Les rayons du Soleil se réverbéraient sur le capot du moteur. Une journée de mai. Le vent faisait danser les champs de blé qui nous entouraient. Un dédale de couleurs se superposait, entre le rouge de la voiture, le jaune des cultures, le bleu du ciel et le gris de la route qui défilait. La ville n’était plus très loin. Je roulais vite.
Une autre couleur, plus subtile, se faisait remarquer. Le beige de ta peau autrefois blanche de fatigue et de maladie lorsque je t’avais rencontrée. La voiture progressait, de là où elle venait tu souriais.
Il était étrange de constater que l’amour et la haine sont les deux faces d’une même pièce de monnaie. Te rencontrer, c’était t’aimer et par conséquent te détester. Je me demandais où allait cet amour, que la voiture fuyait à toute allure, et qu’on ne voulait pas voir s’arrêter. Comme si s’en éloigner était devenu une nécessité. Pour toi, pour moi. Aimer, c’est fugace, intangible, ce n’est rien, c'est tout.
Derrière moi, le bleu du ciel brillait, à l’horizon, il ternissait. Toi, tu étais assise à mes côtés sans l’être, comme si je te voyais déjà dans le rétroviseur, comme si tu appartenais à ce monde coloré qui n’était plus mien.
Le moteur s’emballait, mes mains tremblaient sur le volant. Toi tu pleurais. Je t’avais apportée ce dont tu avais besoin, la vitalité nouvelle de tes joues, de ta peau, de ton regard, de ton être. Je t’aimais. Trois mots trop courts, trop peu.
J’étais enfin en ville. Je venais de te quitter. Je regardai le siège passager où depuis longtemps je discutai avec ton fantôme. Tu étais partie un jour de mai, ce qui me restait pour te ressentir était la haine. En attendant, je déviai de ma trajectoire.
La voiture s’écrasa contre un mur, dans un fracas aussi bruyant, que celui dont tu étais l’auteure, dans mon cœur.