Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » Marcel

Auteur Sujet: Marcel  (Lu 961 fois)

Hors ligne Ani

  • Plumelette
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Marcel
« le: 04 Septembre 2017 à 16:59:25 »
               
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Je pue. S’il fallait que je me présente, je commencerais par me définir par mon odeur corporelle. Ensuite, je dirais que ce n’est pas de ma faute. Je souris bêtement même si je sais pertinemment qu’il me manque une dent devant. J’avais croqué un morceau de pain râssi et ma dent m’avait dit ciao ! Envolée. Je me rappelle même l’avoir cherchée partout et puis me demander si je ne l’avais pas mangée. Des fois, mon odeur de pisse et de transpiration atteignent un stade où selon la policia il est d’intérêt général qu’on vienne me chercher pour me laver moi et mes vêtements. Moi, je suis là et j’attends que l’intérêt général me lave. Ils sont sympas avec moi les policiers. Ils me sourient et me donne souvent de quoi manger, en échange de quoi, discrètement, je fais la caméra. J’aime bien dire que je fais la caméra. Je regarde discrètement ce qu’il se passe la nuit, le jour, et je répète contre un bon repas chaud. Discret, oui, j’ai toujours été discret. Des fois, dans la rue quand je mendie, on me marche dessus tellement je suis sage comme une image. Par contre, et ça c’est vrai que personne ne le comprends, je suis gros. Pourtant, j’ai la dalle. Cette nuit là, je marchais dans les petites rues de Lisbonne. Je suis même pas portugais, mais je suis là, à Lisbonne. Ils me donnent pas grand chose ces gens là. J’ai trouvé l’endroit idéal où habiter, sur une couette entre la rua Antonio Enes, le nom d’un mec et une autre celle d’un duc. L’autre jour, le policier m’a expliqué qui c’était tout ce beau monde mais j’ai pas écouté. J’ai mangé un poulet encore chaud ce jour là. J’ai même eu une bière fraîche pour me remercier d’avoir fait la caméra. Mais on est discret avec mon capitaine. J’adore l’appeler mon capitaine. Même si je sais bien qu’en fait il est peut être pas de la police. Il est plus gentil. L’autre jour, il m’a dit qu’il était en mission secrète. Il regardait souvent une fenêtre, celle qui donne sur l’appartement de gens qui ont l’air très riches. Mais je voulais pas qu’il croit que je faisais encore la caméra, et contre lui. C’est un gentil mon capitaine. Aujourd’hui, il devait m’apporter à manger, c’est sûr. J’aurais plus eu besoin de plonger les mains dans les poubelles. Je me rappelle, quand il regardait le balcon, il faisait toujours attention à ne pas être vu. Il souriait et généralement c’est à ce moment là qu’il me racontait des trucs que j’écoutais pas, sur l’histoire du Portugal. Moi je m’en fous de ça. Je mange et je lui souris. C’est tout. C’est mon travail. Faut bien gagner son pain. Un jour, en l’attendant, j’ai regardé comme lui. La fenêtre était grande ouverte et on voyait une femme de luxe, assise sur un Sofa. Je voyais pas le mal. Elle avait un verre à moitié plein. Elle riait comme une riche. Elle était pas portugaise elle, ça c’est sûr. Les portugaises, elles sont grosses et pas belles. Je les juge pas moi, je suis pas beau non plus. Faut dire, elles font quand même des sacrés efforts pour avoir l’air jolies. L’autre jour, dans la rue, y’en a une qui m’a bousculé et qui s’est mise à hurler tellement fort. Elle sentait vraiment bon. Moi pas. ça m’a fait rire un peu. Elles sourient jamais en plus ces sorcières. Rien à voir avec la dame du 3e étage, assise sur son sofa avec son verre d’alcool de riche. ça devait être de la margarita ou un truc comme ça. Elle me faisait souvent des coucous. Moi, je sais même pas quel goût ça a son truc qu’elle boit. Le capitaine, je l’attendais encore dans le même croisement hier. Mais, il viendra plus à cause de ce qui est arrivé à la dame riche. Y’avait plein d’autres capitaines dans la rue aujourd’hui, mais ils criaient en portugais et m’ont dit de dégager. L’ambulance est venue et ils ont emmené la grande dame sur un trône d’hopital. Comme une reine. J’étais triste. Je voulais tout dire au capitaine. J’ai hâte qu’il revienne. Et pas seulement parce que mon estomac grogne.

**************


- D’accord, ça va être plus difficile que prévu. Pouvez vous nous décrire cet homme ? Avec des éléments utiles, plutôt que de nous assommer avec vos conneries.
- Il était gentil, je sais pas quoi vous dire. Il ne m’a rien dit.
- C’est sérieux Marcel. On vous accuse de meurtre. Vous étiez tous les jours sur les lieux. On vous a vu regarder le balcon de la victime. Vos empreintes et votre adn ont été retrouvés sur les lieux.
- Mais non, lui aussi il l’a regardé. J’ai pas mis le pied dans une maison depuis 1980 moi.
- Les caméras ne vous ont pris que vous.
- Mais c’est moi la caméra. Elle est conne celle là.

La court était pleine. Tout le monde éclata de rire, le juge y compris. L’adjointe au procureur ne riait pas. J’étais là, parmi la foule. On avait rapatrié ma victime par ricochet et on en avait fait un monstre parfait, pour faire plaisir aux portugais. Une fois arrivé à nouveau sur le sol français, il avait été lavé aux frais du contribuable. Un innocent mais présumé seulement. Après avoir tué cette salope, j’ai placé les restes du poulet de Marcel de la veille et une bouteille de superbock avec ses empreintes. Mais c’est juste pour faire diversion. Je pense qu’il sera acquitté par le jury de toute façon, il a une bonne tête, mon Marcel. Il est rouquin et frisé. La soixantaine et quand il sourit il a l’air honnête. Mais là, ils vont réussir à lui faire peur. Il était assis sur un banc de bois, le regard trouble. Je l’ai senti moins con quand même ce jour là. Il ne faiblissait pas. Pour lui, j’étais toujours ce héros qui lui offrait de quoi manger et boire. La reconnaissance est un prix, encore plus que de voir la “marraine” mourir. Le plan n’aurait jamais marché sans lui. Je pouvais tout lui faire gober. Même que je bossais pour les services secrets. Je dois l’admettre, je prenais même un risque ce jour là, à me trouver dans la foule. Mais, en France, on entre dans un tribunal d’assise comme dans un supermarché: c’est le spectacle. Les journaux s’étaient jeté sur le cas. Un SDF portugais ressortissant français mis en examen dans l’assassinat de Maria Fereira Bettencourt. Les gens étaient émus. Et tout mon plan avait fonctionné. Aucune caméra ne m’avait dans son angle de vue. Je me sentais fier, jusque ce jour. Celui qui devait servir d’outil, devenait acteur et sa défense basée sur le respect et les valeurs simplistes de la vie ne séduisaient que moi. Très vite, la foule s’était lassée tant il devenait agressif par la peur, et son propos confus.
- comment l’avez vous tué ?
- Mais je n’ai tué personne. Je n’aurais pas fait de mal à une mouche.
- Je n’ai plus de questions, ni d’efforts à mettre dans cet interrogatoire monsieur le président. Maitre Besnard, raisonnez le prévenu.

La salle s’était vidée. On l’avait menotté, et même le policier qui l’avait menotté en était triste. Il le traitait presqu’avec affection.

- Viens, Marcel, je dois t’emmener dans la zone de détention.
- Oui. Mais tu me crois, toi, que j’ai rien fait ?
- Viens, ils vont te faire sortir de là, t’inquiètes pas.

               ********

Marcel. Soixante trois ans. Vingt sept ans de vagabondage et d’errance en Europe. Tout avait commencé quand il a perdu son travail. à l’époque, il était naïf et trop fainéant. Il a toujours été fainéant, partisan du moindre effort, si bien que s’il fallait inventer une maladie, il serait atteint de flemmingite aiguë. Comment le raisonner ? Il s’était dit je suis un mec libre, je suis pas dépendant de cette société de merde, etc.. Et puis, il sombra, mais toujours avec ce sentiment d’être libre. Il se laissa bercer par le vent, et échoua au Portugal. Vingt sept ans et chaque jour dans une ville, de Paris à Lisbonne. Ces 27 ans de libertés envolés, lorsqu’on lui passait ce 24 juin les menottes aux poignets. Ses papiers expirés le renvoyaient vers Paris. Il était désormais entre quatre murs et à la case départ. Propre, certes, mais la porte était fermée. L’air n’avait pas la même odeur. Il ne savait pas s’il devait apprécier ou détester cette attention pénitentiaire que la vie venait de lui offrir.

Je ne pouvais pas m’empêcher de veiller sur lui, mais je devais choisir une couverture. J’avais déjà travaillé en tant que pigiste pour le Figaro. J’ai repris le contact et j’étais Charles Wolff. Je devais écrire sur Marcel. Sans faire d’interview, sans qu’il me voit. Allez faire gober ça au chef de la rédaction. Je suis bien là. Dans l’ombre. Je culpabilise. Et je me sens pas fier. Je lui dois ça.

               *******

Assis sur son lit ikea, Marcel Blois broie du noir. Son visage a changé. Autour de lui, il n’y a rien. On voit pourtant tout sous cette lumière artificielle. On voit les murs bien blancs, ceux de la sécurité. La menace c’était lui. Ils venaient de lui apporter un plateau repas et un livre. Il ne savait pas lire et son appétit était resté dehors en liberté. Personne ne sait ce qui se discutait dans sa tête ce moment là. S’il avait pu écrire, qu’aurait-il posé sur les feuilles encore blanches de son livre de poche. J’aurais aimé qu’il préface ce livre lui aussi, avec fierté et qu’il témoigne de cette injustice. Il a fait un remake Ranucci. J’ai rien fais, moi j’attends qu’on me sorte de là. Mais non. J’en ai des larmes en y pensant. Marcel.
Aux alentours de 2 h du matin, mon ami Marcel a pris un drap et une chaise. Il a attaché le drap autour de son cou et encore aujourd’hui personne ne sait comment il a réussi à se suicider dans la chambre d’isolement d'une prison française. Son corps bien trop faible pour tenir le coup, il s’est éteint avant son verdict. Ils allaient l’acquitter faute de preuves.

Hors ligne Corsaire

  • Scribe
  • Messages: 62
Re : Marcel
« Réponse #1 le: 04 Septembre 2017 à 23:53:51 »
Salut
Agréable histoire!
J'ai presque trouver le "criminel" sympathique car son coup est bien ficelé et car Marcel n'est qu'une victime collatérale et il espère qu'il s'en sortira.
Mais la fin vire au drame... Dommage pour Marcel. Je trouve aussi que ça tranche un peu avec le ton du début. J'avais une vision de Marcel en débonnaire, nonchalant, se satisfaisant de peu.
Je n'ai donc pas vu le drame arriver.
Mais c'est ce qu'on dit tous à propos du suicide...

Une petite remarque:
Citer
La court était pleine.
La cour, plutôt.
"Puisque les événements nous échappent, feignons d'en être les organisateurs." (Jean Cocteau)
un peu de pub: une histoire qui pour le coup n'a aucune prise sur les événements... Périple d'un grain de sable

Hors ligne Ani

  • Plumelette
  • Messages: 9
Re : Marcel
« Réponse #2 le: 05 Septembre 2017 à 10:01:35 »
Oh la faute.
Merci !

Léilwën

  • Invité
Re : Marcel
« Réponse #3 le: 03 Janvier 2018 à 14:09:40 »
J'aime bien ton entrée fracassante "je pue". C'est tellement abrupt que tu entres tout de suite dans le texte !
Et j'aime bien aussi le mélange que tu fais entre les pensées des personnages (qui ne connaissent pas les "ne" des négations, comme tout bon français qui se respecte :-p ) et ta narration à toi où les phrases sont plus stylisées : on ne sait plus où s'arrête le personnage et où commence le narrateur et vice versa.
La fin est cinglante, je ne l'ai pas vue venir, et je me suis sentie triste pour ce pauvre SDF :-(
J'étais bien prise dans l'histoire, donc !

Pour peaufiner et rendre le texte encore mieux, voici quelques corrections :
- "râssi" => ce n'est pas plutôt "rassis" ?
- " Ils me sourient et me donne" => me donneNT ?
- "Mais je voulais pas qu’il croit" => qu'il croiE ?
- "assise sur un Sofa" => la majuscule est volontaire ?
- "la court" => ç'a déjà été mentionné par corsaire ; à moins que ce ne soit un anglicisme ? ;-p
- "Tout avait commencé quand il a perdu son travail" => ça me pose un problème de concordance des temps, j'aurais tout mis au passé composé, ou alors le deuxième verbe au plus que parfait si tu veux conserver l'imparfait
- il manque une majuscule de début de phrase à "à l'époque"
- "sans qu'il me voit" => qu'il me voiE ?
- "j'ai rien fais" => faiT ?

Voilà, j'ai fini de pinailler ! Je m'en vais essayer d'arrêter de penser aux erreurs judiciaires...

Hors ligne Alessandro Moda

  • Tabellion
  • Messages: 42
Re : Marcel
« Réponse #4 le: 27 Février 2018 à 19:18:13 »
Bien, j'étais pris par le texte également, je ne suis pas trop enclin à corriger orthographe et grammaire. J'en laisse énormément dans mes premiers jets mais je réécrit pas moins de 8/10 fois chaque texte.

Ces détails d'importance d'autres le feront mieux que moi? Correctrice (Car chez les travailleurs du livre c'est leur noms) c'est un métier.

 Ce que je suis plus prêt à discuter c'est ce qui donne un vraie valeur ajoutée,
Rythme, syntaxe, richesse, vocabulaire, Voilà ce qui me parait important.

Ce texte je ne pourrais non plus en critiquer, le scénario c'est personnel ça, sinon pourquoi ne transformerait on pas un  vaudeville en romance à l'eau de rose ou tout coulerai sur une eau bien limpide?

J'aime quand le triste est bien mené. Tu l'as Fais Ani.

Autrefois j'ai dessiné une histoire, en bandes dessinées couleur, (attention Droits sous Copyright©) Durant toutes les pages bien glauque on imaginait un chien qui cherche de la nourriture dans une grande gare de marchandise, bien glauque, hangar de stockage éventrés désaffectés, la bête qui a ses habitudes de nourriture , tous cadrages à 50 cm du sol aux cuisines en 1/2 sous sol de pizzerias, avec des chiens et des chats qui viennent également bouffer les restes des pizza et c'est seulement à la fin que l'on comprend . Dans la pensée OFF que c'est un homme devenu clochard suite à un horrible accident car il n'a pas fermé les barrières manuelles alors qu'il était garde barrière.

J'attendais également une chute à ton scénario. Que ce soit une catastrophe ou un heureux événement, une surprise.
Mais j'aime bien, j'ai été un peu surpris du découpage, des retours chariot.
Je ne sais dire si le coté monocorde du clodo en fait ressortir la véracité.

 Il faut que tu prennes un tout petit peu de doc. Sur tes sujets. Ex. la cour (sansT) ces ont les lieux ou sont installés magistrats substitut proc. Etc. Mais ton terme devait être salle d'audience. (public+ journalistes etc)

Pourquoi tu ne poste plus de textes?

C'était bien pour un début
Alessandro Moda
Les réalisations de mes vies antérieures, en différents domaines, bien que réelles, l'ont été sous des pseudonymes, et concernent différents domaines du papier  - pas de numérique accessible au public en ces temps reculés (75 à 95) -

 


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