Hellow!
Encore une fois, je ne sais pas trop par où je suis partie!

Le titre me disait rien, alors je suis partie de la photo...
Le joyau de la merHéléna descendait la ruelle qui menait à la mer. Les petits immeubles qui l’entouraient étaient déjà endormis. Ses sandales claquaient sur le pavé et des chiens aboyaient au loin. L’air était clément en cette nuit d’été et la brise sentait le sel. Elle inspira délicieusement une bouffée d’iode en fermant les yeux. La cloche de l’église sonna douze coups. Héléna écarquilla les yeux et accéléra l’allure. Comme la rue était en pente, ses pieds semblaient courir tout seuls et elle se sentit portée par le vent qui sifflait à ses oreilles. Arrivée à quelques mètres de la plage, elle ralentit pour reprendre son souffle tout en contemplant la mer. La lune s’y reflétait, faisant danser des lames d’argent sur les vagues. Les étoiles étaient toutes venues lui dire au revoir. Un cliquetis minéral lui parvint. Le bruit des galets refoulés par le ressac, encore et encore, emplissait l’air d’une douce berceuse. Ce soir était le bon soir. Elle n’en doutait pas.
Elle ôta ses sandales et laissa ses pieds s’enfoncer dans le sable. Il était souple et fin, encore tiède après cette chaude journée. Elle se laissa pénétrer par cette sensation. Elle la regretterait. Ses pieds disparaîtraient, elle le savait. Tout comme ses jambes.
Une silhouette se dessina près des rochers de la jetée. Elle la reconnut aussitôt. Hélios. Son cœur se serra.
— T’es à la bourre, Léna ! pesta-t-il.
— Désolée, fit-elle en ramenant une mèche brune sur son oreille. Ma grand-mère ne voulait pas me laisser partir avant qu’on ait terminé la partie.
— Belote ?
— Et re ! s’exclama-t-elle. Ah merde, pardon, c’est un réflexe… Ouais, on jouait à la belote.
— Encore ? Mais elle se lasse pas à la fin ?
— Non. Mais moi si…
Il eut un petit rire. Fort et doux à la fois. Comme lui. L’idée de ne plus l’entendre bercer ses oreilles l’attrista. Il posa ses yeux noirs sur elle. Héléna frissonna.
— Bon, t’es prête ?
Elle inspira profondément.
— Oui, souffla-t-elle.
Il hocha la tête, un éclat de regret dans le regard. Elle s’en voulut d’avoir acquiescé si promptement. Il s’attendait visiblement à la voir hésiter, il aurait voulu la voir hésiter. Et elle, était-elle vraiment prête ?
— J’ai ramené la pierre, dit-il.
Il sortit de son sac une gemme bleue comme la mer, luisant comme si elle avait avalé le soleil.
— La pierre de Socrate, murmura-t-elle.
La lumière qui s’en échappait était presque aveuglante mais elle ne pouvait en détacher ses yeux.
— Ouais. C’est pour ça qu’on l’appelle la pierre philosophale ! plaisanta Hélios.
Héléna sourit. Même les blagues pourries de son ami lui manqueraient. Sa gorge se serra un peu plus.
— Elle vient de la crique du Mérou, comme tu avais dit, expliqua-t-il. C’est ton pote, Pascal le squale qui me l’a donnée.
— Ah, Pascal…
— Je crois qu’il est toujours amoureux de toi. Je serai pas étonné qu’il demande ta main quand… tu sais…
— Ça va pas être possible. Vu comment les requins s’accouplent, ça va pas le faire !
L’expression comique qu’elle afficha fit rire son ami. Mais elle devinait la tristesse qui se masquait derrière. D’une main tremblante, Hélios lui tendit le joyau.
— Tiens. Tu n’as plus qu’à dire la formule.
Héléna le prit dans sa main. Contre toute attente, la pierre ne pesait pas plus qu’une plume. Comment quelque chose d’aussi puissant pouvait être aussi léger ? Elle la regarda miroiter un moment et resserra ses doigts dessus, sentant la chaleur du bijou pulser de l’intérieur. Ses yeux se levèrent sur Hélios qui baissa aussitôt la tête.
— Tu vas me manquer… souffla-t-il.
Un sanglot la secoua.
— Toi aussi, Hélios.
Les épaules du jeune homme tressaillirent. Il pleurait.
— J’ai passé le plus bel été de ma vie avec toi, tu sais… sanglota-t-il.
— Moi aussi. Tu peux me prendre dans tes bras ? Une dernière fois ?
Il la serra fort contre lui. Son odeur lui parvint. Chaude et épicée. Elle écoutait son cœur battre dans sa poitrine.
— Je me souviendrai toujours de ton odeur, de ta voix, de ton visage, renifla-t-elle. Tu as été si gentil avec moi. Merci pour tout…
Une vague, plus puissante que les autres, reflua.
— C’est l’heure, dit-elle en pleurant.
Elle se défit lentement de l’étreinte et leva la tête pour poser ses lèvres sur celles d’Hélios.
— Je t’aimerai toujours.
Elle fit un pas en arrière, grava le visage de son aimé dans sa mémoire et s’éloigna vers la mer. Quand elle y pénétra, l’eau fraîche fit frissonner son corps. Les yeux remplis de larmes, elle fendit les flots qui se faisaient de plus en plus tumultueux autour d’elle. Elle s’était promis de ne pas se retourner mais le fit quand même. Le beau visage d’Hélios était toujours là. Il la regarderait disparaître dans les vagues.
— Patinoire à canard, rends-moi mes nageoires ! fit-elle.
La pierre brilla encore plus fort, illuminant les flots de sa lumière bleue. Les vagues enlacèrent le corps d’Héléna qui se mit à changer. Ses jambes se soudèrent, ses pieds s’allongèrent et sa peau se recouvrit d’écailles. L’eau pénétra ses poumons et elle se sentit partir un instant. Elle toussa un peu d’air et se mit à respirer comme elle l’avait toujours fait avant la parenthèse de cet été. Ses mains chassèrent les cheveux qui masquaient son visage et elle contempla le paysage marin qui s’offrait à ses yeux. La mer lui avait manqué mais elle savait maintenant qu’Hélios lui manquerait encore plus.
Sa caudale battit l’eau et elle fila vers la surface, les bras le long du corps. D’un grand battement de queue, elle fit un bond à la surface et envoya un baiser à Hélios avant de disparaître dans les flots.
— Bon vent, ma sirène, souffla Hélios.