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Le Monde de L'Écriture » Encore plus loin dans l'écriture ! » L'Aire de jeux » Défis Tic-Tac » Premier jet épilogue d'un roman à boucler [Tic-Tac 12 juillet 2023]

Auteur Sujet: Premier jet épilogue d'un roman à boucler [Tic-Tac 12 juillet 2023]  (Lu 896 fois)

Hors ligne Rémi

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Tic-tac un peu spécial, le premier jet de l'épilogue d'un bouquin que je galère à terminer. Du coup, pas de couverture avec un titre comme d'habitude...
Au moins, j'ai de la matière pour travailler maintenant. évidemment, pas simple de capter le truc sans voir lu le bouquin, mais des retours sur la forme son bienvenus quand même ^^




Malgré les fenêtres ouvertes, Michèle étouffe. Le sonate de piano légère qui sort de sa radio sonne incongrue dans l’air plombé. L’inspectrice gagne la salle de bain et s’asperge la tête d’eau fraiche. Elle regarde son visage dégoulinant ; elle a trop souvent vu ses larmes couler dans ce miroir, ses yeux défaits, sa crinière grise pleine de nœuds. Depuis la cuisine, la musique s’estompe, remplacée par le jingle des informations.
Ce matin à Orléans, la police a de nouveau arrêté un homme qui diffusait des cassettes interdites contenant les vidéos des crimes atroces de celui que l’on a nommé l’artiste meurtrier, à la fin de l’année dernière. Quatre hommes sont actuellement jugés par la cour d’assise de Douai pour des faits similaires. Le procureur de la république a rappelé encore une fois que…

Michèle se précipite et appuie sur le bouton de son vieux transistor. Elle halète et ferme les yeux. La grande croix apparait derrière ses paupières. Lesaffre criblé de balles suspendu devant. Ça ne s’arrêtera donc jamais ? Elle se masse les tempes, s’allonge sur son canapé et se met à respirer très lentement. Son chat vient s’allonger contre sa cuisse, elle lui caresse la tête du bout des doigts. Mais les images ne veulent pas sortir de sa tête. Et son cœur ne veut pas se calmer, ça cogne derrière son front, ça frappe. Comme des explosions. Michèle entend des coups de feu. Alors, elle se lève. Il faut sortir, voir d’autres lieux que cet appartement dans lequel elle rumine depuis plus de six mois. Avec un peu de chance, Jérémy sera place de la République, avec ses potes. Il y passe toutes ses après-midi depuis la fin de l’année scolaire. Le voir, simplement le voir. Et lui parler, peut-être.

Michèle verse le fond de la théière dans une bouteille en plastique, y glisse quelques glaçons, deux tranches de citrons et complète avec de l’eau. Elle fourre la bouteille dans son sac, s’assure que son chat a encore à boire et sort de son appartement. Dehors, l’air est suffocant, on dirait que plus rien ne bouge. Et pourtant l’odeur d’hydrocarbure lui saute à la figure. Une Renault 16 s’arrête au passage piéton, le vieux type derrière le volant pose ses yeux sur elle. L’inspectrice voudrait le regarder avec moins d’appréhension ; pas de la faute de ce bonhomme s’il est chauve et porte des lunettes comme Lesaffre. Elle accélère le pas et remonte la rue Jeanne d’Arc. Même les arbres ont soif. Sa chemise colle dans son dos, Michèle sort la bouteille de son sac et la passe contre son front. Elle voudrait ne pas cligner des yeux, ne pas laisser le temps aux images ignobles de se frayer un chemin.

Lorsqu’elle arrive derrière le Palais des Beaux Arts, une bourrasque emporte les feuilles d’un journal desseché et la poussière se colle sur ses bras nus. Michèle se sent poisseuse, au moins autant au dedans qu’au dehors. Comment se rincer de cette crasse ? Elle hésite. Faire demi-tour ? Retourner se terrer ? Immobile au croisement de la rue de Valmy, elle lève les yeux vers les statues dorées qui coiffent les dômes du musée. L’art éternel. La vanité. La mort. Des coups de feu qui résonnent, le sang qui gicle. Voilà, même les yeux ouverts, les images la submergent. Elle chancelle mais décide d’avancer. Voir Jérémy, c’est tout ce qu’elle veut. Des semaines qu’elle n’a pas pu dire un mot à son fils, qu’il l’évite et qu’elle aussi, elle n’a pas la force. Il faut mettre fin à cette transe, faire sauter la chape de béton qui les écrase. Et encore les images qui viennent, suggérées par ce « béton qui écrase ». La pierre qui frappe et broie les os ; les tonnes de farine qui étouffent jusqu’au fond des poumons. À nouveau, elle s’est arrêtée. Une rafale soulève un nuage de poussière qui l’enrobe, se colle à sa peau. Une glue minérale se forme sur ses bras, ses chevilles.

Michèle pousse un petit cri rauque et s’ébroue. Elle n’a pas le choix, il faut que ça cesse. Elle se met à courir le long du Palais des Beaux Arts, débouche sur la place de la République qu’elle traverse en diagonale, jusqu’à la fontaine où elle trempe ses bras. Elle se frotte le visage, enlève ses chaussures. Elle n’a pas croisé Jérémy. Tant mieux, vu son état. Un groupe de skateurs est bien là, mais pas son fils. Elle s’assied sur la margelle de la fontaine, hagarde.

Les jeunes ont posé un gros double cassette sur un banc. Check your Head, des Beasty Boys. Michèle reconnaît ce titre, Jérémy lui a passé une copie de l’album, lorsqu’ils pouvaient encore se parler. Avant… À bien y regarder, les jeunes sur leur planche son des copains de son fils, elle a déjà vu ce rouquin et le petit mec avec son survêt. Et, d’un coup, Jérémy apparaît, de derrière un arbre. Il balance son skate sur le bitume, saute dessus et rejoint le groupe. Lorsqu’il fait basculer sa planche pour l’attraper d’une main, il pose ses yeux sur sa mère et se fige. Derrière Michèle, une moto démarre en pétarandant. Quatre détonations puissantes résonnent sur la place. La mère et son fils, en même temps, se plaquent les mains sur les oreilles et ferment les yeux, très fort. Lorsqu’ils les rouvrent, ils se regardent en tremblant. Michèle se lève et se dirige vers son fils, d’un pas mal assuré. Jérémy reste tétanisé quelques secondes avant de jeter son skate sur le côté. Il se retourne et détale. Comme un jeune homme qui verrait la mort face à lui. Comme un gamin face à un cinglé avec un canon scié. Michèle lache son sac et tombe à genoux, la tête entre les mains. De la bouteille percée, le thé glacé s’écoule sur le goudron brûlant.
« Modifié: 13 juillet 2023 à 00:11:43 par Rémi »
Le paysage de mes jours semble se composer, comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J'y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d'instinct et de culture. Çà et là, affleurent les granits de l'inévitable ; partout les éboulements du hasard. M.Your.

Hors ligne Kwak'

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Re : Premier jet épilogue d'un roman à boucler [Tic-Tac 12 juillet 2023]
« Réponse #1 le: 13 juillet 2023 à 00:50:21 »
Yo !

Bon, on sent que c'est un extrait d'un grand projet plus global qu'on ne sait pas encore ^^^

En tout cas, une chose : tu es dans l'action, et ça marche vraiment bien. Tous les verbes emmènent, situent, emportent : y'a un rythme de dingue. Les phrases sont courtes, efficaces, claires. Tout est accompagné d'une action, c'est maitrisé de fou. Tout est situationnel (et moi j'arrive pas à faire ça, faudrait que je me martèle ce truc, toi, vraiment, tout décrit un geste, c'est vraiment précis.)

Après j'avoue que n'ayant pas le reste du coup, ça me perd et m'intrigue à la fois - surtout quand tu cites les beasty haha.

Y'a un truc au milieu qui m'a fait frisonner :
Citer
"Même les arbres ont soif"

Dans toute cette action et ce situationnel, ça ressort comme une friandise ;)

Pour donner une voie d'amélioration, écrire c'est réecrire, je sais pas si y'a pas un peu beaucoup de virgules (et c'est moi qui dit ça...)...

Mais pour moi, à la fin, tu perds le rythme d'action ultra précis que tu avais au début, genre :
Citer
Michèle reconnaît ce titre, Jérémy lui a passé une copie de l’album, lorsqu’ils pouvaient encore se parler. Avant… À bien y regarder, les jeunes sur leur planche son des copains de son fils, elle a déjà vu ce rouquin et le petit mec avec son survêt.
Ca sonne plus surfait ^^

En tout cas, t'as une plume vraiment situationnel et précise, on voit vraiment la scène, je sais pas comment tu fais ;)

Hors ligne Cendres

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Re : Premier jet épilogue d'un roman à boucler [Tic-Tac 12 juillet 2023]
« Réponse #2 le: 13 juillet 2023 à 16:58:02 »
Merci pour ton texte.

C'est avant tout descriptif. Il me semble qu'il se passe il y a longtemps, certainement les années 80.
Je ne sais pas pourquoi la mère est en froid avec son fils. En plus, il me semble jeune, comment fait il pour vivre hors de chez elle ?

Comme tu disais il est un extrait d'un écrit que tu réalises actuellement, je pense que mon questionnement vient de la.

Hors ligne Rémi

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Re : Premier jet épilogue d'un roman à boucler [Tic-Tac 12 juillet 2023]
« Réponse #3 le: 13 juillet 2023 à 22:32:04 »
@ Kwak'
Citer
Dans toute cette action et ce situationnel, ça ressort comme une friandise ;)
je l'ai senti en l'écrivant ; ça, je vais garder, je pense.

je vais vérifier les virgules, ouaip.

Citer
Mais pour moi, à la fin, tu perds le rythme d'action ultra précis que tu avais au début, genre :

Citer
Michèle reconnaît ce titre, Jérémy lui a passé une copie de l’album, lorsqu’ils pouvaient encore se parler. Avant… À bien y regarder, les jeunes sur leur planche son des copains de son fils, elle a déjà vu ce rouquin et le petit mec avec son survêt.
Ca sonne plus surfait
Oui, petit essouflement à ce moment-là, faudra que je réécrive tout ça avec ça en tête.

Merci pour ton commentaire éclairant ;)

@Cendres
Ouaip, c'est au début des années 90s, c'est chouette que tu aies perçu ça !

La mère est divorcée, le fils vit chez son père.

Le paysage de mes jours semble se composer, comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J'y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d'instinct et de culture. Çà et là, affleurent les granits de l'inévitable ; partout les éboulements du hasard. M.Your.

Hors ligne Luna Psylle

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Re : Premier jet épilogue d'un roman à boucler [Tic-Tac 12 juillet 2023]
« Réponse #4 le: 14 juillet 2023 à 14:17:55 »
Salut !

Pour la forme, juste un détail m'a chiffonnée :

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Le sonate de piano légère qui sort de sa radio sonne incongrue dans l’air plombé.
Le/sonate/légère ? Y'a pas un soucis quelque part ? ou c'est juste moi qui mélange tous les masculins/féminins ?
La sonate légère ?

Sur le fond :

Je vais pas nier, on manque de contexte, mais en même temps, pas tant que ça. J'entends par là qu'on comprend vite les enjeux, notamment la relation mère/fils que j'ai deviné un peu en filigrane. Michèle se précipite et appuie sur le bouton de son vieux transistor. : l'enjeu de son mal-être, presque énoncé, qu'elle cherche à éviter. Le voir, simplement le voir. Et lui parler, peut-être. : là, j'avais bien compris qu'il y avait soit conflit avec le fils, soit une demande d'éloignement en cours ou un truc du genre. Pas besoin de plus pour deviner le mal-être de la mère, presque un besoin de pardon. Bref ! tout est dit (ou rappelé si c'est un épilogue) pour moi.

Une bonne journée à toi !
If the day comes that we are reborn once again,
It'd be nice to play with you, so I'll wait for you 'til then

Hors ligne Basic

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Re : Premier jet épilogue d'un roman à boucler [Tic-Tac 12 juillet 2023]
« Réponse #5 le: 14 juillet 2023 à 16:34:22 »
Bonjour mister Rémi, l'homme qui a vendu son âme au diable pour vendre des tonnes de livres... ton secret est éventé.

Bon, la Michèle, toujours au top.
Je me disais, il va l'amener voir un psy, entre deux bouquins mais non. Démon va !

Bon un commentaire donc
direct sans tergiverser

B

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Hors ligne Rémi

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Bonjour mister Rémi, l'homme qui a vendu son âme au diable pour vendre des tonnes de livres... ton secret est éventé.
j'ai pas compris la vanne  :-[

Sinon, encore un grand merci pour ce retour ; je vais retravailler ça dans la semaine j'espère et poster dans le fil du polar (que j'ai fini de relire y a pas longtemps).
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Re : Premier jet épilogue d'un roman à boucler [Tic-Tac 12 juillet 2023]
« Réponse #7 le: 18 juillet 2023 à 06:03:48 »
une blague nulle de plus sur ta dédicace
qu'une histoire de jaloux  :-\

au fait même si elle est dépressive, content de retrouver cette Michèle.

B
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Hors ligne Rémi

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Re : Premier jet épilogue d'un roman à boucler [Tic-Tac 12 juillet 2023]
« Réponse #8 le: 18 juillet 2023 à 21:55:46 »
Pas de problème Basic ;)

Et merci Luna pour ton commentaire,  oui sonate est bien féminin !

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Pas besoin de plus pour deviner le mal-être de la mère, presque un besoin de pardon. Bref ! tout est dit (ou rappelé si c'est un épilogue) pour moi.
Complètement, oui, un besoin de pardon. Chouette si ça passe dans cet épilogue.
Le paysage de mes jours semble se composer, comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J'y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d'instinct et de culture. Çà et là, affleurent les granits de l'inévitable ; partout les éboulements du hasard. M.Your.

 


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