Et en dernier post pour cette semaine, je vous partage exceptionnellement cette mise en scène écrite pour une bande dessinée dans le cadre d'un atelier que je suis à l'université, parce que j'en suis vraiment contente. Cela traite de Picasso, ou plus précisément de sa première femme, Fernande. C'est plus pour le plaisir de partager, donc voilà
Bonne soirée !
Page 1_ Atelier de Picasso, 1966, année de la mort de Fernande.
Case 1_ Plan moyen, léger plongé de 3/4 : nous voyons le buste de Fernande de 1906 posé sur une table face à un miroir, comme s’il elle s’y mirait. L’atelier est plongé dans l’obscurité, les fenêtres sont obstruées par d’épais rideaux. Quelques rais de lumières éclairent la pièce.
Case 2_ 1er plan → Très gros plan sur le profil de Fernande_1906, dont on ne voit que le nez et la bouche. Arrière-plan → Un porte s’est ouverte laissant passée une lumière jaune assez violente. La silhouette d’un homme s’en détache et entre dans la pièce en portant quelque chose d’indistinct dans ses bras.
Case 3_ Plan moyen, de face/horizontal : l’homme pose un deuxième buste de Fernande à côté de F_1906. On ne voit que ses bras et son torse, le visage est coupé par le haut de la case.
Case 4_ Plan moyen en plongé de 3/4 sur les deux bustes, avec au premier plan F_1906 : La porte s’est refermée. L’atelier est à nouveau plongé dans la pénombre.
Case 5_ Très gros plan horizontal de 3/4 sur les yeux de F_1909 qui s’ouvrent. Elle regarde vers le spectateur.
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Case 6_ Plan moyen horizontal de dos : nous sommes entre les deux statues. On voit le sommet du crâne de F_1909 en bas à droite de la case. Elle s’exclame : « Mince, je ne peux pas voir à quoi je ressemble d’ici ! ».
Case 7_ Plan de 3/4 en plongé face au miroir : nous voyons les reflets des deux bustes. Le regard de F_1906 s’est aussi animé. Elle lui répond : « A en juger par ta noirceur, tu es de bronze, tout comme moi. Tes cheveux sont faits de boursouflures, tes joues creuses font ressortir d’autant plus tes paumes saillantes, et le bas de ton visage est légèrement tordu vers sa droite. » ; « Si je suis telle que tu me décris, nous sommes bien différentes… »
Case 8_ Plan d’objet sur la poignée de la porte qui bouge. F_1906 répond : « Disons que je suis plus… Classique. » ; « Chut ! J’entends un bruit. »
Case 9_ Plan moyen/horizontal face aux deux bustes, dont les yeux se sont éteints. On entend un bruit de pas.
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Case 10_ Plan pied de profil : une jeune femme est penchée face aux deux statues, et les examine. On ne distingue que sa silhouette grâce aux rais de lumières.
Case 11_ Gros plan de 3/4, horizontal, sur le côté droit du visage de la femme qui s’est arrêtée sur la nouvelle statue. Son expression est heureuse. Elle pense à voix haute : « C’est donc ainsi que l’on me découvrira, dans les musées. Moi, Fernande, je suis immortelle, dans ce métal. »
Case 12_ Très gros plan de 3/4 sur le visage de la femme sur son profil gauche, qui prend une expression de surprise en entendant F_1906 reprendre vie. Celle-ci lui a répondu : « Devenue œuvre d’art, crois-tu sincèrement que le souvenir de ta personne perdurera ? »
Case 13_ 1er plan → Gros plan de profil sur le devant du visage de F_1906. Arrière-plan → Fernande s’est redressée. Elle regarde F_1906, interdite.
Case 14_ Plan taille en plongée face à Fernande la tête baissée, et dit : « Non. Je serais toujours définie comme la compagne d’un temps de Picasso. »
Case 15_ Plan d’ensemble sur l’entrepôt. Au fond à droite se trouve les deux bustes sur la table. Fernande marche le long des rideaux, et en attrape un de sa main droite. Elle commence son monologue : « Je le sentais, qu’il m’aimais moins, même si je l’inspirais toujours. »
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Case 16_ Gros plan sur la main de Fernande qui tire le rideaux, dévoilant la fenêtre et laissant entrer la lumière. Elle poursuit : « C’est pour cela que je l’ai quitté. Une nouvelle vie m’attendait. »
Case 17_ Plan américain, horizontal face à Fernande, de l’autre côté de la fenêtre, qui tient le rideau d’une main, et regarde dehors, face à nous : « J’aurais toujours été le modèle, et non pas l’artiste. Après les avoir tous vu me dessiner, me peindre, me sculpter… Moi aussi, j’ai été parfois prise de cette fièvre que je prenais plaisir à assouvir. » ; elle marque une pause, puis reprend : « J’ai bien tenté de convaincre Picasso de m’apprendre comment faire de ma peinture de l’art, mais il s’y refusait fermement... »
Case 18_ Plan poitrine de 3/4 dos à Fernande, qui regarde toujours par la fenêtre. F_1909 intervient : « La liberté est-elle si effrayante ? »
Case 20_ Plan horizontal de 3/4 dos à F_1909.
Case 21_ Plan taille sur Fernande qui se détourne de la fenêtre en nous tournant le dos. Elle répond enfin : « C’est facile pour vous, œuvres d’art : vous vivez par vous-mêmes. Vous n’avez aucun choix à faire, aucun but à vous assigner. Vous êtes ; c’est tout. »
Case 22_ Plan dos à Fernande qui s’est enfoncé dans l’entrepôt, et dans l’obscurité. Elle a la main posée sur une autre sculpture. Elle poursuit : « Et moi, seule, je savais que je ne parviendrais pas à sortir quoique ce soit si l’on ne me montrais pas la voie à suivre. »
Case 23_ Plan poitrine dos à Fernande, qui retourne sa tête brusquement, un peu effrayée ; une voix l’appelle fortement, derrière elle : « Fernande ? »
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Case 24_ Plan de demi-ensemble sur la porte de l’entrepôt : Picasso est dans l’encadrure de la porte.
Case 25_ Plan d’ensemble sur l’entrepôt, vide de la présence de Fernande ; seul subsiste des œuvres de Picasso, des statues, des tableaux, le tout entreposé sur des tables, des chaises, ou à même le sol.
Case 26_ Gros plan de 3/4 sur le visage de Picasso, en contre-plongé, l’air un peu en colère : « Moi qui fait en sorte de t’oublier, voilà que tu me hantes. »
Case 27_ Plan de 3/4 sur le profil des deux statues l’une derrière l’autre, éclairé par la lumière de la fenêtre du rideau tombé. Picasso : « Ces bustes de bronze… Je les entends parler, parfois. C’est comme si j’entendais ta voix. »
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Pleine page, avec la case 28 comprise dans la page 29, en haut à gauche :
Case 28_ Plan d’objet sur un clou rouillé où est accroché le lourd rideau. La main de Picasso est en train de saisir le rideau pour le rabattre. « Tu as eu une vie si riche et si pauvre. Tu n’es plus qu’un souvenir de ma jeunesse. »
Case 29_ Plan d’ensemble de l’entrepôt : la pièce est de nouveau plongée dans la pénombre, Picasso se dirige vers la porte. Écrit dans un bandeau : « Je pars maintenant. Souviens-toi que l’amour est une ortie qu’il faut moissonner à chaque instant si l’on veut faire la sieste à son ombre. » (Je précise ici que c'est un citation d'un poème de Picasso)
Page 7_ Musée Picasso à Paris, 2016
Case 30_ Plan d’ensemble d’une salle d’exposition en plongé, très en hauteur. Il y a beaucoup de monde. L’endroit est un grand espace où sont exposés les statues. Il y a un bruit de bavardage continu en fond sonore.
Case 31_ Gros plan objet sur le buste de 1906 de Fernande. Quelqu’un déchiffre l’écriteau sous le buste : « ‘’Tête de femme’’… Entre parenthèse, ‘’Fernande’’… » ; Un autre voix lui répond : « C’est l’une des compagnes de Picasso ! »
Case 32_ Plan poitrine horizontal, de 3/4, sur les deux bustes de 1906 et de 1909, alignés. Les voix continues : « Celui-ci est plus classique… Quant à l’autre, il est tout biscornu et boursouflé, et étrangement anguleux... Les reflets de la lumière sont beaux. » ; « Oui, ce buste à plus de caractère. L’autre est lisse, mais les traits seulement esquissés lui donne un air mystérieux. » ; « Et tu disais aussi qu’elle a été compagne ? »
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Case 33_ Plan taille sur le couple côte à côte et qui discute à propos des deux bustes. Elle lui tient le bras. Ils ont dans la trentaine. L’homme reprend : « C’était même la première. Elle était jeune lorsqu’elle était avec lui. »
Case 34_ Plan de demi ensemble de 3/4 dos au couple qui sont toujours devant les bustes. Ils gardent le silence, plongés dans la contemplation des deux bustes.
Case 35_ Plan face au couple qui esquisse un mouvement vers leur gauche, pour continuer leur chemin. La femme dit : « Ce devait être une belle femme. » ; l’homme lui répond : « Et courageuse, aussi ! Et maintenant, elle est comme immortelle, sculptée dans ce métal. »