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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » Amygdales et athéisme

Auteur Sujet: Amygdales et athéisme  (Lu 921 fois)

Hors ligne Patrick

  • Plumelette
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  • Sexagénaire pessimiste heureux.
Amygdales et athéisme
« le: 18 juin 2018 à 19:47:46 »
Bon, chacun ses révélations : j'ai eu la mienne vers l'âge de dix ans, suite à une opération des amygdales. Je ne plaisante pas. Je m'explique : las d'angines à répétition, je me retrouve au bloc opératoire d'une clinique voisine où l'on me dit que tout va se passer très vite et que je ne sentirai rien. Mensonge.
Je suis assis. On m'applique un masque d'éther (cinquante ans après, mon médecin traitant ne me croit pas) après une méchante piqûre juste au dessus du genoux droit. Douloureux écoeurement, nausées, puis aussitôt la voix de ma mère : « Ça y est, il se réveille » ! Des bras me secouent gentiment : « On se réveille jeune homme !». Sourire rassurant d'une infirmière rassurante. Tout de suite, mon instinct m’invite à retourner dans des limbes où j’étais si bien, mais, pas question, nouvelles saccades : « Allez, on ouvre les yeux !». J’obtempère. Je suis opéré car allongé avec la gorge en feu. J'ouvre la bouche avec plein de choses à dire mais la douleur m’empêche de m'exprimer. On me tend un Kim Pousse à l’orange en m'expliquant que la glace est un moyen de cautériser la plaie ; je ne sais pas ce que cautériser veut dire mais je saisis le bâtonnet glacé en faisant confiance. Encore meilleur quand on ne s’y attend pas. Je déguste goulûment le sorbet en réalisant que le temps de l'opération - une demi-heure maxi, se disent les adultes autour de moi - a été un temps que je n'ai pas vécu. Si la douleur ne l’attestait pas, jamais je ne croirais avoir été opéré. Pendant le temps écoulé entre la piqûre et le réveil, des gens se sont occupés de moi, mère et grand-mère, attendant dans le couloir. Normal.
Mais plus encore.
Pendant cette heure passée sans moi, car sans ma conscience, des gens marchaient dans la rue, prenaient le bus, d'autres mouraient, naissaient, bref la vie continuait. Légère pour certains, interminable pour d’autres, cette demi-heure est passée, c'est sûr. Je faisais ainsi face à une chose à laquelle mon jeune âge ne m’avait  pas préparé, la conscience du temps, autre que le lever pour aller à l’école, le chocolat qui fume et les dimanches dans le jardin de Papi. Je m’étais déjà rendu compte qu’une heure de maths en vaut cinq, et là, opération inverse - c'est le cas de le dire - on me l'avait jamais faite !
Bon, j'en viens au principal. Arrimé au bâtonnet du Kim Pousse, je tirais déjà les conclusions que je garde encore aujourd’hui, cinquante ans après, confirmées par d’autres anesthésies  : leur effet  procure un sommeil différent de celui connu dans un sommeil normal. L’un suit un endormissement progressif, assez agréable, de perte de conscience, jusqu’au réveil en général assez clair et à la lumière du jour, avec souvent, entre les deux, un sentiment d'avoir rêvé et donc clairement d'avoir vécu. Il s'en suit parfois aussi des réveils providentiels qui nous sauvent d'un cauchemar, et comme chaque chose a son contraire, un doux rêve peut s’arrêter net à cause du réveil matin ou du chat qui saute sur le lit, mais, dans tous ces cas, un sentiment linéaire sans interruption temporelle est évident. J'ajoute, comme pour y donner foi, la grande intensité des réveils apocalyptiques : bitures avec allers-retours toilettes, chutes, haleine de chacal, reconnections immédiates d'un passé récent ; je vomis donc je suis ! Point de tout cela dans l'anesthésie ! Piqûre, perte de conscience immédiate, trou noir intemporel, absence de rêves, réveil par paliers, reprise de conscience lente, accélérée ou non par l'intensité de la douleur de la région opérée. Pour ma part, j'ai surtout été frappé par le trou noir. Une non-vie, autant dire une mort, peut-on parler d'un moment neutre ? Bien sûr que non puisque la terre à continué de tourner sans moi, avec ses joies et ses peines. Cette demi-heure est, je le dis une fois de plus, passée sans moi. On aurait pu m’assassiner, me kidnapper sans problème. Je n'existais que pour ceux qui m’entouraient. Un corps était là, l’esprit n'y était plus. A chacune de mes anesthésies, c'est à dire quatre ou cinq, la plupart de quelques minutes pour des intervention bénignes, j'ai vécu ce sentiment de néant, de vide absolu. Comment ne pas songer à la mort ? Sans le secours d'une religion elle doit bien ressembler à ça. Le néant est il possible à accepter ? Bien sûr que non ! Imaginez l'inconcevable de ce même néant qui, de quelques minutes dans un bloc chirurgical, passerait à l'infini de la mort !? Inimaginable ! Orgueil ? Peut être. Comment des siècles sont-ils possibles après moi mais sans moi ? Comment nos vies compliquées peuvent-elles s'éteindre ? Comment cette perfection de la machine humaine peut-elle s’arrêter ? S'altérer, vieillir, à la rigueur, mais brusquement s’arrêter ; plus rien ; inacceptable. Je veux bien, mon heure venue, rentrer dans un tunnel, sombre, sinon ça ne serait plus un tunnel, mais j'exige une lumière à la sortie ! Ce trou noir béant dans le néant est impossible ! Et là, du coup, comme des milliards d’êtres humains avant moi et tant d'autres après, je m'invente un dieu qui chasse ce vide. Qui d’autre peut allumer la lumière et me tirer du néant ? Dieu est alors évidence puisque seule solution à l’inacceptable. Une belle histoire avant de s'endormir pour la vie, je préfère mon éveil douloureux.

J'a,i ce jour là, perdu mes amygdales et gagné ma seule conviction. Car enfin, comment la seule volonté, même justifiée, ô combien, de croire en un Dieu salvateur du néant prouverait son existence !? On en est encore à l’ hypothèse, p’têt bien que... ok je veux bien, mais comment des milliards d’êtres humains croient en quelqu’un qu’ils n'ont jamais vu, ou bien, moins trivialement, à une entité jamais avérée ?  Ma peur du vide précitée ? Sans doute. Réponse simple aux questions existentielles ? Sûrement. Solution aux questions biologiques ? Mmmmh déjà moins sûr ; plus la science avance, plus Dieu recule. En tout cas pour moi, ce jour-là m'a fait basculer dans la parfaite compréhension du besoin de croire des Autres... et donc de mon athéisme ! Ces Autres là sont dans  l'optimisme d'un refus du trou noir et donc d'un Après. Je bascule donc dans le pessimisme, tant pis pour moi. Honnêteté infligée à soi même.
Et ce n'est pas tout. Comment ce petit garçon, transi de peur devant son papa et tellement moins bien que les autres, pourrait-il avoir une vue optimiste de sortie du vide ? Je comprends parfaitement la peur qui justifie Dieu mais ne la partage pas. Je respecte mais c'est tout. Je ne serai jamais militant d'une opinion née d’une réflexion car je n'ai nul besoin de l’affermir en la faisant partager. Le petit garçon assume sa solitude. En parler oui, pourquoi pas, à qui veut bien l'entendre ; mais convaincre, jamais, au nom de quoi mon Dieu !? D'ailleurs, j’ai quelquefois raconté mes impressions post-anesthésiques, sans jamais avoir convaincu qui que ce soit, même parmi mes plus polis auditeurs. Tiens, une remarque : pourquoi  les militants sont-ils toujours du même bord ? A-t-on déjà vu un parti athée ? Un mec niant Dieu, haranguant les foules ? Lénine, d'accord, mais c’était par dialectique politique, l'athéisme étant là un moyen et non une fin, à moins que Lénine ait été opéré des amygdales ! Une religion chasse l’autre. Donc aucun militantisme athée. A côté de ça, combien de catéchèses ? Combien d'écoles coraniques ? Combien de provocations du côté de l'esplanade sacrée là-bas ? Lamentables fétichismes de nos petites angoisses humaines. Refus du hasard. Comment pourrions-nous être arrivés, comme ça, poissons d'abord, puis courts sur pattes et puis hop homos erectus !? Du triton à Léonard De Vinci. Sacré Darwin ! Louis XIV cousin du singe ! Impossible ! Vanité. Croyons donc ! Soyons optimiste ! Personne pour se demander pourquoi Dieu ne nous a pas envoyé plutôt sa fille - qui aurait pu tout aussi bien sauver l'humanité - que son superbe garçon blanc émacié !? Puisse-t-elle être un peu enveloppée et noire en plus, là, j'aurais peut être douté ! Et puis les autres aussi, avec cette histoire de "vierges du Paradis" qui ne ressemblerait pas, un tout petit peu, à un gros fantasme de mecs !? 
Pas question ! A genoux tout le monde !
Non merci
Le petit garçon n'est pas concerné, étant la peur à lui seul, il ne peut plus avoir peur. D’abord, il faut aimer la vie pour craindre de la perdre. Il ne peut y avoir réflexe de survie, sans la vie. Comment le dernier de la classe, risée des profs, tellement gauche et pleurnichard et mauvais au foot pourrait-il aimer la vie ? C'est clair, amygdales en furie et toujours Kim Pousse à la main, il ne peut  avoir le même ressenti qu’un enfant aimé, entouré, choyé, dans un environnement favorable à une soif de vie qui, tout naturellement, entraînera l'angoisse de la perdre. Il entrevoit ce néant qui le choque bien sûr, mais qui est aussi une porte de sortie de sa non-existence ; il ne peut donc en avoir peur. Comment pourrait-il partager une angoisse universelle, alors que sa position le place en dehors de cette universalité ? Bref, ce néant redouté par les autres devient salvateur pour lui ; il ne peut donc y avoir de lumière souhaitée pour prolonger sa peine, et donc, il assimile ce tunnel fermé comme une aubaine future. Pas d’angoisse, donc pas de Dieu. La boucle est bouclée.
« Modifié: 19 juin 2018 à 14:48:06 par Patrick »

Hors ligne Dr. Krieger

  • Plumelette
  • Messages: 19
Re : Amygdales et athéisme
« Réponse #1 le: 18 juin 2018 à 21:26:41 »
Dieu est mort, version Kim Pousse et service ambulatoire.

Au niveau du style, je note un abus assez énervant de la forme interrogative, parfois accompagnée d'un point d'exclamation suspect. Un procédé qui me parait trop factice pour convaincre qui que ce soit. Il faudrait aussi compter les points d'exclamation seuls, qui finissent fatalement par n'exprimer qu'une paresse dans l'argumentation, selon moi.
Les structures de phrases sont assez pauvres, dans l'ensemble, et certaines sont carrément à la dèche : "On en est encore à l’ hypothèse, p’têt bien que...", " Solution aux questions biologiques ? Mmmmh déjà moins sûr"
Stylistiquement, le récit de l'opération m'a fait pensé aux témoignages préfabriqués  de n'importe quel candidat Top Chef, genre "je fais ci, je fais ça, il se passe un autre truc". Ça manque de variations pour être vraiment immersif et, surtout, original.

Sur le fond, il aurait sans doute été plus intéressant de développer les raisons qui ont conforté cet athéisme au fil des années jusqu'à aujourd'hui, plutôt que de se reposer uniquement sur une expérience enfantine.

La bravade finale "Pas question ! A genoux tout le monde ! Pas moi.", un peu cheap, a fini par me convaincre que ce texte a été écrit sans réel effort d'analyse, se basant sur une conviction déjà établie, refusant au fil de l'écriture de poser une vraie question, émettre le moindre doute.

Navré, donc, mais j'ai beau être vaguement d'accord avec le fond, je n'y trouve pas mon compte.
Au plaisir de te relire, dans une version moins exclamative ?(!)

Hors ligne RFAnthony

  • Plumelette
  • Messages: 13
bonjour Patrick
« Réponse #2 le: 18 juin 2018 à 23:32:34 »
Bonjour je m'appelle anthony je débute dans la lecture et je trouve votre texte expressif et réfléchie je n'ai pas de bac en littérature mais je comprend la plus parts des phrases que vous écrivez j'ai vraiment aimé le passage " une heure de maths en vaut cinq et la opération inverse"  et votre théorie sur les religions sa laisse à réfléchir car la vérité pour moi dieu seul le sait bref ne nous éloignons pas du sujet bravo je vous félicite pour votre texte j'espère aussi vous lire bientôt

Cordialement

C.Anthony

Hors ligne RFAnthony

  • Plumelette
  • Messages: 13
Re Patrick
« Réponse #3 le: 19 juin 2018 à 00:10:50 »
Moi j'ai compris comme ça au début

Une heure de math en vaut cinq or maintenant ces l'opération inverse

C'était dur pour moi les math avant , mais dorénavant je suis à l'aise en calcule

Vous ne l'expliquais pas comme ça je pense ...

Pour moi j'ai aussi compris

Que les math étais un calvaire pour vos avant, dorénavant un jeu d'enfant pour vous ???

Es-ce cela ?

Cordialement

C.Anthony

Hors ligne Patrick

  • Plumelette
  • Messages: 13
  • Sexagénaire pessimiste heureux.
Re : Amygdales et athéisme
« Réponse #4 le: 19 juin 2018 à 14:43:43 »
C'est vrai D.Krieger, ce Kim Pouss post anesthésique a accompagné une révélation pour moi de l'angoisse humaine du vide et du besoin d'y trouver une issue. Je traite d'une écriture enfantine ce sujet dont la gravité universelle (!)  mérite thèse plus élaborée. Je suis d'accord. J'ai en plus ce jour là rejoins le camp des pessimistes sans jamais le quitter au fil des années.

Non Anthony, je ne suis pas plus brillant en math que dans l'exercice narratif..

Merci à vous deux de votre réponse en tout cas.

Hors ligne Georges Beckett

  • Tabellion
  • Messages: 29
    • Auteur à la petite semaine
Re : Amygdales et athéisme
« Réponse #5 le: 19 juin 2018 à 14:58:17 »
Sympa ce texte. Il va de l'anecdote vers l'abstraction. L'écriture est fluide, un peu outrancière par fois. Peut-être dissocier et espacer un peu plus vos paragraphes pour un meilleur confort de lecture. Merci pour ce petit moment agréable. ;)

G.
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Hors ligne RFAnthony

  • Plumelette
  • Messages: 13
merci
« Réponse #6 le: 20 juin 2018 à 11:12:11 »
Je vous remercie pour votre réponse.

A bientôt

Hors ligne Galianis

  • ex Jan Flant
  • Calligraphe
  • Messages: 117
    • Mon compte Senscritique
Re : Amygdales et athéisme
« Réponse #7 le: 23 juin 2018 à 10:37:39 »
Bonjour,

J'ai été attiré par l'athéisme. Les débats sur dieu et la religion m'ont toujours intéressé - même si c'est un sol particulièrement glissant.
Mais à l'image de Dr. Krieger, je n'ai pas trop aimé. J'ai trouvé que le texte était trop long et avait tendance à beaucoup se répéter. Il en ressort un aspect un peu fouillis auxquels les très gros paragraphes (en livre, je ne dis rien, mais sur ordi, un gros pavé devient vite impressionnant) et l'absence de justification (je parle bien de la mise en page) n'aident pas.

 Vraiment l'auteur, je pense que si tu aères mieux tes textes, tu gagneras en lecteurs. N'hésite pas à sauter une ligne entre chaque paragraphe.

 


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