ce n'est pas le même
Que j'aime à chaque fois
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Que voulez-vous de plus
Que voulez-vous de moi

Je suis faite pour plaire
Et n'y puis rien changer
Mes talons sont trop hauts
Ma taille trop cambrée
Mes seins beaucoup trop durs
Et mes yeux trop cernés
Et puis après
Qu'est-ce que ça peut vous faire
Je suis comme je suis
Je plais à qui je plais
Qu'est-ce que ça peut vous faire
Ce qui m'est arrivé
Oui j'ai aimé quelqu'un
Oui quelqu'un m'a aimée
Comme les enfants qui s'aiment
Simplement savent aimer
Aimer aimer...
Pourquoi me questionner
Je suis là pour vous plaire
Et n'y puis rien changer.
"La villanìa es perdonable, la ingratitud nunca."

pehache

  • Invité
Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #9 le: 22 janvier 2013 à 19:22:48 »
Déjeuner du matin

   Il a mis le café      Il a allumé      Il a mis
   Dans la tasse      Une cigarette      Son manteau de pluie
   Il a mis le lait      Il a fait des ronds   25 Parce qu'il pleuvait
   Dans la tasse de café   15 Avec la fumée      Et il est parti
5 Il a mis le sucre      Il a rais les cendres      Sous la pluie
   Dans le café au lait      Dans le cendrier      Sans une parole
   Avec la petite cuiller      Sans me parler      Sans me regarder
   Il a tourné      Sans me regarder    Et moi j'ai pris
   Il a bu le café au lait   20 Il s'est levé      Ma tête dans ma main
 Et il a reposé la tasse   Il a mis   Et j'ai pleuré.   
   Sans me parler   Son chapeau sur la tête      Jacques Prévert,  Paroles,  éd. Gallimard.

pehache

  • Invité
Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #10 le: 22 janvier 2013 à 19:23:51 »
La poésie de Jacques Prévert

Texte A

Pourquoi la poésie de Jacques Prévert est-elle si médiocre, à tel point qu'on éprouve parfois une sorte de honte à la lire? L'explication classique (parce que son écriture « manque de rigueur ») est tout à fait fausse; à travers ses jeux de mots, son rythme léger et limpide, Prévert exprime en réalité parfaitement sa conception du monde. La forme est cohérente avec le fond, ce qui est bien le maximum qu'on puisse exiger d'une forme. D'ailleurs quand un poète s'immerge à ce point dans la vie, dans la vie réelle de son époque, ce serait lui faire injure que de la juger suivant des critères purement stylistiques. Si Prévert écrit, c'est qu'il a quelque chose à dire; c'est tout à son honneur. Malheureusement, ce qu'il a à dire est d'une stupidité sans bornes; on en a parfois la nausée. Il y a de jolies filles nues, des bourgeois qui saignent comme des cochons quand on les égorge. Les enfants sont d'une immoralité sympathique, les voyous sont séduisants et virils, les jolies filles nues donnent leurs corps aux voyous; les bourgeois sont vieux, obèses, impuissants, décorés de la Légion d'honneur et leurs femmes sont frigides; les curés sont de répugnantes vieilles chenilles qui ont inventé le péché pour nous empêcher de vivre. On connaît tout cela; on peut préférer Baudelaire. L'intelligence n'aide en rien à écrire de bons poèmes; elle peut cependant éviter d'en écrire de mauvais. Si Jacques Prévert est un mauvais poète, c'est avant tout parce que sa vision du monde est plate, superficielle et fausse. Elle était déjà fausse de son temps; aujourd'hui sa nullité apparaît avec éclat, à tel point que l'oeuvre entière semble le développement d'un gigantesque cliché.

MICHEL HOUELLEBECQ, « Jacques Prévert est un con » publié dans Interventions, 1998. Éditions Flammarion.

1. limpide: très clair.
2. stylistiques: qui concernent la manière d'écrire.
Texte B

C'est tout simple et génial. L'enfance de l'art ou l'art de l'enfance. En vérité, n'importe qui est Prévert à son insu, n'importe qui peut le devenir. Lui-même n'a rien fait d'autre toute sa vie. Une casquette, un mégot, le tour est joué. Le reste est fourni par la rue: nuits blanches, copains, chats, gouttières, neufs durs, filles au bord du suicide, ouvriers, enfants pas sages, mauvais en français, mauvais en tout genre? Pour ce champion du monde à l'envers, un oiseau c'est un poisson, « la mer est un mouvement perpétuel » et le mot, quel qu'il soit, un premier pas vers la poésie.
D'un recueil à l'autre   Paroles, Des bêtes, Spectacle, Grand Bal du printemps, Charme de Londres, Histoires et d'autres histoires  , l'art poétique de Prévert semble n'évoluer que peu. La simplicité mène le jeu des mots et des rythmes.  L'homme reste un enfant perdu chez les grands. Pourquoi renoncer au meilleur de soi-même? Prévert enchante... l'art de rien
J'étais là quand la chose s'est passée A côté du pont Neuf Non loin du monument qu'on appelle La Monnaie J'étais là quand il s'est penché Et c'est moi qui l'ai poussé Il n'y avait rien d'autre à faire je suis la Misère J'ai fait mon métier Et la Seine a fait de même Quand elle a refermé sur elle Son bras fraternel
En vérité, ce révolutionnaire aspire à la nostalgie. Il n'oublie jamais qu'à douze ans il avait déménagé six fois, plus ou moins à la cloche de bois', pendu six fois la crémaillère entre Paris et la Méditerranée. De quoi devenir le poète doux-amer des bonheurs jamais vécus à temps.

YANN QUEFFELEC, « La poésie est l'un des surnoms de la vie » publié dans Télérama, hors-série Jacques Prévert, 2000.

1.   à son insu : sans en avoir conscience. 2. à la cloche de bois : déménager sans prévenir, clandestinement.







Je ne sais pas si Prévert est un grand poète, ce que je sais, c’est que c’est un poète. Un poète au sens populaire du terme, un enfant de Richepin, de Coutet, un oncle de Dimey.
La poésie de Prévert est un art du pauvre : peu de rimes, peu de mots, une économie des moyens au service d’un regard. Un regard qui, d’ailleurs, parfois chavire vers l’impossible et la tête à l’envers.
La poésie de Prévert est un art du pauvre : ici, nulle envolée philosophique, nul aphorisme, nulle pensée « profonde », non parce que Prévert serait trop “bête”, mais parce qu’il a, délibérément, choisi de “donner à voir”, non d’expliquer.
Art du pauvre encore : on n’y recueille guère de ces perles parfaites qui scintillent dans la poésie des grands maîtres du XIX°, de ces vers que l’on suce comme des bonbons mais qui, probablement, échouent à dire la vie concrète des hommes.
Art pour tous, car Prévert sait nous dire, nous chanter le quotidien dans sa banalité –et la révolte qui n’est jamais très loin.
Alors, peu m’importe si nombre de ses « personnages » sentent le cliché, ils ne sont que le décor sur lequel le poème s’inscrit.

Hors ligne Meilhac

  • Comète Versifiante
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Re : Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #11 le: 22 janvier 2013 à 19:35:53 »
Moi j'aime pas Prévert, je trouve ça pénible, le style, le rythme, les sons ne me touchent pas du tout et je suis assez d'acc' avec la phrase de houellebecq sur "l'oeuvre entière" qui semble le développement d'un gigantesque cliché"
La poésie de Prévert est un art du pauvre : ici, nulle envolée philosophique, nul aphorisme, nulle pensée « profonde », non parce que Prévert serait trop “bête”, mais parce qu’il a, délibérément, choisi de “donner à voir”, non d’expliquer.
Sur ce point précis Pehache, euh il y en a beaucoup des poètes qui choisissent de donner à voir et non d'expliquer, non? je veux dire, de rimbaud à baudelaire, de nerval à mallarmé, les (bons) poètes sont, fort heureusement, assez peu dans l'explication, oder ?

(verlaine est peut-être un peu plus reulou de ce point de vue (auteur assez peu sensuel je trouve verlaine, je l'aime moins que les autres stars de la french poezy :-))

pehache

  • Invité
Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #12 le: 22 janvier 2013 à 19:38:34 »
LE GUIDE- Suivez le guide!
UN TOURISTE- Je suis le guide.
SON CHIEN-Je suis mon maître.
UNE JOLIE FEMME-Je suis le guide. Donc je ne suis pas une femme, puisque je suis un homme.
LE TOURISTE-Je suis cette jolie femme.
SON CHIEN-Et moi aussi, je suis cette femme puisque je suis mon maître.
LE GUIDE-Suivez le guide. Moi, je ne suis pas le guide, puisque je suis le guide.
LE TOURISTE-Je voudrais bien savoir qui est cette jolie femme que je suis
SON CHIEN-Je ne suis pas mon maître, puisque je suis mon maître et que cela m’ennuie.
LA JOLIE FEMME-Je suis le guide. Je suis la foule, je suis un régime, je suis la mode, je ne suis plus une enfant...Oh! J’en ai assez! Je ne suis plus personne. (Elle disparaît)
LE GUIDE-Oh! J’en ai assez! Je démissionne. (Il disparaît)
LE TOURISTE-Oh! Je ne suis plus le guide, je ne suis plus un homme, je ne suis plus une femme, je ne suis plus rien. (Il disparaît)
LE CHIEN-Enfin! Je ne suis plus mon maître, donc je suis mon maître et je ne visiterai pas les châteaux de la Loire!                                           
JACQUES PREVERT (  Fatras  )

pehache

  • Invité
Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #13 le: 22 janvier 2013 à 19:41:32 »
Euh... camarade, c'est pas de moi, mais je ne sais plus de qui.
J'ai noté ça... et mangé la référence.
J'ai honte.

Euh...  après relecture et vérification, c'est bien de moi quand même, mais si vieux que je l'avais oublié.
J'ai encore honte, donc.
« Modifié: 24 janvier 2013 à 08:43:49 par pehache »

Hors ligne soline

  • Tabellion
  • Messages: 39
Re : Jacques prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
« Réponse #14 le: 21 février 2013 à 08:29:41 »
Le Message

La porte que quelqu’un a ouverte
La porte que quelqu’un a refermée
La chaise où quelqu’un s’est assis
Le chat que quelqu’un a caressé
Le fruit que quelqu’un a mordu
La lettre que quelqu’un a lue
La chaise que quelqu’un a renversée
La porte que quelqu’un a ouverte
La route où quelqu’un court encore
Le bois que quelqu’un traverse
La rivière où quelqu’un se jette
L’hôpital où quelqu’un est mort.

Celui-ci me trotte dans la tête depuis quelques jours. L'enumeration est une technique difficile, rarement reussie,  Prevert la maitrise a merveille. C'est drôle comme marche la mémoire, je crois ne plus avoir pensé a ce poème depuis mon adolescence, et le voila qui me revient sans raison apparente.
J'ai décidemment du mal avec Houellebecq. Ses critiques sonnent comme un déversement de sa propre frustration. On a le droit de ne pas aimer Prévert, mais franchement, une telle avalanche d'injures est-elle vraiment justifiée?
Je ne crois pas que Prévert soit "le poète du pauvre". Qu'est ce que cela veut dire d'ailleurs? C'est un peu condescendant. Parce qu'il n'y a pas de rimes, parce que les mots sont simples, comme les situations, ce serait de la poésie pour « les pauvres »?

 


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