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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » T30-Verres et cristaux

Auteur Sujet: T30-Verres et cristaux  (Lu 5186 fois)

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  • Calame Supersonique
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T30-Verres et cristaux
« le: 18 août 2018 à 10:28:06 »
Je vois des larves de moustiques tressaillant dans une flaque trouble.

Je vois de la vermine figée dans des plaques d'ambre.

Je vois du blanc d’œuf coagulé dans un bol à fleurs qui montre ses fêlures.








Un jour, à la campagne, je suivais dans ma 4L un tracteur et sa remorque trop pleine. D'un peu près, puisque j'espérais le doubler rapidement, à cause de l'odeur. Un cahot plutôt brutal dans une montée avait suffi à couvrir tout mon capot et mon petit pare-brise rectangulaire d'une généreuse couche de lisier. Je m'étais arrêté sur-le-champ, puis j'avais actionné mes essuie-glaces en pompant rageusement du bout du pied pour faire monter le liquide. Eh bien, c'est exactement la même chose : imaginez ce pare-brise devant vous, vaseux comme une épave au fond d'un canal, en cinq secondes il avait retrouvé sa transparence. C'est exactement la même chose quand "ça" m'arrive. Je vois soudain à travers. Je vois clair.
Quoique cette image soit un peu discutable quand j'y pense parce qu'en fait, parfois, et même trop souvent, quand la transparence se fait, c'est justement le lisier qu'il y a en vous que je vois soudain. C'est là que vous ressemblez le plus à des bocaux. De ronds bocaux à poissons rouges, remplis à ras-bord de toute cette boue que vous cachez, et qui subitement m'apparaît. Vos secrètes moires putrides se déroulent sous mes yeux, dansent comme des écheveaux d'algues molles, tournent sur elles-mêmes, se livrant sans pudeur à mes regards écœurés.

Insupportable.

Il y a longtemps que j'ai appris à m'empêcher.

Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours eu de ces moments de clair-voyance, comme je les appelle quand je suis optimiste. Mes petits amis de l'école maternelle m'apparaissaient alors soudain comme je vois encore aujourd'hui les jeunes enfants si je le désire : de jolies bonbonnières de verre, toutes remplies de petites boules de couleur pastel, nageant en apesanteur et se heurtant mollement au ralenti. Comme l'âme des enfants est belle, simple et colorée ! Il y a bien parfois ici ou là au fond de leurs bocaux de petits gravillons tout durs, mais si prompts à se dissoudre, si éphémères. Je pouvais passer des récréations entières à me repaître de ce ballet multicolore des pensées primaires de mes condisciples, qui m'apparaissaient sporadiquement contre mon gré. Du reste, j'ai longtemps cru que parfois ils me voyaient aussi tout l'intérieur de la même façon.

C'était beaucoup plus terrifiant de percevoir ce que cachaient certains adultes derrière leurs atours chatoyants, souriants et trompeurs. C'est bien à certains d'entre eux que je dois d'avoir très vite essayé de me fermer à cette lucidité involontaire qui pouvait rapidement transformer un simple repas de famille en scène de Grand Guignol effarante.

Au début, je voyais surtout des couleurs. L'oncle Christophe s'avérait, malgré son visage avenant, regorger de pensées visqueuses et brunes. Une mélasse bitumeuse qui le remplissait petit à petit quand il était en présence de papa, et que je craignais toujours de voir jaillir hors de lui comme un geyser de pétrole dans un album de Lucky Luke. Mamie, violet foncé convulsé et anxiogène. Papi, brume impalpable et lactescente. Maman restant invariablement de ce joli vert pâle menthe-lait, et papa d'un soyeux gris argent si reposant, et rassurant.

Puis j'avais fini par percevoir des formes. Les pensées sales de certains adultes parvenaient à se cristalliser pour me donner à contempler des images que je ne voulais pas voir.

Vos vices. Votre laideur. Vos envies, votre concupiscence. Jaloux, pourris, égoïstes, lâches. Frustrés.

J'ai fermé. Autant que j'ai pu. Comme on préfère clore les persiennes sur un ciel trop noir. Maladroitement au début, à la manière dont on se cache les yeux avec des doigts en éventail qui n'occultent rien du tout. Puis de plus en plus fort, pour survivre. Pour échapper.

Ensuite il y eut les jeunes filles.

Dieu m'est témoin que j'ai essayé, que j'ai joué le jeu aussi longtemps que possible, à chaque fois. Je savais, je savais bien qu'il ne faut pas regarder dedans les filles que l'on aime, et qui croient vous aimer.
Je les vois encore, avançant vers moi, comme une femme enceinte suit son ventre, précédées d'un saladier de verre empli d'eau claire, dans lequel ballottait leur cœur rouge et brillant comme une pomme d'amour. Je fermais alors mon œil magique et je jouissais d'elles jusqu'à... jusqu'au premier doute.
Je luttais, je m'y refusais, je durais, je résistais, le plus longtemps possible. Puis un jour j’entrebâillais tout en sachant très bien que j'avais tort, que je le regretterais. Que ce que je verrais n'aurait pourtant pas d'importance, pas vraiment de sens. Mais.
Je voulais, je voulais savoir. Comme on scrute un baromètre alors qu'il fait si beau. Pour voir.
Et je voyais. J'entrouvrais ma paupière, et considérais le saladier transparent. Et je voyais. L'eau, parfois, était déjà très légèrement turbide. Ou bien le cœur rouge et brillant avait un peu changé de forme, ou encore il n'était plus si brillant, ou plus si rouge. Ou bien. Parfois, comme au cœur d'une boule de cristal, je voyais apparaître le visage d'un homme. Plus ou moins nimbé d'une aura de perfection. J'ai même quelquefois découvert des scènes plus... précises. Je savais alors que j'avais sans doute ouvert l'œil bien tard.
Dans tous les cas, du léger trouble aqueux à la preuve adultérine, qu'il y ait faute manifeste ou simple léger début de lassitude, je rompais. Je savais que dorénavant je n'aurais de cesse de consulter le baromètre pour y voir évoluer le désamour. Qu'il n'y aurait pas de répit. Que je précipiterais l'issue.

Comme j'ai eu tort.

Je n'ai guère pu, non plus, endurer très longtemps des professions qui me mettaient en contact avec les gens. J'avais beau me fermer à double tour, pendant mes sessions chez McDonald's, tenir le drive devenait parfois une mission impossible, à supporter les méduses flasques et collantes qui flottaient derrière les pare-brise, ou des armées d'agrafeuses avides qui cliquetaient en vain derrière les vitres intimes.
Et l'école d'infirmières, pour découvrir que les peurs sont plus laides que les maladies, que les résignations ont des couleurs écœurantes. Que les médecins ne sont pas plus rassurés que leurs patients, ou que dans leurs bocaux barbotent bien des ludions glauques.

Que les gens sont laids du dedans !
En tout cas, je l'ai cru, bien longtemps.

Jusqu'à ce que je rencontre Benoît. Benoît mon ami. Le seul à qui je me sois ouvert. Évidemment, je l'avais longuement scruté intérieurement avant d'oser m'épancher, quoique « longuement » soit un bien grand mot. Benoît, limpide et coloré comme un vitrail en plein soleil vu de l'intérieur frais et ombreux de l'église, la rosace claire qui m'a enfin éclairé, j'ai su assez vite que rien de sombre ne l'habitait. D'ailleurs, il est si pur que me montrer ses recoins profonds ne l'a jamais troublé. Pas impudique, juste angélique. C'est Benoît qui m'a ouvert les yeux sur ce que je voyais sans le comprendre vraiment.

Il m'a montré que derrière les vitrines profondes, pour moi seul s'agitaient les démons intérieurs. Combien, combien d'entre eux s'échappent, en vérité ? Le geyser de l'oncle Christophe n'a finalement jamais jailli, ma grand-mère faisait les meilleurs beignets de la terre, les prodiguant avec autant de profusion que ses bisous. Monsieur Clément n'a jamais de toute sa vie glissé sa main dans le maillot de bain des petits garçons, bien que son envie le rongeait chaque jour, comme un lierre. Madame Verdier n'a jamais giflé madame Maréchal, le grand Christopher jamais couché avec Morgane sa sœur, et le fleuriste de la rue Laloy n'a jamais disparu avec la caisse.

« Arrête de les détester pour ce qu'ils pourraient faire. Aime-les plutôt pour ce qu'ils ne font pas. Admire-les pour leur maîtrise, leur retenue, ces interdits qui les hantent et qui les structurent. En proportion, rares sont ceux qui cèdent. Plains-les. »

Sisyphes lestés par leur fardeau secret, leurs peurs, leurs regrets, leurs remords. Sisyphes frustrés et malheureux, stoïques et souvent impassibles. La pierre est lourde, et pentu le chemin, je sais.
Je suis retourné à l'école d'infirmières, rendre service ne devrait pas m'être trop difficile. Et puisque je vois, je peux comprendre. Soulager.
Et puis Benoît m'a appris autre chose que je n'avais pas su voir : dans les bocaux internes balancent parfois de jolis lustres à pampilles, bobèches aux reflets changeants, lentilles de Fresnel des phares intérieurs. Tournent les liqueurs dorées de l'empathie ou de la bonté simple. Poudroient les ailes de papillons de la gaîté sans fards, du courage, de la loyauté. Tout ce qui rend les gens beaux du dedans, et qui ne se voit pas toujours dehors.






Je vois des bulles rouler sous la glace, comme un jeu de billes de mercure.

Je vois les gouttes de pluie se poursuivre sur la vitre du train.

Je vois des galets frais, ronds et blancs, rincés par une eau si claire, pratiquement invisible.


« Modifié: 29 septembre 2018 à 10:49:50 par Mout »
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Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #1 le: 23 août 2018 à 16:42:38 »
Salut Mout :)

Détails et chipotages :

Citer
Que ce que je verrais n'aurais pourtant pas d'importance, pas vraiment de sens.
n'aurait

Et puis rien d'autre à dire pour le détail.

Très joli texte, j'aime beaucoup. Moi qui n'aime pas les écritures trop riches, j'ai apprécié la tienne qui sait utiliser un vocabulaire et des structures complexes mais toujours maîtrisées.
J'aime bien aussi l'encadrement du corps du texte par trois petites phrases sombres au début, lumineuses à la fin.

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Le paysage de mes jours semble se composer, comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J'y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d'instinct et de culture. Çà et là, affleurent les granits de l'inévitable ; partout les éboulements du hasard. M.Your.

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Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #2 le: 23 août 2018 à 18:34:00 »
Merci Rémi, pour avoir si peu à dire, ou redire.
C'est certainement bon signe. (J'ai corrigé la coquille).

Je suis content et rassuré que mon texte t'ait plu.

Merci encore pour ton passage.
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Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #3 le: 23 août 2018 à 21:36:38 »
Y avait bien un truc qui m'avait chiffonné (et oui, je chipote), mais je ne voyais pas trop quoi ni comment clarifier la chose. C'est ici :

Citer
Je m'étais arrêté sur-le-champ, puis j'avais actionné mes essuie-glaces en pompant rageusement du bout du pied pour faire monter le liquide. Eh bien, c'est exactement la même chose : imaginez ce pare-brise devant vous, vaseux comme une épave au fond d'un canal, en cinq secondes il avait retrouvé sa transparence. C'est exactement la même chose quand "ça" m'arrive. Je vois soudain à travers. Je vois clair.
Je pense que le "Eh bien, c'est exactement la même chose : " est de trop.
Il crée une rupture qui doit être résolue ensuite et je ne pense pas que soit nécessaire.
Ou alors, "Eh bien, c'est exactement la même chose quand ça m'arrive :", mais là, la répétition va être lourde.
Si tu supprimes le "Eh bien, c'est exactement la même chose : ", je pense qu'il faut reprendre le "Eh bien," après "transparence"

Citer
Papi brume impalpable et lactescente.
peut-être une virgule après "Papi"

Citer
comme une femme enceinte suis son ventre,
suit

Citer
Dans tout les cas, du léger trouble aqueux à la preuve adultérine,
tous

Citer
Sisyphe lestés par leur fardeau intérieur, leurs peurs, leurs regrets, leurs remords. Sisyphe frustrés et malheureux, stoïques et souvent impassibles.
faut-il mettre Sisyphe au pluriel ici ? J'avoue que je ne sais pas

Citer
lentilles de Fresnel des phares intérieur.
ici, je pense qu'il faut un "s" à intérieur même si je ne suis pas sûr.


Toujours aussi convaincu après cette nouvelle lecture ;)

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Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #4 le: 24 août 2018 à 12:48:54 »
Salut Mout,

Le texte est bien écrit je trouve, il se lit vite.

Une remarque : "J'ai du reste longtemps cru que" > peut-être même des virgules autour de "du reste", la phrase est dure à lire sans.

J'ai bien aimé :) C'est assez frais et bien vu, la fin n'est pas attendue. Il y a des petits trouvailles sympathiques, j'en garderai un bon souvenir. Le message du texte n'est pas trop vu et revu non plus. Merci pour cette lecture.

Une question par curiosité, est-ce volontaire que la pureté de Benoit soit présentée à travers des références religieuses ?

Bonne suite !

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Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #5 le: 24 août 2018 à 21:58:04 »
- Rémi : voilà qu'à ton deuxième passage, tu me débusques de nouvelles coquilles, j'appréhende sérieusement le troisième...  :o  j'ai tout corrigé. Je pense que pour les sisyphes, le "s" du pluriel devient possible si j'en fait un non commun. Cela dit, vu qu'ils sont en début de phrase, pas moyen de voir que j'ai fait sauter la majuscule. lol
Ta remarque sur "Eh bien, c'est exactement la même chose : "  me pose problème. Là où tu vois une rupture, je pensais avoir glissé une sorte de hameçon, qui, comme tu le dis toi-même, doit se résoudre. Je pensais que cela pouvait servir à harponner le lecteur de parler de quelque chose que je n'explique qu'un peu plus loin.  Peut-être qu'il y a rupture, en effet, je te fais confiance, mais est-ce grave puisque l'introduction est terminée et que l'histoire commence ? Tu me laisses perplexe.  :-\
Merci mille fois d'être revenu en tout cas.

- Spes : j'ai remanié toute la phrase que tu pointais, parce que les virgules hachaient un peu trop tout ça, vu qu'il y en avait d'autres...
Merci pour ton commentaire et les jolis compliments.
Quant à Benoît, seul mon inconscient l'a nimbé d'une aura religieuse... je ne m'en étais même pas rendu compte. Ma longue éducation catholique finit-elle par resurgir après très lente digestion ? Faut que je surveille mes prochains textes !  ;)
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Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #6 le: 24 août 2018 à 22:11:17 »
Citer
Ta remarque sur "Eh bien, c'est exactement la même chose : "  me pose problème. Là où tu vois une rupture, je pensais avoir glissé une sorte de hameçon, qui, comme tu le dis toi-même, doit se résoudre. Je pensais que cela pouvait servir à harponner le lecteur de parler de quelque chose que je n'explique qu'un peu plus loin.  Peut-être qu'il y a rupture, en effet, je te fais confiance, mais est-ce grave puisque l'introduction est terminée et que l'histoire commence ? Tu me laisses perplexe.
Prends le temps de réfléchir, ce n'est qu'un détail. Oui, ça fait bien un effet de hameçon ^^, et la façon de présenter l'hameçon est un art délicat :D
Vraiment, c'est un détail.

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Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #7 le: 29 août 2018 à 22:17:42 »
Bonjour Mout !

Je rejoins les autres dans leur enthousiasme ! C'est effectivement un beau texte.
Je n'ai plus grand chose à dire sur les détails, je pense :

Citer
Eh bien, c'est exactement la même chose : imaginez ce pare-brise devant vous, vaseux comme une épave au fond d'un canal, en cinq secondes il avait retrouvé sa transparence.
Je trouve bizarre de commencer par une comparaison, aux temps présents ("c'est exactement la même chose" ; "imaginez"), puis de finir la phrase par la fin du récit du tracteur, à l'imparfait ("en cinq secondes, il avait retrouvé sa transparence").

Citer
J'ai fermé. Autant que j'ai pu. Comme on préfère clore les persiennes sur un ciel trop noir. Maladroitement au début, un peu comme on se cache les yeux avec des doigts en éventail qui n'occultent rien du tout.
Deux fois "comme", il y a peut-être une autre manière de formuler ?

Citer
Je les vois encore, avançant vers moi, comme une femme enceinte suit son ventre, précédées d'un saladier de verre empli d'eau claire, dans lequel ballottait leur cœur rouge et brillant comme une pomme d'amour.
Un des rares passages qui ne m'ont pas convaincue… Même si j'aurais grand peine à te dire pourquoi ! Je crois que je n'accroche pas avec l'idée d'un cœur dans un saladier. Et puis, ah oui ! Je ne comprenais pas pourquoi, la première fois que tu fais référence à cette image de cœur et de saladier ton narrateur a "éteint" son pouvoir, et par la suite tu continues d'utiliser la même image alors que ton narrateur utilise son pouvoir. Ce n'est pas choquant, hein, mais moi j'ai juste pas super accroché.

Citer
Et puis Benoît m'a appris autre chose que je n'avais pas su voir : dans les bocaux internes balancent parfois de jolis lustres à pampilles, bobèches aux reflets changeants, lentilles de Fresnel des phares intérieurs. Tournent les liqueurs dorées de l'empathie ou de la bonté simple. Poudroient les ailes de papillons de la gaîté sans fards, du courage, de la loyauté. Tout ce qui rend les gens beaux du dedans, et qui ne se voit pas toujours dehors.
Bon, ça c'est mon côté assumé Oui-Oui au pays des licornes en sucre, mais j'aurais aimé plus d'emphase sur ce que les gens ont aussi de "beau" :) Je suis personnellement convaincue que, chez la plupart des gens, les deux s'équilibrent plus ou moins… Et qu'il y a autant d'être exceptionnellement "purs" que d'exceptionnellement "sales". M'enfin, de nouveau, c'est mon côté naïf optimiste qui parle, donc ne change rien, j'avais juste envie de le dire :noange:

J'aime beaucoup tes descriptions de l'intérieur des gens ! Et comme d'autres l'ont déjà dit, j'aime les trois phrases du début et celles de la fin, je trouve que ça ajoute beaucoup. Je trouve que tu as réussi à traiter ce thème, la transparence, avec beaucoup d'originalité. Ton texte est écrit dans un style agréable à lire, ni trop simple ni trop alambiqué, ça se parcourt vite et avec plaisir.


Voilà, en espérant avoir été utile !
Merci beaucoup pour cette lecture ! :)
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Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #8 le: 30 août 2018 à 13:36:26 »
Merci Ocubrea pour ton passage, et ta lecture attentive.

Citer
Je trouve bizarre de commencer par une comparaison, aux temps présents ("c'est exactement la même chose" ; "imaginez"), puis de finir la phrase par la fin du récit du tracteur, à l'imparfait ("en cinq secondes, il avait retrouvé sa transparence").
C'est curieux que cela te trouble. L'anecdote se passe au passé, mais tu parles à quelqu'un au présent, exemple : "Tu imagines la tête qu'elle faisait, sa robe était foutue. Tu comprends qu'elle soit vénère. "

Citer
Deux fois "comme", il y a peut-être une autre manière de formuler ?
J'en ai viré un, mais du coup c'est un peu moins fluide...

Citer
Je crois que je n'accroche pas avec l'idée d'un cœur dans un saladier.
Je peux le comprendre. Je pense que cette vision de l'intérieur des autres est très suggestive, et les images, les symboles que j'utilise me sont très personnels. Je comprendrais très bien que mes agrafeuses ne fassent pas du tout image non plus. Quand à ta remarque sur son œil qui devrait être fermé quand il rencontre les jeunes filles, eh bien, je ne l'ai peut-être pas trop clairement explicité, mais il ne parvient pas à l'empêcher de s'ouvrir de manière aléatoire.

Citer
j'aurais aimé plus d'emphase sur ce que les gens ont aussi de "beau"
Je pensais que le contraste était suffisant... C'est vrai que j'ai l'emphase modérée, et pourtant je kiffe les qualités d'humanité. Mon texte leur est un hommage, quoi que ce soit peut-être très estompé.

Voilà !
Merci beaucoup en tout cas pour tes commentaires bienveillants, encourageants et flatteurs.

À bientôt !

 :moutunjour:








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Re : Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #9 le: 30 août 2018 à 13:44:01 »
Citer
Je trouve bizarre de commencer par une comparaison, aux temps présents ("c'est exactement la même chose" ; "imaginez"), puis de finir la phrase par la fin du récit du tracteur, à l'imparfait ("en cinq secondes, il avait retrouvé sa transparence").
C'est curieux que cela te trouble. L'anecdote se passe au passé, mais tu parles à quelqu'un au présent, exemple : "Tu imagines la tête qu'elle faisait, sa robe était foutue. Tu comprends qu'elle soit vénère. "
Comme quoi, ce passage...  :-¬?
Le paysage de mes jours semble se composer, comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J'y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d'instinct et de culture. Çà et là, affleurent les granits de l'inévitable ; partout les éboulements du hasard. M.Your.

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Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #10 le: 30 août 2018 à 15:22:31 »
Re Mout !

Citer
C'est curieux que cela te trouble. L'anecdote se passe au passé, mais tu parles à quelqu'un au présent, exemple : "Tu imagines la tête qu'elle faisait, sa robe était foutue. Tu comprends qu'elle soit vénère. "
C'est plus le passage d'anecdote racontée à comparaison puis de nouveau à l'anecdote racontée qui me trouble :) Tu narres d'abord cette mésaventure avec le tracteur, en nous immergeant dans ce souvenir. Ensuite tu nous en sors pour nous ramener au moment où se passe ton récit actuel, par ce "Eh bien, c'est exactement la même chose" : à partir de ce moment-là, je m'attends à ce qu'on reste au temps de ton récit, que tu continues sur une comparaison, au lieu de quoi tu nous replonges dans la fin de ton souvenir. Je ne sais pas si je suis très claire, du coup. Pour dire les choses autrement, je crois que j'aurais préféré quelque chose dans les lignes de :

" Un jour, à la campagne, je suivais dans ma 4L un tracteur et sa remorque trop remplie. D'un peu près, puisque j'espérais le doubler rapidement, à cause de l'odeur. Un cahot plutôt brutal dans une montée avait suffi à couvrir tout mon capot et mon petit pare-brise rectangulaire d'une généreuse couche de lisier. Je m'étais arrêté sur-le-champ, puis j'avais actionné mes essuie-glaces en pompant rageusement du bout du pied pour faire monter le liquide. En cinq secondes, le pare-brise avait retrouvé sa transparence. Eh bien, c'est exactement la même chose : imaginez ce pare-brise devant vous, vaseux comme une épave au fond d'un canal, et les essuies glaces qui lui rendent sa transparence en un claquement de doigts. C'est exactement la même chose quand "ça" m'arrive. Je vois soudain à travers. Je vois clair.
Quoique cette image soit un peu discutable quand j'y pense parce qu'en fait, parfois, et même trop souvent, quand la transparence se fait, c'est justement le lisier qu'il y a en vous que je vois soudain."

(Je remarque au passage deux fois "c'est exactement la même chose", je ne sais pas si tu l'avais fait exprès…).

Enfin, pas comme ça évidemment, à ta manière, mais c'était juste pour illustrer ! De toute façon, comme l'a bien dit Rémi, ce sont vraiment des détails, je l'ai relevé mais j'aurais même pu ne pas le faire… Fais comme tu le sens ! Je suis revenue parce qu'à partir du moment où j'ai fait un commentaire je préfère que les auteurs comprennent réellement ce que j'avais voulu dire… Après, ils en font ce qu'ils veulent ;)

Citer
Je peux le comprendre. Je pense que cette vision de l'intérieur des autres est très suggestive, et les images, les symboles que j'utilise me sont très personnels. Je comprendrais très bien que mes agrafeuses ne fassent pas du tout image non plus. Quand à ta remarque sur son œil qui devrait être fermé quand il rencontre les jeunes filles, eh bien, je ne l'ai peut-être pas trop clairement explicité, mais il ne parvient pas à l'empêcher de s'ouvrir de manière aléatoire.
Ah ok je ne l'avais pas compris dans ce sens là, si je suis la seule laisse ça comme ça j'étais peut-être juste un peu lente du ciboulot ^^

Citer
Je pensais que le contraste était suffisant... C'est vrai que j'ai l'emphase modérée, et pourtant je kiffe les qualités d'humanité. Mon texte leur est un hommage, quoi que ce soit peut-être très estompé.
Comme je l'ai dit dans mon commentaire précédent, j'ai vraiment un côté le-monde-il-est-beau-le-monde-il-est-gentil, donc c'est juste une question de sensibilité personnelle ;)

A plus !

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Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #11 le: 31 août 2018 à 11:34:23 »
Bonjour Ocubrea !

merci beaucoup de repasser pour préciser ton ressenti...

Je lis, je relis, dans ma tête, puis à voix haute, ce fameux passage... eh bien  Zut de zut, j'ai deux soucis :

- d'abord je n'arrive pas à le trouver impropre, quoi que je commence à mettre le doigt sur ce que tu veux dire...

- eh puis j'ai beau essayer de le rédiger autrement, (en tenant compte aussi de ce que m'a dit Rémi)... rien de ce qui me vient ne le vaut... je vais essayer de le laisser reposer, on verra bien.

Merci encore, merci d'être revenue... et d'être précise et opiniâtre.

Bise de  :moutunjour:

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Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #12 le: 03 septembre 2018 à 16:55:37 »
bonjour,

comme je lis sur papier, je n'avais plus le titre (problème de copier-coller). Justement le titre, je ne le trouve pas vraiment en adéquation avec ton texte si riche et que j'ai beaucoup aimé. Le titre est "banal" à mon sens
L'approche de la transparence via le "don de  voir" est bien amené !
Je n'ai pas adhéré avec les 3 premières phrases et évidemment avec les 3 dernières. Je trouve qu'elles desservent ton texte, j'avais l'impression de perdre ton  texte justement.
à part ça, c'était un plaisir de lire un beau texte comme le tien. Et puis un peu de religion/croyance, ça ne peut pas faire de mal.

à bientôt

Hors ligne gage

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Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #13 le: 05 septembre 2018 à 11:16:51 »
Bonjour Moutjfjs-le-difficile-à-prononcer.

Merci d'être passé me commenter.

Je crois que le titre, au même titre (lol) que les 6 phrases qui te déplaisent, participe de ce chant lexical qui est la structure et la raison d'être du texte : la transparence. Tout est là, et j'ai essayé d'évoquer ce que peut contenir ce mot, concrètement et abstraitement. Y mêlant du dégoût ou de l'empathie, voire de l'esthétisme. J'ai dit "essayé" ...  :D

Le choix d'un titre est toujours un moment compliqué, en tout cas. Je serais curieux et ravi que tu m'en propose, pour que je voie ce qui est possible. Parce que l'un de mes soucis graves (pour un texte destiné à être "critiqué"), c'est qu'une fois que j'ai fait un choix, j'ai beaucoup de  mal à passer la gomme et repartir vierge de toute idée.

Merci en tout cas pour tes compliments, au plaisir.
"Tous ceux qui survenaient et n'étaient pas moi-même
Amenaient un à un les morceaux de moi-même". Apollinaire

Hors ligne Marygold

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Re : T30-Verres et cristaux
« Réponse #14 le: 06 septembre 2018 à 07:53:36 »
Hello Mout !

J’aime bien la langue, la narration, l’évolution du texte (surtout dans les phrases qui l’entourent). J’ai eu du mal à cerner l’âge du narrateur, du coup ce qui pourrait passer pour une révélation, une sorte de passage à l’âge adulte, à la fin du texte, peut tout autant s’avérer assez naïf si le narrateur est déjà adulte. Mais bon, malgré ce doute, j’ai bien aimé ce texte :)

J’ai noté quelques petites choses  :

Citer
Au début je ne voyais que des couleurs. L'oncle Christophe s'avérait, malgré son visage avenant, regorger de pensées visqueuses et brunes.
j’ai trouvé bizarre ce « visqueuses » alors que tu viens de dire « je ne voyais que des couleurs ».

Citer
Ou bien. Parfois, comme au cœur d'une boule de cristal, je voyais apparaître le visage d'un homme. Plus ou moins nimbé d'une aura de perfection. J'ai même quelquefois découvert des scènes plus... précises.
C’est un peu dommage de quitter l’abstrait, je trouve. D'autant que c'est la seule fois que ça arrive, non ? Je pense que le doute qui naît des changements de couleur, de forme, etc. peut être tout aussi douloureux - voire plus ? - pour le narrateur que le visage d’un autre.

Citer
qu'il y ait faute manifeste ou simple léger début de lassitude
Je trouve le combo « simple » « léger » « début » « lassitude » un peu lourd !

Citer
pendant mes cessions chez MacDonald's
sessions ?

Citer
ou des armées d'agrafeuses avides qui cliquetaient en vain derrière les vitres intimes
Là j’ai pas trop compris cette histoire d’agrafeuses…

Citer
  Que les médecins ne sont pas plus rassurés que leurs patients
Ouais, moi ça ne me choque pas tant que ça, enfin je veux dire que je ne mettrais pas du tout ça sur le même plan qu’une noirceur intérieure ou des pensées inavouables. Mais, toujours dans l’idée que le narrateur est peut-être assez jeune (c’est vrai que tu parles de McDo et d’école d’infirmières donc il a quoi, une toute petite vingtaine ?), il a sans doute encore quelques illusions sur le côté "superman" des médecins ^^

 Merci pour cette lecture !
Oh yeah ! 8)

 


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