[Krapoutchniek]

   Il arracha la feuille de calculs des mains de son assistant et il la parcourut des yeux, qui se mirent à frétiller à toute vitesse. Il marmonna tandis que son cerveau carburait à toute allure : « mmh… mouais… ok... hin-hin… cinquante-trois… omega moins le coefficient B… zéro… ok c’est bon ! ». Il recadra ses lunettes sur son nez du bout du doigt. Puis il changea d’avis, sortit une lingette et entreprit d’en nettoyer les verres rendus opaques par la vapeur des machines. Il les replaça ensuite, satisfait de lui. Tous les regards convergeaient vers lui, l’éminent professeur bosnien qui était sur le point de faire connaître au monde la découverte la plus impressionnante de toute l’Histoire de l’Humanité. Une simple pression sur un petit bouton rouge et la machine complexe se mit en marche. Des soupapes se mirent en branle, des rouages s’imbriquèrent les uns dans les autres à l’infini, de la vapeur sortit de tous les tuyaux, un moteur imposant démarra et la douce cacophonie emplit l’air. La salle entière se mit à vibrer, l’édifice menaça de s’écrouler.
   Le poulet qui servait de cobaye rapetissa, redevint un poussin et sous l’œil médusé de l’assistance, une coquille l’engloba et il retourna à l’état d’œuf. La grande question pouvait enfin trouver sa réponse…

[Rémi]

La ville se réveille, brumeuse. Un chien promène son maître dans le gaz. Le soleil se cache derrière les buildings du bord de mer. La marée haute vient lécher la digue : coefficient de 96. Derrière ses lunettes opaques, le maître sort de sa léthargie. Il semblerait que quelque chose ait changé, ce matin. Est-ce la couleur des drapeaux levés devant le grand hôtel ? Non, les quarante-deux pays représentés sont les mêmes qu’hier, depuis les couleurs de l’Argentine à celles bosniennes des Balkans. Alors, quoi ?
Le maître suit son chien, il réclame qu’on le détache. À peine le mousqueton est-il ouvert que le labrador file tout droit vers l’eau, pour sa petite baignade quotidienne. Bien sûr, ça va sentir un peu plus fort dans l’appartement, après ça, mais Kiddo rend de tels services, il est si fidèle que son patron ne peut ignorer sa passion pour la baignade.
Encore une fois, le promeneur scrute son environnement, il ôte ses lunettes et plisse les yeux. Quelque chose est différent, mais quoi ? Quelques joggeurs foulent le pavé, les cyclistes du dimanche sont de sortie et sur la terrasse du grand hôtel, un gentleman sirote un café, une édition du Times dépliée devant lui. Pas de son particulier, pas de couleur différente, pas d’odeur originale… Qu’est-ce donc que cette nouveauté qu’il pressent ?
Et puis, finalement, ça lui crève les yeux. Les mouettes. L’absence des mouettes. Pas un goéland, pas une rieuse, pas un seul cri aigu ou rire pointu. Les oiseaux ont disparu du ciel, des lampadaires, des rochers et de la surface ondulante de la mer. Kiddo sort de l’eau, s’ébroue. Derrière lui, à fleur d’écume, un tentacule gigantesque s’élève enserrant une barque disloquée de laquelle pendouille une chevelure blonde.

Quelque chose a changé.

[Krapoutchniek]

Ca donne des textes surprenants 

[Rémi]

  J'adore la chute de ton texte, l'invention est délirante et cette dernière phrase la rend délicieuse.

Ca donne des textes surprenants 

Ouaip ! 

Tu peux envoyer 3 nombres d'un coup, si t'as envie d'enchaîner.

[Claudius]

Suis arrivée en retard...

217 : coefficient
127 : bosnien
712 : opaque


Lors des grandes marées, lorsque le coefficient dépasse la côte moyenne, l'eau du Bassin d'Arcachon remonte dans la Garonne et cela provoque une vague parfois haute. Les surfs, kayaks pullulent dès l'arrivée de la vague. On appelle ça le mascaret.

Ce jour-là un fort coefficient était annoncé, les surfeurs étaient prêts pour la remontée du siècle. Le mascaret le plus fort depuis des lustres. Posés sur les vagues, les planches chamarrées surmontée de leurs compères, attendaient patiemment. Le public amassé sur les ponts traversant la rivière applaudissait déjà la future performance. Les voitures avaient du mal à passer tant l'attroupement était dense. Une voiture essaya de se faufiler en klaxonnant avec force. Les spectateurs se retournèrent, la plaque indiquait un pays étrangers, le chauffeur vociférait dans sa langue. Une mamie s'approcha essayant de lui expliquer la raison de cet attroupement. Mais peine perdue, aucun des deux n'arrivaient à se comprendre.

- Ah ! Vindieu ! Ces estrangeys ! viennent cheu nous pour nous pomper l'air.

Un jeune curieux, s'approcha à son tour. Après moult explications dans un langage opaque franco/anglo/bosnien il comprit que ce monsieur voulait simplement passer pour se rendre sur les bords de la Garonne... Des cris stoppèrent le dialogue, ils arrivaient... plus rien ne comptait d'autres que de filmer ce moment attendu.


Edit : j'aime bien ton texte Krap, belle chute rigolote c'est bien vu.

Rémi : pauvre de nous... tu m'étonnes ! Je vais cauchemarder cette nuit !

999 (si on continue)

https://www.youtube.com/watch?v=6w1z-4U0DsI

[Krapoutchniek]

J'ai bien plus galéré sur la chute (parce que je savais pas du tout quelle invention... inventer ') que sur les trois mots 

(je laisse Claudius proposer les nombres  )

[Rémi]

Ouiiiiii ! Miss Green avec nous ! Salut Claudius

Sympa ce texte, j'aurais bien aimé que t'aies le temps de nous montrer cette vague ! (j'ai déjà vu un reportage sur le mascaret, c'est dingue ce truc !).

Allez Clau, à toi de nous offrir 3 nombres

[Claudius]

(je chercherai une vidéo)
Ah ok

Donc : 56 - 89 - 999

[Rémi]

56 : appauvrir
89 : azur
999 : tempéré

c'est reparti !!!

[Claudius]

56 : appauvrir
89 : azur
999 : tempéré


L'été s'acharne, cela fait maintenant six mois que le soleil darde ses rayons sur notre région. C'est anormal disent les anciens, c'est cette foutue couche d'ozone clament les amateurs éclairés, c'est la pollution crient les écolos, c'est une ère saharienne expliquent les scientifiques...

Il faut dire que les vivres deviennent rares, les champs desséchés par un astre déterminé à briller dans un ciel d'azur ne donnent plus grand chose sans suffisamment d'eau. Les réserves de céréales s'appauvrissent, les vaches ne donnent plus de lait. La Planète nourricière ne l'est plus. L'homme a tué la Terre... l'Univers se venge.

Assis près de sa piscine sans eau, le professeur Tétanus réfléchit. Que faire, quelle solution pour tempérer à nouveau ces régions pour qu'elles produisent le nécessaire pour survivre. Tout à sa méditation, il n'entend pas des pas légers s'approcher dans son dos :

— Dimitrius, tu as encore oublié de programmer la climatisation de la coupole d'oxygène, je te rappelle que nous sommes sur Mars et que c'est ton boulot ! Il va vraiment falloir que nous retournions sur Terre tu perds la boule !

L'homme se lève, appuie sur un bouton et plonge la tête la première dans l'eau bienfaisante.

[Krapoutchniek]

— Non, cela ne peut fonctionner ainsi !
— Et pourtant… Vois-tu mon jeune ami, il te suffit juste de tendre le bras. La ville offre ses charmes à qui veut bien les saisir. Exactement comme les tiens. Tu es un paradoxe vivant. Rien de ce qu’un être aussi exceptionnel entreprend ne peut mener à l’échec. Rien qui puisse appauvrir une âme si pure. Et pourtant tu tempêtes tel une mauvaise brise dans un ciel azur. Tu es décevant et pédant. Couard et tempéré, fébrile et docile. Alors que tu devrais être éclatant et présomptueux. Si, tu en as le droit ! Laisse donc l’ignorance aux ignorants et la laideur aux misérables. La vie ne t’a pas accordé ses faveurs pour que tu les redistribues naïvement. Fais donc fi de tes principes, étale ta jeunesse comme le linge frais dans la pelouse humide. Il n’existe pas d’Apollon qui se cache derrière le masque de la timidité.


(je crois que ce dialogue sorti de nulle part est fortement influencé par le portrait de Dorian Gray que je viens de finir  )

[Rémi]

56 : appauvrir
89 : azur
999 : tempéré

À force d’appauvrir notre si beau langage
À coups de SMS de LOL, d’émoticônes
Dire à quelqu’un qu’on l’aime en des mots qui détonnent
Fait passer pour un fou le poète en voyage

Pourtant quoi de plus beau qu’un joli mot : ramage
Pour chanter la beauté de ma mie qui étonne
L’étranger sous l’azur la prenant pour une conne
En trois mots tempérés nous en fait un fromage

Ah, les mots doux susurrés, glissés à mon oreille
Fondent mon cœur douillet de délice en passion
Et mon sang bouillonnant exerce une pression

Jusqu’à la lune d’or, merveille sans pareille
Donnez moi donc des mots j’en ferai des tableaux
J’y peindrai mes amours pour la fille aux roseaux

[Krapoutchniek]

Cool la chute Claudius 

[Rémi]

Super vos deux textes ! Et oui, la chute est top, Claudius
J'aime beaucoup le style Krap (et oui, Dorian Gray c'est trop chouette, ça donne envie de le relire, je l'ai en VO en plus  ).

[Claudius]

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Krap, j'aime bien ton texte tout vers le "tu peux, si tu veux"

Rémi, c'est tout doux tout joli !