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Le Monde de L'Écriture » Salon littéraire » Salle de lecture » Romans, nouvelles » L'Iliade et l'Odyssée (Homère)

Auteur Sujet: L'Iliade et l'Odyssée (Homère)  (Lu 11928 fois)

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Re : L'Iliade et l'Odyssée (Homère)
« Réponse #15 le: 02 août 2018 à 00:31:41 »
Alors, je sens que je vais m'attirer des foudres ici…

Je les ai lus, tous les deux.
Peut-être était-ce la traduction, très lourde, ou peut-être juste une question de goûts… Mais personnellement, l'Iliade, je n'ai pas du tout aimé. J'ai dû me forcer à en lire les pages les unes après les autres en me rappelant qu'il s'agissait d'un des plus grands piliers de la littérature européenne. Mais j'ai trouvé ça… assez fade, en fait.

Déjà, je connaissais le mythe mais pas beaucoup le texte lui-même. Je l'ai commencé avec l'espoir d'y trouver un récit complet de la guerre de Troie, et me suis retrouvée en fin de compte avec le récit laborieux des événements survenus durant quelques semaines de la dernière année de la guerre. Pas un mot sur la genèse de la guerre, pas un mot non plus sur les raisons de la colère d'Achille et paf, on s'arrête juste avant la ruse d'Ulysse.

Alors maintenant, nuançons. Je suis fascinée par le mythe originel. Je ne sais pas pourquoi, mais je l'adore, depuis que je suis toute gamine. Je comprends qu'on ait fait un tel monument de cette histoire.

Donc je dirais : si quelqu'un ici aime les récits héroïques, la guerre et les combats à n'en plus finir, le tout narré dans un style lourd et grandiloquent, lancez-vous. Pour ceux qui, comme moi, sont plutôt attirés par l'histoire générale, je conseillerais d'autres médias pour la découvrir - notamment la série Troy : Fall of a City, étonnamment réussie et proche du mythe originel. Il y a aussi de nombreux livres qui ont revisité l'histoire (j'ai bien aimé Le Chant d'Achille, par exemple).

Un dernier mot pour ma défense : quand, au terme de l'été, j'ai dit à ma prof de latin que j'avais lu l'Iliade et que je n'avais pas aimé, elle m'a répondu avec un air admiratif : "Ah bon ? Moi, je n'ai jamais réussi à le terminer !"

L'Odyssée, en revanche, j'ai plutôt aimé. De nouveau, peut-être une question de traduction, mais je trouvais le style plus léger, et puis il y a plus d'aventures à proprement parler et je trouve le héros plus fin. Ses ruses n'ont pas pris une ride, même 3 000 ans plus tard.
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Re : L'Iliade et l'Odyssée (Homère)
« Réponse #16 le: 02 août 2018 à 15:59:04 »
Bon ! je ne vais pas me fâcher. C'est déjà pas mal d'avoir lu en entier l'Iliade et l'Odyssée. Pour l'Iliade et l'Odyssée, c'est un peu comme pour A la recherche du temps perdu : on dit qu'on l'a lu, mais au mieux, on a lu les 50 premières pages de la Recherche ou un résumé pour enfants de l'Iliade ou une bande dessinée de l'Odyssée. Avec ça, on se dit qu'on connait l'histoire et que ça suffit comme ça pour éviter de passer pour une cloche.
Ce n'est donc pas ton cas. Bravo. Tu n'as plus qu'à te lancer dans la Recherche et en faire la critique ici. Je t'attends au tournant.
A ma connaissance, il n'existe pas de récit complet de la guerre de Troie, du moins pas de récit antique complet, ni aucun récit moderne qui vaille le coup. Comme tu l'as découvert et comme je l'ai dit dans mon commentaire ci-dessus, l'Iliade ne raconte qu'une dizaine de jours de la dernière année d'une guerre qui en dura dix.

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Pas un mot sur la genèse de la guerre, pas un mot non plus sur les raisons de la colère d'Achille et paf, on s'arrête juste avant la ruse d'Ulysse.
Ce n'est pas la faute de l'auteur si tu n'as pas trouvé ce que tu cherchais. On sait qu'une majeure partie de cet énorme poème, car c'en est un, a été perdue. Il est possible que les parties perdues aient raconté le reste de la guerre, mais ce n'est même pas certain.

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si quelqu'un ici aime les récits héroïques, la guerre et les combats à n'en plus finir, le tout narré dans un style lourd et grandiloquent, lancez-vous.

 Ce que tu n'as pas aimé, c'est le style homérique, tout simplement. C'est vrai que par rapport à Amélie Nothomb ou Guillaume Musso, ça peut paraitre emphatique, mais c'est notamment ce qui le rend magnifique. Je te concède que la traduction a une grosse importance. La première fois que je l'ai lue, j'avais sensiblement ton âge, c'était dans une très bonne traduction et j'avais été emballé. Quand je l'ai relue dans une autre édition une vingtaine d'années plus tard, j'avais trouvé la lecture pénible du fait de la traduction. Je l'ai relu plus tard (oui, trois fois) dans une bonne traduction et j'ai retrouvé tout le plaisir d'antan.

Si le style de l'Odyssée t'a paru plus léger, c'est à mon avis parce que l'Odyssée ne comporte pas que des scènes de guerre ou de violence. Mais quand il le faut, dans la violence et le massacre, le style homérique revient : voir la scène où Ulysse reconquiert son palais.

Puisque tu as aimé l'Odyssée, il se pourrait bien que tu aimes aussi l'Enéïde. En plus, tu y trouveras un chapitre qui te décrira la chute de Troie.

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Re : Re : L'Iliade et l'Odyssée (Homère)
« Réponse #17 le: 02 août 2018 à 17:04:08 »
Bon ! je ne vais pas me fâcher. C'est déjà pas mal d'avoir lu en entier l'Iliade et l'Odyssée. Pour l'Iliade et l'Odyssée, c'est un peu comme pour A la recherche du temps perdu : on dit qu'on l'a lu, mais au mieux, on a lu les 50 premières pages de la Recherche ou un résumé pour enfants de l'Iliade ou une bande dessinée de l'Odyssée. Avec ça, on se dit qu'on connait l'histoire et que ça suffit comme ça pour éviter de passer pour une cloche.
Ce n'est donc pas ton cas. Bravo. Tu n'as plus qu'à te lancer dans la Recherche et en faire la critique ici. Je t'attends au tournant.


A la recherche du temps perdu est le prochain sur ma liste  ;) Par contre pour la critique, euhm, tu me laisses combien d'années pour te faire ça ?

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A ma connaissance, il n'existe pas de récit complet de la guerre de Troie, du moins pas de récit antique complet, ni aucun récit moderne qui vaille le coup. Comme tu l'as découvert et comme je l'ai dit dans mon commentaire ci-dessus, l'Iliade ne raconte qu'une dizaine de jours de la dernière année d'une guerre qui en dura dix.

Non, pour les récits antiques j'ai bien cherché du coup, mais je n'ai rien trouvé :'(. Par contre pour les récits modernes qui valent le coup, je ne serais pas aussi catégorique… Je n'ai pas encore perdu tout espoir !

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Ce n'est pas la faute de l'auteur si tu n'as pas trouvé ce que tu cherchais. On sait qu'une majeure partie de cet énorme poème, car c'en est un, a été perdue. Il est possible que les parties perdues aient raconté le reste de la guerre, mais ce n'est même pas certain.

Ce que tu n'as pas aimé, c'est le style homérique, tout simplement. C'est vrai que par rapport à Amélie Nothomb ou Guillaume Musso, ça peut paraitre emphatique, mais c'est notamment ce qui le rend magnifique.

Alors, je me suis peut-être mal expliquée, donc je vais clarifier les choses tout de suite : ce que j'ai exprimé dans mon commentaire précédent, peut-être d'une manière un peu trop cassante et emportée, est simplement mon point de vue. Cela n'a absolument rien d'un jugement de valeur, et comme je l'ai dit à la fin de mon commentaire j'irais même jusqu'à le conseiller à certaines personnes, des gens férus de littérature antique et qui aiment aussi Game of Thrones, par exemple (ce qui n'est pas mon cas non plus ^^).

Bien sûr, que ce n'est pas la faute de l'auteur si ça ne répondait pas à mes attentes, et bien sûr que la lourdeur est liée en partie au style homérique qui, apparemment, ne me correspond pas. Il n'y a de ma part pas la moindre critique vis-à-vis d'Homère, je tiens à ce qu'il garde son piédestal dans la littérature européenne et je comprends pourquoi ses œuvres sont portées aux nues. Personnellement, l'Iliade ne m'a pas plue, c'est tout.

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Je te concède que la traduction a une grosse importance. La première fois que je l'ai lue, j'avais sensiblement ton âge, c'était dans une très bonne traduction et j'avais été emballé. Quand je l'ai relue dans une autre édition une vingtaine d'années plus tard, j'avais trouvé la lecture pénible du fait de la traduction. Je l'ai relu plus tard (oui, trois fois) dans une bonne traduction et j'ai retrouvé tout le plaisir d'antan.

Mmh, voilà qui me donne envie de retenter le coup, tiens. A vrai dire, je devais avoir 16 ans quand je l'ai lue (j'en ai pas trop loin de 10 de plus aujourd'hui). Bon, j'avais lu plus compliqué et plus jeune sans être traumatisée, mais ceci explique peut-être partiellement cela… Une traduction à conseiller ? ;)

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Si le style de l'Odyssée t'a paru plus léger, c'est à mon avis parce que l'Odyssée ne comporte pas que des scènes de guerre ou de violence. Mais quand il le faut, dans la violence et le massacre, le style homérique revient : voir la scène où Ulysse reconquiert son palais.


Oui, je l'avais dit dans mon commentaire, une des raisons qui m'ont empêchée d'aimer cette œuvre est effectivement le nombre de batailles et de scènes violence. 50 pages comme ça, je tiens le coup, 100 pages, je commence à fatiguer, mais près de 600 c'est tout simplement trop pour moi.

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Puisque tu as aimé l'Odyssée, il se pourrait bien que tu aimes aussi l'Enéïde. En plus, tu y trouveras un chapitre qui te décrira la chute de Troie.

Yep, done ! J'ai adoré l'Enéide par contre. Je ne l'ai pas lue en entier (nooon, pas le bâton, pitié !  ><) mais on en avait étudié la plus grosse partie en cours de latin. Beaucoup plus fluide en effet (bon, et 700 ans plus jeune aussi, ça aide), et ça m'a plus parlé.
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Re : L'Iliade et l'Odyssée (Homère)
« Réponse #18 le: 03 août 2018 à 18:59:46 »
Bonjour

J y ai eu droit - a chaque cours ( de latin ) - par un professeur de francais latin grec ( que j aimais bien ) et je ne me souviens que d une chose :
" l aurore aux doigts de rose .................. " :)
Je ne crains pas d etre paranoiaque

"Le traducteur kleptomane : bijoux, candelabres et objets de valeur disparaissaient du texte qu il traduisait. " Jean Baudrillard

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Re : L'Iliade et l'Odyssée (Homère)
« Réponse #19 le: 03 août 2018 à 19:05:28 »
Evidemment, il y a l'aurore aux doigts de rose...
Mais il y a ça aussi :
…Et les Danaens repoussèrent les Troiens. Chacun des chefs tua un guerrier. Et, le premier, le roi Agamemnôn précipita de son char le grand Odios, chef des Alizônes. Comme celui-ci fuyait, il lui enfonça sa pique dans le dos, entre les épaules, et elle traversa la poitrine, et les armes d’Odios résonnèrent dans sa chute.

Et Idoméneus tua Phaistos, fils du Maiônien Bôros, qui était venu de la fertile Tarnè, l’illustre Idoméneus le perça à l’épaule droite, de sa longue pique, comme il montait sur son char. Et il tomba, et une ombre affreuse l’enveloppa, et les serviteurs d’Idoméneus le dépouillèrent.

Et l’Atréide Ménélaos tua de sa pique aiguë Skamandrios habile à la chasse, fils de Strophios. C’était un excellent chasseur qu’Artémis avait instruit elle-même à percer les bêtes fauves, et qu’elle avait nourri dans les bois, sur les montagnes. Mais ni son habileté à lancer les traits, ni Artémis qui se réjouit de ses flèches, ne lui servirent. Comme il fuyait, l’illustre Atréide Ménélaos le perça de sa pique dans le dos, entre les deux épaules, et lui traversa la poitrine. Et il tomba sur la face, et ses armes résonnèrent.

Et Mèrionès tua Phéréklos, fils du charpentier Harmôn, qui fabriquait adroitement toute chose de ses mains et que Pallas Athènè aimait beaucoup. Et c’était lui qui avait construit pour Alexandros ces nefs égales qui devaient causer tant de maux aux Troiens et à lui-même; car il ignorait les oracles des dieux. Et Mèrionès, poursuivant Phéréklos, le frappa à la fesse droite, et la pointe pénétra dans l’os jusque dans la vessie. Et il tomba en gémissant, et la mort l’enveloppa.

Et Mégès tua Pèdaios, fils illégitime d’Antènôr, mais que la divine Théanô avait nourri avec soin au milieu de ses enfants bien-aimés, afin de plaire à son mari. Et l’illustre Phyléide, s’approchant de lui, le frappa de sa pique aiguë derrière la tête. Et l’airain, à travers les dents, coupa la langue, et il tomba dans la poussière en serrant de ses dents le froid airain.

Et l’Évaimonide Eurypylos tua le divin Hypsènôr, fils du magnanime Dolopiôn, sacrificateur du Skamandros, et que le peuple honorait comme un dieu. Et l’illustre fils d’Évaimôn, Eurypylos, se ruant sur lui, comme il fuyait, le frappa de l’épée à l’épaule et lui coupa le bras, qui tomba sanglant et lourd. Et la mort pourprée et la Moire violente emplirent ses yeux…



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Re : L'Iliade et l'Odyssée (Homère)
« Réponse #20 le: 04 août 2018 à 09:25:19 »
Bonjour



Il y a aussi le rythme et
Je crains les Daneens............. ;D
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Re : L'Iliade et l'Odyssée (Homère)
« Réponse #21 le: 04 août 2018 à 10:21:44 »
Mate un peu le vecteur de rêves :
Citer
Le chef des Alizones
Citer
le divin Hypsenor

on pourrait en écrire, des textes longs découlant de la seule pulsion d'inspiration de ces quelques lignes...

je préfère montaigne
je préfère proust
je préfère beckett
mais bon, homère, why not
:D
Meilhac c'est fou, je trouve que ton post est, dans l'argumentaire, formellement, assez beauf ! et que simultanément, le fond révèle un avis très dandy :mrgreen:

Je suis un peu le cul entre deux chaises avec Homère (pareil avec des passages de la Bible). J'ai l'impression de l'aimer pour des raisons complètement anachroniques ; d'apprécier l'oeuvre par l'entremise d'une grille de lecture beaucoup trop contemporaine (notamment du point de vue stylistique).
M'enfin (:
dont be fooled by the gros that I got ~ Im still Im still lolo from the block (j Lo)

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« Réponse #22 le: 21 octobre 2020 à 10:42:04 »
Les femmes dans l’Odyssée

Je viens de relire l’Odyssée, et comme à chaque fois, j’y ai découvert de nouveaux trésors. Peut-être parce que c’est dans l’air du temps, j’ai été sensible cette fois à la place des femmes dans ce poème, qui témoigne aussi de la place qu’elles tenaient dans la société à cette époque.
Il doit y avoir des douzaines de thèses sur ce sujet, je veux juste vous faire part de quelques remarques, qui en fait n’en reflète qu’une seule : les personnages de ce poème, vieux de près de trois millénaires, sont étonnamment proches de nous.

Tout d’abord, c’est clair : l’Odyssée est une aventure d’hommes dans une société patriarcale. C’est d’ailleurs pour cela que les femmes y tiennent un rôle si important.

Hélène, tout d’abord. Elle est à l’origine de toute l’histoire. Il y a une scène, au chant 4 qui est particulièrement instructive. On y voit Télémaque venu chercher des nouvelles de son père auprès de Ménélas, Ménélas lui-même, Mentor et quelques autres qui discutent, assis sur des tabourets. Apparaît Hélène. On lui offre tout de suite un siège, et tous lui montrent le plus grand respect. Tous sauf elle-même. Elle se raconte et se traite de chienne. Elle explique aussi qu’après quelques années, sa passion s’est émoussée et qu’elle désirait rentrer à la maison. C’est elle qui a ouvert la porte du fameux cheval de Troie et qui a permis aux guerriers grecs de triompher. On le voit donc : la sexualité féminine est complètement reconnue et acceptée.

Même si elle est acceptée, cela reste une chose dont il faut se méfier. L’exemple de Clytemnestre, qui, avec l’aide de son amant, assassine son royal époux à son retour de Troie le montre. C’est d’ailleurs tout à fait logique : dans une société patriarcale, tout ce qui échappe au contrôle des hommes, et s’il en est une, c’est bien la sexualité féminine, est suspect. Cependant, il y a un fossé entre le sort d’Hélène et de celui d’une femme adultère, ou simplement soupçonnée d’adultère dans les contes des mille et une nuits. Dans ces contes, ce n’est pas de la méfiance qui se manifeste, c’est de la frayeur, de la terreur. Athéné, au chapitre 15 tient des propos carrément phallocratiques, en disant qu’une femme oublie facilement son époux et les enfants de celui-ci au profit d’un nouveau compagnon.

Le sort réservé aux servantes qui ont fricoté avec les prétendants est plus trouble. Ulysse se vante, au début de savoir les reconnaître celles qui lui sont restées fidèles et celles qui l'ont trahi, mais le moment venu, demande à Euryclée sa nourrice de les lui désigner. Seule une femme peut lire dans le cœur d’une femme. Il ordonne alors à Télémaque de les mettre à mort en les transperçant avec l’épée. Ulysse est un homme prudent, courageux qui sait se montrer cruel lorsque les circonstances l’exigent, mais il n’est que rarement vindicatif. Je crois que c’est plutôt par prudence qu’il veut éliminer ces femmes, qui vont certainement concevoir de la haine et un désir de vengeance envers cet homme qui a tué leur amant.
Ensuite, Télémaque exécute effectivement ces femmes, mais par pendaison une mort plus lente et plus cruelle que celle qu’avait ordonnée Ulysse. On imagine que Télémaque, adolescent boutonneux, a désiré secrètement ces femmes et se venge pour cette frustration inavouée.

J’en viens à Pénélope. Il me semble que la tradition hésite. D’une part, il est inconcevable qu’une femme reste seule à la tête d’un royaume, même modeste. D’autre part, Pénélope, personnification de l’épouse parfaite, se doit de rester fidèle et de résister à nouvelles noces. Cependant, la méfiance dont nous avons parlé se manifeste encore lorsque, arrivant en Ithaque déguisé en mendiant, Ulysse ne se fait pas connaître de Pénélope. On n’est jamais trop prudent. Après le massacre des prétendants, on pourrait s’attendre à ce que Pénélope lui en fasse le reproche. Ce serait mal connaître la digne épouse du prudent Ulysse : elle lui raconte qu’elle a déplacé le lit conjugal pendant son absence. Or, ceci est impossible puisque ce lit a été taillé par Ulysse lui-même dans une souche d’olivier et que la demeure a été construite autour de ce lit. Elle aussi se méfie et elle tend un piège pour s’assurer qu’elle n’a pas à faire  à un imposteur.
Il y a dans ce passage quelque chose qui sent le théâtre à plein nez. D’abord, Ulysse veut se laver et s’habiller comme pour une fête, et demande aussi à ses compagnons d’en faire autant avant de se présenter devant Pénélope. C’est alors qu’elle manifeste sa méfiance et en donne deux excuses à sa fraideur : elle craint d’abord une ruse des dieux, puis la méchanceté des hommes. C’est une de trop. Ulysse feint de s’en offusquer. Pourtant, il avait tout prévu, quelques instants auparavant, et même conseillé à Télémaque de ne pas s’en inquiéter. Boudeur, il demande alors qu’on lui dresse un lit, hors de la chambre nuptiale. C’est habile, car cela donne à Pénélope l’occasion d’enchaîner avec cette histoire de lit déplacé, et tout finit pour le mieux.
En fait, je suis persuadé que les deux époux se livrent à un jeu amoureux comme aurait pu en imaginer Shakespeare deux mille ans plus tard. Ils veulent juste prolonger ce moment délicieux qui précède celui où ils vont se retrouver dans les bras l’un de l’autre, et où ils goûteront dans le fameux lit les plaisirs de l’amour, comme le dit si joliment le poète. Homère a sans doute voulu pimenter une banale scène de retrouvailles, estimant que ses personnages et ses lecteurs méritaient mieux que de simples larmes de joie et des embrassades.

Il y a bien d’autres femmes dans ce poème qui mériteraient qu’on s’y arrête : Calypso, la femme amoureuse, Nausicaa la jeune fille en proie à ses premiers émois, Euryclée, la nourrice, la femme maternelle. Peut-être pour ma prochaine lecture ?
« Modifié: 24 octobre 2020 à 18:04:27 par dc85 »

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Re : L'Iliade et l'Odyssée (Homère)
« Réponse #23 le: 26 décembre 2020 à 13:58:02 »
Pour ceux qui les ont lues, il faut préférer quelle traduction ? J’imagine qu’il y en a plusieurs et qu’elles ne se valent pas toutes...

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Re : L'Iliade et l'Odyssée (Homère)
« Réponse #24 le: 31 décembre 2020 à 12:09:06 »
Moi, c'est celle de Victor Bérard que je préfère. C'est la première que j'ai lue, en livre de poche, je crois, et c'est dans celle ci dans laquelle l'Aurore a des doigts de roses et se réveille chaque matin dans son berceau de brumes . Je ne sais pas si on peut la trouver en neuf, mais en occasion sûrement.

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Re : L'Iliade et l'Odyssée (Homère)
« Réponse #25 le: 21 février 2021 à 19:26:52 »
J'ai feuilleté comme ça.. en parlant d'histoire d'amour n'y a t'il pas une femme folle qui poursuit son bien aimé à vouloir le tuer? Et lui qui a peur qui fuit^^ je crois que c'est dans ce livre, plus d'info??
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Re : L'Iliade et l'Odyssée (Homère)
« Réponse #26 le: 21 février 2021 à 19:44:48 »
Tu ne confonds pas avec la folie meurtrière de Médée  ? On la retrouve, elle, dans les aventures de Jason et la toison d'or.
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