Le Monde de L'Écriture

Coin écriture => Textes courts => Discussion démarrée par: avistodenas le 26 Février 2018 à 07:17:22

Titre: Avocat.
Posté par: avistodenas le 26 Février 2018 à 07:17:22
Avocat


Ce jeune homme de 17 ans pénètre dûment ganté et cagoulé dans un bar-tabac d'Evry et s'empare de la caisse sous la menace d'un pistolet d'alarme. Un classique. Mais voilà qui l'est moins, classique : le patron et deux clients, profitant d'une seconde d'inattention du loubar de bar – peut-être comptait-il sa recette, ou manque d'habitude (à 17 ans on n'est pas encore endurci et prévenu des traîtrises de la vie) – le tenancier du bar et deux clients, donc, lui sautent sur le paletot, le désarment, et lui reprennent la caisse.


Comme on sait, je garde la nostalgie de l'un des métiers de voyou que j'aurais aimé exercer : avocat. Ah quel pied je me serais pris, à plaider les affaires les plus pourries ! Fofana et son "gang des barbares" m'eût peut-être intéressé. Faut voir. Faudra que j'y réfléchisse. Mais là, un minable braquage aussi foireux, c'est dans mes cordes. Je suis sûr que le client que je défends prend le maximum de la peine. D'autant que dans le cas qui nous occupe, c'est la mère du jeune malfrat qui dépose plainte pour violence, si si, vous avez bien lu, elle ne supporte pas que son chérubin ait été contrarié par le patron de bar et ses deux consommateurs. Le patron de bar s'est permis de reprendre à son fils la caisse de vive force. De vive force, c'est de la violence, pas du violoncelle.


MOI : « Monsieur le Président, le vice-Président, monsieur l'entraîneur, messieurs les jurés, monsieur le greffier, messieurs les journalistes et madame la concierge (je salue tout le monde pour me les mettre dans ma vaste manche, de laquelle j'époussette tout le Tribunal. Ca me plaît bien, ça, de jouer de ma robe d'avocat, comme aux arènes, d'entortiller une véronique olé...et de terminer sur un zapateado d'anthologie). J'accuse le taulier du bar-tabac qui, aidé de deux hommes de main, a sauvagement agressé mon client (à ma dextre : le loubar) dans l'intention de lui dérober un tiroir-caisse qui appartenait en propre à ce dernier dès l'instant qu'il en eut pris garde et possession sous la menace d'une arme en plastique (et toc, là je plante le décor, la banderille, j'installe l'angoisse et l'indignation).


A trois contre un, messieurs les jurés ! Que dis-je, contre un ! Contre une demi-portion, non mais regardez-le, le gringalet ! 17 ans ! Regardez-le : on dirait un copeau. Rendez-vous compte un peu de l'inégalité des chances. Que peut faire un microbe contre trois brutes déchaînées ! Et où se trouvaient-elles, ces trois brutes décadenassées ? Voulez-vous me le dire, Monsieur le Président ? Dans un troquet ! Et pour quoi y faire ? Sucer des glaçons ? Non, messieurs les jurés, pour s'y bourrer la gueule jusqu'au plafond ! Se mettre torchon ! La voilà, la vérité. Brutes épaisses que l'on s'est bien gardé de faire souffler dans le ballon, hein, les trois avinés, là, on fait moins les fiers, hein ? Combien aviez-vous de canettes dans le cornet, hein ? Trouvez-vous normal, monsieur l'entraîneur, que trois personnes prises de toute évidence en flagrant délit de consommation d'alcool puisqu'elles se trouvaient dans un bar, ne soient pas passées à l'éthylotest dès lors qu'elles ont commis un trouble à l'ordre public en reprenant une caisse qui, certes, leur appartenait, mais ça, c'était avant ! (Où l'on voit que l'affaire est très mal engagée pour nos trois présumés coupables). Ces trois ignobles individus prétendront bien sûr que mon client – qui passait par là avec sa cagoule qui je vous le rappelle est une tenue tout à fait traditionnelle pour un jeune et je suis sûr que vous êtes pour le respect des traditions, et dont ils affirment sans vergogne qu'il était armé jusqu'aux dents d'un pistolet d'alarme... non mais pourquoi pas d'un RPG7 tant qu'on y est... - leur aurait dérobé leur misérable tiroir-caisse qui contenait quelques thunards tout au plus. D'abord, qu'est-ce qui prouve que cette caisse leur appartenait, hein ? Qu'est-ce qui le prouve puisqu'elle était en la possession de mon jeune client innocent ici soutenu par sa mère ! Et non contents de lui arracher cette caisse des mains, ils la lui prennent de vive force, occasionnant à mon client de terribles traumatismes dont on sait qu'il ne se remettra que difficilement. Quoi, quel certificat médical... Quel coquard, quand le traumatisme infligé peut le handicaper à vie ? Pour quoi faire, un certificat médical ! Lui ont-ils, oui on non, pris sa caisse...? Bon, alors... Comment voulez-vous piquer une caisse à quelqu'un sans lui occasionner un traumatisme. Au moins psychique ! Savez-vous combien de temps mon client s'est trouvé dans l'incapacité de travailler...? Oui... d'accord... il était en vacances. Mais combien d'étudiants prennent un job d'été pour financer leurs études, combien ! Encagoulés, parfaitement, messieurs les jurés. Pourquoi une cagoule ? Je porte bien une soutane, moi. Ca me va bien non, vous ne trouvez pas ? Et hop, manoletina à droite, enchaînée d'un derechazo de faena à gauche, pirouette, et je finis...drapé dans la muleta. Oooolé...
Et encagoulé pour quoi, messieurs les Présidents et vos saintetés les jurés...? C'est là que l'on voit tout le courage qu'il faut à nos petits jeunes pour sacrifier leurs vacances à leur avenir... ! Encagoulé pour bloquer son lycée afin que justice se fasse. Hé oui, messieurs de la Cour, la vie n'est pas un ruisseau peinard pour tout le monde... Mais bon, on s'en fout, ce qui compte, c'est que mon client ait été sauvagement frappé par une clique d'adultes en goguette qui cherchaient une caisse afin de payer leurs consommations d'ivrognasses.


C'est pourquoi et dans la foulée, je demande la peine maximale et incompressible envers ces trois malfaiteurs et je ne doute pas un instant Messieurs les entraîneurs que vous suivrez mes réquisitions en vue de protéger l'orphelin des exactions de ces vieux pochetrons qui ne reculent... comment ça, il n'est pas orphelin...? Mais c'est tout comme, messieurs les jurés, c'est tout comme, sa mère, ici présente, risque d'en mourir de chagrin, d'avoir vu son fils chéri traîné par les cheveux dans ce lieu de perdition... évidemment, qu'il n'a plus ses cheveux, il les a rasés, c'est le choc psychique.... Il voulait aussi se raser les oreilles, remets ta cagoule, mon petit...


Mais où va-t-on, messieurs les agresseurs, zut les assesseurs, j'en bafouille, si on ne peut plus déambuler avec sa cagoule et son pétard dans les rues de la République. Combien faudra-t-il qu'il y ait de tués par pistolet d'alarme pour que l'on puisse tranquillement braquer...heu pénétrer dans un bistrot et boire en paix sa limonade. Je réclame donc, outre les dépens bien sûr et les dommages et intérêts que je fixerai à la modique somme symbolique de quarante millions d'euros – j'aurais pu notez bien en demander 80 mais je vous emballe le tout pour 40 et c'est dit, tope là – la restitution de la caisse à mon client. Ainsi que des excuses pour le molestage et les troubles de jouissance qui risquent de gâcher son début de carrière. Non mais sans blague. On se croit tout permis dans les troquets.

Avec ça, si ma cliente n'est pas contente, hein.



L'humour est la respiration du sérieux,

il signe notre supériorité sur la pesanteur du réel.
(Trouvé dans le caniveau).

http://avistodenas.over-blog.com/   
Titre: Re : Avocat.
Posté par: Léilwën le 26 Février 2018 à 10:32:41
Avisto ! Avisto ! Avisto ! Aviiiiiiiiiiistooooooooooléééé !  :D

Tu sais que c'est vraiment rafraîchissant de te lire ? On va sûrement me reprocher d'être trop bon public, mais crotte : j'adore tes textes. Voilà. Ils me font bien rire et il me semble que c'est ton but, alors je te le dis : bravo.
Je me suis encore bidonnée devant une situation qui paraît absurde mais qui sonne très réelle ! (ah, l'absurdité de notre monde...)

Allez, que serait un de mes commentaires sans relevé ? Le voici :

Citer
loubar de bar
=>  ;D

Citer
c'est la mère du jeune malfrat qui dépose plainte pour violence
=> c'est tellement réaliste !

Citer
De vive force, c'est de la violence, pas du violoncelle
=> ;D

Citer
qui passait par là avec sa cagoule qui je vous le rappelle est une tenue tout à fait traditionnelle pour un jeune et je suis sûr que vous êtes pour le respect des traditions, et dont ils affirment sans vergogne qu'il était armé jusqu'aux dents d'un pistolet d'alarme...
=> :viviane:

Citer
Savez-vous combien de temps mon client s'est trouvé dans l'incapacité de travailler...? Oui... d'accord... il était en vacances. Mais combien d'étudiants prennent un job d'été pour financer leurs études, combien ! Encagoulés, parfaitement, messieurs les jurés. Pourquoi une cagoule ? Je porte bien une soutane, moi. Ca me va bien non, vous ne trouvez pas ? Et hop, manoletina à droite, enchaînée d'un derechazo de faena à gauche, pirouette, et je finis...drapé dans la muleta. Oooolé...
=> :viviane::viviane:

Citer
comment ça, il n'est pas orphelin...? Mais c'est tout comme, messieurs les jurés, c'est tout comme, sa mère, ici présente, risque d'en mourir de chagrin, d'avoir vu son fils chéri traîné par les cheveux dans ce lieu de perdition... évidemment, qu'il n'a plus ses cheveux, il les a rasés, c'est le choc psychique.... Il voulait aussi se raser les oreilles, remets ta cagoule, mon petit...
=> :viviane::viviane::viviane:

Citer
Mais où va-t-on, messieurs les agresseurs, zut les assesseurs, j'en bafouille, si on ne peut plus déambuler avec sa cagoule et son pétard dans les rues de la République. Combien faudra-t-il qu'il y ait de tués par pistolet d'alarme pour que l'on puisse tranquillement braquer...heu pénétrer dans un bistrot et boire en paix sa limonade.
=> :viviane:

Citer
la modique somme symbolique de quarante millions d'euros – j'aurais pu notez bien en demander 80 mais je vous emballe le tout pour 40 et c'est dit, tope là –
=> ;D

Comme quoi, faut se méfier, les retournements de situation sont vite arrivés... même chez les innocents ! (... aux mains vides du coup, puisqu'on leur a piqué la caisse  ;D)

Merci encore Avisto ! Je t'embrasse !
Titre: Re : Avocat.
Posté par: avistodenas le 26 Février 2018 à 10:58:54
Et je te rends bien !  ;D

Ton plaisir fait plaisir à voir !
Titre: Re : Avocat.
Posté par: avistodenas le 26 Février 2018 à 11:20:36
Okay, je fais de ce pas encadrer mes Grand-Croix ! C'est pas tous les jours, hein !
Titre: Re : Avocat.
Posté par: Claudius le 26 Février 2018 à 13:50:04


Ce que j'ai pu rire ! Tu es un comique né (non pas nez, ni panné !) bref, un moment de pur plaisir.

Pas la peine que je décortique comme notre spécialiste, mais c'est super chouette ! Il n'est pas marron ton avocat, il est pourri ! mais tellement cocasse et au verbe relevé au piment d'Espelette !

 :D :D :D
Titre: Re : Avocat.
Posté par: david_hum le 26 Février 2018 à 15:01:29
Très drôle en effet. C'est très rafraichissant, et aussi pas loin d'être réaliste.
Titre: Re : Avocat.
Posté par: Champdefaye le 26 Février 2018 à 17:56:46
Bonjour Avistodenas,
Je lis souvent tes textes et je les trouve souvent très drôles. Pourtant, et pas seulement pour tes textes, je commente peu, en tout cas beaucoup moins qu'à certaines périodes. C'est d'autant plus vache que je connais le plaisir que l'on a à être commenté. Bon, mais c'est comme ça. Pour le moment.

Donc je trouve tes textes souvent très réussis et drôles, sans parler de tes commentaires, ici ou ailleurs, qui font preuve d'une grande perspicacité et de pas mal d'humour.

J'ai cependant une remarque à faire, une remarque qui ne porte d'ailleurs pas uniquement sur ton "Avocat".
Il y a dans tes textes un foisonnement de mots, d'idées et d'images qui sentent effectivement bon le Sud, et ça, ça me va très bien. Mais, si je peux me permettre, je pense que tes textes se tiendraient mieux s'ils ne comportaient pas autant de clins d'œil au lecteur ("si si, vous avez bien lu"), d'a parte ("je salue tout le monde pour me les mettre dans ma vaste manche") et de commentaires ("et toc, là je plante le décor, la banderille, j'installe l'angoisse et l'indignation")

Pour cet "Avocat" en particulier, à partir du moment où tu as choisi le genre de la plaidoirie, ce qui est une bonne idée car ce genre est propice à toutes sortes de périphrases savantes, de circonvolutions habiles, d'euphémismes rigolos et d'hyperboles extravagantes (comme tu l'as justement fait), il vaudrait mieux s'y tenir et éliminer tout ce qui ne rentre pas strictement dans le cadre de cette plaidoirie, aussi folle soit-elle. Je pense que, quand le fond est dingue, il est préférable que la forme soit stricte. Cela renforce le comique par contraste.

Bien sûr, si ce texte était écrit pour être dit sur scène, ce serait peut-être différent, et dans ce cas, disons que je n'aurais rien dit.
Titre: Re : Avocat.
Posté par: avistodenas le 26 Février 2018 à 19:13:24
Claudius, David, comme le dit Champdefaye : " je connais le plaisir que l'on a à être commenté". En tous cas : lu. C'est ce qui permet de poursuivre. Peu de personnes écrivent pour ne pas être lus, sauf peut-être Chamfort.


Champdefaye, ce que tu dis est tout à fait exact, ma manière de procéder tient en effet du cabotinage. Mais le procédé inverse présente aussi un inconvénient : il ne me permettrait pas un monologue faisant intervenir le public. Par exemple dans ce même texte: "Savez-vous combien de temps mon client s'est trouvé dans l'incapacité de travailler...? Oui... d'accord... il était en vacances".

Tu penses bien que je ne vais pas me priver du plaisir ineffable et sans pareil de jouer avec le public...!   


La forme stricte - et donc très écrite - que tu évoques gagnerait certainement en finesse. Et crois bien que je prends note de ton observation.... : Je pense que, quand le fond est dingue, il est préférable que la forme soit stricte. Cela renforce le comique par contraste, ..... au cas où mes texticules devraient faire l'objet d'une édition, ce dont je doute car il n'y a pas matière à gâcher du papier, et j'aurais alors à les reprendre tous sans exception (plus d'une centaine).

En tous cas merci à tous pour vos contributions. ;D
Titre: Re : Avocat.
Posté par: Manu le 27 Février 2018 à 12:13:25
.
Titre: Re : Avocat.
Posté par: Alan Tréard le 27 Février 2018 à 13:02:44
Bonjour avistodenas,

Pour ma part, j'y ai lu un texte sur l'obstination bornée.

Cependant la forme me fait apparaître une autre lecture. Je me permets de citer le commentaire de Champdefaye pour parfaire mon explication :

J'ai cependant une remarque à faire, une remarque qui ne porte d'ailleurs pas uniquement sur ton "Avocat".
Il y a dans tes textes un foisonnement de mots, d'idées et d'images qui sentent effectivement bon le Sud, et ça, ça me va très bien. Mais, si je peux me permettre, je pense que tes textes se tiendraient mieux s'ils ne comportaient pas autant de clins d'œil au lecteur ("si si, vous avez bien lu"), d'a parte ("je salue tout le monde pour me les mettre dans ma vaste manche") et de commentaires ("et toc, là je plante le décor, la banderille, j'installe l'angoisse et l'indignation")

Je me demande si cette provocation du lecteur (dans la forme) n'évoque pas une obstination à faire réagir tes lecteurs, à les solliciter à la lecture.

À mes yeux cette dévalorisation de ton propre travail, son autocritique exagérée me semble plus relever de la volonté d'orienter les critiques de tes lecteurs que de leur laisser un libre recours.

Si un éditeur s'intéressait à ton travail, j'espère que tu ne lui en tiendrais pas rigueur !!
Titre: Re : Avocat.
Posté par: avistodenas le 27 Février 2018 à 13:38:20
Salut Alan  ;D je reconnais bien là ton souci de trouver aux choses le fond qu'elles n'ont peut-être pas toujours.

Je me plante ici dans la peau d'un avocat tauromachique un brin anarchisant, mégalomane et qui pratique en même temps l'autodérision. Quoi de plus comique en soi ! Et de quoi aussi désarmer toute tentative d'analyse psychologique. Manu évoque le "tribunal des flagrants délires" . Et si ce n'était que ça !  ;D

Si un éditeur s'intéressait à ton travail, j'espère que tu ne lui en tiendrais pas rigueur !!  Rigueur, non ! Mais je lui dirais très probablement d'user à sa guise de mes texticules et de me foutre la paix car j'ai à m'occuper de mon jardin !  ;D ;D  Et la saison arrive de faire mes semis.
Titre: Re : Avocat.
Posté par: Alan Tréard le 27 Février 2018 à 13:51:25
Toutes mes amitiés, avistodenas.
Titre: Re : Avocat.
Posté par: Kathya le 27 Février 2018 à 13:53:58
Cette phrase m'a un peu embrouillé "Je suis sûr que le client que je défends prend le maximum de la peine.".

J'ai cru qu'il plaidoyait pour planter son client - ce qui n'est pas le but d'un avocat- et vu que son ironie pourrait très bien se retourner contre lui, ça restait crédible. Alors que non, il y va vraiment à fond pour défendre son client, même si c'est de mauvaise foi. x)

J'ai beaucoup aimé, au plaisir de te relire. ^^
Titre: Re : Avocat.
Posté par: avistodenas le 27 Février 2018 à 15:34:43
En effet Kathia, il défend à fond son client mais avec une maladresse telle que nul ne doute qu'il va morfler...  ;D
Titre: Re : Avocat.
Posté par: kokox le 28 Février 2018 à 18:25:43
Salut Avistodenas,

S'il est certain qu'autour de cet "Avocat", tu fais monter agréablement bien la mayonnaise, de par ta gouaille, ta joie communicative qui te semble innée, ton désir honnête de chahuter les zygomatiques de tes lecteurs, je partage également l'avis de l'émérite et judicieux Champdefaye : tu gagnerais certainement à saupoudrer un peu plus de sérieux dans ton délire rabelaisien, si je puis me permettre cette expression passablement antithétique. De fait, comme le disait si bien Bergson : "Le rire sonne comme un rappel à l’ordre social. Sa fonction est d’intimider en humiliant. Le rire est incompatible avec la sympathie. D’un point de vue éthique, le rire n’est guère innocent. Les critères qu’il utilise pour choisir ses victimes ne sont pas des critères moraux. Le rire est tout simplement le résultat d’un mécanisme mis en place en nous par la nature ou, ce qui est presque la même chose, par notre connaissance de la vie sociale. Il n’a pas le temps de regarder où il frappe. Et parfois, les coups qu’il porte sont douloureux."
Ainsi, ne le prends surtout pas mal, mais j'ai été médusé, pour ne pas dire choqué en tant que lecteur, par cette référence  à Fofana et son gang de barbares, dont ton narrateur, si l'on en juge, se tâte à vouloir les défendre pour y trouver potentiellement une certaine délectation. Que vient faire cet infâme et odieux criminel dans ton récit haut en couleurs ?
Je me pose la question. En te disant cela, crois bien que je ne cherche absolument pas à faire le procès de l'humour noir, dont je suis des plus friands. Mais, il m'a semblé que cela collait très mal avec la suite de tes élucubrations, lesquelles s'avèrent nettement plus bon enfant et ouvertes au plus large public. Certes, ton narrateur est un parangon de la loufoquerie, mais de là à plaider pour la pire des ordures, je ne l'en crois absolument pas capable.
C'est juste cela qui me fait dire que tu devrais te méfier de la surenchère. Je pense qu'un Landru, qu'un Docteur Petiot, qu'une  Erzsébet Báthory, bien que tout aussi monstrueux que Fofana, auraient été tout aussi drôle pour ponctuer ton effet, du fait de la distanciation temporelle de leurs crimes. Fofana, c'est selon moi, je dis bien selon moi, encore trop présent, trop abject, trop effrayant, dans la mémoire collective.
Tout autant, une fois dit cela, je n'aurais rien dit, puisque je suis le premier à prôner que les pires sanguinaires ont le droit d'être défendu.

Bien à toi !

Titre: Re : Avocat.
Posté par: avistodenas le 28 Février 2018 à 20:04:07
C'est très intéressant ce que tu me dis là, Kokox, mais je n'en ferais pas une thèse car je n'ai rien à "défendre" : j'ai le souvenir de textes du même style (que j'ai dû égarer) qui consistaient à camper ce que j'appelle un "avocat catastrophe", lequel fait perdre avec constance tous ses clients, seraient-ils blancs comme des Alpes de poudreuse.
Je dois bien avouer que pour moi, ces textes sont jubilatoires et j'admets qu'ils puissent choquer "l'esprit de sérieux". On pourrait même dire que mon avocat est un anti-avocat, qu'il est la mauvaise foi incarnée, la connerie en lingots. Je ne sais même pas dire à quel degré d'humour il doit être interprété : second, troisième...?
Lorsque j'évoque Fofana ( c'est bien moi qui tends le bâton pour me faire battre), j'estime que ce garçon est doté d'un QI inférieur à celui d'une moule car cette dernière, au moins, n'est pas malfaisante. Je commettrais volontiers et avec une égale jubilation en faveur (ou à cherge si on le prenait par le bon bout), de ce dernier, un texte du même acabit si ce n'est que les parents de sa victime sont encore de ce monde et même si les chances sont infimes que ce texte leur tombe un jour sous les yeux, je ne prendrai pas ce risque par pur respect de leur douleur. Mais il est certain que je le referais, il me suffirait pour cela d'escamoter les noms propres et de magouiller les circonstances.
Ta réflexion revient alors à poser l'eternelle question : peut-on rire de tout.... ?
Pour moi, j'y mets deux conditions : de quelle manière, et avec qui ?
Il se trouve que j'entretiens une véritable affection à l'égard de mon "avocat catastrophe" - le pauvre, il est con c'est pas de sa faute - que j'aurai sans doute encore recours à lui, et qu'il est en quelque sorte un antidote à ce travers de notre époque à tout traiter par la pleurnicherie. (Franchement dit, j'en ai ras le cul de ces ballons colorés que les foules lâchent au moindre deuil et qui vont aller crever sur la mer pour tuer des tortues, de ces incendies de pneus à la moindre contrariété dont les auteurs iront le lendemain même manistester pour la propreté de la planète... ce monde est bien plus con que mes conneries à moi).
Enfin, je crois. Je m'emporte, je m'emporte.... :D ;D
Titre: Re : Avocat.
Posté par: kokox le 28 Février 2018 à 20:50:47
Tu t'emportes, tu t'emportes, tant et si bien que tu ne sembles pas avoir saisi ce que je t'ai écrit ! En un mot, je me demandais ce que cette mygale venait faire au milieu de ton plat de crème ! :)
Titre: Re : Avocat.
Posté par: avistodenas le 03 Mars 2018 à 09:16:12
Je m'emporte, je m'emporte... parce que je suis sans filtre.
De surcroît, je m'emporte à la façon de mon avocat ci-dessus qui se prend pour Manolete, sinon, où donc puiserais-je l'inspiration... ?  :D ;D

(Il paraît que les mygales sont excellentes cette année...)