Oh, j'ai bien besoin de m'épancher ; et comme parler de musique est toujours insuffisant, je n'écris pas quelque chose comme une œuvre, car je n'aime pas ce qui est insuffisant, alors je m'adresse à vous. C'est pour dire que les Scènes d'enfants de Schumann, et particulièrement Réverie et Le poète parle, me sont toutes délicates.
Je les écoute depuis deux ans maintenant, mais c'est bien hier qu'elles me sont apparues, sous l'interprétation de Catherine Collard. Et hier, je suis resté figé sur le titre Rêverie pendant qu'il jouait, et j'y ai vu passer toute mon enfance à rêver par la fenêtre, j'y ai senti toute la substance bien chaude remonter. J'ai vu tous ces nuages tendres que je fixais avec beaucoup d'espoir sans bien savoir pourquoi. Une grosse larme de nostalgie (qui se gonflait depuis le début du morceau) a coulé en emportant toutes les autres. La musique s'est arrêtée, j'ai enlevé mon casque, et je n'ai plus arrêté de pleurer d'un grand sourire. Je me suis couché plein et les yeux fatigués.
Puis aujourd'hui, à ma pause déjeuner, j'ai réécouté les Scènes en entier ; j'ai été bouleversé de la même manière à Rêverie ; puis est arrivé Le poète parle, et dès le premier accord j'ai tout frissonné, et je me suis senti chaud à l'intérieur, la tête bouillante comme un chaudron. Ce qu'il dit là me parle beaucoup. Je ne sais pas ce que ça signifie, mais pour moi cette dernière pièce c'est le poète dans l'enfant qui parle, avec tout ce que ça implique comme espérance dans l'avenir, comme doute et questionnement. Toute l'aprem au boulot j'étais chamboulé, le regard dans le vague, avec un léger sourire.
Les Scènes sont mon enfance en musique. Tout est bon, et s'écoute dans la continuité (d'ailleurs, mieux vaut tout ou rien). Il n'y a rien de léger, et c'est d'une légèreté absolu. Ce n'est pas calme, c'est le calme fort ; la simplicité, mais pas de celle qui manque de matière, de celle pleine et qui sonne vraie. Ce n'est pas le douceâtre et le sirupeux pour des moments d'enfance, mais de véritables morceaux d'enfance. Et je me dis que ce qui est le plus immense en art, c'est ce qu'on a su capter de plus subtil ; que ce qu'il y a de plus grand, c'est de capter l'infime.
https://youtu.be/LZhMS9uqiUA?t=372