les yeux gris- ou la rage
nous aurons les yeux gris des loups de votre enfance
dilatée la pupille absorbera la nuit
babines retroussées sur un croc blanc qui luit
expulsés du puits noir où sombrent vos consciences
le mépris la misère auront rongé nos cœurs
nous n’aurons ni regret ni pitié ni remord
dirons merde à vos dieux au fric et à la mort
nous rirons désormais du rire du vainqueur
les enfants de l’amer ont des reins de taureau
des envies de chacal enivré de colère
libérés du besoin de toujours vous complaire
dessous nos dents de tigre éclateront vos peaux
nous viendrons par milliers dévaster vos usines
incendier la machine et danser autour d’elle
tandis que le brasier la consume et la fêle
le soir même serons tapis dans vos cuisines
nous pillerons vos biens du grenier à la cave
nous violerons vos chats vos femmes vos enfants
votre basse piétaille appréciera nos dents
à nos lèvres leur sang rougira notre bave
des griffes pousseront à nos mains abimées
les pierres les boulons jailliront de nos doigts
et la loi du plus faible aura force de loi
quand nous ne jouerons plus à vouloir vous mimer
et la loi du plus faible aura force de loi
quand nous ne jouerons plus à vouloir vous mimer
aucun dieu ni drapeau ne soutiendra nos flancs
aucun hymne au très haut aucun héros aucune
croix ou croissant ni svastika ni poisson lune
quant à vous rien ne sert d’agiter un drap blanc
par meutes nous viendrons vous égorger nantis
nous aurons de la hyène à coup sûr le courage
nos échines courbées se dresseront de rage
enfin debout nous la racaille anéantie
nous viendrons de l’Afrique à bord de noirs radeaux
de l’Asie de partout de vos banlieues pourries
aiguisés par la faim sans le sou que la peau
sur nos os sans le moindre espoir de paradis
nous viendrons de partout surgirons des égouts
provinces délaissées favelas bidonvilles
ces lieux que le pouvoir garantissait serviles
enfermés dans le masochisme ou le dégoût
nous surgirons soudain au milieu du banquet
vous avez tué Socrate et voudriez de même
amener au trépas ces faces de carême
précaires loqueteux engeances de roquet
votre mépris de classe a fait de nous des ombres
relégués dans les périphéries les ghettos
glanant de ci de là des miettes du gâteau
si nous ne sommes rien nous nous avons le nombre
***
pour le moment bien sûr nous sommes chiens mendiant
perverse la caresse amère de la prime
poursuivant la chimère absurde de l’argent
suivant dans les media vos forfaits ou vos crimes
mais un jour la marmite implosera de haine
sous un ciel bas et lourd pesant comme un couvercle
vous nous injurierez sachant qu’on vous encercle
mais il sera trop tard pour resserrer nos chaînes
nous sommes le barbare endormi sous le joug
abêti abruti enconné comme éteint
mais rouge encor la braise excitée par la faim
bientôt viendra ton tour de nous tendre la joue
nous aurons les yeux gris des loups de votre enfance
dilatée la pupille absorbera la nuit
babines retroussées sur un croc blanc qui luit
expulsés du puits noir où sombrent vos consciences
et la loi du plus faible aura force de loi
quand nous ne jouerons plus à vouloir vous mimer