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Auteur Sujet: 無為 Wú Wèi  (Lu 496 fois)

Hors ligne Grégor

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無為 Wú Wèi
« le: 09 octobre 2022 à 21:16:31 »
Le Non-agir

Cette notion de Non-agir ne m’était pas familière. Habitué à la philosophie positive de Spinoza, pour moi l’action était le véritable moteur du conatus et de notre joie sur cette terre.
Pourtant, étant à mes heures perdues compositeur de chansons, j’ai récemment refait l’expérience de la création d’un morceau et cela m’a donné à penser.
Il me faut entrer plus avant dans cette anecdote afin de pouvoir exprimer ce que j’ai cru découvrir.
Je suis en train d’essayer de créer une comédie musicale qui sera, je l’espère, jouée par des enfants. L’histoire est assez simple, il s’agit d’un robot qui cherche à s’émanciper de son travail. Un matin j’essayais de jouer un morceau et subitement sur un air me vinrent ces paroles : « Et je remonte la piste / Car c’est moi l’enquêtrice ».
Or, je n’avais jamais songé à ajouter ce rôle d’enquêtrice, il m’est venu de je ne sais où, au beau milieu d’un refrain, qui est de très bonne facture par rapport à ce que je suis capable de produire habituellement.
Tout cela est bien anecdotique et je m’en excuse, mais c’est grâce à cette expérience que je crois avoir saisi cette notion si importante de Non-agir.
En effet, je pense que notre cerveau, d’une certaine manière, est plus efficace sans nous. Il est capable de produire bien des choses en-dehors, ou dans le dos, de notre conscience. Peut-être même et d’après certaines études que j’ai survolées, notre cerveau est-il le seul décideur et la conscience n’est-elle que le reflet de cet agir qui se fait indépendamment d’elle. Je ne suis pas du tout en mesure d’entrer dans de tels débats mais il me semble, un peu à la manière de Nietzsche, que la conscience n’est pas si importante et sa volonté bien faible au regard de ce que peut le cerveau ou le corps (si l’on suit cette dichotomie entre conscience et reste du corps, cerveau compris).
Nietzsche, encore lui, avait eu cette phrase, qui m’a longtemps habité, qui disait en substance, qu’une idée ne venait pas au gré de notre volonté, que nous ne choisissions pas une pensée, mais qu’elle nous choisissait.
J’ai peut-être modifié le sens profond de ce qu’exprimait Nietzsche, mais je voudrais m’appuyer sur cette traduction de son propos afin de dire mon humble vérité. En effet, nous agissons peut-être consciemment en ce que nous nous préparons à accueillir une situation ou une pensée, nous nous disposons à accueillir quelque chose : la Vie (le Tao), qui, si nos dispositions sont bonnes, arrivera de la meilleure des façons, à la fois pour nous et pour elle-même, dans un jeu réciproque où nous sommes la Vie, dans la mesure même où nous délaissons notre ego et notre conscience.
Ce lâcher prise n’est pas pour autant, une attitude débridée. Comme j’essayais de l’expliquer, il est important d’être prêt et donc de se préparer, à accueillir une situation.
D’où l’importance des rites, qui ne sont pas des lois écrites et figées, mais une attention subtile et particulière au moment opportun, le Kairos.
Zhongguoren m’a fait remarquer à très juste titre que l’innocence, dont parle Jankélévitch et qui constituait le propos d’un de mes textes, intitulé innocence perdue que j’ai repris dans un autre texte intitulé, La vertu, est-ce la connaissance du bien et du mal ? est peut-être liée à l’a-moralisme chinois.
Je pense que cette remarque a été décisive dans l’élaboration de ce texte.
En effet, l’âme russe, le fait d’être et non de penser que l’on est, de profiter de l’instant sans réflexivité est je crois quelque chose de décisif dans ma vie de tous les jours.
Il est vrai que les moments de joie et de plaisir ne nécessitent pas de soins particuliers, on se laisse aller volontiers sans se poser de questions.
En revanche s’il arrive que l’on s’ennuie, il est toujours très bon comme remède à cet ennui de se remettre à ce que l’on fait et d’essayer de se laisser à nouveau captiver par le présent.
Je m’applique de temps en temps à essayer de rendre, grâce à cette méthode, ma vie moins insignifiante et plus amusante.
Montaigne, dans sa grande sagesse le disait avec ses mots si agréables, dont je me souviens mal, mais qui en substance voulaient dire ceci : « Quand je mange, je mange, quand je danse, je danse, quand j’écris, j’écris, voilà la sagesse. » Il ne s’agit pas de penser que l’on est en train de danser, mais de danser, simplement.
Les moments de conscience réflexive ne sont pas essentiels, ils sont souvent porteurs de blocages et de maladies spirituelles. Ce sont les blessures narcissiques ou les traumatismes psychiques, nos obsessions vides de réalité mais qui peuplent notre univers comme si elles étaient effectivement présentes, voire plus présentes que la présence même des choses et des êtres.
D’où la lutte Nietzschéenne contre ces arrière-mondes.
Fantasmes sans substance qui nous affolent.
Au lieu de cet égocentrisme maladif, le sage cultive l’absence à soi et la présence aux autres, y compris à l’autre qui vit en lui-même, son corps.
Nietzsche avait sans doute raison de critiquer l’organe de la conscience, qui selon ses dires, en substance, n’est que le dernier né et mal accompli de l’évolution de notre esprit.
Prendre conscience de la faiblesse de la conscience, cela revient à accepter comme conduite le Non-agir et à accepter d’accueillir l’essence du monde, le Tao, simplement et naturellement.
Du moins, telle est ma modeste thèse.
Je ne résiste pas à l’envie de vous faire partager ma petite chanson pour enfants, afin d’agrémenter mon texte.
Cordialement

https://soundcloud.com/user-133470018/cest-moi-lenquetrice?si=084929b224824da39d875de8291194fe&utm_source=clipboard&utm_medium=text&utm_campaign=social_sharing
« Modifié: 09 octobre 2022 à 21:28:30 par Grégor »

 


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