Voilà l'intégrale de la première partie des aventures de Chalasmarok, Bartiméus et Minerva. Et des autres.
[Lo]
Il était une fois, dans une contrée lointaine, une grosse larve qui se dandinait dans la boue. Cette larve s'appelait Chalasmarok. Elle avait un corps adipeux et verdâtre, des dents jaunies et usées par le temps, des yeux de biche et un joli chapeau de paille. Son rêve n'était pas, comme les autres larves, de creuser des tunnels souterrains ou d'édifier d' imposantes "demeures de boue". Le rêve de Chalasmarok, c'était de conquérir le monde.
[C] Chalasmarok savait que le monde de ses condisciples ne suffirait pas. Car le monde des larves, aussi gluant est-il, ne sera jamais aussi superbement énorme et salé que celui des phoques. En ce temps, c'était ses plus grandes idoles. Nager dans l'océan, se rouler dans le sable... Seulement, les autres était soit trop bornées pour savoir qu'est-ce qu'une dirigeante, soit trop exigeantes vis-à-vis de Chalasmarok. Roumeikh, sa mère la soutenait fortement... Mais, deux, face à des millions de larves et de phoques!
[Lo] Alors, Chalasmarok aux yeux de biche inventa un stratagème, une machine formidable capable de le phoquéfier. Dans les entrailles de sa contrée, il puisa maintes gemmes fabuleuses et maints matériaux antiques, et se façonna une enveloppe semblable en tous points aux autres phoques. Mais il y avait un problème : sa contrée était aride, et être un phoque en pleine savane n'est pas une aubaine.
[A] Mais qu'importe! Il serait le premier phoque à nager non pas dans l'eau glacée, mais dans les hautes herbes.
Fort de cette nouvelle résolution, Chalasmarok commença à évoluer au sein de la végétation roussie par le soleil qui l'entourait. Toujours loyale à son fier rejeton, sa mère Roumeikh ne tarda pas à adopter son déguisement subtil, et à l'accompagner lors de ses déambulations dans la plaine sèche. Leur but? Convaincre les autres larves de les imiter...
[Lo] Dans l'herbe haute, un phoque avançait. La savane mugissait, la terre craquelée fut brusquement au contact de cette chair étrangère, cette graisse d'ordinaire aquatique. La lionne chasseresse s'était arrêtée, circonspecte ; les antilopes graciles avaient tourné la tête ; les éléphants, imposants mammifères de la lointaine antiquité Naturelle, ne buvaient plus. Le vent retenait son souffle devant ce spectacle contre-nature. Bientôt, le murmure parcourut la savane, et parvint jusqu'au roi des animaux. "Seigneur Lion ! Un phoque ! un phoque dans la prairie !"
[R] Le Roi Lion ouvrit paresseusement un oeil, et observa l'animal devant lui. Une larve. Une grosse larve, juteuse. Il n'aimait pas être réveillé. Il mangerait la larve, plus tard. Il se devait de la punir. "Larve, sais-tu à quoi tu t'expose en me réveillant ?" La larve répondant au nom de Deskalmov déglutit et acquiesça. Il le savait mieux que quiconque, en tant qu'espion du Roi. "Qu'as-tu donc à me dire, larve ?" L'espion répéta. Le Roi Lion, l'air grave, se releva sur son séant. Il entreprit de laver chaque parcelle de son corps. Un phoque. Que venait-il faire ici ? Envahir son territoire ? Il mangerait la larve plus tard. "Va chercher mes généraux. Les phoques s'intéressent à la savane depuis trop longtemps. Ils commencent même à nous envahir. Ils veulent la guerre, ils l'auront."
[Lo] "Starlight" résonnait dans la savane. L'hymne des Lions. Le Roi Lion rugit, faisant frémir le sable et la brise. Ce boulet de Zeus, avec son habit de chiffons et sa paille dans la poigne, n'avait qu'à bien se tenir. La Nature régnait encore sur la savane, et elle ne permettrait pas qu'une larve se métamorphose en phoque (ou loutre ? peu importe) impunément. Mais le Roi Lion se devait de marquer le coup. Jamais telle offense n'avait été proférée ouvertement à la face de Dame Nature. Aussi, pour la première fois depuis la séparation des mondes, le seigneur des animaux, le visage enflammé par sa crinière d'or et de cuivre, invoqua, du haut du rocher primordial, un esprit de la savane. L'enfant de Dame Nature, le djinn Bartiméus, N'Gorso le Tout-Puissant.
[A] Car en ces temps lointains, les entités de l'Autre Lieu étaient invoquées par des êtres naturels, lors de graves bouleversement de l'ordre des choses. Or, en l'occurrence, c'était bel et bien le cas. Un phoque, dans la savane africaine? Et pourquoi pas une crevette en chaussettes sur Mars? Ulcéré, le Roi Lion rugit son chant invocatoire, donnant ainsi un nom pour la première fois à la créature dont il demandait l'aide. Dans un nuage d'air et de feu tourbillonnants, N'gorso apparut alors...
[R] Une ombre gigantesque recouvrit la savane. De puissants vents contraires la balayèrent. Le Roi contemplait la créature qu'il avait invoquée. Ou en tout cas, son oeil. Un oeil vermeil, luisant de cruauté et de malice, à la pupille en fente, et dans lequel le Roi lui même aurait pu se perdre. "Qui ose m'invoquer en ces lieux ? Qui requiert ma toute puissance ?" La voix était grave et puissante, tel le grondement du tonnerre. Son souffle était aussi chaud que du sable brûlant. Il écarta légèrement la tête, dévoila des dents plus pointues que celles d'un crocodile. Un dragon noir. N'gorso. "Alors ? J'attends la réponse !" Au loin, de lourds nuages noirs approchaient...
[Lo] "Je suis Bartiméus ! je suis Sakhr-al-Djinn, N'Gorso le tout-puissant, tous ces noms m'ont été donnés par Mère Nature*, aussi ne me reconnais-je point de maître. Aussi je te somme à ton tour, chaton. Qui es-tu pour m'invoquer ?"
Impressionnant, non ? D'autant que c'est ma première fois.**
*Cette vieille mégère envahissante adore chapeauter les esprits de l'Autre Lieu, allez savoir pourquoi... "Mère Nature" ! ça détruit complètement l'effet de mon laïus ! c'est décidé, rhétorique ou pas, je couperai ce passage la prochaine fois.
**Ma première fois en vrai. J'ai beaucoup répété, dans mon nuage d'éther.
[R] Le Roi, s'il était impressionné, ne le montra pas. Il se contenta de fixer l'oeil face à lui. Enfin, il rugit. "Je suis le Roi de toutes les créatures de cette région ! N'gorso, ou Bartiméus, ou Sakhr-al-Djinn, ou quel que soit ton nom, cesse tes enfantillages ! On dirait un bébé djinn qui est invoqué pour la première fois ! Tu n'es certainement pas ma première créature invoquée, et tes tours de passe-passe ne me font ni chaud ni froid. Ecoute-moi bien ! Ton premier travail sera simple. Un phoque a envahi mon territoire. Je veux que tu le trouves, que tu reviennes ici me dire où il est, ce qu'il fait, s'il a des amis avec lui. Quand tu seras de retour j'aurais une nouvelle tâche à te confier. Va ! Et ne reviens pas avant d'avoir des résultats !"
[Lo] Mais, ce faisant, sa majesté subsaharienne avait battu le sol de sa patte, faisant s'élever la poussière primordiale. Le Roi toussa, brisant le Charme créé par le rugissement.* Alors, un chaud vent venu des steppes courut sur la plaine ; les herbes et les animaux frissonnèrent. L'oeil matérialisé devant le Roi des animaux grandit, sa pupille s'étrécit comme pour traduire un rictus invisible de la forme tapie dans l'ombre. Et Bartiméus acquit son premier titre.** Le Tombeur de Fauves. La carcasse du seigneur des lieux, blanchie par le temps, émiettée par les siècles, a désormais disparu, mêlée au sable et au vent ; ses sujets furent anéantis ; et bientôt, alors que l'astre ardent incendiait le crépuscule, seul, dans l'immensité africaine, subsista, pour longtemps solitaire, bien à l'abri dans sa carapace de phoque, une larve.
* Oui, depuis, les invocateurs ont inventé des pentacles. Plus casse-essence à faire, mais plus réglementaire et moins dangereux pour eux. Dommage, nous les djinns, on s'amusait bien plus en ce temps-là...
** Oui, cette fois-ci, je suis un narrateur effacé. Dans le prologue, tout au moins. J'ai huit mille ans et des poussières ; c'est l'heure du bilan.
[A] Libéré de sa toute première invocation, l'être qui portait les noms de N'gorso, Bartiméus ou encore Sakhr-al-Djinn, et qui allait en acquérir bien d'autres lors des millénaires à venir, ouvrit un passage afin de s'en retourner à l'Autre Lieu.
Et la larve, Chalasmarok? Que lui arriva-t-il? Eh bien, c'est assez incroyable mais dévorée d'ambition, parcourue de vélléités d'explorations et de pouvoir, elle le suivit à son insu.
Et c'est ici que tout commença, car un véritable fléau venait de naître...
[R] L'Autre Lieu... Les dimensions de la Basse-Fosse... Le monde des esprits... Bien d'autres noms furent donnés à ce lieux, dans les siècles passés et ceux encore à venir. Cet endroit, à la périphérie de l'univers, était particulier, et seuls les êtres éthérés pouvaient y survivre.
Chalasmarok fut donc la première créature de chair et de sang à pénétrer ce lieu. Et cela eut des conséquences inimaginables. Les forces régissant ce lieu luttèrent contre cette créature vivante, et il en résulta une aberration qui n'aurait jamais dû exister. Et la larve devint l'ombre d'elle même.
Chalasmarok fut le premier des Sans-Coeurs.
[A] Peu à peu, la larve -qui n'en était plus vraiment une- créa autour de lui d'autres forces alliées, tout aussi aberrantes que lui. Des êtres étranges, affamés, difformes. Dangereux, surtout.
Chalasmarok avait perverti l'Autre Lieu, et avait ainsi formé une armée terrifiante à la tête de laquelle il siégeait. Peu à peu, les Heartless s'infiltrèrent au sein de différents mondes et se mirent à les détruire.
C'est ainsi que dans l'un d'entre eux, une femme instruite et aux puissants pouvoirs finit par s'alerter des évènements qui avaient lieu dans sa propre dimension, au point de vouloir faire appel à de puissants génies afin de mieux comprendre ce qui se passait. Cette femme se nommait Minerva McGonagall.
[K] Minerva McGonagall avait grandi, comme l'on peut s'en douter au vu de son patronyme, dans un château d’Ecosse entouré de brumes, non loin d'un loch dont les eaux troubles renfermaient, disait-on, une créature séculaire et tentaculaire. Cadette d'une fratrie de six enfants, la jeune Minerva avait passé le plus clair de sa petite enfance dans la bibliothèque familiale et à sept ans, avait lu tous les volumes à sa portée – c'est-a-dire tous ceux placés à moins de un mètre trente au dessus du sol.
Il n'y a donc rien d'étonnant dans le fait qu'elle fut la première humaine à prendre conscience de la menace et à tenter de l'enrayer.
[R] Ce fut par un matin froid que Minerva découvrit le premier Heartless. C'était lors de sa promenade matinale qu'elle découvrit près du Loch un corps étendu, que la vie avait visiblement quitté. Et ce n'était pas l'oeuvre, comme on aurait pu s'y attendre, d'un céphalopode géant. Elle s'approcha et fut soudain attaquée par une petite ombre, qui était moitié moins grande qu'elle. Minerva ne dut la survie qu'à ses excellents réflexes. Un coup de baguette magique, preste et sûr, et la créature partit en fumée.
C'est plus tard, en rentrant chez elle, qu'elle traça au sol un pentacle et invoqua un djinn.
[A] Un tourbillon cuivré s'éleva au coeur du cercle magique, puis un magnifique lion* y fit son apparition.
"Je suis Bartiméus! Bartiméus d'Uruk et d'Al-Arish, Rekhyt d'Alexandrie, Necho de Jerusalem! Je suis Sakhr Al-Djinn, N'Gorso le tout-puissant, le Serpent à Plumes, le Wakonda Algonquin!** J'ai parlé avec Salomon, bâti les murailles de Karnak, veillé sur l'ancien royaume du Zimbabwe! Nul ne m'invoque en vain..."
Je tiens à préciser ce détail, parce que si c'est encore un gamin stupide qui m'invoque, je vous assure que... Ah non, en fait, pas de danger. Pour le coup, c'est à une vieille rombière que j'ai été attaché. Bon.
*Oui, oui, un lion. Comme vous pouvez l'observer, les mésaventures de ce cher Roi Lion m'ont pas mal marquées, au fond. Et puis le fait qu'il s'agisse d'une créature majestueuse, tout à fait adaptée à ma grâce naturelle, et honorée dans de nombreux cultes anciens ne gâte évidemment rien.
** Ah, ça, il y en a, de nouveaux noms, dans la liste. C'est que je n'ai pas mal bourlingué, en cinq mille ans...
[K] Je considérais un instant ma nouvelle « maîtresse »*. Le cheveux brun déjà strié de gris, sans doute à force de se frayer un chemin entre les poussiéreuses étagères de quelque bibliothèque, l'oeil vif** mais lourdement cerné, et le visage parcouru de ridules, elle avait tout du vieux professeur devant lesquels les jeunes magiciens tremblent d'un respect mêlé d'effroi.
« Bien sûr qu'on ne t'invoque pas en vain ! On ne fait pas venir un Djinn pour boire le thé !»***
*Pas dans ce sens-là voyons ! Qu'allez-vous donc imaginer, humains pervers que vous êtes ?
** Bon, vif, vif… je parle d'une humaine. Mais bon, les humains intelligents -selon vos critères, j'entends- cela existe. Et c'est même plutôt embêtant.
*** C'est faux, j'ai déjà été invoqué pour ingurgiter de l'eau chaude aromatisée. Le magicien était jeune, roux et s'interrogeait sur son rôle dans la société. Rien de pire que ces adolescents qui parce qu'ils ont trois poils au menton se lancent dans de grands projets « pour le plus grand bien» de tous !
[LT] « Quoique, reprend la mégère pas commode, si ton efficacité me satisfait, tu auras droit à une petite tasse de Ceylan Scotland, et peut-être un sablé au gingembre si tu es bien sage. »
Sans me laisser le temps d'exprimer mon ébahissement, elle enchaîne directement sur un interrogatoire méticuleux au sujet de certains phénomènes qu'elle a récemment remarqués, et ses questions précises finissent par m'amener sur un terrain, disons, peut-être pas prérilleux, mais assez délicat...
[Lo] C'est ainsi que la petite bonne femme me demanda ce que je savais des Sans-Coeurs. Avant que j'aie pu discuter, négocier, faire chanter, ironiser, vaincre, elle me rappela qu'elle avait fini son thé et que la théière était vide, au cas où mon effronterie naturelle reviendrait à la charge. Aïe. C'était prévisible : elle avait jeté un coup d'oeil à ma bio. Hors de question qu'on m'enferme encore une fois ; d'autant qu'être emprisonné dans ce genre d'objets dérivant dans les abysses d'un loch, c'est encore plus traumatisant que la première fois. La Tamise, ça pouvait aller.
Bref, je dus lui vomir mon savoir ô combien supérieur.
[R] "Les Sans-Coeurs... Ce sont des bestioles affreuses* ! Ils sont l'essence même des ténèbres qui habitent le cœur de tout être vivant, même le meilleur des bons samaritains**. Ils se nourrissent des coeurs des gens, et à long terme de ceux des mondes eux-mêmes. Ils les détruisent. Ils voyagent entre les mondes au moyen de Couloirs des Ténèbres, des passages qui corrompraient la moindre des âmes vivantes. Ils sont mus par l'instinct, et n'obéissent qu'à ceux qui sont plus forts qu'eux. Ils naissent dans l'Autre Lieu ; nul ne sait quand ils y sont apparus***. Et ce qu'ils craignent par dessus tout, c'est la Clé. La Keyblade."
* Dans tous les sens du terme. Je n'ai jamais rien vu d'aussi laid et difforme qu'un Sans-Coeur. Enfin, ça dépend desquels, mais en général, même Frank Ribery passe pour un dieu à côté de ces trucs.
** Faut toujours se méfier de ceux-là. Ils sont souvent bien pires que les alcooliques qui traînent tous les soirs dans les bars du quartier. La dernière fois qu'un samaritain m'a invoqué, il a passé toute la journée à me faire la morale parce que j'avais parlé de sa fille de manière assez désobligeante, mettant en scène des trottoirs et des vêtements un peu trop courts pour elle. Ce fut l'une des journées les plus éprouvantes de ces mille dernières années.
*** Vous ne croyiez quand même pas que j'allais lui dire que c'est de ma faute, si ?
[K] J'eus un sourire de satisfaction en voyant que ma révélation avait eu son petit effet. Le visage de la vieille sorcière* exprimait l'ébahissement complet et l'horreur la plus profonde. Bon, je pouvais pas lui donner tort. Dur dur d'apprendre d'un coup que votre seule chance de vous débarrasser de la menace qui pèse sur l'humanité** est la création la plus complexe, la plus puissante et la plus mystérieuse de Clow Read***.
Maintenant que sa curiosité était satisfaite et son esprit plongé dans les affres du doute et du désarroi, j'allais pouvoir en profiter pour me retirer subrepticement. L'essence me démangeait déjà.
* Et ici, ce n'est même pas une insulte!
** En dehors de nous autres, bien sûr.
*** Ce type a fait une fixation sur les clés. Il en a fait de toutes les tailles et de toutes les couleurs - en passant par le rose bonbon et le jaune canari. Plutôt brillant, mais totalement obsédé. Tiens, ça me rappelle l'histoire des Mokonas qui jouent au Majhong avec un... mais je m'égare.
[LT]Mais la matrone se reprend remarquablement vite pour son âge, et me propose une goutte de Ceylan en agitant la théière d'un air fourbe et narquois... Cette vieille rombière* ne perd pas le nord ! Je ricane un coup, mais je n'insiste pas**. Son chignon tiré à quatre épingles semble se redresser encore et ses yeux s'étrécissent jusqu'à ne faire plus que deux fentes, les pupilles brillant d'un éclat félin qui ferait presque peur pendant qu'elle se concentre dans une intense réflexion... Elle inspire brièvement avant de proférer:
«Alors c'est pire que des Détraqueurs. Et tu dis qu'il n'y a qu'un objet, une Relique, pour les vaincre?»
* Tiens, cela me rappelle une des nombreuses fois où j'ai dû me farcir des heures et des heures dans un théâtre avec un magicien français... Ca faisait "mais, vieille rombière, pour ta mise en bière, préfère-tu qu'on creuse, à la pelle [ou] à la pelleteuse?"
**On ne sait jamais, hein.
[R] «C'est bien ça.», je réponds. La sorcière se met à sourire. Un sourire carnassier.
«Tu vas m'aider à la trouver, alors, n'est ce pas ?» Elle brandit la théière sous ma truffe. N'ayant guère le choix*, j'accepte. «Bien, alors tu peux commencer tout de suite. Je vais chercher de mon côté, aussi.» Evidemment. Ca pouvait pas tomber sur un autre. Toute les missions quasi-impossibles sont pour moi**. Mes quelques protestations n'y changeront rien, mais je tente quand même le coup.
«Mais elle peut se trouver dans n'importe quel monde ! Il n'est même pas sûr qu'elle soit ici ! Et puis il ne sert à rien de chercher la Clé en elle même, puisque seul un élu peut l'utiliser... Il n'y a qu'une chance sur un million qu'elle soit dans ce monde !»
* Techniquement, si, j'ai le choix. Mais l'alternative n'est pas très attirante.
** Je les comprends, finalement. Qui d'autre que le grand Bartiméus pourrait s'en charger ?
[LT]"Ça tombe bien, un Elu, on en a un qui est encore disponible, même s'il faudra le pousser un peu pour qu'il accepte une double dose de travail, mais je pense pouvoir m'en charger. Pour la Clé, tu trouveras le Miroir des Mondes quelque part dans l'armoire du fond, pas loin du Miroir du Risèd. Fais attention à ne pas faire tomber la pensine."
Après ces instructions lapidaires, elle se détourne pour discuter avec un tableau*. Il ne me reste plus qu'à obéir... Et me voilà parti à fouiller précautionneusement dans un tel bric à brac que j'en viens à me demander si tout ça n'était pas plutôt un prétexte pour se débarrasser du nettoyage de printemps**. Mais je finis par trouver une psyché ovale. Le long de son cadre courent des runes multiverselles savamment calligraphiées.
*Elle fait ce qu'elle veut, après tout. Mais avouez que ça en dit long sur sa santé mentale, non?
**Combien de fois on se fait bêtement invoquer pour ce genre de vulgaires tâches ménagères... Dans le temps, il y a une fille qui avait fait très fort, une certaine Cendrillon... Et dire qu'elle avait accompli l'invocation sans même le savoir!
[R]Les signes s'illuminent alors, et je me recule d'un bond*. Le miroir noircit lentement et un homme aux cheveux blancs passe soudain au travers. Il s'arrête et me dévisage, puis il se retourne vers le miroir. "Heu... Sire, j'ai un problème !
- Quel genre ? dit une voix de l'autre coté**. Vous pouvez plus revenir ?
- C'est pas ça... Y'a un typhon devant moi...
- Un typhon ?
- Ouais... Un gros chat avec une crinière.
- Un lion ? Bougez pas, j'arrive, Perceval !
- Sire..., fait une troisième personne. Ce n'est pas prudent... Allez chercher du renfort !
- Allez-y, vous !"
Un deuxième homme arrive, cheveux courts, qui porte une épée flamboyante dans les mains. Il lève l'arme et l'abat sur moi***. J'esquive comme je peux. Ces gens des autres mondes sont fous. "Minute, je dis. On pourrait discuter, avant, non ?" Pour faciliter les choses, je décide de prendre la forme de Ptolémée.
*Ce n'est pas la première fois que je vois ce genre de machin, et la plupart du temps, ils apportent des ennuis.
**La plupart des miroirs ne laissent pas filtrer le son. Soit il est défectueux, soit la vieille n'en a pas pris soin.
***Qu'est ce que j'avais dit ?
[A] "Oh! Il s'est transigé en aigrefin!*, s'exclame l'homme aux cheveux blancs.
-En Egyptien, Perceval. Il s'est transformé en Egyptien., rectifie l'autre homme dans un soupir blasé. Et puis c'est quoi ce bordel**? Z'étiez pas censé être un lion, vous?, remarque-t-il en se retournant vers moi.
-C'est-à-dire que...", fais-je. Ils n'ont pas l'air très au courant, niveau djinns et autres, les petits nouveaux***. J'hésite entre ne rien dire, ce qui semble assez hasardeux car je ne vois pas où ça peut nous mener, et leur révéler ma véritable nature, quitte à me prendre un coup d'épée magique dans l'essence****.
"Ah, mais c'est de la magie, ça, Sire. Et la magie, je ne me suis jamais senti très à l'aise avec...
-Bon, d'accord, je vois ce qui me reste à faire... Bohort!, crie-t-il à travers le miroir. Ramenez Merlin*****, on a besoin de renforts!"
*Quand je disais qu'ils étaient fous... Vous avez vu? On ne comprend vraiment rien à ce qu'ils disent!
**Et vulgaires, en plus! Ah, ils sont beaux, les visiteurs interdimensionnels! Ils ne valent pas mieux que l'équipe de bras cassés que j'avais croisée, là... Leur nom m'échappe... Toujours est-il qu'une espèce de magicienne rouquine m'avait invoqué par erreur, au beau milieu d'un donjon, et que je peux vous assurer qu'elle en a reçu, des noms d'oiseaux! En même temps, on ne peut pas dire qu'elle l'ait volé.
***Ce qui n'est pas plus mal, d'ailleurs. Ca veut dire qu'ils nous fichent la paix, et qu'ils ne doivent pas faire appel à nous dans leur monde. C'est pas grand-chose, mais bon, il n'ya pas de petit profit.
****C'est qu'il ne l'a pas rengainée, le bougre! Et je dois vous avouer que c'est une option qui ne m'attire que très moyennement.
*****Attendez. Attendez un peu. On parle bien du même Merlin? Si c'est le cas, 1) ce monde nous connaît bel et bien, et n'est pas exempt de boulets pour provoquer des invocations accidentelles et 2), ce Merlin-là est un peu champion en la matière. Si c'est lui leur renfort, ils auraient aussi bien fait d'amener un assassin furet. Ou un corbeau mort.
[R] L'homme qui se fait appeler Sire sursaute soudain et se met à parler tout seul. Intrigué, je jette un oeil aux autres Niveaux, et je finis par apercevoir au quatrième niveau une femme rousse.
"Bonjour", je fais. Tous les regards se tourne alors vers moi.
"Bonjour, répond Perceval.
- Salut, ouais, me dit l'autre.
- Je parlais à la dame.
- La dame ? Où ça, une dame ?
- Non mais... vous la voyez ?
- Oui.
- Mais quelle dame ?
- Vous voyez la dame du lac ?
- Oui.
- Ah, ouais, elle ! Mais elle veut voir personne d'autre que le Roi. C'est pour ça qu'on la voit jamais.
- Non mais, Perceval, dit le type à l'air blasé, elle est ici. Mais y'a que moi qui peux la voir. Et lui aussi, apparemment."
Perceval fait une grimace d'incompréhension.
"Bah, si elle veut pas, on va pas la forcer.
- Bon, je laisse tomber. Vous pouvez vraiment la voir ?
- Ben, c'est normal qu'il puisse me voir, c'est un djinn, fait la dame.
- Un djinn ?
- Un démon, quoi."
Tous les yeux se posent à nouveau sur moi, sauf ceux de Perceval, qui contemple le miroir d'où on entend des bruits de pas.
[A]"Sire! Sire! On arrive à la secousse! On est là en confort!, hurle une voix de l'autre côté du miroir.
-Ça, c'est la voix de Karadoc, Sire, précise Perceval.
-C'est les expressions de Karadoc, surtout", constate ledit "Sire" * en levant les yeux au ciel. Il a l'air pas mal, lui, dans le genre souverain désagréable. "Bon, Karadoc!, crie-t-il à son tour. Y a qui, de votre côté? Surtout, attendez avant de traver..."
Trop tard. Quatre hommes traversent la surface polie, l'un d'eux brandissant une épée devant lui**. Trois d'entre eux sont bruns, et je remarque que les deux premiers sont loin d'incarner le parfait guerrier, avec leur surcharge pondérale***. L'un d'eux arbore une sorte de férocité orgueilleuse, supposée être intimidante****, et l'autre, un air craintif. Quant au dernier... c'est Merlin! Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vu, ce petit cambion*****... Enfin, demi-démon, si vous préférez.
*Oui, je précise "ledit". Parce que j'en ai vu, des usurpateurs. Ils ne payent pas de mine, mais en fait, ils ne sont pas censés être sur le trône. C'est comme ce roi maudit, là, ce nécromant honni... Comment il s'appelait, déjà?
**Encore! Mais c'est une mode, ou quoi?
***C'est tout le Moyen-Age, ça. A absorber l'équivalent de son propre poids en viande à chaque repas, ça ne m'étonne même pas que l'espérance de vie soit si faible. Ah! Au moins, à l'Antiquité, côté santé, ils en connaissaient un rayon, eux.
****Je me permets de dire ça, parce qu'à vrai dire, il ne m'impressionne pas beaucoup...
*****Petit, oui, petit. Ben quoi? Selon notre calendrier (enfin, l'une des tentatives pour établir un calendrier démonique), il a 7 cycles seulement... A moins que vous ne comptiez en années humaines? Laissez-moi rire! 884 ans, ça? Il ne sait même pas faire tenir un chaudron debout!
[K] J'étais sur le point de saluer cette vieille connaissance de la manière qu'elle le méritait - autrement dit, par un bon nuage de souffre puant - quand la porte de la cave s'ouvrit à la volée.
"Je croyais t'avoir dit de partir imméd... Qui sont ces individus?"
Tout content de pouvoir étaler ma science, je m'avançais et annonçait d'un ton de troubadour* :
"Je vous présente les sieurs Perceval et Caradoc, ainsi que deux de leurs éminents collègues, qu'accompagnent Merlin, fils de Satan, et... c'est quoi votre petit nom, sire?
- Mon petit... je pourrais relever mais je préfère pas... C'est Arthur.
- Arthur bien sûr! Et ça c'est Excalibur? Je la voyais plus étincelante...
- Oui bon, ça va, intervint la Dame du Lac, c'est tout ce que j'ai pu faire avec mon budget..."
Sa défense fut interrompu par un raclement de gorge**.
"Et je peux savoir ce que vous faîtes ici? Chez moi?
- Vous me rappelez ma mère, fit le souverain. En plus sympathique, je vous rassure."
* Pour rester dans l'ambiance vous savez, bien que ça ait dû paraitre un peu bizarre venant d'un jeune égyptien.
** Jamais entendu parler des pastilles pour la toux?
[A] Durant cette aimable conversation (on est ironique ou on ne l'est pas), une sphère sombre apparut en suspension dans l'air, juste derrière mon actuelle maîtresse*. J'avais un mauvais pressentiment au sujet de cette boule...
Et de fait, une forme s'y matérialisa brusquement.
"Un portail des ténèbres!", chuchotai-je involontairement.
Soudain, un être encapuchonné, vêtu d'un manteau noir, se tint devant nous. La vieille sorcière eut un sursaut et se rapprocha du reste du groupe.
"Magnifique..., murmura le nouvel arrivant d'une voix grave, à la fois terrifiante et sarcastique.
-Oh! La Réponse!", s'exclama la Dame du Lac. Elle semblait avoir perdu le peu d'assurance dont elle avait fait preuve jusqu'ici. Désormais, ses yeux d'un vert d'eau ne reflétaient plus que la terreur**.
*Non, non, toujours pas dans ce sens-là. Mais qu'est-ce que vous allez vous imaginer?
**Oui, oui, c'est un peu grandiloquent, je l'admets. Pourtant, c'est vraiment ça. Elle tremble de tout son corps, la pauvrette.
[R]"Oh, mais c'est cette chère Viviane... Magnifique."
Il partit d'un rire dément à glacer l'essence. Tout le monde se mit instinctivement sur la défensive.
"Que... Qu'est-ce que vous faites là ? demande la dame.
- Je suis venu voir la porte de ce monde.
- Quoi ?"
L'incompréhension se lisait sur tous les visages. L'homme montra une petite porte en bois, un peu vieille, qui ressemblait à n'importe quelle autre porte.
"Ce monde a été connecté, reprit la Réponse. Relié aux ténèbres. Il sera bientôt anéanti."
Tous frissonnèrent, puis l'un des nouveaux arrivants partit d'un gros rire.
"Non mais vous déconnez, là ! Vous comptez faire croire ça à qui ? A part à cette femmelette de Bohort...
- Seigneur Léodagant... On devrait peut être l'écouter, et revenir d'où l'on vient...
- Et puis d'où est-ce que vous venez, vous ?"
Le silence s'attarda. La tension monta d'un cran.
"Vous ignorez encore ce qu'il y a derrière cette porte... Il y a tellement à apprendre... Et vous ne comprenez rien."
Machinalement, tous les yeux se tournèrent vers la petite porte de bois. Le temps que nous la regardions, l'homme avait disparu.
[A] "Ah ben elle est pas mal, celle-là, maugréa Arthur en constatant la disparition de l'homme en noir.
-Hein? Il s'est barré?, fit tout haut Léodagant d'un air surpris. Remarque, hé, bon débarras!
-J'ai un peu les miquettes, là, murmura Perceval en lançant des regards peu rassurés autour de lui. C'est de la magie, ça, et la magie, j'vous l'ai déjà dit, j'ai jamais été très à l'aise avec*.
-Il a raison, Sire! Dépêchons-nous de partir, tant que le passage est toujours ouvert! Cette dimension est dangereuse!
-Mais ça craint rien!, s'écria le roi, agaçé.
-Ça craint rien?, s'indigna Bohort. Un être mystérieux vient de nous annoncer que cet univers est condamné à être englouti par les ténèbres sous peu, mais 'ça ne craint rien'? Oui, remarquez, vous avez raison, tout va très bien, aucun problème, c'est juste la fin du monde...
-Mais fermez-la, Bohort, j'essaye de réfléchir!, s'énerva l'irascible souverain. Et puis pour commencer, vérifiez que la porte dimensionnelle est toujours là, tiens, ça nous fera des vacances.
-C'est un miroir, le passage!, précisa la sorcière d'un ton sec. Alors a priori -à moins qu'elle ne se soit soudainement mise à crapahuter dans les landes - oui, la porte est toujours là. Moi, ce que j'aimerais bien savoir, c'est ce que vous fabriquez tous, autant que vous êtes, à l'intérieur de ce châtea...
-C'est ma faute, l'interrompit la Dame du Lac, un peu contrite. C'est moi qui les ai envoyés. J'ai des ordres, vous comprenez..."
En face, Arthur resta une fois de plus stupéfait.
"Vous aussi, vous la voyez?
-Ben oui, c'est une sorcière, répondit Viviane. Elle a des lunettes spéciales, je pense.
-Une sorcière? Ma parole, mais il y a des promos! Alors on commence par tomber sur l'autre démon, là, et elle, c'est une sorcière? Z'auriez pas pu me le dire un peu plus tôt, non?"
*Il n'est pas le seul. De toute évidence, Merlin ne s'est jamais senti très à l'aise avec la magie, lui non plus.
[R]Après un instant de réflexion, il reprit :
"Mais Merlin ne vous a jamais vu, lui.
- Oui mais moi c'est différent, répondit le druide.
- Comment ça ? Vous la voyez ou pas ?
- Ben, heu... J'la voyais avant qu'elle commence à vous apparaître, mais depuis j'ai paumé mes lunettes, et... Hé mais j'te connais, toi !"
Il me pointa du doigt.
"En effet, tu es le seul druide à avoir raté son invocation que j'ai décidé d'épargner*.
- Peut être, mais tu as ravagé mon bureau et détruit ma potion d'invincibilité !
- Vous avez fait une potion d'invincibilité ? demandèrent tous les autres en coeur.
- Hé ben, c'est la journée ! Entre l'autre con qui arrive à faire quelque chose de ses dix doigts, et l'annonce de la fin du monde... commença Léodagant.
- Mais heu... Vous pourriez la refaire ?
- Ben, en fait, sire, j'm'étais gouré en faisant une potion pour la toux pour Dame Mévanwie... Donc, heu... Non**."
Lassé de la conversation, je sortis de la pièce. Aussitôt je remarquai les lourds nuages, noirs comme une nuit sans lune, qui se dirigeaient vers nous. Un Sans-coeur apparut soudain devant moi et me fonça dessus. Je le renvoyai dans l'Autre Lieu à coup de Détonation*** et rentrai vite fait.
"On a un problème !"
Et un gros, en effet. Derrière les autres, deux créatures sortirent des ombres, attrapèrent le miroir et repartirent avec lui par une porte des ténèbres.
*Il est tellement pitoyable... J'ai eu pitié de lui.
**J'me disais aussi... Il ne sait même pas faire bouillir de l'eau sans que ça explose !
***Malheureusement, celui-ci va réapparaître ailleurs, puisque seul la Clé peut les détruire. Même le plus puissant des Marids n'y pourrait rien. Ou peut être que si, en détruisant lui-même tous les mondes un à un.
[K] "Ils ont pris la porte! s'exclama Perceval. Mince alors!
- Il est toujours comme ça?
- Oui, répondirent d'un même ton las Léodagant et son beau-fils."
Il y eut soudain un scintillement au milieu de la pièce, et un objet aux formes biscornues apparut.*
"Mais, c'est... une Keyblade! murmura McGonagall.
- Vous faites un concours d'évidence avec l'autre attardé ou quoi? marmonnai-je. Bon, ça veut au moins dire qu'il y a un élu parmi n...
- Pyuuuuu!"
Une espèce de boule de poil blanche était soudainement apparu. Elle agita ses longues oreilles de lapin** et se tourna vers le petit groupe de chevaliers.
"Konichipuuu! Mokona est venu chercher l'élu!
- Sire, sire, cette créature parle!
- Merci, Bohort, j'avais remarqué.
- Alors, Yuuko m'a dit de choisir quelqu'un de déterminé et courageux***, c'est pourquoi Mokona va donner la clé à..."
Sous les regards incrédules de l'assemblée, la clé fila vers Perceval.
"Heu, je suis censé faire quoi avec ça moi?
- Sauver le moooonde! pépia Mokona.
- On est mal barré..."
* C'est toujours pareil. Le jour où les magiciens fabriqueront des artefacts dotés d'une apparence banale...
** Je jure d'avoir entendu la sorcière soupirer "Adorable!"
*** Ouf, ça m'élimine d'office!
[R]Un bruit de tonnerre, violent, interrompit la conversation. Tout le monde se précipita vers la porte...
"Oh merde ! dit Arthur.
- Nous allons tous mourir ! hurla Bohort.
- Ah, vous c'est pas l'moment ! fit Léodagant. La situation est assez merdique comme ça, pas la peine d'en rajouter !
- Oui, vous avez raison, nous allons simplement mourir dans d'atroces souffrances, ce n'est pas la peine de nous en faire !
- Ah, c'est bon, les sarcasmes, hein ? Vous là, vous êtes censés sauver le monde, non ?
- Heu, ouais, mais j'fais comment ? Avec une clé, j'vois pas ce que j'peux faire..."
Un groupe de Sans-coeurs se matérialisa devant nous. Ni une, ni deux, tout le monde fonça dans le tas. Les Détonations volaient, les coups de baguette magique, une boule de feu de Merlin*, des coups d'épées magique ou non pleuvaient. Lorsque nous eûmes terminé, nous remarquâmes que des victimes de Perceval s'échappaient des coeurs.
"Il est le seul à les avoir vraiment détruits, dis-je. Les autres sont simplement retournés dans l'Autre Lieu. Ils pourraient même revenir. Ces coeurs... Ce sont sans doute ceux des victimes de ces bestioles.
- On parlera de ça plus tard, on a un problème un peu plus urgent !"
Le roi désignait le ciel. En effet, outre les nuages, on apercevait une immense porte des ténèbres qui attirait tout ce qui se trouvait en dessous d'elle.
*J'exagère. Ce n'était pas plus gros qu'une petite flammèche. Et encore.
[K] Je regardai le maelstrom gris acier avec un léger pincement au coeur*. A travers les plans, je pouvais voir certaines entités se faire entraîner par le courant puissant généré par le tourbillon de force. C'était un spectacle absolument fantastique. Dans tous les sens du terme.
"Ne me dites que mon boulot, ça va être de reboucher c'te gros trou?! Parce qu'il me faudrait une pelle plutôt qu'une...
- Faites le taire, avant que je m'en charge...
- Ah, y a pas à dire, intervint Merlin, mais c'est très réussi.
- Réussi? C'est la fin du monde et tout ce que vous trouvez à dire c'est que c'est réussi?
-D-Démon, il n'y a rien que nous puissions faire?"
Je regardais la vieille femme dans les yeux. Ils reflétaient une terreur absolue. Son monde, tout ce qu'elle avait bâti, défendu, protégé, tout allait disparaitre dans le néant. Et j'étais l'improbable bouée de sauvetage à laquelle elle tentait de s'accrocher.**
Il y eut un grand bruit, semblable à coup de tonnerre, qui résonna à travers toute mon essence. Une intense douleur me parcourut. Puis, plus rien.
* Quoi, on a bien le droit d'avoir le mal du pays, non?
** Ah, j'adore ce genre de scène dramatique... Les humains se souviennent alors de la puissance des démons. Mais bon, ce n'est toujours suffisant.
[LT] McGonagall contempla avec consternation l'espace qu'avait occupé un instant plus tôt le démon qu'elle avait invoqué à des fins de sauver le monde. Il venait de se faire proprement aspirer par le siphon céleste comme un bout de savon ramolli dans un fond de baignoire. Et le Calmar Géant du lac de Poudlard commençait à léviter en dégoulinant telle une vieille éponge.
Il n'y avait plus qu'une bande de clampins lambineurs et une clé fabuleuse dans les mains d'un crétin pour vaincre l'invincible.
A ce compte-là, elle aurait pu aussi bien s'attaquer aux Sans-coeur avec un tournevis sonique.
Cela dit, maintenant qu'elle y pensait, le râteau ensorcelé d'Ulric le Follingue traînait toujours dans un coin de la salle des trophées... C'était le moment ou jamais de découvrir les mystérieux pouvoirs dont il semblait être doté, à part celui de faire tourner le monde en bourrique. Elle se précipita aussitôt à l'intérieur du château, et ne ramassa qu'un nombre raisonnable de toiles d'araignées avant de retrouver le fameux râteau. Ou Râteau Fumeux, comme ses collègues l'appelaient en catimini. De nombreuses années d'études n'avaient jamais abouti plus loin qu'à la transcription des petits caractères biscornus qui s'enroulaient autour du manche vermoulu: un "c" dans un cercle, et "Bougre de Sagoin Jeanson".
[A] C'est alors que l'improbable artefact s'illumina, embellit un brin, et se mit soudain à filer en direction des tours. Plus précisément, vers la tour des Gryffondors. McGonagall faillit en tomber à la renverse de stupeur.
"Une Keyblade", ne put-elle s'empêcher de penser. Contre toute attente, c'était là une autre Keyblade, et elle cherchait manifestement l'Elu de ce monde-ci avant qu'il ne soit détruit.
Et, étant donné la direction prise par le râteau...euh, la clef, il ne pouvait sans nul doute s'agir que d'Harry Potter, bien évidemment.
En dépit de son grand âge, elle s'efforça de gravir les marches et d'alerter tout le monde du danger, au-dehors. Peu à peu, le château s'éveilla et des silhouettes se mirent à déambuler dans les couloirs, élèves et professeurs.
Puis elle rejoignit l'escalier des Rouge et Or afin d'apporter son soutien à Harry.
Seulement, ce n'était pas celui-ci qui tenait la Clef entre ses mains, absolument ébahi et sans trop comprendre ce qui venait d'arriver. Il s'agissait de... Neville Londubat.
[LT]La directrice au tartan lui expliqua rapidement de quoi il retournait, du moins dans la mesure du possible avec cet âne bâté de Londubat. Lequel jetait des regards perdus et cherchait désespérément de l'aide et du soutien du côté de son impossible plante, le Minibus Templesonia, là. Minerva se résigna à le traîner illico dans le parc sans chercher à lui faire comprendre quoique ce soit, la chose semblant perdue d'avance.
Là, elle jeta un regard navré sur King Arthur et sa clique qui continuaient à se tailler une bavette dans ces circonstances extrêmes, et préféra reporter son attention sur le botaniste en herbe sensé représenter une dernière chance.
"Allons, Londubat, bougez! Faites quelque chose, je ne sais pas moi..."
Le presque-cracmol lui retourna un regard hébété d'un vide intersidéral, puis agita mollement le rateau dans les airs comme s'il s'agissait d'un hochet.
[R] A l'extérieur, la porte des ténèbres prit de l'ampleur, si bien qu'au dessus de leurs têtes, les élèves de Gryffondor virent un morceau de la tour s'envoler. Le froid s'engouffra, et tous purent considérer de visu la situation. Ce fut dès lors la panique. Tous le monde se mit à courir dans tous les sens. Quelques élèves commencèrent eux aussi à s'envoler, et pour ne rien arranger, divers Sans-coeurs apparurent dans la pièce. Personne n'y fit attention, et personne ne pensa à les renvoyer d'où il venaient. Jetant un regard de là où elle se trouvait, Minerva put voir que les chevaliers avaient disparus. Sans doute happés par la porte.
Alors qu'elle tentait de réfléchir, elle se décolla elle même du sol. Elle s'accrocha de toutes ses forces à Neville... Qui s'envola. Elle leva les yeux, et contempla ce qui allait causer la fin de son monde.
[K] Restés seuls dans la tourmente, Arthur et ses braves s'accrochaient plus ou moins dignement aux fondements solides ce qui était - mais plus pour très longtemps - l'un des plus résistants édifices de cette dimension.
"Sire, je tenais à vous dire que j'ai été grandement honoré de servir sous vos ordres et que mes sentiments à votre égard ont toujours été habités du plus prof...
- Oh vous, Bohort, vous y mettez pas! Merlin, vous ne pouvez vraiment rien faire? Non, c'est bon, ne répondez pas, je vois à votre air de marcassin ahuri que... Merlin!
- J'dirais pas que c'est les meilleurs qui partent les premiers, hurla Léodagant au-dessus des vents cosmiques - parfois ça aide de gueuler souvent - tandis que le magicien disparaissait de leur vue, mais même ce vieux fou ne méritait pas ça!
- Et le machin brillant, là, j'en fais quoi?
- Bonne question. Bon, la fée, vous pouvez pas nous aider? Eh! Faites pas la sourde dans un moment pareil! Mais qu'est-ce qui m'a fichu une p...
- Pyuu! fit soudain Mokona depuis la capuce de Perceval. Mokona Modoki a assez attendu! En route pour notre grand voyage!"
Et avant qu'aucun des chevaliers ne puisse réagir, la créature ouvrit la bouche et créa un appel d'air si puissant que leurs doigts musclés aux arts militaires ne purent y résister.
[A] Une tornade. Bien qu'il n'en ai jamais vu, ce fut ce à quoi Arthur pensa en premier, lorsque l'étrange créature les aspira. Avant de partir, tout ce qu'il put voir fut Léodagant et Bohort qui s'éloignaient de manière incompréhensible de Perceval et lui, ainsi que des fragments de pierres, d'arbres et de tuiles volant en tous sens. Les ténèbres. Le chaos absolu.
Sans le vouloir, il hurla.
Alors, des mots qu'il avait jadis enfouis dans les tréfonds de sa mémoire lui revinrent en tête, comme une lame de fond.
"Siècle des larmes, hurlements
Panique, ruines, fin d’un monde..."
Et puis, brusquement, tout ceci disparut, et ils se retrouvèrent... ailleurs.
Une grande femme aux cheveux sombres et aux yeux d'une couleur indéfinissable -carmins, peut-être?- leur faisait face, vêtue d'une robe noire et blanche.
"Ainsi, vous voici..."
[K] Arthur regarda autour de lui. Partout, de hautes tours de verres s'élevaient vers un ciel grisâtre, et il y avait une drôle d'odeur dans l'air. Un peu comme quand Merlin enfumait la tour Ouest avec ses décoctions. De toute évidence, ils venaient de débarquer dans un nouveau monde, encore plus tordu que le précédent.
"S-sire...
- Quoi, Bohort?
- Cette femme... des yeux de cette couleur... ce n'est p-pas normal du t-tout!
- Mais qu'est-ce que la norme? intervint l'intéressée. Ce que...
- Oh non, Yuuko-san, vous n'allez pas commencer! l'interrompit le jeune homme qui se tenait jusque là derrière elle.Vous exaucez leurs voeux, ils rentrent chez eux, et nous on continue notre repas! Y a pas idée de débarquer à l'heure du dîner!"
C'est à ce moment là que grondèrent les estomacs de Perceval et Caradoc. Une veine apparut sur le front du garçon. Elle n'allait quand même pas l'obliger à...
"Watanuki, va préparer une collation pour ces messieurs! Ce n'est pas parce que les univers s'écroulent les uns après les autres que nous devrions renoncer à partager un bon repas, et ça rendra les explications plus faciles à... digérer! Ah et Watanuki, n'oublie pas...
- Le saké, je sais, soupira le jeune homme sur un ton résigné.
- A nous, messieurs! Je suis certaine que vous avez de nombreuses questions!"
[R] Un silence abasourdi s'éternisa tandis que tous tâchaient de comprendre ce qui se passait. Le roi se racla la gorge et parla enfin.
- On est où, exactement ?
- Dans ma boutique.
Arthur regarda autour de lui. Au milieu des immenses tours de verre se trouvait une petite maison coquette, entourée d'un jardin, lui même protégé par une palissade de bois. Puis il remarqua autre chose.
- Où est Léodagant ? Il était pas avec nous ?
- Il est dans un autre monde - avec celui que vous appelez Merlin.
Silence.
- Mais heu... Sire, il est pas mort ? Il est allé dans la grosse boule noire, là...
- Oui, c'est ce que je me demande aussi.
- Lorsqu'un monde est détruit de cette manière, des portes des ténèbres s'ouvrent de manière chaotique. Votre ami a emprunté l'une d'elle.
- Il a eu de la chance, quoi.
- Il n'y a pas de hasard. Seulement la fatalité.
- Si vous le dites. Et pourquoi on est tombé ici en particulier ?
- Si vous êtes ici, c'est que vous avez un vœu à formuler.
[A] Elle fut une nouvelle fois interrompue par le jeune homme aux cheveux noirs de toute à l'heure, manifestement de retour. Cette fois, il venait poser sur la petite table du jardin un plateau chargé de victuailles -et râlait toujours.
"Dire qu'aujourd'hui, j'avais dit que vous n'auriez droit qu'à deux verres de saké... Vraiment, vous trichez, Yuuko-san!"
L'intéressée se contenta d'avoir un petit gloussement, et se tourna vers le groupe. Ce fut Arthur qui reprit la parole, un peu désorienté. Il faut aussi dire que le garçon avait lui aussi des yeux bizarres, l'un bleu et l'autre... doré? Étonnamment, Bohort n'avait pourtant émis aucune remarque à ce sujet.
"Un voeu... Euh, je crois que je n'ai pas bien compris. Pour quoi faire, un voeu?
-Ah mais il faut préciser, alors, m'dame, intervint Perceval. Un voeu comme celui des étoiles filantes, ou un voeu comme celui de chevalier, là?
-Voyons voir... fit la mystérieuse femme. 'Voeu. n.m. Souhait, désir ardent de voir se réaliser quelque chose. Demande, requête...'
-Et voilà, c'est reparti!, se plaignit Watanuki, en levant les yeux au ciel.
-Donc si j'ai bien compris, s'aventura Bohort d'une voix peu rassurée, nous devons vous demander quelque chose, que vous réaliserez?
-Exact. En échange d'un compensation, de valeur équivalente. Ni trop, ni trop peu."
Ils s'assirent ensemble autour du dîner, que Caradoc et Perceval entamèrent voracement. Il faut dire que la dernière fois qu'ils avaient mangé, c'était il y avait plusieurs mondes de cela...
[K] "Bon, bah je pense exprimer le voeu de tous en disant que nous voulons rentrer chez nous. Tous ensemble et entiers de préférence. Enfin, si vous tenez vraiment à garder un de ces imbéciles congénitaux...
- Et que me proposez-vous en échange?
- Je vous dirais bien le Graal, mais c'est pas gagné...
- On peut même dire que c'est plutôt perdu, Sire, ajouta Borhort.
- Soyez gentil et fermez-la, ou je vous vends en esclave à Madame.
- Non, c'est bon, marmonna Watanuki en ramassant les plats, ça, elle a déjà.
- Comme vous voyagez tous ensemble, dit Yuuko après avoir tiré l'oreille de son employé, il serait plus juste que chacun paie une fraction du prix total. Je vais donc m'entretenir avec chacun d'entre vous, et vous réclamer quelque chose."
Ainsi fut-il. La sorcière les fit entrer un à un dans la maison. Arthur passa bon dernier. Il s'attendait à ce qu'elle lui demande une montagne d'or, un artefact précieux ou, pourquoi pas, Excalibur elle-même, mais...
"Ce médaillon que vous portez au tour du cou... Ôtez-le et posez-le sur la table."
[A] Ainsi, elle avait dit vrai. Ils devraient lui donner ce qu'ils avaient de plus précieux pour accomplir ce voyage, et ce, de manière implacable. Avec un pincement au coeur, le roi retira le talisman donné par l'homme qui l'avait élevé, et le déposa doucement entre la sorcière et lui. Les yeux aux reflets changeants de cette dernière croisèrent les siens.
"L'heure est venue."
Ils ressortirent de la boutique, puis rejoignirent le reste du groupe.
"Afin de réaliser votre souhait, je me dois d'invoquer une créature qui accompagnera votre route.
-Invoquer? Mais alors, ce sera un... un démon!, paniqua Bohort.
-Et alors? Des démons, on en a déjà rencontré un, non?, fit remarquer Perceval avec son habituel ton d'inconscience face au danger. D'ailleurs, c'est marrant, parce qu'il...
-Oh, mettez-la en veilleuse, vous deux, soupira Arthur d'un air las. Par contre, euh, dites, lança-t-il à l'adresse de Yuuko, vous comptez convoquer quoi au juste comme..."
La sorcière des dimensions ne l'écoutait plus. Un cercle bleu-violet, orné de symboles mystérieux, venait de se matérialiser autour d'elle. Sa main s'éleva et esquissa un étrange geste, qui ressemblait à un appel, suscitant alors l'apparition d'un second sceau.
Au centre de ce dernier, un oiseau de feu*.
*Classe, non, comme matérialisation? Moins que le dragon multi-tête cracheur d'acide ou que le lion à corps humain d'Arabie, mais bon...
[K] D’habitude, quand je suis invoquée, la première chose que je fais c’est de chercher les défauts du cercle d’invocation. Ça n’a pas été le cas cette fois. Pourquoi ce moment de faiblesse, vous demandez-vous ?
Eh bien tout d’abord, rappelons que je venais d’être aspiré par une espèce de trou noir miniature, ce qui n’est pas une expérience des plus agréables*. Alors que j’étais au cœur du maelstrom, j’avais senti le contrat qui me liait à la vieille McGonagall se briser, et étais retourné, tout guilleret, me prélasser dans les limbes de l’Autre Lieu. Le temps n’existe pas là-bas, mais pourtant, quand mon Essence se mit à me tirailler, signalant une nouvelle invocation, j’avais bien conscience que l’on ne m’avait laissé me reposer**. Que voulez-vous, c’est la rançon du succès.
J’apparus donc, chatoyant, brillant et surtout bien brûlant***. Et c’est là que je me rendis compte que, cette fois-ci, ça ne servirait pas à grand-chose. Bon, évidemment, les nigauds en armure de la dernière fois paraissaient tous très impressionnés, et le gamin qui sortait de la maison renversa son plateau. Mon invocatrice, en revanche, ne cligna même pas des yeux. Elle n’avait pas pris la peine de tracer les cercles habituels. Quel besoin, c’est vrai, quand on est la Sorcière des Dimension et que d’un mouvement du petit doigt on peut faire de l’essence d’un Afrit l’engrais de son cerisier ? Elle sourit, et je frissonais.
*Bon, évidemment, j’ai connu pire, mais je vous raconterai ça une prochaine fois.
**On devrait créer un syndicat et obtenir des RTT, je vous jure.
*** J’ai une fois réussi à roussir la barbe du magicien qui m’avait invoqué. Il a paniqué, est sorti du cercle et… a formé un petit de cendres très propret sur le tapis persan de son bureau.
[R] Pourquoi m'avait-elle pris moi plutôt qu'un Afrit ou qu'un Marid ? D'abord, parce que le Marid aurait été un peu trop puissant, même pour elle. Encore que... Mais pour l'Afrit ?
- Bartiméus, tu vas accompagner ces personnes jusque dans leur monde. Si un seul d'entre eux y laisse la vie...
Elle sourit*. Un sourire qui n'avait rien d'amical. L'envie me démangeait de me changer en souris, mais je décidai de garder le peu d'orgueil qu'il me restait pour impressioner les autres.
La Sorcière des dimensions se tourna vers eux.
- Mokona va vous ramener chez vous. Mais il ne peut pas choisir le monde dans lequel il ira.
- Hé bien, on rechangera aussitôt.
La Sorcière sourit.
- Bon voyage.
La boule de poils blanche s'éleva dans les airs. Deux ailes lui avaient poussé. Il ouvrit la bouche, et nous aspira.
Lorsque je rouvris les yeux, je vis que nous étions dans une plaine désolé. Aucun arbre à l'horizon, de lourds nuages au dessus de la tête. J'eus peur que tout recommence, mais une petite pluie qui se transforma en averse me rassura. Un simple orage.
Au loin, à travers la pluie, un grand château de pierre se dressait sur une colline.
*Avec un autre mage, j'aurais pu le brûler vif si ils venaient à mourir. Avec elle, je préfèrerais qu'ils arrivent à bon port entier, sans une égratignure. Je ne tiens pas vraiment à nourrir les fleurs.
* * *
[K] La première chose qu’Hermione remarqua fut l’odeur. Un délicat mélange d’alcool fort, de sueur rance, de parfum bon marché et… oui, d’iode. Le résultat était des plus nauséab…
« Par tous les dieux et leurs putains! Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ?! C’est encore un de vos sorts qui a foiré, c’est ça, hein ?
- Vous dites ça comme si tout était toujours de ma faute !
- Bah, c’est que c’est plus ou moins le cas, hein, à se demander pourquoi l’autre petit con garde un sorcier aussi naze…
- Alors, excusez-moi de vous détrompez, mais je n’y suis pour rien et… attendez, vous venez de me traiter de naze ?!
- Comme si j’allais me gên… »
Les deux hommes se querellaient furieusement, sans prêter la moindre attention à la jeune fille ni à leur environnement. Hermione regarda avec attention leurs vêtements, indéniablement médiévaux, puis inspecta les alentours, qui paraissaient plus tardifs. Conclusion : elle se retrouvait en un lieu inconnu avec deux personnes qui ne devaient pas en savoir davantage qu’elle. Et qui étaient plus bruyants que les frères Crivey avec ça.
« Par la barbe de Merlin, vous ne pourriez pas vous taire ?! Je ne m'entends même plus penser!
- Qu’est-ce qu’elle a ma barbe ? »
Pour une fois, Hermione ne sut pas quoi répondre.
[A] Heureusement pour elle, le temps de préparer une entrée en matière lui manqua. En effet, ce fut à ce moment précis que la porte de la pièce inconnue s'ouvrit à la volée sur un homme à l'apparence singulière, apparemment très enthousiaste:
"A moi la Fontaine de... Tiens, des invités-surprise?"
Hermione fut d'abord assez étonnée par sa voix, à l'accent indéfinissable. Mais ce n'était pas là le seul élément propre à la stupéfier. Le nouveau venu portait une chemise blanche, un gilet brun et un pantalon de marin, de la même couleur. Mais surtout, sa tête se coiffait d'un tricorne, posé sur un bandana rouge. Et un sabre était passé en travers de sa ceinture à boucle. Sabre qui ne tarda pas à se retrouver dans la main de l'inconnu.
Les soupçons de la jeune fille se voyaient confirmés. Ils se trouvaient face à... un pirate.
"Vous êtes là pour me voler la clef qui mène à la Fontaine de Jouvence, évidemment? Mais je ne vous laisserai pas faire, j'ai déjà eu assez de mal à la trouver comme ça!
-Attendez, vous êtes qui, au juste?", s’exclama d’un ton bourru l'un des deux hommes, derrière elle -pas celui qui se faisait appeler Merlin, l'autre. Doux Godric, il faudrait qu’elle se fasse à cette idée-là, aussi.
Justement, ‘Merlin’, se mit à réagir, lui aussi. « Et puis pour commencer, posez ce sabre, ordonna-t-il d’un air peu convaincant. J’ai horreur de la violence.
-Vous vous trouvez dans la cave où je viens de cacher mon plus récent trésor, répliqua le marin en désignant un coffre dans le coin de la pièce, et vous voulez me faire croire ça ? Vous me prenez pour un moussaillon ?
-Ils ont raison, l’interrompit la jeune fille, en tentant de sembler posée. Nous venons d’arriver ici, et nous ne savons vraiment pas à qui nous avons l’honneur, euh… monsieur. »
Le pirate se tourna vers elle d’un pas tanguant.
« Capitaine Jack Sparrow pour vous servir, Mademoiselle. Mes hommages. »
Il ôta son couvre-chef et fit mine de s’incliner. Néanmoins, cela ne le dissuada pas de baisser la garde, et le sabre demeurait toujours aussi menaçant.
Ce fut à ce moment que le coffre s’illumina d’une étrange lueur…
[R] "Oh, non, mais c'est pas vrai ! Qu'est-ce que vous avez encore foutu, vous ?
- Mais rien ! Arrêtez de m'agresser comme ça ! Sinon, je vous change en crapaud."
Le gros homme bourru éclata de rire.
"Tout ce que vous arriveriez à faire, c'est nous faire sauter nous, avec toute la pièce.
- Hé, ho ! Pas de bêtise, hein ? Mon coffre est là, aussi."
Hermione soupira. Pourquoi se trouvait-elle en si mauvaise compagnie ? Elle se demanda un moment ce qui était arrivé à ses amis, dans la tour de Gryffondor, puis elle reporta son attention sur le coffre.
"Il a déjà fait ça, avant ? demanda-t-elle à Jack.
- Non. Mais du coup il m'intéresse encore plus. On ne s'en approche pas !" dit-il en brandissant son épée.
Il s'avança vers le coffre d'une démarche chaloupée et l'ouvrit. Il sortit la clé qu'il y avait dedans.
"Elle n'était pas comme ça, avant."
La clé disparu subitement, pour réapparaître dans les mains d'Hermione. Le pirate paru contrarié, les deux autres s'arrêtèrent un moment de se chamailler pour la regarder.
"Hé, on dirait le même truc que la boule de poil à donné à l'autre débile !
- A Perceval ? Oui, c'est possible."
Perceval, maintenant ? Hermione commençait à avoir la tête qui tournait.
*