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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » De la part d'un ami

Auteur Sujet: De la part d'un ami  (Lu 3886 fois)

Hors ligne Bini

  • Tabellion
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De la part d'un ami
« le: 12 février 2007 à 15:30:32 »
Je vous soumets le début d'une nouvelle que

j'ai commencé à écrire pour un concours, "Noires de Pau". Le thème est : une intrigue policière ou "roman noir", dont l'histoire se déroule dans la région de Pau. Quatre mots doivent impérativement figurer dans le texte en tant qu'indices : André (prénom), roulette (objet), Soumcouy (lieu) et cafetier (métier).


DE LA PART D'UN AMI

     

       Je suis là, je l’attends. Nul doute, elle viendra. Comme tous les jours. Elle viendra, puisque je suis là, puisque je l’attends. Et la voilà qui arrive, je reconnais sa démarche gracieuse de loin, avant même qu’elle n’ait passé le portail. Son pas léger la conduit vers moi, alors que j’admire ses longs cheveux noirs flottant dans son dos. Son visage est rayonnant ; il semble contenir toute la beauté du monde en cette magnifique journée d’été. Je sens immédiatement un extraordinaire bonheur m’envahir, un émerveillement croissant tandis qu’elle se rapproche de moi. Encore quelques secondes et elle s’assiéra devant la fontaine. Et là, je pourrai enfin…

             Des éclats de voix me font ouvrir les yeux. Les voisins du dessus qui se disputent. Je réalise alors que je me trouve dans mon lit et non pas dans le Parc Lawrence. Je sens mes yeux se mouiller de larmes. Cinq jours, cela fait aujourd’hui cinq jours. D’un geste de rage, je rejette les couvertures et me dirige mécaniquement vers la salle de bain où je fais couler un peu d’eau sur mon visage. Mon regard s’attarde dans le miroir. Son sourire… Suis-je en train de devenir fou ?
     

       Des histoires comme la mienne, il en existe pourtant des milliers, c’est sans doute la plus banale au monde. Une femme divine, parfaite entre toutes, merveille des merveilles. Intouchable. Et moi, pauvre ver de terre, comment pourrais-je ne pas aimer cette étoile ? Jamais encore je ne lui ai parlé, jamais encore elle n’a posé les yeux sur moi. Je ne connais même pas son prénom.
Je repense à tous ces après-midis dans le parc. Cette fontaine, elle y vient tous les jours, à la même heure, et c’est l’occasion pour moi d’assister au plus beau spectacle qui soit. Je reste caché, à l’admirer. Elle crayonne, dessine, écrit. Parfois bavarde avec des promeneurs. Au bout de quelques heures, après son départ, j’attends que la magie se dissipe, puis je rentre chez moi.

         Je ne saurais dire depuis combien de temps cela dure. Des semaines, sans doute des mois. Peut-être des années. Jusqu’à il y a cinq jours. Cela fait cinq jours qu’elle n’est pas venue. Cinq jours que j’agonise à me demander où elle se trouve. J’ai peur. Je sens qu’elle est en danger. Je sais qu’elle a besoin de moi.


____

   
         Il est bientôt 21 heures. Les grilles du parc vont fermer. J’ai passé la cinquième journée à l’attendre. En vain. Je m’apprête à repartir ; une pluie fine se met à tomber. Elle ne viendra plus.
           
 J’erre dans les ruelles autour du parc. Mon esprit n’aura pas de paix tant que je serai là, si impuissant, alors qu’elle a besoin de moi, quelque part. Aller trouver la police ? Elle me rira au nez. Je ne sais rien de cette femme. Qui croirait un homme qui n’a que son cœur amoureux pour preuve ?
           
Non, c’est à moi de la retrouver, à moi de la sauver. Je m’échoue sous un lampa-daire, la tête entre les mains. Elle parlait avec une femme, la dernière fois que je l’ai vue. Une femme qui vient souvent dans ce parc. J’essaie péniblement de rassembler mes souvenirs. Il y avait un jeune garçon en pleurs avec elle, sans doute son fils. Oui, je m’en souviens. Ils sont passés près de moi en sortant du parc. J’ai entendu la mère dire à son enfant de rester raisonnable, qu’un fils de cafetier ne peut pas se permettre de... Fils de cafetier ? Il faut que je retrouve cette femme. Elle doit savoir quelque chose. Oui, elle doit savoir. Je me lève d’un bond et court à la recherche d’un café dans les environs du parc.

 « Chez Charlie ». C’est là, c’est forcément là. Il n’y a pas d’autre café dans le quartier. Je regarde le nom sur la boîte aux lettres. Charles Servin. Et si elle n’avait rien à me dire ? Pire, si elle ne voulait rien me dire ?
Je pousse la porte du café. Les clients se retournent sur moi. Je fais sans doute étrange impression, en homme ruisselant de pluie et surgissant de la nuit.

« Bonjour, pourrais-je parler à Madame Servin ?
- C’est…
- De la part d’un… ami. »
           
Monsieur Servin me dévisage d’un regard suspicieux mais se dirige vers l’arrière boutique, tandis que les trois hommes attablés au comptoir suspendent leur conversation pour m’observer. Quelques minutes plus tard, je vois Madame Servin, la femme du parc, apparaître devant moi, un bébé dans les bras. Mon cœur se met à battre fort. Devant son air méfiant, je prends la parole avec empressement :
« Bonjour Madame. Pardonnez-moi de vous déranger, j’ai… j’ai besoin de votre aide.
- Oui ? demande-t-elle prudemment
- Je recherche une jeune femme, je sais que vous la connaissez. Je vous ai vue parler avec elle dans le Parc Lawrence.
- Le Parc Lawrence ?
- Il y a cinq jours. Devant la fontaine. »
       
     J’ai l’impression que mon cœur va s’arrêter. Elle me dévisage si froidement… Mais brusquement, son visage s’éclaire et elle m’adresse un grand sourire, s’écriant : « Oui, bien-sûr ! Cette charmante jeune femme ! Je ne connais pas son nom, mais elle vient très souvent là-bas, je crois que… Oh, mais, vous êtes son petit-ami, c’est ça ? ». Sans réfléchir, j’acquiesce. Madame Servin enchaîne avec enthousiasme : « Oui, elle m’a parlé de vous. Elle avait l’air inquiète, quand je lui ai parlé, la pauvre enfant… Je ne sais pas ce qui la tracassait, mais elle hésitait à partir s'installer chez vous… Oh mais… il ne lui est rien arrivé de grave, j’espère ? Vous savez, il y a un jeune homme qui l’a saluée en passant devant nous l’autre jour, peut-être qu’il la connaît mieux que moi. Il habite la maison bleue à côté du parc, je connais bien sa mère, elle est… ».<br

             Je n’écoute plus. Ça y est, je sais, j’en suis sûr, elle est en danger. Elle hésitait à partir avec son petit-ami… Elle avait peur… C’est lui, c’est lui, je sais. Je remercie précipitamment Madame Servin et je ressors du café en courant. La pluie a redoublé d’intensité. Il fait sans doute très froid. Peu importe, je ne sens rien. Mes pas me mènent vers la maison bleue.

             Le clocher sonne 22 heures. Peu importe, la vie de celle que j’aime est sans doute en danger. Je toque résolument à la porte d’entrée. Une vieille femme vient m’ouvrir. Son air peu avenant me signifie bien l’inconvenance d’une visite si tardive. J’ouvre la bouche mais je m’aperçois soudainement que je ne sais même pas quelle personne demander. Heureusement, la femme me lance un regard courroucé et marmonne : « Je suppose que vous venez voir Tommy ? A cette heure-ci, c’est forcément pour lui… ». Et elle s’en va, me tournant le dos. Au même moment, un jeune homme d’une vingtaine d’années s’avance dans l’embrasure de la porte. M’apercevant, il fronce brusquement les sourcils.
« Je vous connais…
- Le parc Lawrence peut-être, dis-je brutalement, brûlant de l’interroger.
- Ah, oui, bien-sûr.
Je vous ai déjà vu… vous aviez l’air de vous intéresser beaucoup à cette fille, toujours assise au bord de la fontaine… C’est vrai qu’elle est très charmante… » répond-il d’un air provocant. Je me contiens et parviens à balbutier :
« Il faut que je la retrouve. Je…
- Héla ! Je ne la connais pas, moi !
- On m’a affirmé le contraire.
- J’ai parlé une fois avec elle, c’est tout. C’était il y a au moins deux semaines. Elle lisait, et j’ai engagé la conversation. Ça a tourné autour de son livre. C’est tout.
- Vous ne savez rien d’autre d’elle ? demandé-je froidement.
- Mais non. Désolé. »
             
Devant mon air déçu, il se radoucit et ajoute : « Attendez… j’ai peut-être quelque chose. » Il pénètre dans une pièce et en ressort un livre à la main : « C’est celui qu’elle lisait dans le parc. Elle l’avait emprunté à la bibliothèque et j’ai attendu qu’elle le rende pour le chercher. J’ai trouvé ceci à l’intérieur. Elle s’en servait comme marque-page et a dû l’oublier dedans. » Tommy ouvre le livre et en sort une carte postale. Je la lui arrache des mains. Bons Souvenirs du Soumcouy. « Une banale carte postale » commente stupidement le jeune homme.

             Louisa. Louisa.

Banale carte postale ? Elle contient le mot le plus doux au monde : un prénom, son prénom. Louisa. C’est si étrange de mettre un nom sur son visage… Et puis son adresse, j’ai son adresse. Je sens un grand soulagement m’envahir. Etrangement, il me paraît plus facile de la sauver en connaissant son nom. Je m’enfuis sans remercier Tommy, la carte postale en mains.

A suivre...
« Modifié: 22 avril 2009 à 17:02:00 par Milora »

Hors ligne Marygold

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  • marmotte aphilosophique
Début de Nouvelle sans titre pour le moment
« Réponse #1 le: 12 février 2007 à 16:19:51 »
Je suis complètement prise dans ton récit...

Tu as un style extrêmement fluide, que tu sais équilibrer selon les

moments. On n'accroche sur rien, on se laisse entraîner dans la

quête de cet homme. Rien à redire !
Seul défaut, je trouve : tout

cela me paraît un peu trop simple. Autant la discussion avec Mme Servin

passa très bien, autant le Tommy qui trouve 'comme par

hasard' une carte postale avec son nom dessus est un peu simpliste

(même si je sais que ça arrive !). Mais j'imagine que le voyage

dans le Soumcouy, si voyage il y a, réserve d'autres

rebondissements !

Voilà, sans grande surprise, je demande la

suite si c'est possible !! :)
Oh yeah ! 8)

Hors ligne Bini

  • Tabellion
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Re : Début de Nouvelle sans titre pour le moment
« Réponse #2 le: 12 février 2007 à 16:33:24 »
Je te remercie

beaucoup Marygold ^^
Oui, je le reconnais, c'est un peu

simpliste  :-[ Je cherchais une façon d'intégrer cet indice

"Soumcouy". Et je voulais une intrigue simple, vu que je suis

limitée par le réglement du concours à 20.000 caractères espaces

compris. Il n'y aura donc pas de voyage, mais quelques petits

rebondissements, oui, sans doute ^^. Là j'ai écrit environ la

moitié du récit... Je vous livre la suite dès que je l'ai

écrite...

Hors ligne Marygold

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  • marmotte aphilosophique
Re : Début de Nouvelle sans titre pour le moment
« Réponse #3 le: 12 février 2007 à 16:55:38 »
Ah oui, je

comprends, 20 000 caractère, c'est pas énorme je trouve pour une

nouvelle policière... Pour moi, c'est un genre qui se prête à

beaucoup plus de développements et de rebondissements qu'une

nouvelle plus classique. Mais là, ce n'est pas de ta faute ! ;)

/>Bon, mais à part ça, c'était bien, hein ! Et puis, c'est

aussi possible (j'ai pas dit irréaliste !), j'ai déjà

retrouvé une carte postale dans un livre de bibliothèque...
Oh yeah ! 8)

Hors ligne Soww'el

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Re : Début de Nouvelle sans titre pour le moment
« Réponse #4 le: 16 février 2007 à 20:07:59 »
Je suis

d'accord avec ce qu'a dit Marygold, on est completement pris

dans le récit, l'intrigue est bien menée, j'aime beaucoup

quoi !!  ^^ Alors j'espère que tu réussiras à insérer tout

tes indices avec seulement 20 000 caractères et que tu nous feras

partager la suite des aventures de cet amoureux !
Y a pas d’amour
Sans se voiler la face
Sans répondre au chant des sirènes

Hors ligne Marygold

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  • marmotte aphilosophique
Re : Début de Nouvelle sans titre pour le moment
« Réponse #5 le: 28 février 2007 à 12:58:57 »
J'adore !!

Vraiment, c'est génial ce rebondissement final ! :)
Avec la

narration à la première personne du singulier, on ne se pose pas de

questions (vraiment, pourquoi fait-il ça ? etc.) et on ne

s'aperçoit pas qu'il est à moitié fou ! C'est bien mené,

bravo !
Oh yeah ! 8)

Hors ligne Ambrena

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Re : De la part d'un ami
« Réponse #6 le: 21 avril 2007 à 14:09:14 »
J'avoue m'être un peu doutée de la fin, car tu laisse de petits indices, comme le fait que le narrateur semble réellement obsédé par l'image de cette femme, au-delà de l'amour, ou encore quand il dit qu'il semble "fou". Mais cela n'ôte rien au plaisir de te lire, et la fin est intéressante, de par le changement de point de vue... J'aime aussi ton style, qui est aisé à la lecture... ^^
"J’ai soudain la sensation limpide d’avoir gaspillé ma jeunesse… L’avoir vue s’échapper de mes mains comme l’anguille effrayée et m’appeler à présent sur le lierre du tombeau, où patiente depuis toujours le chant des enfants, les raisins volés…"

Roi Loth, Kaamelott, Livre V

 


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