La gamine se fraya péniblement un chemin entre les ronces, les orties et les feuillages, puis elle sauta d'un coup. Il y avait bien longtemps qu'ils habitaient le château, pourtant elle n'avait jamais remarqué le petit sentier bouffé par le temps et envahi par les feuillages qu'elle suivait maintenant avec curiosité. Il lui fallut bien du courage et quelques égratignures avant de parvenir enfin à ce qui ressemblait à un petite cabane, ruinée et inquiétante. Heureuse d'avoir enfin trouvé parade à son ennui, elle entra à l'intérieur, et ce qu'elle vit la fit frémir. Il y avait là ce qui devait être un vieux lit dont le bois était moisi et l'odeur épouvantable ; à côté se trouvait d'étranges étagères remplies de fioles vides et d'objets plus sinistres les uns des autres ; au milieu de la seule et unique pièce se tenait un vieux chaudron craquelé que la rouille avait recouvert complètement, et enfin, sur le mur opposé au lit, il y avait un vieux bureau trop bas sur lequel trônaient une vieille plume magnifique dans son encrier et un tas de feuilles défraichis reliées à la main, entourées par d'adroites couvertures de cuir.
La gamine s'approcha du bureau et elle put lire sur le cuir : "Manifestes des sorcières." Ce titre l'intrigua fortement, et puisqu'elle n'avait rien d'autre à faire, elle commença sa lecture.
"Ma soeur, toi qui lit ces lignes, pardonne ce ton quelque peu particulier, mais il faut que tu saches. Méfie toi : n'écoute que la lune, les animaux et la chant du vent. Ne suis que les traces nues dans la terre, n'entend que l'oiseau, ne parle qu'à l'arbre. Tu trouveras dans cette forêt de quoi manger, de quoi boire, de quoi t'émerveiller et de quoi te hanter. Ne t'approche jamais, m'as-tu bien entendu, jamais de la folie des hommes et des femmes toutes aussi odieuses qui les accompagnent ! Ils ne connaissent rien, ils ne comprennent plus rien, et avant d'être ce que je suis aujourd'hui, j'étais l'une d'entre eux ! Vois donc !
J'étais jeune et belle première fille d'un grand seigneur dont le royaume s'allongeait au delà des montagnes et même au delà des mers. Mon père n'avait pas de coeur, et sa femme, pauvre mère, pas d'âme. Les deux régnaient d'une main de fer si bien qu'aussitôt la moindre contestation repérée, ils faisaient pendre haut et court les premiers responsables, et la terreur parlait à leur place. Mon père avait droit de cuissage, ma mère droit de jouissance ; ils détournaient la dime et la foncière ; ils avaient droit de vie, de mort ou d'esclavage sur tout être vivant de la région. Rien ne semblait pouvoir un jour se mettre en travers de leur chemin, et nous vivions dans le château une vie de respect mortifère et d'opulence forcenée. Pourtant - hélas ! - il semble bien que la providence en ait voulu autrement, car il n'en fut pas ainsi infiniment : je vins au monde, et malgré leur joie et leurs espoirs de me marier à un royaume voisin pour mieux asseoir leur puissance, je fus en fait leur pire malédiction.
Ne va pas croire que j'ai toujours fuit la compagnie des hommes et que j'étais revêche, paresseuse ou désobéissante ; bien au contraire j'étais la plus docile et la plus obéissante des filles. Il faut dire que j'ai grandi avec la menace comme fouet et la peur comme gouvernail, et que les furies régulières de mon père et les manies autoritaires de ma mère m'aidèrent à rester bien ancrée dans le droit chemin. Pourtant, le jour exact de mes onze ans, il se passa un évènement qui fit basculer nos destins à tous les trois de la plus inattendues des façons....
(shiiit j'ai pas pu finir)... dsl