Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

18 avril 2024 à 14:45:46
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Auteur Sujet: Citations  (Lu 88425 fois)

Hors ligne Dot Quote

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Re : Citations
« Réponse #240 le: 01 septembre 2022 à 10:48:24 »
Champdefaye :3 ! on n'est pas tousseuls ?!

fiou, chaud, une occas' de ce propos, faut pas que je foire tout par saturation émotionnelle ; j'ai grandi a Annecy, quand la vie était un poil moins méga-chère que now, et touuuute l'année t'as les touristes qui venaient faire les cakes auprès de la nature, la montagne l'hiver le lac l'été, je m'en suis fait un épidermique ressenti que maxime gasteuil a incarné avec sarcasme, quand il mime un parisien confiant au marché de province, 'eh ! les tomates elles ont fait 7k bornes en camion, et l'autre il me dit ? 'tain ça sent le sud ! euha ! le sud'... uè c'est naïf, l'articulation de la civilisation et de la nature ; wè le tourisme, 'm'semble y'a un truc avec la curiosité culturelle, c'est souvent l'argument, tu vas au musée tu apprends à quoi ressemblait le passé du lieu, t'as l'impression c'est méga-utile dans la life, pis voilà, moi l'autre fois sur le bateau restau, même le capitaine nous prenait pour de vrais touristes, au micro il te raconte la légende de l'autre montagne, un conte, c'est un conte y'a rien de sérieux, mais cool, on sait que les deux gens de l'histoire n'ont pas existés, n'ont pas agis les miraculeux récits dont on les affuble, et cool, c'est ça la culture du touriste ! hmm évidemment je me paume dans mon implication, dsl, mais wè, le tourisme, quand j'y songeais avec mes mots, ça disait un truc : 'le tourisme, bien un truc de sédentaire vas...' eh ouais, on est coincés sur une planète politique, les frontières gardent les territoires, on essaye chacun d'en avoir un petit bout, pis comme on a pas fait la soudure entre le besoin de bouger et le besoin de se poser, on voit jusqu'où y'a moyen de péter du câble si on s'évade pas un peu de notre chère existence, y'en a qu'ont du fric ils voyagent gratuit, y'en a ils en ont pas ils voyagent dans leur tête, bon... donc le voyage, oui, pareil que toi Champdefaye, je trouve ça primordial presque, mais le tourisme, quellle plaie

je crois j'suis pareil exagéré que certaines de tes citations, quelle bonne mesure y aurait-il à penser différemment les rapports humains à l'espace ? si jamais on scinde pour une conv', j'essayerais bien de m'y impliquer jusqu'à mes limites, mais ça me plairait d'essayer de poser des mots
"i don't care if your world is ending today
because i wasn't invited to it anyway
you said i tasted famous, so i drew you a heart
but now i'm not an artist i'm a fucking work of art"

(s)AINT - marilyn manson

Hors ligne Kwak'

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Re : Re : Citations
« Réponse #241 le: 02 septembre 2022 à 00:14:50 »
Bonjour kwak,
Et merci pour ton commentaire sur mon petit recueil de citations "Restez chez vous"
Mes récits de voyage, ou plutôt celui des anecdotes que j’ai vécues en Afrique ou ailleurs ont été les premiers textes que j’ai écrits. Dans mon esprit, il ne s’agissait pas de décrire un pays exotique quelconque, mais plutôt une minuscule aventure personnelle, survenue souvent à mes dépens, au cours d’un voyage. A part quelques brèves descriptions de lieux touristiques à Rome, ( j’y ai habité) je ne me souviens pas avoir écrit quoi que ce soit à partir d’un voyage touristique. En effet toutes les histoires que j’ai racontées sont arrivées au cours de voyages et de séjours professionnels à l’étranger.
Ce que je n’aime pas, ce que je critique ou ridiculise avec ces quelques citations, c’est le tourisme, pas le voyage. Le tourisme abime les paysages et, plus souvent encore, les villes que j’aime.
J’imagine qu’ici et là, ons’élèvera contre ma position, qu’on la qualifiera d’élitiste, qu’on la dira caractéristique d’un privilégié, qu’on me vantera les bienfaits du tourisme en matière de culture individuelle, d’empathie collective et, allons-y, de paix dans le monde et toute cette sorte de choses…
Et alors ? En disant que je n’aime pas le tourisme, est-ce que je nuis à la culture des autres, à la paix dans le monde ? Soyons sérieux, mes petites opinions n’ont aucune importance, aucune influence et le tourisme progresse à grands pas sans se préoccuper de mes avis. Ça ne m’empêche pas d’aimer en faire part.
Apparemment, tu n’aimes pas les récits de voyage. Moi, ce sont les voyages que je n’aime pas.
J'me rends compte que j'ai été un peu sec sans m'en rendre compte. Je conspue le voyage de consommation aussi; j'aime bien les trucs à proximité, prendre la route, le vélo, voire la petite voiture avec des potes et partir "d'où on est" pour aller où on peut.

Mais prendre l'avion pour aller voir la taj miyou ou la pyramide de Mékouy ça me fait hurler autant que l'excuse du "c'est pour le travail, tu comprends", c'est ce que je voulais dire. Que ce soit pour du pro, du perso ou quoi que ce soit d'autre, je me vois pas débarquer à Bali pour dire "whaaa c'est joli ici, ça me dépayse, vous vivez  drôlement, mais attention je viens pour une bonne raison, c'est ma société qui a besoin, rien à voir avec moi !".

D'ailleurs en réalité je crois que je conspue encore plus les déplacements professionnels que les déplacements touristiques, bien que les deux soient presque en top-list de ce qui me fait horreur. "Naan mais tu sais, je bosse pour Nestlé, fait bien qu'on fume le monde, c'est pas pour rigoler que je suis là, j'ai une très très bonne raison, je suis un pro..."

C'est d'ailleurs souvent assez paradoxal de voir des gens défendre la consommation locale et de scandale de mondialisation et pratiquer le voyage international professionnel. A mon sens, un voyage, c'est tes pieds, ton vélo, à la limite ton petit moteur perso insignifiant, et feu !

C'est ce que je voulais dire concernant les textes sur les pérégrinations autour du globe, souvent ils m'horripilent parce qu'ils se heurtent à cette contradiction.
« Modifié: 02 septembre 2022 à 00:24:39 par Kwak' »
Bout de poussière d'étoile,
Qu'attends-tu pour briller ?

Hors ligne Champdefaye

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Re : Citations
« Réponse #242 le: 02 septembre 2022 à 09:32:40 »
@Milena
Je vois que tu n’as pas peur des mots :
Citer
Le tourisme de masse est un problème
Comme tu y vas ! Ce n’est pas un peu élitiste, ça ?
Tu avais sans doute remarqué que je n’avais pas utilisé ce terme, bien que dans mon dernier commentaire, il transparaisse de partout. Je ne tenais pas à me faire engueuler par les indignés. Tu as pris ce risque. Bravo.

@Dot Quote
J’ai parfois un peu de mal à te suivre dans tes textes et dans tes commentaires, non pas qu’ils soient confus, mais touffus, plutôt. C’est ta langue qui veut ça, précipitée, inventive, célinienne. Mais cette fois-ci, j’ai parfaitement compris que le tourisme, tu n’aimes pas beaucoup non plus. 

Non kwak, tu n’étais pas sec, mais cette fois-ci, tu le deviens.
Et sans raisonni logique. Ta diatribe contre les « voyages d’affaires » est quand même très nourrie d’idées reçues.
En ce qui me concerne, il se trouve que la totalité des grands voyages que j’ai pu faire, je les ai faits en début de carrière, à une époque où je travaillais comme économiste dans les pays en voie de développement dans le cadre de l’aide financière que leur apportaient les Nations Unies.
Mais il n’y pas que la coopération économique ou l’aide humanitaire qui justifient les voyages. Le commerce international et donc les déplacements professionnels sont tout aussi indispensables et en tout cas nécessaires à l’économie du pays d'origine et par voie de conséquence aux impôts qui permettent de payer l’éducation, la santé, et tout le reste. C’est peut-être un peu simple et banal, mais surement pas davantage que ta démonstration.
Entre deux festivals de musique, vas donc avec tes potes  aider les camerounais ou les philippins à construire une route ou un aéroport avec vos petits vélos. Tu m’en diras des nouvelles.
« Modifié: 02 septembre 2022 à 09:34:48 par Champdefaye »

Hors ligne Kwak'

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Re : Citations
« Réponse #243 le: 02 septembre 2022 à 12:48:59 »
Je n'ai ni l'envie ni le temps de rentrer dans un tel débat, mais les associations dans lesquelles j'ai officié bénévolement avait des stages formidables sur la notion d'aide et d'apprendre à construire des routes et des aéroports chez les pays "en voie de développement" (je déteste cette expression) qui sont pas forcément très très loin a leurs yeux - et aux miens - d'une forme d'impérialisme. En somme, y'a rien de plus dangereux que l'aidant qui vient "apprendre" auréolé de son "développement accompli" - notion discutable s'il en est.

M'enfin, chacun son opinion, on va pas se prendre la tête pour ça sur un forum sans se connaître mieux. Pardon si je t'ai énervé.
« Modifié: 02 septembre 2022 à 12:56:21 par Kwak' »
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On ne peut pas lire que du Barbara Cartland
« Réponse #244 le: 08 septembre 2022 à 19:08:13 »
Avez-vous lu les "Chroniques du grand micmac" d'Alexandre Vialatte ? Non ? Faudrait vous décider !
Dans l’une d’entre elle qui s’intitule histoires noires et histoires blanches, Alexandre veut nous inciter à lire le dernier recueil de nouvelles de Jacques Sternberg. Jacques Sternberg fut un auteur belge qui eut son heure de gloire dans la deuxième moitié de ce siècle bizarre que fut le XXème, période où les nouvelles se vendaient encore. Les siennes se situaient dans le domaine de l’humour noir, de la science-fiction, pour tout dire, du bizarre. Aujourd’hui, Sternberg est totalement oublié., Mais si vous tombez un jour sur un de ses recueils, plongez-vous y (plonjévouzi ?) pour y passer un moment agréable, rigolo ou effrayant.
En attendant cet événement improbable, veuillez lire le début de cette chronique d’Alexandre Vialatte qui nous apprend que parfois, il faut abandonner Barbara Cartland.

"On ne peut pas toujours lire l’histoire de Monsieur Dupont qui épousera Mademoiselle Durand à la page 240 après mille péripéties qui ont bien failli nous faire croire le contraire. (Dieu ! Que j’ai frémi pour leur bonheur !) On sait bien qu’elle est fille d’officier supérieur, qu’elle fut chargée de diplômes comme un âne de reliques dans les couvents les plus distingués, qu’elle connaît les sous-préfectures, la superficie de la Pologne et même le pluriel des noms à trait d’union, qu’elle est vertueuse quoique pauvre, et que sa rivale est une chipie qui n’a pour elle que ses gros sous et qui vit toute barbouillée d’huile parce qu’elle mange salement les asperges ; et aussi que le jeune homme, qui n’est pas un idiot, comprendra bien, autour de la page 124, tout l’intérêt qu’il y a à épouser une femme qui peut vous dire n’importe quand sans hésiter le pluriel du mot garde-chasse, plutôt qu’une souillon qui vit dans la tache d’huile jusqu’à la lessive de printemps depuis le début de la saison des primeurs, et n’est en somme qu’un billet de banque graisseux. (Comment pourrait-il hésiter entre un Larousse et un torchon sale ! La vie commande ! Et qu’est-ce qu’une vie sans dictionnaire ? On se le demande. Une aventure manquée.) On sait tout cela ; mais enfin, jusqu’au bout, quand on manque d’habitude, on a peur que les jeunes premiers ne comprennent pas bien ; On imagine des choses horribles, des obstacles insurmontable : par exemple qu’il sache lui-même la superficie de la Pologne, ou qu’il n’ait jamais besoin de sa vie du pluriel du mot « garde-chasse ». Et on frémit voluptueusement et c’est ce qu’on cherche."

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Re : Citations
« Réponse #245 le: 16 octobre 2022 à 17:04:41 »
Entre juin et octobre 1938, John Steinbeck écrit« Les Raisins de la colère ». Il tient un journal de travail. Voici l’entrée du 18 juin :

9h45
C’est samedi à présent et nous nous sommes levés de bonne heure et je suis prêt à travailler tôt. Je ne vois aucune raison de ne pas faire une pleine journée de travail (2000 mots). C’est un boulot énorme. Ne dois pas penser à son ampleur, mais seulement à la petite image pendant que je trime. Laisser la grande image pour le temps de la planification. Si seulement je pouvais faire ce livre comme il faut, ce serait un des romans vraiment bons et véritablement américain. Mais je suis assailli par ma propre ignorance et mon incapacité. Il faudra juste que je travaille depuis l’arrière-plan de celles-ci. Honnêteté. Si je peux rester honnête, c’est tout ce que je peux attendre de mon pauvre cerveau – ne jamais attiédir un mot en faveur du préjugé du lecteur, mais le tordre comme de la pâte à modeler pour qu’il le comprenne. Si je peux y arriver, ce sera tout ce que mon manque de génie peut accomplir. Parce que personne ne connaît mon absence de facilité comme moi je la connais. Je lutte contre elle tout le temps. Parfois, j’ai l’impression de faire un joli petit boulot, mais quand c’est terminé, le truc glisse dans la médiocrité.
Jours de travail - John Steinbeck

Maintenant, soyez vraiment attentifs car je vais vous livrer une réflexion intéressante qui vous révélera un aspect méconnu de la personnalité du prix Nobel 1962 de littérature :
Les Raisins de la colère compte 640 pages. En format courant, celui du Livre de Poche par exemple, une page contient environ 250 mots. Pour les Raisins de la colère, ça nous fait donc un total de 160 000 mots. Or, nous venons de lire que John Steinbeck considérait comme un énorme travail le fait d’écrire 2000 mots en une seule journée. On peut donc en conclure que s’il avait travaillé vraiment sérieusement chaque jour, Steinbeck aurait pu écrire les Raisins de la colère en 80 jours. Or, nous savons qu’il a mis en fait 5 mois, soit presque le double du temps nécessaire à écrire ce foutu bouquin.
Un peu flemmard, le bonhomme, quand même !

Intéressant, non ?


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Re : Citations
« Réponse #246 le: 21 octobre 2022 à 08:02:22 »
Moi, j'ai gardé une troublante citation de Plutarque que je me remémore de temps en temps lorsque je découvre les débats qui animent le continent européen, car c'est l'un des seuls auteurs qui parvienne à me faire imaginer les cordons secrets qui relient entre elles nos cultures respectives.

Et c'est une citation tirée du récit de la vie d'Aratus qui raconte comment cet homme hors du commun s'est révolté contre l'occupation macédonienne à la suite de l'affaissement d'Athènes. Son ambition personnelle était de réunir les villes grecques entre elles pour former une union digne de la plus grande admiration.

« XXVIII. Aratus fit entrer dans la ligue achéenne le roi Ptolémée, à qui il laissa le commandement des troupes de terre et de mer ; et ce trait de politique lui acquit une si grande autorité parmi les Achéens, que la loi ne permettant pas de l'élire préteur tous les ans, on le nommait à cette charge de deux années l'une : mais, par l'influence que lui donnaient ses actions et ses conseils, il était réellement perpétué dans le gouvernement. On voyait que ni les richesses, ni la gloire, ni l'amitié des rois, ni l'intérêt de sa propre patrie, rien enfin ne lui était plus cher que l'accroissement de la ligue achéenne. Il pensait avec raison que des villes dont chacune en particulier est trop faible pour se soutenir, en se liant ensemble par un intérêt commun, se conservent par leur union mutuelle. Les parties du corps humain tirent leur aliment et leur vie de la liaison qu'elles ont entre elles : sont-elles séparées, elles ne prennent plus de nourriture, et finissent par se détruire. De même tout ce qui rompt la société des villes les conduit à leur dissolution. Elles s'accroissent au contraire les uns par les autres, lorsque, devenues parties d'un corps puissant, elles participent aux avantages d'une sagesse commune. »

Document de référence (Plutarque, vie des hommes illustres, Aratus)

Oui, mais comment atteindre une véritable égalité entre les peuples ? Cette pensée n'est-elle pas un mauvais présage à qui l'entendrait comme une sorte d'idéal à atteindre ? Et cela ne risque-t-il pas de réduire les gouvernements à l'unique objectif d'être « l'égal de son voisin », désirant pourtant ardemment le surpasser en toute chose pour le séduire, le vaincre ou seulement lui être utile ?

Et si chercher à atteindre l'égalité entre les peuples nous amenait à devenir craintifs, malheureux, imprudents, en nous amenant à ne jamais oser dire à l'autre combien nous sommes différents ?


Sinon, si cette pensée vous effraie et que vous préférez largement le confort de la République... alors je vous conseille de lire la vie de Caton le Jeune, ou Caton d'Utique (du même Plutarque) dont l'incroyable puissance émotionnelle vous transportera vers ce qu'est vraiment croire en la République, s'y fier telle une sorte de boussole inépuisable.

Tout le monde ne croit pas en la République, c'est sûr, mais Caton, lui, oui, il y croyait, et c'est pour cela que César l'a combattu. :)


La vie est un vertige, autant en profiter ! ^^
« Modifié: 21 octobre 2022 à 08:06:54 par Alan Tréard »
Mon carnet de bord avec un projet de fantasy.

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Re : Citations
« Réponse #247 le: 02 décembre 2022 à 18:11:15 »
Les écrivains ? Ne m’intéressent que les gens qui ont un style. S’ils n’ont pas de style, ils ne m’intéressent pas. Des histoires, il y en a plein la rue, n’est-ce pas. J’en vois partout des histoires, plein la rue, plein les commissariats, plein les correctionnelles, plein votre vie… tout le monde a une histoire, mille histoires.

C’est rare un style, monsieur ! Un style, il y en a un, deux, trois par génération.

Il y a des milliers d’écrivains, ce sont des pauvres cafouilleux, ils rampent dans les phrases, ils répètent ce que l’autre a dit, ils choisissent une histoire, prennent une bonne histoire et ils écrivent : « Je vois ça…etc. » Ce n’est pas intéressant.

Il m’est arrivé quelque chose de bien particulier. J’ai cessé d’être écrivain pour devenir un chroniqueur. Alors j’ai mis ma peau sur la table, parce que, n’oubliez pas une chose, la vraie inspiratrice, c’est la mort. Si vous ne mettez pas votre peau sur la table, vous n’avez rien. Il faut payer. Ce qui est fait gratuit, ça sent le gratuit, ça pue le gratuit.

Interview de Louis Ferdinand Céline par Louis Pauwels (extrait)

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Re : Citations
« Réponse #248 le: 02 décembre 2022 à 18:28:16 »
Sur le plus haut trône du monde, on n'est jamais assis que sur son cul. (Montaigne)

J'adore cette phrase  ;D

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Cruel épilogue
« Réponse #249 le: 18 mars 2023 à 09:31:42 »
On ne connait jamais vraiment l’âge du narrateur d’À la recherche du temps perdu. Marcel Proust reste toujours très vague sur ce point. On a d’ailleurs des raisons de penser qu’il ne le connait pas lui-même : dans le Temps retrouvé, quand lors d’une soirée chez le Prince de Guermantes le narrateur  découvre les ravages du temps chez tous les personnages qu’il a connus autrefois, une jeune femme lui propose d’aller diner avec elle au restaurant. Il répond : « Si vous ne trouvez pas compromettant de venir diner seule avec un jeune homme... » alors qu’il a vieilli tout comme les autres. (Ceci prouve,  s'il en était besoin, le point que j’ai soulevé à plusieurs reprises à l’occasion de discours tournant autour de la citation de Tolstoï « La plus grande surprise dans la vie d’un homme, c’est de vieillir »)

Pourtant dans ce texte, extrait de ‘’Sur la lecture’’, il est assez clair que Proust est encore le petit Marcel, qu’il a une douzaine d’années peut-être. Il nous parle ici des lieux et des circonstances dans lesquels il lisait lorsqu’il était enfant et des sensations et des plaisirs qu’il en tirait. Plus précisément, dans ce morceau choisi, il évoque la détresse dans laquelle un auteur nous laisse quand nous avons atteint la dernière page. Si vous-même n’avez jamais ressenti cela, c’est que vous n’avez jamais été plus loin dans la littérature que "Les pieds nickelés".

Lisez ce texte magnifique, lisez-le lentement et, que ce soit dans votre salon ou dans votre tête, prononcez chaque mot. Merci.


"(...) Puis la dernière page était lue, le livre était fini. Il fallait arrêter la course éperdue des yeux et de la voix qui suivait sans bruit, s’arrêtant seulement pour reprendre haleine, dans un soupir profond. Alors, afin de donner aux tumultes depuis trop longtemps déchainés en moi pour pouvoir se calmer ainsi d’autres mouvements à diriger, je me levais, je me mettais à marcher le long de mon lit, les yeux encore fixés à quelque point qu’on aurait vainement cherché dans la chambre ou dehors, car il n’était situé qu’à une distance d’âme, une de ses distances qui ne se mesurent pas par mètres et par lieus, comme les autres, et qu’il est d’ailleurs impossible de confondre avec elle quand on regarde les yeux « lointain » de ceux qui pensent « à autre chose ». Alors, quoi ? Ce livre, ce n’était que cela ? Ces êtres à qui on avait donné plus de son attention et de sa tendresse qu’aux gens de la vie, n’osant pas toujours avouer à quel point on les aimait, et même quand nos parents nous trouvaient en train de lire et avaient l’air de sourire de notre émotion, fermant le livre, avec une indifférence affectée ou un ennui feint ; ces gens pour qui on avait haleté et sangloté, on ne les verrait plus jamais, on ne saurait plus rien d’eux. Déjà, depuis quelques pages, l’auteur, dans le cruel « Épilogue », avait eu soin de les « espacer » avec une indifférence incroyable pour qui savait l’intérêt avec lequel il les avait suivi jusque-là pas à pas. L’emploi de chaque heure de leur vie nous avait été narré. Puis subitement : « Vingt ans après ces événements on pouvait rencontrer dans les rues de Fougères un vieillard encore droit, etc. » Et le mariage dont deux volumes avait été employés à nous faire entrevoir la possibilité délicieuse, nous effrayant puis nous réjouissant de chaque obstacle dressé puis aplani, c’est par une phrase incidente d’un personnage secondaire que nous apprenions qu’il avait été célébré, nous ne savions pas au juste quand, dans cette étonnant épilogue écrit, semble-t-il, du haut du ciel, par une personne indifférente à nos passions d’un jour, qui s’était substitué à l’auteur. On aurait tant voulu que le livre continuât, et, si c’était impossible, avoir d’autres renseignements sur tous ces personnages, apprendre maintenant quelque chose de leur vie, employer la nôtre à des choses qui ne fusent pas tout à fait étrangères à l’amour qu’ils nous avaient inspiré et dont l’objet nous faisait tout à coup défaut, ne pas avoir aimé en vain, pour une heure, des êtres qui demain ne seraient plus qu’un nom sur une page oubliée, dans un livre sans rapport avec la vie et sur la valeur duquel nous étions bien mépris puisque son lot ici-bas, nous le comprenions maintenant et nos parents nous l’apprenait au besoin d’une phrase dédaigneuse, n’était nullement, comme nous l’avions cru, de contenir l’univers et la destinée, mais d’occuper une place fort étroite dans la bibliothèque du notaire, entre les fastes sans prestige du Journal de Modes illustré et de la Géographie d’Eure-et-Loire..."

Extrait de « Sur la lecture » - Marcel Proust - 1905

 


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