[Rémi]

Les bravos pleuvent, les applaudissements ne s'arrêtent pas... Putain, quel succès ! Troisième rappel, il faut y retourner. Et pourtant ça coince. Des irradiations de douleur me vrillent l'avant bras, saloperie de tendinite ! Le bassiste me regarde, le batteur me regarde... Non, d'un signe de la tête, je fais comprendre que l'on doit s'arrêter là. J'écarte les bras vers la foule, j'embrasse mon public qui réclame. Comment leur faire comprendre que je ne peux plus jouer ? Je quitte la scène.

Dans la loge, les copains sont euphoriques. Je grimace un peu et ils me félicitent d'avoir tenu tout le concert. Dans trois jours on sera à Pau, j'espère que ça ira mieux.

Ça ne va pas mieux. J'ai fait un crochet par Paris, et Éric, mon médecin, me regarde avec une drôle de tête.

   — Je pense qu'il faudrait faire un prélèvement.
   — Un prélèvement ? Pour une tendinite ?
   — Certains signes me font croire que des tissus sont nécrosés.
   — Nécrosés ?
   — Oui Paul. Je suis désolé, mais il faut faire une ponction.
   — Je joue demain, à Pau !
   — Alors reviens après demain.
   — Ma tournée s'arrête en septembre ! Je joue sans arrêt jusque là.
   — Impossible. Tu ne tiendras pas, et tu vas te mettre en danger.

Pau, ça a été à peu près. Toulouse était galère. J'ai annulé Bordeaux et on a fait ce putain de prélèvement. À Nantes, on a dû arrêter avant la fin. Je leur ai fait deux ou trois truc a cappella, histoire de... Et puis la nouvelle a fuité.

Sous les lentilles de son microscope, Éric a vu de drôles de choses. Des cellules en mi mineur, des accords foireux, et puis des dissonances. Moi, c'est comme ça que je le vois. À force d'envoyer des décibels et de chercher des harmoniques, mon avant bras a choisi la fuite. Il a voulu jouer sa partition. Éric, lui, il dit simplement : cancer.

[Rémi]

Nex part en vrille, je répète, Nex part en vrille ! 
Ouais, elle est bien ta fin, mais fallait pas, c'est trop !
Plus sérieusement, autant là, tu as un début, un développement et une fin, autant l'autre texte était un poil mieux écrit - ou plus marrant ? plus poétique ? , je trouve.

Mais c'est un chouette délire que tu nous a proposé là (que viens foutre la mangouste ? )

[Nexwall]

@Rémi, ouah. C'est pas sympa de nous sortir ça comme ça, j'étais pas préparé ! Très intéressant, très prenant pour si court. Chapeau. (C'est tiré d'une histoire vraie ?)

Ahah, j'étais sans direction. Oui, le premier texte était plus intéressant à écrire aussi, je situais mieux l'ambiance. (Je voulais la tuer. Une rancune obscure et tenace sans fondement.)

[Rémi]

(Je voulais la tuer. Une rancune obscure et tenace sans fondement.)

Excellent ! Faut se trouver des motivations pour écrire 

(C'est tiré d'une histoire vraie ?)

nan, heureusement !

Je m'arrête là pour ce soir, c'était bien chouette, dense, torride et marrant. Ça fait un bien fou !
Merci à tous,

des bisous !

[Nexwall]

Avec plaisir ! Et à la prochaine avec le même renouvelé.

[Aléa]

Dites, vu que c'est férié et donc un peu dimanche, ca dirait quelqu'un une petite session dico en lousdé tout à l'heure  ? 

[Rémi]

J'ai des trucs en cours... Mais je peux pas te laisser tout seul ! (en vrai, je peux pas refuser  )

[Nocte]

404 ?

[Rémi]

Peugeot !

Bon, j'édite avec les vrais mots si tu m'en balances deux autres, Ben, des nombres (1 à 1089)

[Aléa]

T'es sûr ? 

*kidnappe WEG*

Okay j'allais dire que j'en ai un, du coup, mais tant pis :


206
707

 

[Rémi]

404 (Peugeot) : Extrasensible
206 (Peugeot) : Cirque
707 (Boeing) : Oiseau

Goooooooooo !

[Aléa]

Je proteste la peugeot 707 existe ! 

[Miromensil]

m'avez eu, allez

Je suis qu’un oiseau extrasensible qui se déplume dans un cirque. Et le plus pénible, c’est d’être surlucide au-dessus de tout : je sais bien que je n’ai pas de bonne raison. J’ai tout ce qu’il me faut. Une cage dont je mouds les barreaux afin qu’ils soient aussi extensibles que mes tocades. Des couleurs de vie qui sont assorties à mon plumage ; un job que je rechoisis jour après jour, je vole comme je le souhaite au gré de mes folies passagères. Je m’acoquine de courants d’airs et j’ouvre les fenêtres aux orages. Alors de quoi je tombe ? De pas grand chose, il est là le gouffre. Puis je me dis que je me prends trop la tête… Mon cirque est pathétique, je merdoie comme je tisse des files d’intrigues déjà-vues. Et j’aime ça. Je vole pas au-dessus des foules ; je veux dire que plane plutôt raz-la-moquette, mais j’en reprendrais bien encore. Je fanfaronne pas folichon ; j’en suis pas fier, non plus. Quitte à être pile-poile en phase avec le non sens, autant que je me déboussole jusqu’au bout. Pour la beauté du paysage. Je peaufine la trajectoire, les ailes grandes ouvertes, en humant l’odeur de la souvenance, parce qu’il fait bon vivre, après tout.

[Rémi]

404 (Peugeot) : Extrasensible
206 (Peugeot) : Cirque
707 (Boeing) : Oiseau

j'ai perdu la raison un soir du mois d'avril
entre deux coups de dés envolé bel oiseau
je renifle et je flaire en tendant le museau
ma quête cessera quand je verrai le fil

le fil de mes pensées perdu dans mes babils
sac de noeuds je le vois qui tombe le rideau
enroulé sur ma fibre il attend les ciseaux
dans ma tête est un cirque je le sais si puéril

extrasensible moi tu rigoles ou quoi
je ressasse toujours je ne sais rester coi
la folie me dévore au moins au petit jour

libérez mon esprit la veine est délicate
elle file et sourit me déchire l'ingrate
la jolie me dévore au moins jusqu'à l'amour

[Aléa]

Seul au milieu de la piste.
La toile tendue jaune et bleu, les échos poussière des clameurs d'hier qui s'y tapissent, à l'intérieur, puis qui s'enfuient, en courant d'air. Il manque de la matière sur cette toile ; personne aujourd'hui ne remplit les bancs, il y manque la matière des rêves et des rires.

Seul au milieu de la piste avec le souvenir de la compagnie qui y fait soulever le sable, dans les courses, les poursuites, les relances les cabriolent et les blagues. Seul au milieu de la piste le sable reste morne, étendue redevenue roche en couleur, morte en spectacle. Le coup de pied rageur et les pas qui trainent l'animent certes mais, quel grain de sable dans cette mer plate.

Il fait jour et si le silence bouche les trompettes, camouflés le chants des oiseaux ruisselle des arbres, à l'ombre du chapiteau. Il ruisselle par les interstices du cirque et les intermitences du vent ; il se coupe quand, seul au milieu de la piste le clown blanc prend sa tête à ses mains.

Les rires, les rires, les rires ; les mains crades et poisseuses de glaces coulante, chocolat sur les joues, pop corn en miettes, les sodas qui tombent et qui coulent et qui collent les chaussures des parents perdus - le souvenir des clows, l'éducation malmenée, le futur de leur progéniture, l'obscurité de la tente, le non lieu de l'après midi au dehors. La clmeur. Les yeux en attente, attentifs aux voiles qui s'enlèvent, aveugles aux détails pour leur plus grand plaisir. L'avidité des mains qui rougissent et qui tapent, la clameur et la gloire de l'enfance, pour l'enfance et des adultes en manque d'elle. Centaines de paires d'yeux et seul en piste, la proie du spectacle, encerclé de clameur à chaque scène sans son maquillage on aurait pu voir qu'il en pleure. Extrasensible le clown triste s'est toujours mieux plut quand les projecteurs se tamisent, et que toutes les couleurs vivent s'assombrissent pour ne laisser briller que les lueurs des pupilles. Trop sensible il en pleure toujours, il en pleure qu'on rit, qu'on s'émeuve seulement du malheur du triste, que la bourde, que la gaffe soit valeur quand le coeur sur la main répugne et glorifie les maladroits.

Il aurait rêvé d'un cirque où il clame sa poésie, ses chansons tristes et qu'y répondent en choeur un public attentif et souriant, se prenant la main pour se dire à haute à voix à eux tous "Nous sommes là, soutenons dans les larmes et les ovations n'en serons que plus câlines". Il aurait rêvé d'un théâtre, sans doute.
C'est en tout cas fini pour lui le cirque de la tristesse maladroite et du masque blanc ; l'habit noir et l'errance où le désert s'y trouve sans gradins est un long horizon.