Premier tictac, je ne sais pas si j'ai bien compris le jeu mais here we go:
Le bateau-lavoir de Martin Ségurane voguait doucement sur la Seine, mouillant d’un port à l’autre, entre deux grandes buées, ces formidables profusions semestrielles de lavage de tentures, garde-robes, torchons et draps. La débauche de travail était loin derrière et tout aussi désespérément loin devant. Ses travailleuses plaisantaient et riaient, mais il savait que s’il ne pouvait pas les payer à temps, il aurait une rugissante protestation.
La concurrence des banlieusardes, femmes brusques et rudes qui charrient leur main d’œuvre jusqu’au centre de Paris en cariole bâchée, et l’apparition des lavoirs en fer rendaient le métier de laveuse urbaine tout bonnement impossible.
Imbéciles de paysannes, grognait Martin intérieurement. Comme si la vie à la ville n’était pas une punition suffisante, il faut qu’elles viennent souffrir ici.
Il ne voulait pas rater le marché de Javel et les commandes qu’il attendait désespérément. La gérante de son bateau, Madame Denis, avait promis que s’il y avait assez de travail pour les quinze filles ce jour-là, « vous serez tranquille jusqu’à la fête des Grenouilles ». C’était une entreprise assez risquée que de quitter sa place habituelle et dériver en aval pendant des heures, mais il était prêt à partir une semaine si nécessaire.
Le bateau-lavoir n’avait pas été désancré de son quai depuis des décennies. L’ancre rouillée et les cordes sèches geignaient et le moteur crachait toute sa résignation. Finalement, le bâtiment se mût et commença un exode lent et douloureux. Les filles, extasiées d’avoir leur propre balade en péniche, passaient devant les invalides, les Grand et Petit Palais, et même la toute-nouvelle tour Eiffel !
Et sous le soleil bas d'un hiver menaçant, la péniche à laver n'approcha de la boucle de la Seine que pour trouver là une flotille de pontons-lavoir, à la recherche du même idéal. Madame Denis étouffa un juron, et le Martin soupira : Nous sommes dans de beaux... !