Je poste ça tout de suite avant d'avoir envie de le modifier. Ou de l'enterrer. Ou de le brûler..
En tout cas je l'ai fait.
L'énoncé du défi était déjà bizarre. C'est normal que le résultat le soit aussi non ?
GOLFE
Jadis j'aimais aller à la plage. Je l'avoue, je fus, des années durant, convaincue que se laisser dorer la peau en observant le ressac des vagues était agréable.
Il n'y a nulle honte à aimer bronzer. Après tout c'est pour beaucoup la plus agréable des occupations. Mais peut-être est-ce justement une activité trop prisée pour que je l'apprécie sans honte (
deux mots à mon attention : revendiquer l'originalité peut apparemment rendre stupide. A l'avenir limiter le champ de ce genre de revendication). Mais là n'est pas la raison profonde de mon dégoût pour la plage. Mon propos ici vise à répondre à ce seul mot : pourquoi ?
Tout débuta lorsque je perdis mon lion en peluche. Avec du recul il me vient à l'esprit ce qui fut certainement votre première pensée à la lecture des quelques mots qui précèdent : les plus grands bouleversements découlent des événements les plus insignifiants. Mais je me souviens plutôt bien de cette époque et perdre une peluche aimée n'est
pas un événement insignifiant. C'est même, n'ayons pas peur des mots, un véritable drame.
Le drame eut donc lieu dans une crique isolée et rapidement mes parents s'habituèrent à mes suppliques pour être enterrée sur la plage-où-j'avais-perdu-mon-lion. Cette idée fixe, et la fréquence de nos visites en ce lieu explique peut être que, pour moi et ma famille, la crique-ou-j'avais-perdu-mon-lion ait maigrie de quelques mots pour devenir le golfe du lion.
Mais lorsque mon père cessa de s'amuser de ce jeu de mot nous nous contentâmes de parler de golfe.
Le passage du temps se traduisit certes par le changement des mots employés pour désigner le lieu mais il y eut également une importante modification de l'aspect même de la crique. Golfe fut scindé en deux : la plage jaune et la plage verte. L'une était vierge et son sable uniformément doré mais sur l'autre des galets et du bois flotté masquaient les pots des plantes que j'avais laborieusement traîné jusque là. Peut-être suis je subjective mais je suis prête à jurer qu'il n'y eut jamais rien de plus beau que la plage verte de golfe à cette époque. Et je pèse mes mots.
Mes parents se lassèrent de la crique, mais je refusai d'abandonner mes plantations. Je pris alors l'habitude d'y aller avec un ami (
A mon grand regret la phrase ci dessus est en parfait accord avec la réalité, même si, je l’avoue, mes rêves différaient quelque peu). Puis avec mon ami et sa petite amie (
même remarque). Mais celle ci, une horrible pimbêche hermétique à toute forme de beauté (
Cette phrase-ci est fausse. Mon ami était indéniablement beau et avec lui elle était loin d'être hermétique) et incapable d'aligner deux mots préférait la plage jaune.
Je ne l'ai vue qu'une fois sur la verte. La dernière fois où je me suis rendue à golfe. Elle était debout devant un feu et tenait à bout de bras un poulet embroché. Embroché sur le tronc du pin parasol que j'avais planté et à qui j'avais murmuré tant de mots d'encouragement. L'idée me semblait démente mais cette patate fumait un poulet sur la plage verte de golfe. Le bois flotté entourant jadis les pots brûlait joyeusement. À la lueur des flammes je contemplais le chef d'oeuvre de mon adolescence devenu champ de désolation.
« MAIS QU'EST CE QUE TU FOUS ? ai-je hurlé »
J'admets ne pas avoir mâché mes mots mais avouez qu'il y avait de quoi.
« Bhein tu vois bien, je fume un poulet. »
Je suis tombée à genoux. Puis un mot m'a échappé.
« Pourquoi ?
-Parce que le poulet c'est meilleur fumé. T'es pas d'accord ?
-Si, ai-je murmuré. »
Je suis rentrée chez moi étouffant des sanglots, marmonnant des mots sans suite. Tout cela est bien vieux mais je ne m'en suis jamais vraiment remise. La plage ne m'évoque plus que la peine et je suis toujours surprise de trouver au poulet fumé le goût salé des larmes.
Alors les contraintes étaient : un texte en 666 mots avec 13 fois le mot et, 13 fois le mot mais, 13 fois le mot mot, sur le sujet suivant:
La patate fume un poulet sur la plage verte de golfe.
Bon bhein... je l'ai fait hein