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19 avril 2024 à 02:04:04
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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » Je préfère arriver par le jardin.

Auteur Sujet: Je préfère arriver par le jardin.  (Lu 14207 fois)

Hors ligne gage

  • Calame Supersonique
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  • Homme incertain.
Je préfère arriver par le jardin.
« le: 09 mars 2015 à 21:15:39 »
   


      Je préfère arriver par le jardin. Je fais ça quand il fait beau, la maison est alors à son avantage : elle est ensoleillée tout l'après-midi et présente de ce côté-ci un visage radieux et trompeur, pimpante de son vieux crépi rose.

     J'ai donc garé la voiture dans la ruelle, à l'ombre des buis du voisin.
Sur la pointe des pieds, salissant ma chemise sur le haut portillon écaillé, j'ai envoyé ma main en aveugle, toujours craintif que mes doigts rencontrent une épeire dodue ou un perce-oreille assoupi. Mais non, pas d'intrus. J'ai fait glisser le loquet rouillé et poussé le vantail : en un seul pas j'ai déchiré du lierre, délogé un chat sentinelle et effarouché les framboisiers qui colonisent l'allée.
Le sentier qui mène à la maison est facile à discerner : c'est là que l'herbe est la plus haute. Foulant les graminées, je longe le potager minable, un suave parfum de figuier m'accompagne. Des artichauts délaissés dodelinent de leur grosse fleur bleue à mon passage.
     Sur le mur mitoyen ne subsistent des espaliers que les fils de fer rouillés et, plaquée au mur, l'auréole turquoise du sulfate révolu. En passant, j'aperçois au sol parmi les pissenlits une fraise, fière et précieuse comme un nénuphar sur un étang. Je la ramasse, elle est tiède, fade, terreuse, délicieuse comme un souvenir.
     Des rames de haricots flétris frémissent dans l'air chaud. Un peu plus loin sur la droite, lascive sous ses grandes feuilles, une courgette oubliée, gonflée comme un zeppelin, me nargue. Je ferai un flan ce soir.
Le gros bidon bleu de récupération d'eau de pluie, en vrai majordome, me salue, un peu gêné néanmoins de me montrer ses flancs souillés de boue sèche.
     Je passe rapidement sous les vieux ifs poussiéreux : dans leur fraîcheur patientent des araignées vigilantes.
Plus loin, deux ou trois bouteilles brillent au soleil parmi des capucines vagabondes.
     J'approche des trois marches qui mènent à la porte grande ouverte de la cuisine. A gauche, sous l’œil de bœuf, dans les vestiges des potentilles fanées, d'autres bouteilles comme des quilles renversées. Au-dessus de moi la glycine monte jusqu'au toit et soulève les tuiles pour voir ce qu'il y a dessous. A l'ombre de son feuillage, les pierres d'angles décrépites sont douces au ventre des lézards.
     Je respire un grand coup. Et je monte les marches.
     La cuisine baigne dans la lumière dorée de l'après-midi qui avance. Ça sent la suie, le beurre rance et le fruit gâté. A ma gauche, la pierre d'évier disparaît sous quelques strates de vaisselle, plus loin la cuisinière à bois me regarde en coin sous sa poussière de cendres, à droite la poubelle vomit ses déchets autour d'elle.
     Tu es là, assis à la table, presque totalement silencieux. Le bruit de ton souffle est couvert par le bourdonnement des mouches qui tournent autour de la suspension. Ton bras gauche pend entre tes jambes,  tu dors, la joue collée à la toile cirée dont le motif provençal n'est plus qu'un souvenir. Ta main droite est posée à côté de ta tête, sur la table, comme si tu la regardais. Entre ses doigts desserrés, un verre à moitié rempli d'un vin rouge un peu clair est posé de guingois. Sur ta main une mouche déambule, posant ici et là sa trompe. Je contemple un moment ces veines bleues, saillantes, qui me fascinaient déjà, enfant.
     Tu as encore maigri. Sous ton t-shirt sale pointent les os de tes épaules. Tes cheveux gris sont un peu longs sur la nuque. Sur le haut de ton front je découvre une plaie mal refermée cernée d'une ecchymose jaunâtre. Vers quels regrets fuyants titubais-tu encore ? Quel remord sournois a encore eu le dernier mot ?



     C'est à cause de la mouche, si mes yeux sont pleins de larmes. A cause de ta main vulnérable qu'elle parcourt, sans gêne, indifférente, étrangère à mon désarroi. Je sèche mes yeux comme un enfant, avec ma paume. Je tends ma main vers ton épaule que je pétris maladroitement.
Puis je t'appelle doucement : « Papa ! ».
« Modifié: 11 mars 2015 à 21:45:46 par gage »
"Tous ceux qui survenaient et n'étaient pas moi-même
Amenaient un à un les morceaux de moi-même". Apollinaire

Hors ligne holden5

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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #1 le: 09 mars 2015 à 23:11:59 »
Tout simplement magnifique...
La chute est une des choses les plus poignantes que j'ai
pu lire depuis longtemps.

Je renviendrai pour un commentaire plus précis, mais pour l'instant : merci!!

Hors ligne Rémi

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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #2 le: 10 mars 2015 à 00:10:12 »
Salut Gage,
Pareil qu'Holden, ça mérite un commentaire expliquant pourquoi j'ai énormément apprécié ce texte. Magnifique, la construction, le vocabulaire, les sous-entendus parfaitement dosés. Vraiement très réussi, bravo !
La "chute" se dévoile doucement, insidieuse. Les araignées et autres petites bêtes du début, le chat qui s'enfuit, tout cela est présent dès l'entrée en scène bucolique. Le crépis rose... Vraiment chouette, une seule lecture et déjà une grande richesse.
Pas un bémol, le lecteur se demande un peu bizarrement pourquoi la porte est ouverte, mais ça annonce le basculement en fait. Non, vraiment rien à dire en première lecture. Vraiment réussi.

Rémi
Le paysage de mes jours semble se composer, comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J'y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d'instinct et de culture. Çà et là, affleurent les granits de l'inévitable ; partout les éboulements du hasard. M.Your.

Hors ligne Milla

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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #3 le: 10 mars 2015 à 08:55:50 »
Salut Gage,

un petit tour avec toi...
Citer
Je fais ça quand il fait beau, la maison est alors à son avantage : elle est ensoleillée tout l'après-midi et présente de ce côté-ci un visage radieux et trompeur, pimpante de son vieux crépit rose.
crépi

Citer
Sur la pointe des pieds, salissant ma chemise sur le haut portillon écaillé,
je trouve le double "sur" un peu moyen à l'oreille (c'est du maxi chipotage hein), peut-être "contre" pour le second ?

Citer
J'ai fait glisser le loquet rouillé et poussé le vantail : en un seul pas j'ai déchiré du lierre, délogé un chat sentinelle et effarouché les framboisiers qui colonisent l'allée.
Le sentier qui mène à la maison est facile à discerner : c'est là que l'herbe est la plus haute. Foulant les graminées, je longe le potager minable, un suave parfum de figuier m'accompagne. Des artichauts délaissés dodelinent de leur grosse fleur bleue à mon passage.
j'aime beaucoup  :coeur: on a une foule d'images et de sensations qui nous viennent

Citer
En passant, j'aperçois au sol parmi les pissenlits une fraise, fière et précieuse comme un nénuphar sur un étang.
même si les qualificatif que tu utilises sont "fière et précieuse" moi je comprends que tu insistes sur sa rareté au milieu des pissenlits et que c'est cette idée que tu compare au nénuphar. du coup ce qui me chiffonne c'est que j'ai toujours vu les nénuphar en nombre il me semble que c'est une plante assez envahissante qui se reproduit rapidement et reste aps trop isolée.  :\?

hop là.
j'ai beaucoup aimé ton texte. il y a vraiment deux parties, dans la première la nature est pleine de vie, s'anime, c'est un pur régale pour le lecteur. Dans la seconde où la vie est à l'abandon, tu touches un autre type d'émotion.
Ton écriture est belle et maitrisée, très poétique mais sans lourdeur.
J'aime aussi beaucoup le titre que tu as extrêmement bien choisi je trouve.

Merci pour ce magnifique texte  :mafio:

Milla

Hors ligne gage

  • Calame Supersonique
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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #4 le: 10 mars 2015 à 17:21:46 »
Grand merci à vous trois, Holden, Rémi, et Milla.
Je suis touché que ma prose vous ait...touchés.
Merci pour vos réponses spontanées.

Milla, j'ai corrigé le crépi, merci.
Pour les deux "sur", pas sûr  :) de pouvoir faire plus discret...je réfléchi.
Quant au nénuphar, dans mon imagier interne, je vois beaucoup de feuilles pour peu de fleurs. C'est comme ça que je vois ma fraise, dressée parmi les feuilles de pissenlits et de fraisiers, inattendue et mise en valeur.
Je te spoile une image qui te fera mieux comprendre...
Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.

Voilà, merci encore beaucoup, je suis tout  :-[...
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Hors ligne Milla

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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #5 le: 10 mars 2015 à 17:42:11 »
oui l'image correspond complètement !  :)  je n'avais pas capté que tu parlais seulement de la fleur du nénuphar, je visualisais la plante en global  :-[

merci encore pour ce texte !  :coeur:

Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.


Hors ligne karine 36

  • Tabellion
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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #6 le: 10 mars 2015 à 17:55:45 »
Bonjour gage

J'ai eu plaisir à me balader dans votre texte . Il reflète une réalité . Bravo

Hors ligne Tomoyo

  • Calliopéen
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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #7 le: 10 mars 2015 à 20:22:59 »
saaalut,

Citer
la maison est alors à son avantage
c’est pas dit vu la suite :D

Citer
J'ai donc garé la voiture dans la ruelle, à l'ombre des buis du voisin.
L’est pas bien joli ce donc, ça serait plus doux sans

Citer
en un seul pas j'ai déchiré du lierre, délogé un chat sentinelle et effarouché les framboisiers qui colonisent l'allée.
Hm, en fait je vais  être pénible mais « en un seul pas », tu trouves que c’est joli ? Je le remonte juste parce que j’ai l’impression que tu as voulu faire quelque chose de très doux et tendre et poétique du coup quand je ne ressens pas ça, je le note et c’est tombé sur « en un seul pas » là  :huhu:

Citer
fière et précieuse comme un nénuphar sur un étang.
Du coup, il faudrait dire comme une fleur de nénuphar sur un étang, sinon j’ai la même impression que Milla

Citer
Je ferai un flan ce soir.
Le gros bidon bleu de récupération d'eau de pluie, stylé, me salue, un peu gêné néanmoins de me montrer ses flancs souillés de boue sèche.
Flan et flancs ça me plait moyen
Ça veut dire quoi stylé dans le contexte ?
On fait des flans aux courgettes ? ça gâche les œufs je trouve  :relou:

Citer
Au dessus de moi la glycine
Au-dessus

Citer
à droite la poubelle vomit ses déchets autour d'elle.
J’aime pas bien le verbe vomir, je le trouve pas esthétique du tout  :-X. Après il veut dire ce qu’il veut dire, on est bien d’accord ...

Citer
sur le haut portillon écaillé
je longe le potager minable
Des artichauts délaissés
les fils de fer rouillés et, plaquée au mur, l'auréole turquoise du sulfate révolu
 Des rames de haricots flétris
une courgette oubliée
ses flancs souillés de boue sèche.
sous les vieux ifs poussiéreux
dans les vestiges des potentilles fanées
les pierres d'angles décrépites
heureusement que c’est par là que la maison est à son avantage  :mrgreen:

Citer
Ton bras gauche pend entre tes jambes,  tu dors, la joue collée à la toile cirée dont le motif provençal n'est plus qu'un souvenir
Entre ça et les mouches, j’ai cru qu’il était mort  :-¬?

Citer
Ta main droite est posée à côté de ta tête, sur la table
Pleinnn de t : ta droite coté ta tête table  ^^

Citer
si mes yeux sont pleins de larmes
plein (adverbe ici)


Joli texte  :)
Appliqué et doux et tendre. Je ne suis pas une fervente des descriptions mais ici c’est court et écrit pour la poésie du moment aussi… enfin j’imagine. Du coup c’est plutôt agréable  ::).
Contrairement à Milla je ne vois pas deux parties, une avec la vie et l’autre l’abandon dans la maison. Je vois l’abandon dans les deux, c’est juste que dans la première partie, la nature a profité de cet abandon pour investir l’espace. Mais du coup je ne ressens qu’un profond soupir, le temps qui passe, la vieillesse (y compris de la maison), tout dépérit.
C’est franchement triste.
Mais c’est bien dit, très bien dit, j'ai bien aimé, les deux dernières lignes sont très touchantes :)

Merci pour ce texte :D
Mes goûts sont simples : je me contente de ce qu'il y a de meilleur [Oscar Wilde]

Hors ligne Milla

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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #8 le: 10 mars 2015 à 20:31:43 »
Mais enfin Tomoyo c'est super bon le flan de courgette !!

sinon, avec ça :
Citer
Tu es là, assis à la table, presque totalement silencieux. Le bruit de ton souffle est couvert par le bourdonnement des mouches qui tournent autour de la suspension.
j'ai compris que le narrateur croit entendre son père (presque silencieux donc bruit) mais qu'en fait c'est le bourdonnement des mouches. et on n'entend pas son souffle puisqu'il est couvert par le bourdonnement des mouches.
Donc perso j'ai conclu qu'on ne savait pas s'il était mort ou vivant. La question reste posée avec des indices qui tirent vers la mort (les mouches, la plaie, l'expression "dernier mot", etc) mais l'auteur ne livre pas pas la réponse...
donc comme d'hab je me suis peut être fait mon film toute seule  :D :D

Hors ligne gage

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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #9 le: 10 mars 2015 à 21:27:01 »
Tomoyo@
merci pour ta lecture...
je ne vais pas modifier grand chose, je risque de tout alourdir.
(Notamment pour le nénuphar).
Et le "donc" est un mot de liaison qui rend le propos plus fluide.
Je corrige"au dessus", quant à "pleins de", il est correct : ce serait un adverbe si je disais "il y a plein de larmes dans mes yeux" .
Tu ne dirais pas " si mes mains sont plein de billes"...

Merci encore en tout cas pour ton passage.

Et Milla a raison pour le flan de courgettes...
« Modifié: 10 mars 2015 à 21:28:54 par gage »
"Tous ceux qui survenaient et n'étaient pas moi-même
Amenaient un à un les morceaux de moi-même". Apollinaire

Hors ligne Rémi

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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #10 le: 10 mars 2015 à 21:39:06 »
Salut à tous (+1 pour le flan de courgette : un peu de muscade, du parmesan et pas du gruyère ; lardons en option),

Concernant "la maison est à son avantage", Gage écrit aussi "visage radieux et trompeur" ; de loin, une maison colorée au soleil quoi. Le "trompeur" nous annonce la suite. Et le perso "préfère arriver par le jardin", le perso tente d'apaiser le moment douloureux à venir. C'est pour ça que le titre est si beau aussi.

Concernant le nénuphar, c'est vrai que l'image pourrait être plus nette. (on n'a pas la couleur ou la notion de fleur ou la notion de nénuphar isolé ou unique ; pas facile de faire mieux en gardant la fluidité...)

Ah, oui, je n'ai pas compris le "stylé" non plus (dès la première lecture, mais je n'avais pas relevé).

Mon avis sur le père :
Citer
Tu es là, assis à la table, presque totalement silencieux. Le bruit de ton souffle est couvert par le bourdonnement des mouches
presque silencieux : il n'est donc pas mort ! (il est écrit : "tu dors"...)

Citer
Tu as encore maigri. Sous ton t-shirt sale pointent les os de tes épaules. Tes cheveux gris sont un peu longs sur la nuque. Sur le haut de ton front je découvre une plaie mal refermée cernée d'une ecchymose jaunâtre. Vers quels regrets fuyants titubais-tu encore ? Quel remord sournois a encore eu le dernier mot ?
bien sûr qu'il n'est pas mort, il cuve pour la nième fois. Y'a des bouteilles partout, son verre est encore dans sa main, mal posé parce que posé par une main reliée à un cerveau hors de fonction. Il s'est encore gamellé ou vautré sur un coin de porte qu'il n'a été capable d'éviter, alcoolisme profond. (la chute date d'il y a quelques jours si vous y regardez bien)
Et puis, après avoir pétri son épaule, le perso l'appelle doucement (on appelle doucement un cadavre entre ses doigts ?), donc à la fin, on a clairement compris qu'il est vivant. Par contre, la description est macabre, c'est ça qui fait mal.

Pour moi le thème de l'alcoolisme est vraiment bien traité : maison et jardin à l'abandon (mais chargés de souvenir, la fraise...) ;  homme à la dérive. Résonnance entre d'une part la beauté possible d'une nature épanouie et son laisser-aller, et d'autre part l'épanouissement possible de l'homme et son laisser-aller à lui. Dit comme ça c'est moche, mais bien écrit, cela m'a touché au plus haut point. La construction est très fine et très puissante par la suggestion. Les deux parties se répondent, la première, l'arrivée, est presqu'une métaphore de la conclusion venant en seconde partie. Vraiment bien imaginé et réalisé. C'est pour ça que le titre est si beau aussi (je me répète !) : "je préfère arriver par le jardin" signifie pour moi, "je préfère entrer doucement dans ce monde d'abandon en commençant par une nature sauvage, délaissée aussi, plutôt que d'entrer abruptement dans cette maison sans (vraie) vie".

Et encore :
Citer
Je la ramasse, elle est tiède, fade, terreuse, délicieuse comme un souvenir.
la fraise (le présent) est fade, terreux ; le souvenir est délicieux. Il y a une autre vie avant l'alcoolisme. Rien que cette phrase, ici, c'est bouleversant.

Et puis, avez-vous remarqué que le personnage principal peut aussi bien être un homme qu'une femme ? Trop fort aussi, on peut s'identifier, être celui ou celle qui entre dans cette maison.

Citation de: Tomoyo
Joli texte 
Appliqué et doux et tendre.
moi ça m'a retourné (suis peut-être sensible sur ce thème)
Le papa est en train de se détruire quand-même...

Bravo encore Gage, magnifique texte.

Rémi
Le paysage de mes jours semble se composer, comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J'y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d'instinct et de culture. Çà et là, affleurent les granits de l'inévitable ; partout les éboulements du hasard. M.Your.

Hors ligne Tomoyo

  • Calliopéen
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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #11 le: 11 mars 2015 à 00:09:31 »
Citation de: Gage
Et le "donc" est un mot de liaison qui rend le propos plus fluide.
j'exprime mon désaccord  :mrgreen: enfin oui c'est un mot de coordination, mais je trouve ça plus fluide sans. ça s'engage que moi   :P

Citation de: gage
Je corrige"au dessus", quant à "pleins de", il est correct : ce serait un adverbe si je disais "il y a plein de larmes dans mes yeux" .
Tu ne dirais pas " si mes mains sont plein de billes"...
carrément ! désolée j'ai lu je sais pas comment mais ça faisait sens pour moi tout à l'heure  :mrgreen:

Citation de: remi
Concernant "la maison est à son avantage", Gage écrit aussi "visage radieux et trompeur" ; de loin, une maison colorée au soleil quoi. Le "trompeur" nous annonce la suite. Et le perso "préfère arriver par le jardin", le perso tente d'apaiser le moment douloureux à venir. C'est pour ça que le titre est si beau aussi.
j'avais saisi, le texte est très cohérent et logique, c'est juste original de dire que c'est à son avantage et d'ensuite ne décrire qu'une chose à l'abandon  ::). Le visage radieux et trompeur me donnait l'impression que la maison serait toute belle justement, mais que dedans ce serait moins beau, or là, même à l'extérieur c'est pas du tout radieux. Mais je critique pas le choix, ça m'a ... fait changer d’atmosphère en cours de lecture, je suis partie de lumineux à de plus en plus terne.

Citation de: Remi
Et puis, avez-vous remarqué que le personnage principal peut aussi bien être un homme qu'une femme ? Trop fort aussi, on peut s'identifier, être celui ou celle qui entre dans cette maison.
ah, je me suis même pas posée la question  :\?, c'est vrai ! j'ai vu un homme. Mais jusqu'à la fin je pensais que la personne dans la maison était une femme.

Citation de: Remi
moi ça m'a retourné (suis peut-être sensible sur ce thème)
Le papa est en train de se détruire quand-même...
oui mais le traitement est doux je trouve, tout est calme et posé, les informations bien dosées. O0n progresse dans le jardin et la maison comme dans l'histoire, à travers la description juste.
Sur la fin, je  trouve le perso tendre avec son père, même avec tout ce qu'il y a dessous comme plus ou moins non dits. Je le sens triste autant du passé que de la décrépitude présente. ça ne m'a pas retournée, mais ça m'a pincée  :-[

Tout comme Remi sur le fait que le père est bien vivant (enfin bien.... disons qu'il respire encore)

et sinon :
Citation de: Remi
Salut à tous (+1 pour le flan de courgette : un peu de muscade, du parmesan et pas du gruyère ; lardons en option),
Citation de: Gage
Et Milla a raison pour le flan de courgettes...
Citation de: Milla
Mais enfin Tomoyo c'est super bon le flan de courgette !!
|-| je vous ferais bien une ode à la non courgette dans ce bas monde, mais je sens que je resterais incomprise

Mes goûts sont simples : je me contente de ce qu'il y a de meilleur [Oscar Wilde]

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  • Calame Supersonique
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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #12 le: 11 mars 2015 à 22:05:01 »
Merci Karine, excuse-moi, je vais parfois un peu trop vite...

Merci beaucoup Rémi.
Ta lecture n'est pas qu'une lecture : ton commentaire prolonge mon texte.
J'ai été extrêmement touché par la précision avec laquelle tu es revenu sur mes mots.
Je souhaite à chacun ici d'être compris dans ses textes comme  je l'ai été par toi.
Je ne peux rien ajouter.
Je ne dirai pas que chaque intention que tu as décelée était une intention préméditée. Mais tu m'as révélé des choses que je m'étais caché à moi même entre les lignes.
Merci, vraiment.
Tu es le genre de lecteur auquel on s'adresse ensuite intérieurement à chaque fois qu'on rédige un nouveau texte. Me mets pas trop la pression !! :D

J'ai modifié l'attribut du bidon bleu, mais j'ai peur que ce soit un peu lourd.

Merci Milla d'être revenue défendre le flan de courgettes.

Merci Tomoyo de revenir débattre.
J'insiste sur mon " donc ", parce que s'il est là, c'est pour justifier du choix de garer la voiture dans la ruelle.
Sans ce "donc" la phrase perd une grande partie de son intérêt : essaie avec, essaie sans.  ;)
En tout cas, merci pour tes commentaires supplémentaires...
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Hors ligne Rémi

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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #13 le: 11 mars 2015 à 22:55:47 »
Salut Gage,
tes remerciements me font chaud au coeur, merci.

Citer
Le gros bidon bleu de récupération d'eau de pluie, en vrai majordome, me salue, un peu gêné néanmoins de me montrer ses flancs souillés de boue sèche.
"de récupération d'eau de pluie" était déjà présent en première version ? (je préfère "sous la gouttière")
je comprends mieux le sens de "stylé" maintenant, le majordome était là lui aussi en première version ?
...
...
Après relecture complète, ce passage s'intègre très bien avec tes modifications. Petite pointe d'humour avant d'apercevoir les bouteilles jonchant le sol.

Vraiment magnifique encore une fois,

Rémi

Et je mets la pression si je veux, non mais !
Continue de nous offrir d'aussi beaux textes, un poil moins réussis, que j'ai le plaisir de te faire gamberger !
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Hors ligne Champdefaye

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Re : Je préfère arriver par le jardin.
« Réponse #14 le: 12 mars 2015 à 08:08:44 »
Un superbe texte et tout a été dit. On y est. J'y étais.
Je regrette seulement certaines personnifications d'objets comme dans les phrases suivantes :

Citer
Un peu plus loin sur la droite, lascive sous ses grandes feuilles, une courgette oubliée, gonflée comme un zeppelin, me nargue.
Citer
Le gros bidon bleu de récupération d'eau de pluie, en vrai majordome, me salue, un peu gêné néanmoins de me montrer ses flancs souillés de boue sèche.
Citer
la glycine monte jusqu'au toit et soulève les tuiles pour voir ce qu'il y a dessous.
Citer
plus loin la cuisinière à bois me regarde en coin sous sa poussière de cendres

Je trouve qu'elles donnent au texte un côté mignon, un côté Walt Disney qui ne va pas avec l'ambiance.
Mais c'est ma seule réserve à ce texte que j'ai trouvé magnifique et dont j'aime encore plus l'incipit qui lui donne son titre.

 


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