à l'ouverture de ce fil...
Nœud après nœud, jour après jour, une vie durant, les mains de l'exécutant répétaient sans cesse les mêmes gestes, nouant et renouant sans cesse les fins cheveux, des cheveux si fins et si ténus que ses doigts finissaient immanquablement par trembler et ses yeux par faiblir de s'être si intensément concentrés – et pourtant, l'avancée de l'ouvrage était à peine perceptible ; une bonne journée de travail avait comme maigre fruit un nouveau fragment de tapis dont la taille approximative n'excédait pas celle d'un ongle.
Des milliards de tapis de cheveux, c'est un titre de ouf nan ? Moi, c'est clairement ce qui m'a fait acheter et puis lire le bouquin (tout en le dévorant constamment des yeux sur ma pile à lire
). Alors du coup, c'est quoi ? Déjà le format est assez étonnant, mais très appréciable : c'est un recueil de nouvelles. Seulement, chaque nouvelle s'inscrit dans un fil narratif précis, celui de ces fameux
tapis de cheveux, dans l'univers space-opera imaginé par l'auteur. Alors, c'est quoi, ces tapis de cheveux ?
Il existe une planète dans l'univers où tout est organisé pour confectionner, depuis des centaines, des milliers d'années, des tapis de cheveux afin de parer le palais de l'Empereur. Des tisseurs s'acharnent, de père en fils, à faire des cheveux de leurs compagnes, filles, sœurs. Mais il se murmure que là-bas, au cœur de l'univers, l'Empereur millénaire n'est plus. Pourtant, les tapis continuent d'affluer et d'être emportés, inlassablement.
On découvre nouvelle après nouvelle l'Univers bâti par Andreas Eschbach (je ne ferai pas de métaphore tisserande) et l'histoire de ces tapis. Pour autant, chaque nouvelle pourrait être à peu près lue indépendamment, et recèle son idée, son intrigue, son ton, son personnage fouillé. On se laisse porter par ces micro-intrigues, en oubliant presque la trame de fond, ce qui rend les révélations au sujet des tapis de cheveux bien plus croustillantes. Car l'auteur ne laisse presque aucune trace d'ombre à l'issue du livre, on sait à peu près tout des tapis et de leurs mystères. Et il faut le dire, le crier : tout cela est quasiment impossible à deviner, et pourtant merveilleusement bien pensé, les pièces du puzzle s'emboîte parfaitement. C'est clairement un roman à mystères, mais un bon !
Andreas Eschbach se permet également d'aborder quelques thèmes plus ou moins classique de la Sf, avec certes plus ou moins de finesse. Pêle-mêle l'infini, la religion, l'oppression, la tradition, le patriarcat, la vengeance.
Bon voilà, je ne lis pas tant de SF que ça, au final, mais ça punaise c'est de la bonne.