Dans notre grande forêt, nous ne dormons pas, nous veillons. Et nous ressentons tous les souffles de la nuit qui semblent se dégager en paillettes argentées. Ce monde de verdure devient féérique, c'est beau l'obscurité.
Je suis née à la fin de ce printemps, à l'orée de la forêt du Gâvre. Je suis sortie de la Terre sous un grand soleil. J'ai senti directement mes deux premières feuilles attirées par sa lumière ; et la sève partant de mes racines, remonter jusqu'à leur pointe encore fragile. Après sa douce transformation, elle repart dans l'ensemble de mon corps frêle pour me donner la force nécessaire à me tenir debout.
Je suis née à la bonne période de l'année. Mes premiers jours se rythment donc par la recherche de la lumière pour mon propre développement. L'eau est aussi vitale pour moi, je me ressource donc des rares averses de l'été cette année, pour me nourrir dans ce sol alors gorgé.
Les saisons plus sombres et froides arrivées, jours intempériques, je sens que ma vie devient mon combat. Je me sens encore si petite, les bourrasques de vent me font si peur, j'ai l'impression que je pourrais être arrachée de ma Terre sans pouvoir résister. Heureusement, je me sens protégée par mes confrères et consœurs tout autour de moi, bien plus hauts et résistants.
Par ailleurs, les animaux aussi me font peur. Par ma si petite taille, je me sens à la portée de toutes les bouches, je pourrais faire un délicieux repas !
J'ai conscience qu'il me faudra du temps, beaucoup de temps, des années, des centaines d'années pour que moi, petite plante, je puisse me sentir forte et assurée et que ma cime puisse enfin toucher le soleil.