C'est étonnant, ce livre avait pas de fil ! Du coup j'en fait un, hein.
Et Krik dit : "Shraavilshâ, ton peuple ne peut dominer ce monde, car je n'en ai pas décidé ainsi. La Terre toute entière sera ton ennemie, Prince-aux-mille-ennemis, chaque fois qu'ils t'attraperont, ils te tueront. Mais d'abord, ils devront t'attraper... toi qui creuses, toi qui écoutes, toi qui cours, prince prompt à donner l'alerte. Sois ruse et malice, et ton peuple ne sera jamais exterminé."
Ce n'est pas le début du livre, mais le mythe de la naissance des lapins
ouvre le film d'animation qui en est tiré, "La folle escapade", et je la trouve vraiment chouette.
Le livre s'ouvre sur une garenne de lapins, et l'un d'eux, Fyveer, reçoit de terribles visions sur la destruction prochaine de la garenne. Accompagné de son frère Hazel et d'autres lapins, ils décident de quitter les lieux et de trouver des lieux plus propices à une vie paisible, contre la volonté du
Padi-Shâ, maître de la garenne. Ils rencontreront bien d'autres animaux dans leur périple, mais ce sont surtout les lapins eux-même et les hommes qui sèmeront leur parcours d'embûches.
Je l'ai lu il y a un petit mois, et j'ai beaucoup beaucoup aimé ce bouquin, en fait. C'est relativement long (544 pages dans mon édition), mais ça se lit franchement bien, limite j'aurais pu demander pour un peu plus !
En fait j'ai surtout accroché aux personnages et à la façon dont l'auteur nous fait ressentir (selon lui, évidemment) la vie de lapin : le qui-vive constant, la proximité avec les autres, les limites intellectuelles et physiques, la peur, la solidarité, etc. Et d'un point de vue plus romancé, il développe tout un semblant de langage, par petites touches : les lapins
farfalent à
krik-zé, se structurent en
Hourda, s'isolent pour faire
raka, etc. et surtout, Richard Adams évoque toute une mythologie des lapins, à travers un Ulysse à longues oreilles et au poil tout doux :
Shraavilshâ, dont les lapins se racontent les aventures pour se donner du courage, se réconforter, ou simplement pour se divertir. J'ai trouvé ces petits contes qui parsèment le récits délicieux, genre c'est ouf comment c'est trop bien ficelé à chaque fois, je pense que je retournerai les relire de temps en temps.
Les différents lapins qui composent le groupe que l'ont suit sont étonnamment tous bien dépeints, on les retient et on s'attache presque à tous, chacun a son passage dédié à un moment ou à un autre, sa part à jouer dans l'aventure.
Au fil de leur périple, les lapins croisent plusieurs autres garennes et communautés de lapins, et c'est un peu l'occasion pour l'auteur de montrer différents modes de fonctionnement politiques. On y croise une sorte d'oligarchie dépérissante, une utopie sanglante, une tyrannie, etc. Le régime idéal pour l'auteur semble tendre vers une sorte de monarchie avec un roi juste, même si au final j'ai trouvé qu'il mettait plus l'accent sur la communauté solidaire que forment les lapins que l'ont suit, s'entraidant sans se considérer l'un au dessus de l'autre, ayant chacun ses atouts et ses faiblesses, et prenant les décisions par le consensus issus du dialogue. J'ai l'impression qu'Adams s'est peut-être un peu enfermé dans l'idée que les lapins fonctionnent avec un chef, et qu'il n'a pas su/voulu s'en éloigner.
En vrac, la nature est évidemment super bien décrite dans le bouquin, c'est très précis mais pas trop rébarbatif, juste ce qu'il faut. Les comportements des lapins imprègnent le récit, mais je suis déçu qu'il ne soit fait mention de leur propension à frotter leur menton un peu partout pour marquer leur territoire ne soit mentionnée que dans les remerciements. Les hases sont très effacées dans le récit, même si elles en sont un enjeu majeur, je ne sais pas vraiment ce qu'il en est dans la vie quotidienne des lapins.
Enfin, parlons de l'édition. Longtemps, il me semble que ce livre (pourtant un des plus lus à travers le monde) a été assez difficile à trouver en France, et ce sont les éditions
Monsieur Toussaint Louverture qui l'ont remis au goût du jour. Et oh mazette comment elle sont trop belles ces éditions
Il y a une édition grand format que je n'ai pas et dont j'ai mis la couverture en illustration, et une édition poche de la collection"Les grands animaux", que je recommande vivement et dont la recommandation située au début des livres de cette collection la résume assez bien :
La jaquette de ce livre a été pensée comme un habit de lumière, tout de beauté et de fragilité, nous vous encourageons à la retirer le temps de savourer l'histoire.
Et pour finir, comme l'ont écrit les éditeurs de chez Monsieur Toussaint Louverture à la fin du bouquin,
Ce Roman de Richard Adams s'est écoulé à plus de 53 millions d'exemplaires, touchant des générations de lecteurs à travers le monde; ce qui, en vérité, n'a absolument aucun sens pour les lapins.