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Auteur Sujet: Business en Chine mon Amour  (Lu 699 fois)

Hors ligne Jynzcabat

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Business en Chine mon Amour
« le: 17 Avril 2020 à 22:30:58 »
Business en Chine, première nouvelle:

Liu: "Max, cette fois-ci ne te montre pas dans le champs de vision de la caméra, fais comme si tu n'étais pas là, je ne veux pas t’entendre, ni te voir, ils sont trop cons pour penser une seconde que tu es présent."

Max: "Mais ça va pas être un peu difficile pour la traduction? Aucun de vous ne parle correctement l'anglais"

Liu: "Tu me fais une traduction des grandes lignes par écrit, et eux je leur parle comme à des gosses, de toute façon ..."

Max: "Comme vous voulez, je peux en savoir plus cette fois-ci? Il y aura qui? Nous, les français? Et puis? C'est encore pour les rassurer sur le transfert de fond? La lettre de crédit? ça fait un mois qu'ils nous relancent, il va falloir trouver un peu plus de crédibilité, ils commencent à s'impatienter."

Liu commence à visiblement perdre son calme, ce qu'il vient d'entendre le stress, l'incommode, ou bien c'est sa bouteille de Nikka de la veille qui a du mal à passer, ou le texto de sa femme, ou de l'autre Russe, ou Max et ses pieds dans le plat qui éclaboussent.

Max: "Je vous rappelle que vous me payez pour vous conseiller, on arrive à un moment crucial là, ça fait un an qu'on bosse dessus, j'ai besoin d'en savoir un peu plus. Ils ne sont pas chinois en face, et au vue du montant du transfert, ils vont demander un max de précautions, de garantie. Pas juste du blabla, pas un KTV et des putes, des garanties des vraies, des gens au bout du champs de vision, des trucs qui les rassurent que leur 2 milliards d'Euros sont entre les bonnes mains pour faire des petits.”

Liu: "Pas la peine de me le rappeler, je sais ce que je fais. Aujourd'hui il y a les banquiers français, les intermédiaires du général Ahmed qui vérifient nos garanties, mais à distance. Et puis le Général sera au bout du fil, à Dubaï aussi mais n'interviendra pas pour garder l'anonymat. Et nous avons aussi le représentant Asie de la banque DB, les intermédiaires privés de cette lettre de crédit et bien entendu un représentant du bureau économique du gouvernement fédéral pour les rassurer sur l'aspect légal du transfert de fonds. Toi, tu regardes, t'observes, tu notes les conversations hors champs des deux zigotos, tu vois si on n'essaie pas de nous la jouer à l'envers."

Mouais, l'endroit de l'envers, il reste quoi, une heure avant le meeting, ce sont des fous, autant de pognon pour des projets en Chine? Garantis par le gouvernement, 2 milliards d'euros bordel, 2 milliards, et ça uniquement pour la première tranche, un an qu'ils travaillent sur ce transfert de fond, pour la première tranche uniquement, Max n'a jamais vu ou entendu de chinois du côté de ces soit disant banquiers privés français, ni même du côté arabe, ni rien en fait. Les chinois ne vont pas hésiter à chercher leur Max, pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'entourloupe et eux, trop bêtes, c'est bien ça le mot, payer un petit salaire en plus pour un apport culturel, au regard de l’enjeu, des économies de bout de chandelle, des inconscients. Banquiers privés, la bonne blague, la première recherche que le patron a demandé était de savoir qui ils sont, Max n'est pas allé frapper à leurs portes non plus, c'était trop facile, leur porte est au bout du clavier, Google, réseaux sociaux, vanité de montrer à la terre entière qu'ils passent leurs weekends à Deauville, un ancien prof de golf, et un pilote d'hélico, deux bouffons dans le cercle éloigné des plus puissants, ils jouent à un jeu dangereux, ils sous estiment la partie adverse tout en se prenant pour des dieux, ils pensent faire le coups du siècle, avec leur investisseur anonyme. Quand on en a beaucoup on en veut toujours plus, ils ne me font pas rêver ces deux là, des débutants, ils ne savent pas dans quoi ils s'embarquent. Aujourd'hui il n'y a plus d'intimité, il n'y a plus d'inconnu, un clic et la vie des gens est en ligne, même si l'on veut rester discret c'est foutu, il y aura toujours un Max pour fouiner, pour trouver le détail de ta vie secrète. Les réseaux sociaux n'est que la partie visible de l'iceberg, tes dépenses, ton smartphone, GPS et même maintenant ton vélo que tu chopes dans la rue avec une app’, ton UBER, ton supermarché en ligne, les médocs que tu fais livrer chez toi sans compter l'indiscrétion de tes proches à ton sujet. Si Max peut tout savoir alors qu'en est-il des gouvernements, de ceux qui veulent te contrôler par forcément pour t'apporter du bonheur dans la vie. Mais ces deux là, page 3 de Google, leurs vies étalées, leurs milieux bourgeois, leurs Facebook même pas verrouillés, une blague, deux morveux qui veulent jouer dans la cours des grands, j'en ai déjà mal pour leur avenir, et Max a l'impression de leur montrer comment charger un 9mm pour mieux se faire exploser.

Max: “LIIIIIIUUUUU !!!!! C'est quoi ce foutoir, je reviens de la salle de réunion, pas de représentant de la banque DB en vue, pas d'intermédiaire de Wall Street et encore moins de représentant du bureau fédéral.. ??? ça va commencer dans dix minutes, c'est quoi ce délire?? Par contre t'as trois livreurs qui t'attendent, c'est pas le moment de manger tes sushis tu crois pas?"

Liu: "Quoi? Ils ne se sont pas encore habillés? Attends j'y vais"

Max: "Habillés de quoi? Je comprends rien, qui? Quoi? Qu'est-ce qui se passe?"

Liu: "J'ai pas le temps de t'expliquer, viens avec moi"

A l'entrée de la salle de conf, il y avait trois bonhommes, que Max avait pris pour des livreurs, mais qui étaient en fait des taxis scooter. Les potes de son patron venaient d'arriver, tirés à quatre épingles, et faisaient déshabiller les trois compères pour leur faire enfiler des costumes de marques, et tout cela, dans la bonne humeur bien entendu.
 
Liu: "Zhang, file lui ta Rolex à lui, il est patron de la banque DB en Asie, et toi aussi t'en prends une notre cher vice gouverneur de Beijing. Je vous rappelle, quoiqu'il arrive, ne parlez pas, n'ouvrez même pas la bouche pour boire, restez figé et ne souriez pas. On vous pose une question, et je ferai en sorte que ça n'arrivera pas, ne répondez pas, ne dites absolument rien, de toute façon vous ne parlez pas anglais, ni rien. Vous avez compris??"

Trois compères: "Compris!!!"

Max: "Liu, avec tout le respect que je te dois, et tu le sais, je ne serais jamais resté dans un projet s'il m'avait paru louche, mais là, bordel, tu fais quoi? On trempe dans quoi là?"

Liu: "Toi aussi tu vas te calmer et reste à ta place pour une fois. Tout va bien, tout est légal t'inquiète, mais la banque, Wall Street et Beijing n'allaient pas se déplacer dans le centre de nulle part pour une petite conférence call de rien. On a l'aval, tout le monde est d'accord, je leur dis juste à ma manière, si on ne leur montre pas ce qu'ils veulent voir on ne bouclera jamais le deal. On maquille juste un peu la vérité, c'est tout, et après tout, pour vous les étrangers, un chinois est un chinois, ils n'y verront que du feu."

Max: "Ohhh bordel ..."

La visio conférence s'est passée sans accroche, sans le moindre doute, ni le moindre soupçon. Tout le monde aveuglé par le pognon, par les dividendes et autres parts du lion. Un mélange d'excitation et de tension était palpable, on pouvait presque toucher cette bête immonde, c'était quasiment physique. Les montants en jeu étaient trop importants pour déconner, mais aussi trop gros pour ne pas s'aveugler. C'était très court, la supercherie n'a inquiété personne, un peu comme si ils ne voulaient pas savoir, comme si le devoir que ça se passe comme ils le veulent les empêché de chercher plus loin. Deux milliards d'Euros, tu demandes à avoir le profil complet de chaque intervenant, de chercher le diable dans les détails, bah non, rien. L'écran derrière lequel se cachait le général Ahmed montrait une ombre, celle d'un homme forcément, chauve avec des lunettes, qui reste pour la plupart des débats muets. Par contre, lui, on ne lui demande peut-être moins qu'aux autres, si son pognon arrive c'est ce qui compte. Pas d'odeur comme on dit, son anonymat chatouille uniquement la puce de l'oreille de Max, qu'est ce que cela veut bien dire ... Les débats arrivant à leurs fins, le Général comme il se fait appeler prends le temps de préciser l'envers du décors, la réalité immonde de la situation.

Général Ahmed: "Merci messieurs de vous être déplacés aujourd'hui pour le dernier volet de sécurisation de mon investissement en Chine, je vous rappelle qu'il s'agit d'une première tranche de 2 milliards sur 8 au total. Il m'est important de vous rappeler ce qui suit. Au vue de l'origine des fonds, il est impératif que cet argent soit investi dans des projets conforment avec le Coran, et si possible, des projets initiés par des musulmans chez vous en Chine. Je vous en remercie."

Max était en train de penser à l'ignorance de tous ces intervenants derrière leurs écrans, à cette confiance mise dans les mains de personnes qui lui apparaissaient de plus en plus comme des escrocs, à cette naïveté de débutants qui leur faisait prendre des risques démesurés. La religion n'est pas l'opium du peuple ici, c'est l'argent, et l'épée de Damoclès qui pèsent sur nos pensées judéo-chrétiennes n'a pas pris le temps de faire un tour dans l'Empire du Milieu. Le mensonge, ou plutôt le travestissement de la vérité est monnaie courante, seul le résultat compte. On te dira ce que tu veux entendre, ce n'est pas un problème, par contre la vérité ... Max, quant à lui, en était resté aux derniers mots du Général Ahmed, l'origine des fonds, il l'a bien demandé maintes fois à Liu, qui a toujours évité le sujet, mais là. Il n'était pas chinois lui, même s'il avait passé la majeure partie de sa vie d'adulte ici, il lui restait encore des restes de son éducation, il n'était pas encore corrompu, naïf certes, pour lui l'humain est né bon, mais absolument pas corrompu. La visio touchait à sa fin, les écrans se fermaient un par un, les formules de politesse se terminaient, il faut dire que le patron de Max, Liu était un sacré orateur, son anglais bancal avait tenu la route, son aplomb avait évité des questions inutiles, son charisme avait rassuré le Général. S'il avait atterri à Hollywood, il aurait déjà obtenu son oscar. Un silence de mort régnait dans la salle de conf, tout les micros étaient éteints, les yeux se braquaient sur leur héro du jour, qui se mit à exploser de rire nerveusement, puis à hurler de joie. Mission accomplie, tous ses potes, les faux intervenants étaient au paradis, les trois compères et leur fausse Rolex se déshabillaient pour remettre leurs accoutrements de taxis et empocher leur 200 balles pour leurs rôles de statuts, la joie et la décontraction pouvaient maintenant se lire sur leurs visages. Liu se précipita vers Max pour le traîner dans un de ses bars favoris, on va fêter ça comme il se doit, mais Max lui ne souriait pas, il avait encore une question à poser au patron, juste une dernière pour le rassurer, pour ne pas définitivement ce jour enterrer sa naïveté de gosse.

Liu: "Vas-y relax Max, c'est fini, le transfert est engagé t'as entendu, à nous les sous, que l'on va bien sûr investir pour le Général hein, en prenant une énorme com' mais ça s'appelle du business après tout. Viens on va fêter ça, je te paie un coups!"

Max: "Liu, ça fait plus d'un an maintenant que je bosse avec toi sur ce projet, je pense avoir bien bossé non, avoir fait ce que l'on attendait de moi. Je t'ai bien conseillé sur les aspects culturels et autres de la pensée française, je t'ai bien orienté où il fallait pour éviter les erreurs. Tous les projets d'investissements, les montages de dossiers, les traductions et l'interprétariat, aujourd'hui tu en vois le bout du tunnel, sans moi tu aurais un peu été perdu non? J'ai besoin de savoir, un tel montant, 8 milliards d'Euros, ce n'est pas un investissement privé du Général je suppose, malgré ce que l'on a pu me dire. Liu, s'il te plaît, dis-moi, ELLE VIENT D'Où LA THUNE?"

Liu: "T’inquiète mon ami, moins tu en sais, mieux tout le monde se porte, je suis absolument ravi de t'avoir à mes côtés, sans toi le deal aurait était beaucoup plus difficile, tu es un soutien hors pair, je vais d'ailleurs t'augmenter dès aujourd'hui et te donner beaucoup plus de responsabilités au sein de notre groupe."

Max: "Ce n'est pas ma question, j'ai besoin de savoir, curiosité personnelle, je suis d'une culture différente, j'ai besoin de savoir si c'est en accord avec moi-même, si je ne fais pas fausse route dans ma vie. J'ai un Karma moi."

Liu: "Oui bon ce n'est forcément pas son argent personnel, voilà."

Max: "Il parlait du Coran, que les projets devaient être en accord avec le Coran et l'Islam, il le disait fermement, d'où vient la thune?"

Liu: ".... hmmm .... Tu connais un peu la religion, l'Islam?"

Max: "Vas-y toujours"

Liu: "La Zakat, ça te parle?"

Max: "La Zakat, la Zakat ... ... ... Ohhhh putain !!!! Tu veux parler des piliers de l'Islam là, tu parles de l'aumône, de l'argent des pauvres ?????????????????"

Liu: "Plus vraiment aux pauvres maintenant ...Eheheheheh ... Mais t'inquiète donc pas, on place la thune, on tire des bénéfices, et on leur rend l'argent aux pauvres!"

Max: "NE ME DIS PAS QUE CA FAIT UN AN DE MA VIE QUE JE PASSE AVEC VOUS POUR VOLER LES PAUVRES???? NE ME DIS PAS QUE TON FOND DE COMMERCE EN CE MOMENT EST DE PLACER L’AUMÔNE?”

Max n'est pas allé boire un coups ce soir là avec son patron. Sorti de sa belle tour de verre, de cette société d'investissements à cravateux il a pris la peine de jeter la puce de son téléphone, de changer au plus vite son mail. Ce soir là il a regardé le ciel pollué de sa ville d'adoption, de son Chengdu qu'il pensait immaculée, à chercher Dieu ou les étoiles, la Lune si elle voulait bien se montrer pour demander pardon, et enterrer à jamais sa naïveté. Il ne revit plus jamais Liu.

 


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