[Marcel Dorcel]

Linette, c'est joli comme prénom. La singularité fait force.
Je veux bien vous la décrire mais dès lors qu'on aime les gens, c'est une difficulté supplémentaire. Ceux qu'on déteste, la facilité est totale, le défi du pauvre , pour ainsi dire.

Tandis que l'automne, l'hiver et le printemps n'iront jamais plus loin que le bout de leur nez, Linette galope à en grandes enjambées vers ses vingt et un étés.

Elle m'a dit un jour:
- Avec tous les cadavres que tu transportes dans ta tête, on pourrait construire un cimetière. Tu m'entends Fifi, tu n'es pas responsable de tout, nous ne sommes tragiques que par accident. Occupe-toi plutôt de mes lèvres et embrasse-moi !

Elle sait. Quand elle relève sa robe, que je devine la naissance de ses fesses, ses prédictions deviennent réalités. Certains moments de la vie méritent de ne pas prendre la décision terrible de se flinguer.
Nous ne sommes pas libres, nous n'avons jamais été libres par ailleurs. Notre seule liberté, soit nous allons vers le nord pour mourir, soit nous nous dirigeons vers le sud pour aimer. J'ai pris la décision irraisonnable d'aimer.
Aimer, le feu dans la plaine, la vitre qui oscille.
Je n'avais jamais aimé quelqu'un.
Je découvre l'amour à soixante deux ans.

Comme dirait le père Hugo :
Vous êtes bien belle et je suis bien laid.
A vous la splendeur de rayons baignée ;
A moi la poussière, à moi l’araignée.


Il n'y a aucun acte sexuel aussi irrésistible que d'embrasser.
Avec Linette, on s'embrasse pendant des heures, on mélange nos salives, on se mange les lèvres, on rigole puis on pleure.
Nos regards s'affolent, nos mains tremblent. Nos coeurs lâchent.

Il faut bien reconnaître que je ne peux pas lui faire plaisir autant que je le voudrais depuis mon cancer de la prostate il y a cinq ans bientôt . Comprenne qui voudra, comprenne qui pourra.

Linette a dit:
- On monte l'escalier ensemble !

Linette a dit:
- Nous croyons dans la lumière ! L'obscurité ne nous fera jamais peur, mon amour.

Jamais personne ne m'avait dit mon amour.

Avec ses jolis dents, elle aime me mordre derrière l'oreille. Avant elle, je ne supportais pas qu'on me passe la main dans les cheveux. Linette, elle le fait avec tellement de soin, d'emprise et d'amour !
Mon souffle se coupe  dès lors qu'elle sourit.

Linette a dit. Est-ce qu'elle dira encore ?
NON.
Linette est partie.

[HELLIAN]

 

Ton texte est bouleversant.

 Il mêle une force poétique et une fragilité presque nue. On sent qu’il ne s’agit pas seulement de raconter une histoire, mais de mettre en mots l’expérience d’un bouleversement intime : découvrir l’amour tard dans la vie, sentir à la fois la lumière et l’ombre, la vie et la mort.

Quelques éléments qui frappent :

La figure de Linette : elle est à la fois concrète et presque mythique. Elle porte un prénom rare, qui sonne clair et pur, et incarne la jeunesse, l’élan, la vitalité. On sent qu’elle est « l’événement » de ton existence.

Les citations de Linette : elles rythment le texte comme des oracles. « On monte l’escalier ensemble », « nous croyons dans la lumière » — ce sont des phrases simples mais qui résonnent comme des promesses existentielles.

La confession du narrateur : tu parles du cancer, de la sexualité diminuée, de l’âge (« je découvre l’amour à soixante-deux ans »). Tout cela donne une authenticité brute à ce que tu écris. Ce n’est pas du romanesque, c’est du vécu transformé en poésie.

La chute : « Linette est partie. » Après tant d’élan et de lumière, le mot tombe comme un couperet. Ce n’est pas un cri mais une vérité nue. Il ramène tout à la condition humaine : l’amour vécu, la perte, l’absence.

Sur le plan littéraire, ton texte a quelque chose de hugolien (tu cites Hugo d’ailleurs), mais aussi de très contemporain : cette écriture fragmentée, ces phrases qui s’ouvrent et se brisent comme des respirations, ces aveux corporels mêlés aux pensées métaphysiques.

[Delnatja]

Bonjour Marcel Dorcel, c'est toujours un plaisir de te lire.
Belle journée.

[Marcel Dorcel]

Je vous remercie à tous les deux.
HELLIAN, grace à ton commentaire, et si...?

Très certainement, un texte bien plus long, à venir j'espère. Je m'aperçois que le texte demeure trop simple. Les idées viennent et sont en train de mûrir.
Pas assez consistant.
Comme à chaque fois, vais-je oser franchir le pas ?
Ce serait dommage parce que là, je la tiens mon histoire. Tout est à portée de clavier, le début, la fin, le milieu. Les personnages, les principaux, les secondaires, les lieux, j'ai tout sauf que je n'ai rien tant que je ne l'ai écrit ce putain de roman ! Une chose est sure: dans le titre apparaîtra le prénom Linette.
Je vais être vulgaire mais ça chier, cette fois-ci , je la tiens mon histoire mais est-ce que je vais être capable de me botter le cul pour l'écrire, enfin devenir un homme, refuser d'être un lâche ?
Dans le roman, une piste, ça parlera aussi de ça, décider de sa vie ou se renier...chut...j'en ai trop dit...

Je vous remercie.

[Mic Ester]

Bouleversant, Hugolien, comme dit Hellian, je n’irais pas jusque-là mais intéressant, accrocheur.
Ta présentation pas linéaire du tout peut dérouter, tu mélanges tout, les citations les dialogues, le cancer, pourquoi pas. Il faut lire plusieurs fois je crois.
Difficile d’avoir un avis tranché, mais ton texte ne laisse pas indifférent !
A+
Mic

[Aionia Apektasis]

Je trouve aussi ton texte très beau.
J'ai trouvé qu'il y avait aussi un peu de Brassens dans l'érotisme qu'il dégage par endroits.
Ca m'a rappelé la Princesse et le croque note, même si là, à la fin, c'est elle qui finit par dire non.
Belle journée,
Aïonia

[Delnatja]

Commence par écrire une nouvelle et après, une fois le résultat obtenue, tu peux toujours parlementer avec toi-même pour aller plus loin ou pas.
Belle journée.

[Nacas]

Oui, commence par écrire une nouvelle, Marcel.

Je la lirai.