Le Monde de L'Écriture

Coin écriture => Textes courts => Discussion démarrée par: SablOrOr le 04 janvier 2024 à 22:59:28

Titre: Inertie
Posté par: SablOrOr le 04 janvier 2024 à 22:59:28
Ce quatrième jour est sensible. Âme douloureuse s’abstenir.

Inertie. Trou profond.
Aspirée au balai brosse. Inspirée par la chair.
Ne bouge presque pas et soupire en se levant. Sourire édenté désarmant.
 Je n’ai plus d’âme.
Arriver dans l’entrain, repartir avec la procrastination. Chaque fois, chaque foi, sept foies.
Pourtant c’est bien connu. On s’y prépare. On s’autodiscipline et sur chaque période on fait de son mieux. Heureusement la distance !
Et Bam. Le retour du côté obscur aspire cellule après cellule. Dans la nuit il gobe ta respiration. Ta peau sue peu, ta vie s’évapore à travers les pores. Des affamés s’en délectent.
À table c’est un enfer. On ne regarde pas. On n’entend pas l’aspiration. On veut aller vite, mais il faut l’attendre et entendre ses médisances. La vieillesse parle de toute sa cruauté douloureuse. Elle en veut à machine. Bidule ne l’a pas appelée. Truc la méprise. C’est vraiment injuste la vie. Il ne faut pas lire. Il ne faut pas se cultiver. Il ne faut pas travailler c’est trop fatigant. Il ne faut pas rester seul trop longtemps. Il faut entendre la médisance. C’est l’heure de manger. Il faut manger. Pas trop vite. Pas plus vite qu’elle. Il faut nettoyer et aller s’allonger. Il ne faut pas bien digérer pour rester dans l’inertie. Il ne faut pas trop sortir et écouter les misères qu’elle subit.
La volonté de faire de petits efforts n’est pas là.
La volonté de lire, de découvrir, d’écouter de la musique, de se cultiver n’est pas là.
Aspiré vers le néant. Tout ce qu’on aime n’est pas accessible et s’éloigne. On ne peut qu’observer de loin et baver. C’est sale et ça pue. On a envie de gerber.
On devient con. On devient moche. On perd sa colère. On a encore du chagrin, un chagrin d’illettré où on croit pleurer pour un geste d’affection alors que c’est pour un violon.
Béance. Passé qui ressurgit et engloutit tout. Cacas, buées, brouillards, violences, errances, vertiges, vomis, angoisses, temps interminables. Minable.
Le contraire total de la liberté. Le contraire de l’indépendance étouffe ta raison puis étrangle ton libre arbitre.
 Aux prises de l’inertie la discipline s’éloigne, tous les efforts accomplis s’envolent en fumées. Le rêve disparaît. Est-ce elle qui écrase tout ? Déteste-t-on son corps ?
J’étouffe.
On ne sait comment faire. La distance ne suffit plus, elle est contaminée.
Solitude. Nullité. Engluement.
Yeux froncés, bouche tordue, corps attiré par la gravité. Tout pend et se rend. Tout se vide.
Nausée.
L’esprit fait quelques sursauts, des petits bonds de lucidité. De quoi envier n’importe qui d’un peu plus allègre. À quoi se raccrocher ? Quel ami ? Quel professionnel, quelle âme peut aider ?
Le temps écrase tout, les regrets aussi. Ces allers retours, ces regards vers l’inexorable ont toujours détruit quelque chose et il semble qu’ils ont davantage détruit les belles choses.
Que peut-on faire avec la vieillesse ?

SOo
Titre: Re : Inertie
Posté par: Choumi le 05 janvier 2024 à 09:02:24
Bonjour
J’aurais dû t’écouter et ne pas démarrer la lecture et pourtant j’ai été jusqu’au bout signe que ce texte est prenant et bien rédigé
Ceci dit pour foutre un moral dans les chaussettes, il en donne
Au petit matin je préfère des textes plus légers. Du genre qui me fait oublier que j’ai 74 ans et pousse ma vie qui avec madame est bien meilleur.
Au lire de tous ces textes tristes et angoissants j’en arrive à penser qu’il n’y a pas de demi - mesure dans la vie. Ou c’est tout bien ou tout moche.
Mais je me rattrape et me dis que la perception est différente à toutes et tous . Voir la vie sous un angle plus gai malgré les épreuves est peut-être ma chance
Amicalement
Michel


Titre: Re : Inertie
Posté par: Alan Tréard le 05 janvier 2024 à 11:03:56
Bonjour SablOrOr,


Ton texte est teinté de noirceur et donne le tournis à la lecture !

Je trouve malgré cela que c'est une publication intéressante avec des mots d'esprit, de l'idée et une certaine forme de douceur implicite. Les différentes formes de généralités semblent se ranger dans une fatalité affligeante, ce qui donne une impression de réalisme importante.

Je cherche encore parmi ces lignes une note d'espoir qui redonne des couleurs à cette mélodie mélancolique.


Merci à toi pour cette lecture, je m'y retrouve absolument. :)

Et à bientôt à toi sur le Monde de l'Écriture.
Titre: Re : Inertie
Posté par: Rémi le 05 janvier 2024 à 15:21:53
Salut SOo !

Brrr... ça rappelle des repas de fête que l'on fait parce qu'il faut bien rendre visite.
Et la fête n'est pas trop là, non.

Les acumulations et les phrases non verbales ajoutent une touche d'angoisse, ça fait froid dans le dos.

Un texte marquant, joli travail sur le rythme et les sonorités.

A+
Rémi
Titre: Re : Inertie
Posté par: SablOrOr le 05 janvier 2024 à 16:16:30
Bonjour et grand merci à vous pour les commentaires et bonnes appréciations,

Choumi,
Il est vrai que cet écrit fut à la fois un défouloir et un rappel sans hommage à la déchéance, au cas où on oublierait de vivre et d'être heureux à tout instant.
En aucun cas je ne voulus te miner et certainement qu'il faut espérer et prendre soin de soi au quotidien. Tout le monde ne vieillit pas ainsi.
Comme toi, il y a des gens moins obtus, plus instruits que ceux de mon tableau et ça fait plaisir !  :calin:

Alan,
Le pseudo que je porte ici commence à se manifester, il s'immisce et s'encre avec malice...portant dans un rayon de l'aube, toute une horreur lugubre...
J'espère que ce n'est pas trop nuisible ?
Certaines lectures peuvent-elles vraiment nous nuire si l'on reste conscient et lucide ?
Crois-tu au pouvoir du verbe ? Et à celui du nom ?  :calin:

Rémi,
Brrraa ! Oui !
J'ai visité des personnes âgées pendant les fêtes et j'ai voulu peindre la pauvreté avec simplicité, comme si j'étais attirée par le trou noir de l'extrême tristesse que représente pour moi cette forme de vieillissement. Encore une fois, tout le monde ne vit pas cette descente aux enfers...et personne n'est tout à fait revenu pour nous expliquer s'il ne s'agit que d'un passage.
Après tout, au delà (et vers l'infini), cette traversée est peut-être utile à certains?
 J'admets qu'il me fut difficile de faire sans jugement...
Ceci reste un mystère  :calin:

Encore merci beaucoup à vous d'avoir accueilli ces queslques mots.

SOo

Titre: Re : Inertie
Posté par: Cendres le 05 janvier 2024 à 19:38:41
Merci pour ton texte qui, si j'ai bien compris, parle de la vieillesse.

Tu décris la vieillesse comme un naufrage, ce qui  n'est pas faux je crois, mais avant, on est jeune, on grandit... C'est a la fin de notre vie que tout cela se produit.
Titre: Re : Inertie
Posté par: SablOrOr le 05 janvier 2024 à 20:05:25
Bonsoir Cendres,
Merci pour ton appréciation.  :calin:
Tu as raison, normalement, ceci se produit en fin de vie. On espère que ce soit court !
Toutefois, pour certains, cela peut être plus tôt et durer…
J’ai forcé le trait pour insister sur un état à éviter, si l’on peut !

SOo
Titre: Re : Inertie
Posté par: azerta le 05 janvier 2024 à 20:28:28
L'écriture est bonne, elle sonne bien (avis perso, évidement)


Le fond me touche beaucoup. Deux jours avec ma mamie en maison de retraite (je me suis offert ce temps parce qu'on a cru qu'elle allait mourir, bref, c'était l'occasion, la chance, le moment de me serrer encore contre elle.) Ca fait peur, ce corps qui ne répond plus, la voix qui ne s'entend plus, et les yeux qui ne manquent rien, l'intelligence qui se permet de perdurer, invaincue.

Ton texte est beau. Je me demandais toujours ce qu'elle pensait. Juste un "oui" avec les yeux ou un "non" avec les lèvres qui forment un rond. Et dans ton texte il y a de ... l'aigreur. Est ce indispensable d'en arriver là pour quitter, accepter de quitter la vie.

Est ce que la vieillesse c'est forcément ça?
Titre: Re : Inertie
Posté par: SablOrOr le 05 janvier 2024 à 22:06:21
Azerta bonsoir,
Je te remercie pour tes mots que je reçois comme un baume.
L’aigreur m’a été utile pour le détachement oui, mais ce n’est pas une fatalité et il y a certainement d’autres méthodes pour appréhender le phénomène du temps sur nos petites personnes âgées.
Du jour où elle n’a plus chanté, ce fut une longue chute pour ma grand-mère. Cela laisse un souvenir amer. Elle a chaussée de pesants chaussons contre ses légers escarpins. La danse était partie déjà depuis quelques temps, son pas devenu lourd, ses gestes moins doux…ses questions, formulées à l’identique toutes les 15 secondes, en litanie rauque et austère, me brisaient le cœur.
Mais il restait quelque chose, comme tu dis, d’invaincu.
Je ne sais pas de quoi nous avons besoin pour accepter de quitter la vie, cela dépend sans doute de chacun, même si de l’extérieur on pourrait croire à des similitudes, cela reste un autre point de vue (évidemment).
Si la vieillesse est forcément ça ? Je relance ta question en pariant sur le ‘non’   :)


SOo
Titre: Re : Re : Inertie
Posté par: Choumi le 06 janvier 2024 à 09:36:11
Bonjour et grand merci à vous pour les commentaires et bonnes appréciations,

Choumi
Comme toi, il y a des gens moins obtus, plus instruits que ceux de mon tableau et ça fait plaisir !  :calin:
SOo
Bonjour Merci pour ton appréciation mais au niveau de l’instruction je ne suis pas au top et bien loin des connaissances de certaines et certains sur ce forum
Ceci dit
Tu ne m’a pas miné mais il est vrai que dans la vie courante il y a ceux qui voient toujours matière à se satisfaire des situations et ceux qui dans les bons moments disent < on le paiera plus tard >
J’aurais tendance à être de la première catégorie
Du coup quand j’écris pour me détendre mes textes sont plutôt légers. Juste pour rire si je peux m’exprimer ainsi
Amicalement
Michel
Titre: Re : Inertie
Posté par: Ji.Héllēn le 08 janvier 2024 à 11:44:19
salut soo ! bonne année.

j'ai adoré ce passage :

Citer
La vieillesse parle de toute sa cruauté douloureuse. Elle en veut à machine. Bidule ne l’a pas appelée. Truc la méprise. C’est vraiment injuste la vie. Il ne faut pas lire. Il ne faut pas se cultiver. Il ne faut pas travailler c’est trop fatigant. Il ne faut pas rester seul trop longtemps. Il faut entendre la médisance. C’est l’heure de manger. Il faut manger. Pas trop vite. Pas plus vite qu’elle. Il faut nettoyer et aller s’allonger. Il ne faut pas bien digérer pour rester dans l’inertie. Il ne faut pas trop sortir et écouter les misères qu’elle subit.
La volonté de faire de petits efforts n’est pas là.
La volonté de lire, de découvrir, d’écouter de la musique, de se cultiver n’est pas là.

c'est terriblement juste. cette foutue médisance ambiante et surtout admise, qui nous intoxique...
heureusement que nous avons l'écriture pour purger le venin.
merci pour ce texte :-)
Titre: Re : Inertie
Posté par: SablOrOr le 08 janvier 2024 à 19:18:41
Bonsoir Ji.Héllēn,
Ça me touche particulièrement,  merci   :-[
C’est vrai que l’écriture est libératrice. Ce soir là, après la séance, je me suis sentie vite mieux, comme allégée d’un dégoût…
Plein de jolis vœux  :oxo:
Titre: Re : Inertie
Posté par: Safrande le 11 avril 2024 à 02:07:23
Salut Sabloror, il y a fort longtemps je t'avais dit que j'aimerais bien te lire, bon, mieux vaut tard que jamais  ;D

Juste avant je tiens à dire que toutes mes remarques concernent le texte en tant qu'objet littéraire, et jamais les sentiments que je devine sincères qu'il exprime ; c'est vraiment le texte en tant qu'objet purement esthétique, et l'expérience que j'en fais.

Citer
Aspirée au balai brosse. Inspirée par la chair.
J'aime bien "balai brosse", l'espèce de trivialité du nom, qui fait passer la narratrice pour de simples miettes. Je comprends moins le "inspiré par la chair", tout de suite plus abstrait, se voulant peut-être plus poétique et douloureux (surtout à cause de chair), alors qu'à mon sens la banalité de la phrase d'avant est plus efficace dans ce registre.

Citer
Je n’ai plus d’âme.
J'aime bien ça tout seul, y'a tout de suite quelque chose de dramatique qui en ressort. Bon je trouve ça un peu trop simple mais c'est placé au bon endroit au bon moment, c'est ça qui compte.

Citer
Arriver dans l’entrain, repartir avec la procrastination.
Pas fan de "procrastination" ici, un mot à mon sens assez connoté développement personnel, et même si c'est pas le cas (c'est surement un biais de ma part) je trouve que ce n'est pas vraiment adapté au champs lexicale global du texte dans son ensemble, qui se veut assez douloureux, dépressif, etc. Puis ça m'a l'air tellement léger d'évoquer la procrastination en comparaison de ce que t'évoques juste avant - "je n'ai plus d'âme".

Citer
Chaque fois, chaque foi, sept foies.
Bon ça c'est mon goût mais j'aime vraiment pas les jeux de mots ludiques - d'autant qu'avec "fois" ils sont vraiment usés. Puis là dans le contexte ça fait un peu quelqu'un qui arrive en blanc dans un enterrement, ou comme un petit mot vif et qui dénote de l'esprit au milieu d'une conversation solennele  ;D

Citer
On s’autodiscipline et sur chaque période on fait de son mieux.
Assez plate cette phrase, surtout à cause de l'expression toute faite de "on fait de son mieux", et du mot "autodiscipline" là encore connoté développement personnel - de mon point de vue.

Citer
Heureusement la distance !
Pas trop compris ça ? Quelle distance ?

Citer
Et Bam. Le retour du côté obscur aspire cellule après cellule.
Pas trop fan de cette ref peut-être inconsciente mais beaucoup trop usée de star wars. Il me semble que ce "côté obscur" peut-être évoquer par mille façon différentes et inventives, certains ont même fait des livre entier dessus rien que pour tenter de le saisir, sans jamais tellement y arriver, mais en laissant derrière leur tentatives pleins de chemins passionnants et fertiles  ;D

Citer
Dans la nuit il gobe ta respiration.
Ca j'aime bien, assez inattendu, ça sonne bien.

Citer
Ta peau sue peu, ta vie s’évapore à travers les pores
Là j'aime pas trop la rime, je trouve ça assez racoleur (et celle là est assez rebattue), surtout en prose, parce qu'en prose c'est beaucoup trop facile de faire des rimes.

Citer
À table c’est un enfer. On ne regarde pas. On n’entend pas l’aspiration. On veut aller vite, mais il faut l’attendre et entendre ses médisances. La vieillesse parle de toute sa cruauté douloureuse. Elle en veut à machine. Bidule ne l’a pas appelée. Truc la méprise. C’est vraiment injuste la vie. Il ne faut pas lire. Il ne faut pas se cultiver. Il ne faut pas travailler c’est trop fatigant. Il ne faut pas rester seul trop longtemps. Il faut entendre la médisance. C’est l’heure de manger. Il faut manger. Pas trop vite. Pas plus vite qu’elle. Il faut nettoyer et aller s’allonger. Il ne faut pas bien digérer pour rester dans l’inertie. Il ne faut pas trop sortir et écouter les misères qu’elle subit.
J'aime bien tout ce passage, y'a un élan, un truc naturel qui débite sa complainte, ça touche assez juste, y'a un vrai rythme grâce notamment aux anaphores. Je trouve juste que "cruauté" pourrait se passer de "douloureuse", ça appuit déjà quelque chose de bien appuyé.

Citer
La volonté de lire, de découvrir, d’écouter de la musique, de se cultiver n’est pas là.
Un peu redondant ça, c'est peut-être trop trivial, dans le propos et dans l'énonciation, comparé au reste du texte.

Citer
On ne peut qu’observer de loin et baver. C’est sale et ça pue. On a envie de gerber.
On devient con. On devient moche. On perd sa colère.
J'aime bien ce passage aussi, on commence à se rouler dans l'animalité à force de tristesse et de solitude, je comprends bien ce sentiment. Assez touchant le "On perd sa colère", c'est évocateur.

Citer
On a encore du chagrin, un chagrin d’illettré où on croit pleurer pour un geste d’affection alors que c’est pour un violon.
Je trouve que arrêter la phrase après "illettré" aurait été suffisamment évocateur pour ne pas avoir à te lancer dans une explication que je trouve assez fastidieuse ; de plus l'interprétations multiple mais quand même dirigée de ce "chagrin d'illettré" a quelque chose de puissant dans les images.

Citer
Cacas, buées, brouillards, violences, errances, vertiges, vomis, angoisses, temps interminables. Minable.
J'aime bien ça aussi, surtout le "caca" assez enfantin qui contraste avec le reste.

Citer
Le contraire de l’indépendance étouffe ta raison puis étrangle ton libre arbitre.
Je trouve que dire "le contraire de l'indépendance" au lieu de citer ce qui est effectivement le contraire de l'indépendance alourdit la phrase. Puis y'a cette mention du "libre arbitre" comme si c'était une notion admise, alors qu'elle est quand même largement débattue et remise en question depuis pas mal de temps ; peut-être travailler un peu dessus, développer "ta" notion du libre arbitre ?

Citer
Aux prises de l’inertie la discipline s’éloigne, tous les efforts accomplis s’envolent en fumées.
Là aussi expression toutes faite "s'envolent en fumées"

Citer
La distance ne suffit plus, elle est contaminée.
Y'a un truc que j'ai pas pigé avec la distance...

Citer
Solitude. Nullité. Engluement.
Je trouve ça un peu trop appuyé mélodramatique - surtout surtout à cause de "solitude", c'est pour moi presque le mot à éviter tant il suinte partout dans le texte.

Citer
Yeux froncés, bouche tordue, corps attiré par la gravité. Tout pend et se rend. Tout se vide.
Nausée.
Ouais ce passage est vachement appuyé je trouve, c'est une complainte pas très fine, en gros sabot.

Citer
Ces allers retours, ces regards vers l’inexorable ont toujours détruit quelque chose et il semble qu’ils ont davantage détruit les belles choses.
Un peu maladroite cette longue phrase je trouve, sa construction a quelque chose d'enfantin - à cause sans doute de la répétition de "détruire" et de "chose".

Je trouve que le texte manque parfois de subtilité, surtout vers la fin où on dirait qu'il s'essouffle dans sa complainte, comme si le sentiment de ce qu'il voulait exprimer était si fort et débordant qu'il bouchait le petit trou de l'écriture par lequel il devait sortir, ce qui donne des grands mots comme "solitude", ou "inexorable" ou "néant" qui ne donnent pas suffisamment la teneur et la puissance de ce qu'ils veulent exprimer de si commun mais en même temps de si singulier et de bouleversant dans l'expérience qu'on vit. J'aime bien quand même le dépouillement et l'épuisement qui sont palpables, c'est ce truc assez spontané dans l'écriture qui y participe. Cette sincérité, cette impression d'aveu à nu est touchant aussi. J'ignore si c'est un premier jet, mais ça en a les qualités et les défauts je trouve : les fulgurances des premiers jets, la construction naturelle du texte, qui lui donne quelque chose de vivant, mais aussi les quelques mots assez impersonnels, qui ne vont pas chercher assez profond, assez original.

N'hésite vraiment pas à me renvoyer chier, à me contredire, à débattre, à me poser des questions sur ma lecture etc, j'suis tout dispo, et ça serait avec plaisir de discuter ; mais juste si ça t'as aidé c'est tout ce qui compte  ;D



Titre: Re : Inertie
Posté par: SablOrOr le 11 avril 2024 à 17:43:43
Safrande, grand merci pour ton œil éduqué et pertinent.
Je réponds vite point par point à ton beau commentaire :
- "inspirée par la chair" est pour introduire le fait que la narratrice est inspirée par le monde réel et notamment par une personne âgée.
-"procrastination " est une maladresse, cela ne me convient pas non plus. La narratrice devrait chercher un vocabulaire plus littéraire ! En a-t-elle les moyens ? Je persiste à dire que la lourde sensation ressentie ne contraste pas avec "je n'ai plus d'âme "...quand on approche ou atteint l'état du burn out. L'idée étant aussi de marquer l'écart entre l'arrivée et le départ.  On vient avec envie, on nous secoue, on repart sans âme.
- Toutes les sonorités de [foi] sont pour l'insistance et l'impuissance qui l'accompagne.
- "autodiscipline" et dév. perso. Oui, je l'entends désormais avec ton éclairage...à changer...
- "la distance" c'est l'éloignement physique, et sûrement sans elle, la narratrice aurait sombré...
- "Côté obscur" c'est vrai, c'est vrai, c'est vrai...j'aime pas non plus ! En même temps fuck, il y a un monde qui aspire, il est obscur, et j'avais pas envie de le nommer avec inventivité,  il a déjà tellement de place dans l'espace !
- "gober" te plaît ? Ha bah tant mieux...c'est bien. Hahaha...ici la ténèbre aspire, gobe l'âme de la narratrice la nuit (donc) ...même si elle ne dort pas tout près....la distance est trop petite. Il y a ici une idée de l'espace-temps à revoir...par l'auteure.
-"les pores" j'aurais pu (dû) dire "les porcs", ou mieux : "les gorets" pour plus de poésie et de cohérence.
- Le passage appuyé sur la "cruauté douloureuse", oui il est insistant (encore...pfff), hyperbolique, relou...ajoutons un brin d'impuissance à ce dégoût longtemps refoulé ou le contraire. Et avec ça monsieur ? Vous reprendrez une petite tasse de thé ?
- J'admets, je redonde et j'implicite beaucoup trop dans l'ensemble...toutefois l'animalité peut ainsi être entrevue, j'aime que tu l'ais lue. C'est le début de la compassion, au cœur d'une nausée vertigineuse.
- "le violon" est un cliché détourné ici car il concerne la souffrance d'un objet immonde et non la veuve et l'orphelin (pour qui l'instrument revêt habituellement plus de vertu).
- "caca" ? Je sais ce que je dois dire donc pour te faire sourire.
- Le "contraire de l'independance" (le vous-savez-qui), c'est pour imiter Barbara quand elle dit " je ne sais pas dire je t'aime"
- mais que vient foudre ici le "libre arbitre" me disais-tu...en effet, je me demande bien ce qu'une notion philo a voulu entreprendre ou impliciter dans ce petit écrit sans sucre et sans espoir ! A l'avenir, je l'emploierai avec parcimonie.
-"s'envolent" en purées remplacera "en fumées " pour plus de candeur.
- pour "la distance", il s'agit là-bas, de s'éloigner, ou d'apprendre à le faire.
- "solitude" sera également employée avec moins de sucre à l'avenir.
- je note : trop d'appuis, ce qui donne du lourdeau et fait trébucher...
Je compatis avec ta critique, c'est vrai que cela manque d'originalité et de profondeur. C'est fatigué et fatigant à lire. J'ai conscience de ma pauvreté littéraire, et, vu le temps réduit que je possède pour travailler à progresser,...je crois qu'il vaut mieux que je la ferme ! Hahaahha !

Bon...en vrai merci...tes remarques m'ont été utiles, c'est toujours intéressant d'avoir un regard exterieur argumenté.
La motivation première était de faire sortir qq chose de douloureux et en même temps de questionner l'impuissance face à la fatale vieillesse. Aussi, pour ne pas oublier que nous mourrons bientôt....espoir ou pas.

Sur ces mots joyeux,
Une soirée productive et mes belles rév-errances, cher Safrande !
 :calin:
SOo
Titre: Re : Inertie
Posté par: LOF le 12 avril 2024 à 11:35:37

 Belle réflexion sur la condition humaine.
 C'est bien d'assumer la tristesse, désespoir et autre...
 Ton thème est l'inertie,
 par contre ton style est tout le contraire ; dynamique, vivant, synthétique, alerte...
 Et comme on sait le style dit ce qui nous échappe ; c'est à dire toute ta gaité d'âme.
 C'est donc un texte terriblement optimiste et dionysiaque.
 Merci.
Titre: Re : Inertie
Posté par: SablOrOr le 12 avril 2024 à 16:34:12
Bonjour LOF,
Encore plus grand merci à toi pour la bouffée d'éloges qui me touche en profondeur en te lisant (surtout venant d'une poétesse contemporaine).
Du coup, comme je suis assez influençable et fragile (si, sur certains côtés ;-)...je retire ce que j'ai dit plus haut et ne la fermerai pas sur la solitude cruelle, ne me tairai pas sur la vieillesse décrépissante, ne ferai plus silence sur mes lourdeurs assassines même si mon syndrome de l'imposteur me dit de me jeter du haut d'un écrit sans espoir en ayant veillé à ce que la corde soit bien nouée...(le terrible)...
Je repars ainsi, sautillant d'une plume pour rebondir plus loin sur l'estomac de ma faim...
Bien beau week-end de lecture en perspective àtous ! (Pour moi il se passera au salon du livre parisien;-)
La bise obscure  :P
SOo
Titre: Re : Inertie
Posté par: True Duc le 13 avril 2024 à 20:00:09
Percutant !!!
J'aime ce style.

A te relire,
Titre: Re : Inertie
Posté par: Safrande le 14 avril 2024 à 01:41:24
Comme promis la suite  ;D

Citer
est pour introduire le fait que la narratrice est inspirée par le monde réel et notamment par une personne âgée.
Oké je vois, perso j'aurais pas deviné si tu ne me l'avais pas dis - après peut-être que y'a que moi qui n'est pas fut fut, mais ça te va qu'il y ait une partie du texte qui soit un peu nébuleuse ? Tu trouvait peut-être pas assez poétique le fait d'expliciter que le texte porte sur les personnes âgées dont tu t'occupes - ou t'occupais ?

Citer
"procrastination " est une maladresse, cela ne me convient pas non plus. La narratrice devrait chercher un vocabulaire plus littéraire ! En a-t-elle les moyens ? Je persiste à dire que la lourde sensation ressentie ne contraste pas avec "je n'ai plus d'âme "...quand on approche ou atteint l'état du burn out. L'idée étant aussi de marquer l'écart entre l'arrivée et le départ.  On vient avec envie, on nous secoue, on repart sans âme.
Ah non procrastination est un mot absolument littéraire, tous les dicos me le disent  ;D Mais je trouve justement qu'il a un côté trop savant peut-être, et en même temps, paradoxalement, il est utilisé à foisons de nos jour, à la moindre occasion, comme commencent à l'être des barbaries comme "ultracrépidarianisme". Et c'est vrai que dans mon inconscient aussi, la "procrastination" est une espèce de synonyme de "petit branleur", ou de "flemmard", c'est un truc sans trop de conséquence, genre juste faut se bouger un peu plus les fesses quoi, c'est peut-être pour ça que j'évoquait le contraste que je lui trouvais avec "je n'ai plus d'âme", là beaucoup plus dramatique, et qui évoque une sensation de vide assez vertigineuse, une perte de personnalité, une indifférence à l'égard d'à peu près tout ce qui t'entoures. Et là c'est vrai que je ne comprenait pas trop nom plus : "arriver" où dans l'entrain, "repartir" d'où avec la procrastination ? Mais bon perso c'est pas du tout des choses qui me gênes de pas tout comprendre, je te le note juste au cas où que ce soit un truc qui te tienne à cœur. Et c'est vrai que du coup avec cet éclairage (que je sache qu'on parle d'un milieu de travail etc), je trouve que "repartir avec la procrastination" (repartir avec la "tendance à remettre au lendemain") n'est pas très évident, pour moi le "entrain" juste avant appelle une espèce d'antonyme juste après. Enfin bref !

Citer
Toutes les sonorités de [foi] sont pour l'insistance et l'impuissance qui l'accompagne.
Oui je comprends mais t'inquiète, c'est vraiment une affaire de goût ces choses là...

Citer
Le passage appuyé sur la "cruauté douloureuse", oui il est insistant (encore...pfff), hyperbolique, relou...ajoutons un brin d'impuissance à ce dégoût longtemps refoulé ou le contraire.
Là c'est pareil c'est une affaire de goût, c'était juste une remarque d'un allergique de l'emphase, qui est une qualité comme une autre !

Citer
J'admets, je redonde et j'implicite beaucoup trop dans l'ensemble...toutefois l'animalité peut ainsi être entrevue, j'aime que tu l'ais lue. C'est le début de la compassion, au cœur d'une nausée vertigineuse.
Je suis pas sûr que ce soit le fait que tu implicites et redondes qui m'a fait entrevoir l'animalité, je pense que c'est plutôt l'évolution ou plutôt la dégradation du champs lexical, comme s'il tombait en ruine à mesure du texte - on commence avec "âme", "procrastination", "foi", puis ça change en "gober", "pores", "cruauté", "digéré" (ça devient plus corporel), puis "bave", "gerber", des insultes, etc.

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"le violon" est un cliché détourné ici car il concerne la souffrance d'un objet immonde et non la veuve et l'orphelin
Oui je voit, je crois que j'avais à peu près compris, mais ça ne m'enlève pas l'impression que c'est un peu fastidieux, surtout à cause de la construction de la phrase (on-croit-pleurer-pour-alors-que-c'est-pour, je trouve que ça a moins d'élégance et de concision que le reste, ça manque de respiration pour moi).

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Le "contraire de l'independance" (le vous-savez-qui), c'est pour imiter Barbara quand elle dit " je ne sais pas dire je t'aime"
Je vois... Chanson française j'y connais rien  :D

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mais que vient foudre ici le "libre arbitre" me disais-tu...en effet, je me demande bien ce qu'une notion philo a voulu entreprendre ou impliciter dans ce petit écrit sans sucre et sans espoir ! A l'avenir, je l'emploierai avec parcimonie.
Déjà je trouve que "libre arbitre" a tout à fait sa place dans ton texte, je disais que ça aurait été cool peut-être de développer plus personnellement cette notion ou plutôt cette "sensation" (c'est assez charnel le libre arbitre), et en plus je ne trouve pas ton texte "sans sucre", sa vivacité (qui contraste d'ailleurs avec le sujet) est "plaisant" à suivre.

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"s'envolent" en purées remplacera "en fumées " pour plus de candeur.
Ca colle bien avec l'esprit meurtri et malgré tout enfantin de la narratrice  ;D

Et pour le reste, on en a déjà parlé  ;D
À la prochaine !



Titre: Re : Re : Inertie
Posté par: Lune le 15 avril 2024 à 19:52:36
Merci pour ton texte qui, si j'ai bien compris, parle de la vieillesse.
Tu décris la vieillesse comme un naufrage, ce qui  n'est pas faux je crois, mais avant, on est jeune, on grandit... C'est a la fin de notre vie que tout cela se produit.

En fin de vie, on en a tellement marre de tout, qu'on accepte de mourir.
Dormir.

Juste texte SablOrOr.
Bravo et Merci  ;)
Titre: Re : Inertie
Posté par: SablOrOr le 16 avril 2024 à 09:10:39
Coucou les lecteurs !
 :huhu: Touchée et surprise de votre intérêt fidèle…
Safrande,
Merci de ta gentille attention à vouloir me faire progresser et écrire ici (je rencontre en effet des difficultés particulières à gérer temps, travail, lectures, hygiène (  :o ) et passions, d’où mes lenteurs pour répondre).
J’ai cherché des synonymes et peut-être que les mots ‘ajournement, atermoiement, report’ auraient sonné plus doux et moins contrastes pour remplacer ‘procrastination’….m’enfin, j’ai pas encore modifié (repousserais-je une échéance ?))
Dans ce magma peut pensé (il faut bien l’avouer à un moment)), la cruauté que ressent la narratrice fait écho à ce qu’elle décrit, comme quand l’espace propose du vide autour des violentes novas et des abyssaux trous noirs…tu vois le vertige ?
Peut-être reprendrai-je aussi ce texte pour l’allonger un peu et développer cet aspect ‘libre-arbitre’…je ne sais pas si j’en aurais la force (manques aussi de soleil, de musique, de joie profonde…pour m’y mettre), en tous cas tes remarques m’en donne l’envie.
Lune,
Oui, la fin de vie n’est pas belle à voir ni à entendre…c’est peut-être pour cela que beaucoup meurent seuls ? Est-ce le manque d’espoir qui mène à l’acceptation totale ?
Merci pour ton appréciation en tous cas, cela me fait plaisir que tu vois de la justesse dans mes ‘nébuleux’ débats avec moi-même…
A vite (on peut toujours croire en une certaine vitesse  :-¬? )
 :calin:
SOo