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Auteur Sujet: Lettres de rotures du Rap français  (Lu 28016 fois)

Hors ligne Loup-Taciturne

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Lettres de rotures du Rap français
« le: 22 avril 2018 à 18:54:29 »
Le rap, du moins celui là,  littérature orale pour le moins écrite, par des écrivains de parole, celle des dépossédés de l'écrit d'élite, des insoumis à la langue des académismes, des formalismes, des hautes normes. La cible est consciente.

J'amorce l'épidémie avec Virus, plume aux envolées paronymiques saisissantes :. (dont j'ai parlé dans le post sur
Les Soliloques du pauvre)

Marquis de Florimont
« Qui est perdu aime éperdument
Risque gros au moindre flirt
Quand je m’accroche, c’est à mes dépens
Si seulement je gerbais des fleurs
Mais nan, j’arrose mes pleurs »

« J’ai bu et bu et rebu de la société
Y’en a à qui ça coupe les jambes, moi ça me les fait pousser
J’ai froid, j’ai soif comme le feu
Eh oui, manque de sommeil et maladie sont mes seuls moments d’euphorie
Comment je vais faire pour séduire et conclure ?
Les drogues dures ? Nan, j’ai peur d’Épicure »

« Seul un débit d’ébriété peut me débrider
Faire de moi ce joyeux débris
Endormi comme un briquet, je meurs d’effroi
Quand je m’aperçois que je me suicide en plusieurs fois »


https://www.youtube.com/watch?v=wHOEF8bRORc&t=0s&index=3&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3

Des fins
« J’pense aux discussions qu’on aurait pu avoir
À c’que j’essaye de pas r’faire ou parfaire mais j’peux pas t’en faire part
Tout est devenu insignifiant
Et j’sens que j’t’enterre vraiment, j’parle de moins en moins de toi au présent
Il m’écoute pas, il veut savoir c’que j’compte faire plus tard
»
https://www.youtube.com/watch?v=e26LcYylVBM&index=12&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3

Réflexion eternal
« Ce qui est bien quand t’es vraiment tout seul…
C’est que tu commences à être plusieurs…
Ce qui est bien quand t'es vraiment tout seul
C'est que tu commences à être...

J’étais pas moi-même donc forcément, je démens
Demande au temps qui court de bien vouloir être clément
Dans mon Trou Normand, j’suis passé du trouble au trouble
Pour accueillir le diable, il fallait bien que je me dédouble
»
https://www.youtube.com/watch?v=UdMDUW9EWNo&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3&index=22


La nuit se lève
(plus accessible musicalement – prod Al'tarba)
https://www.youtube.com/watch?v=6DJX7xs2GTI&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3&index=50

Et d'autres morceaux avec le groupe Asocial Club :

Creuser
https://www.youtube.com/watch?v=fJ-0TNzcBsU&index=21&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3

Ce soir, je brûlerai
« Peu d'chances qu'on discute
Si ta mère elle peint ou que ton père il sculpte
À bien y réfléchir, je nous préfère incultes
Impressionné ? Tout c'que t'as lu, on l'a vécu
J'suis passionné, j'écoute les dialogues dans un film de cul
C'est pour calmer tes (h)ardeurs qu'on t'inculpe
Pour ce doigt tendu qu'on t'a rendu au quintuple
Sensible en fonction des malheurs qu'on t'inculque
Ce fils de pute, obligé, fallait bien q'quelqu'un l'bute
Du coup, j'ai loupé l'début
Le talent n'est-il pas l'fait d'bien cacher qu'on en soit dépourvu
Non vraiment, c'qui nous r'pousse, au-d'là du tarif
C'est l'public que ça touche
C'est quand même chelou d'voir toujours les mêmes teu-tés dans une maison pour tous
(V'la les gueules)
J'ai bien tenter d'parler avec eux
Ça m'rappelle l'anglais, quand j'dis "oreille", on comprend "cheveu"
Ils ont ce don d'te faire sentir qu'ils sont chez eux
Que "ah bah non, désolé, y a plus d'chaise"
Dans leur salle, que des amplis Marshall, aucune MK2
Ils servent à qu'dalle comme une oeuvre d'art
À moins qu'tu montes un groupe avec un gratteur, un raciste et un bâtard
Bref, on les baise dans nos plus belles strophes
D'façon, j'y connais rien, mes albums préférés sont des best-of
C'est dans la rue qu'on fait les meilleurs cocktails
Ce soir, c'est décidé, j'irai brûler le centre culturel
»
https://www.youtube.com/watch?v=BABVK1dpEpI&t=0s&index=20&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3

C'est l'occasion d'une transition parfaite avec l'enragée Casez, dont le flow assonant est solidement asséné. Les images sont frappantes et le venin est gris. Plongée dans l'introspection d'une « racisée ».

« Je vais crever
Autant creuser maintenant
Prendre mes mesures et me peser
Qu'importent ma peau, mes vêtements
Cette boîte n'osera pas me refuser
J'ai supplié secrètement
Les ténèbres de venir m'épouser
J'ai gratté complètement
La terre où je veux me reposer
J'ai cramé les cloisons
J'ai quitté ma maison
Je suis trop épuisée
Je m'emporte sans raison
Les gens sont déguisés
Leurs yeux sont des tisons
J'ai bu pour apaiser mon trop peu d'horizons
Leur bonheur m'a baisée
J'ai cru en une liaison
Mes désirs sont usés
Ma tête est une prison
Je sais pas cicatriser
Je suivrai mes visions
J'attendrai la rosée
Et l'effet du poison
»
Casez (Asocial Club), Creuser

libérez la bête
https://www.youtube.com/watch?v=5av32E3mz0E&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3&index=19

Ennemi de l'ordre
« Je veux mordre car tout m’emmerde
Me porte à croire qu’on me pousse à perdre
Seul m’importent mon verbe et ma horde
Je suis à vie l’ennemi de l’ordre
»
https://www.youtube.com/watch?v=mJu4IMDbPhk&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3&index=17

Tragédie d'une trajectoire
« Pourquoi suis-je si radicale ?
Me méfie des mains tendues trop amicales
N'ai aucune tendresse pour mes tours verticales
Ni la bonne humeur de mon île tropicale
Tout ce que j'énumère n'a aucun humour, est noir et amer
Froid et sans amour, fade et sans saveur et a dans son sommaire
Un lexique et une grammaire pour cracher sur leurs mères
Pourquoi suis-je si marginale ?
Epouse la cause du faible de façon machinale
Ne vois que du complot dans les lignes du journal
N'arrive à dormir que dans un bruit infernal
Puisque j'ai les nerfs, l'impression qu'on m'ignore
Et que de toutes manières on en veut à ma crinière
C'est sans aucune lumière que je sors de ma tanière
Avec un poignard imprimé sur la bannière
»
https://www.youtube.com/watch?v=zhHY23499Js&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3&index=24

Pas à vendre
https://www.youtube.com/watch?v=oWPxQG0SF7U&index=25&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3

Sac de sucre
« Y'a pas d'champs d'canne en jachère
Tous les jours on y laisse et sa sueur et sa chaire
Et nos pauvres corps meurent, sans repos ni fraicheur
Avec chapeaux et foulards, pour contrer la chaleur
Descendants d'ces féroces croisières négrières
On garde force et courage, en chantant à plusieurs
Il n'y a pas qu'le salaire, pour creuser nos malheurs
Nos anciens tortionnaires, sont nos nouveaux employeur
»
https://www.youtube.com/watch?v=R-SD10rMlLQ&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3&index=23

Purger ma peine (Ambiance fusion rock, avec Zone Libre, dont l'ex guitariste de Noir Desir)
https://www.youtube.com/watch?v=FCp2i7IDcuM


J'enchaîne avec Dooz Kawa, un rappeur souvent apprécié pour sa plume et la musicalité de ses instru. Très agréable à écouter.

Poupée de son
https://www.youtube.com/watch?v=SKFKEiK-emc&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3&index=36

MC
« J'm'adresse aux blairs qui diront que j'suis mon thème
Mais ces regards sont des cicatrices qui rarement se referment
Comme des paupières abaissées
Amour tragique pour ABC car personne n'écrit de texte qui soit bien plus fort qu'un baiser
Pour ça qu'j'pourrais tous vous biaiser
Faire le poète, papier à lettre barré en mode sentimental
Avec la force de créer en main
Mais j'suis qu'un MC asocial qui n'a jamais cru en rien
»
https://www.youtube.com/watch?v=8JrVIQeA0Vc&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3&index=39

Histoire d'eau
« C'est ma force sans alarme, moi je vis dans les eaux calmes
S'y mirant le narcissisme des étoiles
Elles parlent à mes iris, mettent la lumière dans mes oreilles
Filles du pancalisme, les chimères devinrent réelles
Uniques beautés du ciel dans un monde de fiel
Uniques sucrées du ciel sur la voie lactée de miel
Et puisqu'elles aiment les rêveries solitaires du ruisseau
Les constellations s'isolent et reflètent les songes dans les cours d'eau et marécages
Les reflets de la lune sur le miroir des rivages
Mais la pluie vint ternir avec ombre et nuages
Les mélodies d'la lyre sur les couleurs des images
On vit les cieux se couvrir, avec le temps des orages
Venir, les tristes sires matérialistes qui songent
A définir pour occire la liberté du songe
A l'avenir, le rêve devient étrange
Cassandre ne prédit plus dans l'eau, oublie tous les destins
Et au descendre du bateau Morphée est clandestin
»
https://www.youtube.com/watch?v=bbT5BaZBGNQ

Dieu d'amour
https://www.youtube.com/watch?v=I6hDC1pyC4k

Message aux anges noirs
https://www.youtube.com/watch?v=HYVq35Trbfc&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3&index=37



Aller, deux pour finir, l'iconoclaste Furax Barbarossa, le « gitan », le « teuffeur », le « vagabond », le miraculé, et sa voix de pirate, au flow à la fluidité aquatique. Musicalement très agréable aussi.

Mauvais vent
« La blanche a fracassé des potes et si ma feuille l'est aussi
C'est que mon stylo me sert qu'à fumer le crack à cette époque
Je suis le bras cassé des pauvres, la valeur d'un homme
Je la connais mais gros j'ai pas assez d'épaules pour porter les malheurs d'un autre
Pour écrire ce que j'ai écrit, un vrai con ferait l'affaire
Avec la fièvre nous on se regarde maigrir, paraît qu'on fait la fête
Un dernier tango dans les bras de l'ammo', l'public s'esquive
Nique la vie mais dans les draps de la mort on sait plus qui baise qui
C'est un mauvais vent qui m’amène sur scène et dans la salle
Rimes amères, mon pe-ra saigne et tous ces gens-là l'savent
(…)
On m'a dit "Tu trouveras tout ça pérave ou ça t'plaira"
Mais ce putain de mauvais vent qui souffle est rare, il pousse à pper-ra
»
https://www.youtube.com/watch?v=z5Jlk82GEKg

L'étoile noire

« Si l'étoile noir a fait son taf, la misère mord les mêmes
Chez Liha ça s'anime, elle file après la vie qu'elle
Voulait offrir à sa famille, elle fuit la belle africaine
Pousse le bateau sur le sable, lourd de 500 autres
Elle repanse les blessures, le sabre aux jours de faim sans eau
Elle aurait voulu voir le soleil refaire fondre la merde
Mais elle est dans l'plus grand des sommeils dans le fond de la mer
Tu me rappelais que l'on paie tous
Fous moi la paix, ceux qui paient l'plus sont dans la baie de Lampedusa
»
https://www.youtube.com/watch?v=lKQoO0Sh9uM&index=11&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3

Oubliez-moi
« Dis lui que les vieux croupissent en soliste
Et qu'y a pas d'âge pour faire une dernière lettre suivi d'un nœud coulissant solide
Qu'il verra le gris de la ZAC, le prix de la sav'
Tu vas vraiment lui dire que la police le protège ? Mais vas-y quitte la salle !
Dis-lui bien qu'dehors c'est 100% dépravé
Qu'dans la rue qu'il voudra traverser coule le sang des braves, et
Et finalement j'croyais être un corps de glace stupide
Pourtant j'ai un cœur mais il a peu d'place tu piges ?
»
https://www.youtube.com/watch?v=fMrLoZM5wfI&index=14&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3

De haine et d'eau tiède
https://www.youtube.com/watch?v=cbQ2nrumSUM&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3&index=13

Et enfin, Cenza, un gars des bas-fonds parisiens au rap old school, au flow implacable. Introspection du poète sur le marché des maux.

« Un trou noir dans mon esprit, trou noir dans l'rap français
Si j'avais une rime chaque fois que je pensais
J'arrive plus a faire semblant
»


Un trou noir dans un gant blanc
« Les yeux humectés, mes joues transpirent l'humidité
L'humilité subtilisée par des rêves bien plus stylisés
Il faut montrer beaucoup à un homme pour qu'il ouvre les yeux
Couvres les mieux, croyant attendre que Dieu lui ouvre les yeux
(…)
J'insulte, j'suis toujours dans l'conflit
Même sur ma feuille, même quand mon écriture s'arrondit
Surtout sur ma feuille, face à moi même
On apprend pas tout seul, on apprend avec soit même
J'ai peur d'apprendre sur moi parce que je me connais
C'est plus facile de prendre la vie que de la donner
J'en perds tout sentiment pourtant j'suis plein d'émotions
Pour être plus pertinent, les sédiments sont en érosions
»

https://www.youtube.com/watch?v=371au9WzGfI&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3&index=2

L'inconnu
« J'serais pas un gentil j'ferais pas ma punition
Sous-vision faire ce qu'ils attendent de toi est une forme de soumission
Des rendements d'rimes tranchantes les temps changent y'a d'grandes chances
La sentence, ceux qui la craignent n'suivent pas la tendance
Alors on s'juge, s'étiquette pour s'emprisonner
S'isoler même pas un petit sonnet qui m'fait frissonner
C'est pas une question d'époque, j'suis tout en bas de l'échelle du hip-hop
ça a l'air bon mais j'veux pas goûter à ce qu'ils mijotent
Ils ont tout niqué, tous violé notre abus d'confiance
Grotesque mon style au seize j'ai trop de textes sur la conscience
Quelques MC insouciants subsistent en sursis
J'entend quelques son d'fous, mais l'talent na jamais suffi
J'crois que j'suis condamné, à rapper pour les miens
Mais si seulement ils savaient ce que j'détiens entre les mains
»
https://www.youtube.com/watch?v=57oQFpSPIr4&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3&index=1

Mauvaise plume
https://www.youtube.com/watch?v=G3G85ZORQz8&index=5&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3

Ça vient des bas-fonds

https://www.youtube.com/watch?v=aZjwx9EegCU&index=31&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3


Voilà pour ceux que j’apprécie le plus.
N'hésitez pas à faire suite à cette cohorte !
J'espère vous avoir donné l'envie d'en écouter plus,

« J’voulais dire qu’il suffit de peu d’choses pour construire un enragé
Qu’il suffit de peu d’choses pour construire un engagé
Quelques humiliations et quelques injures suffisent…
»
Casez


(J'ai failli poster dans « [Théâtre et Poésie] », puis in extremis, j'ai trouvé cette section. Néanmoins j'ai regretté que la littérature orale (d'où qu'elle vienne), ne fasse pas objet de la même considération que la littérature « noble », puisqu'écrite, ou plutôt lue...)
« Modifié: 22 avril 2018 à 20:18:19 par Loup-Taciturne »
« Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
Je suis toi. Point d'exil
Si je suis toi. Point d'exil
Si tu es mon moi. Et point
Si la mer et le désert sont
La chanson du voyageur au voyageur
Je ne reviendrai pas comme je suis parti
Ne reviendrai pas, même furtivement »

Hors ligne Galianis

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Re : Lettres de rotures du Rap français
« Réponse #1 le: 25 juin 2018 à 00:38:27 »
Merci pour les partages. Je pensais avoir écumé la scène mais finalement dans ta liste, je ne connais que Dooz Kawa.

Je conseillerais au Mdéiens qui passe ici Gaël Faye, auteur qui dira sans doute quelque chose à qui a suivi les nouvelles du prix Goncourt.

Il fait des chansons parfois très rap, parfois pas trop, avec une poésie assumée dans ses textes. A l'image de Petit Pays https://www.youtube.com/watch?v=XTF2pwr8lYk (bon, j'avoue, celui là n'est vraiment pas du rap).


Hors ligne Loup-Taciturne

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Re : Lettres de rotures du Rap français
« Réponse #2 le: 25 juin 2018 à 17:49:38 »
Avec plaisir !
Oui, Gaël Faye, sympa. A part "Petit pays", je n'ai pas encore trop exploré mais il séduit pas mal de gens en ce moment, il est vrai.

Il y a Youssoufa en beaucoup plus médiatique aussi dans la bande de Kery James ( Lettre à la république, ça déboite : https://www.youtube.com/watch?v=gp3XZDK7Lw4). Leur paroles sont militantes, ils touchent un plus vaste public et ont le mérite de vouloir conscientiser l’opinion mais souvent l'écriture est un peu en dessous des précédents.

"On peut pas oublier la France-Afrique
Nique le temps des colonies
Instinct de guerre pour un homme de paix
Message de paix en temps de guerre
C'est ça même
C'est ça même
Au vrai militant de la diaspora
À la jeunesse révoltée d’Égypte et de Tunisie
Aux Ivoiriens dans la guerre civile
Une pensée pour le peuple d’Haïti
Affranchis, insoumis

À quel crew tu m'affilies-filies ?
Goutes mes rimes infinies-finies
Et le sang coule, mon stylo souffre d'hémophilie-philie
Le Glock fait "Boum", pas de guilli-guilli
Je suis debout, mes paroles bougent
M'arrachent la bouche comme le pili-pili
Du haut du Kili-Kilimandjaro
Je guette nos terres
La paix est finie-finie
Nos darons sont biens trop fiers
Toujours en guerre et mon Afrique se résigne
Un continent en forme de gun finalement c'était un mauvais signe
Tous nos vestiges mille-millénaires mais cependant
Ils disent que ça fait seulement 50 piges qu'on est indépendants
Qu'on obéisse et qu'on se couche mec
Pendant qu'ils font du biff sur la misère de l'Afrique comme Bemard Kouchner
Ça coute cher l'espoir quand la misère s'accroit
Rêver du pays de l'hiver désormais c'est la croix
Et la bannière
L'Europe n'a rien d'amicale
Ça me fait pas rêver les croisières
Mon premier bateau s'appelait Amistad
Derrière les palissades, grand cœur et dépendance
Grandeur et décadence, des chefs d’État sans cœur et dégradant
Écrasante histoire l'espoir est à la cave
Mon cœur criblé de balles comme un bus togolais a la CAN
Du placard faudra un jour sortir ce thème
Mais tu sais bien mon frère quand l'argent parle la vérité se tait
Et mon slogan devient une devise monétaire c'est ça...
T'avais jamais entendu de rap Franc CFA
C'est ça même"

Youssoupha - Rap Franc CFA
https://www.youtube.com/watch?v=pcUINDZC4zQ

Sinon en femme, il y a Chilla qui est en train de percer, même si c'est pas mal c'est un peu léger niveau paroles. mais ça apporte clairement une autre dimension au récit populaire des rapports de genre.

"On en a vu tomber, dévastés de regret
On s'efforce de ne pas oublier, comme une piqûre de rappel
Sur le char de nos espérances, on prend la seule existence
Aller de chemin en chemin, tenter d'entendre chanter nos anges"

Chilla
« Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
Je suis toi. Point d'exil
Si je suis toi. Point d'exil
Si tu es mon moi. Et point
Si la mer et le désert sont
La chanson du voyageur au voyageur
Je ne reviendrai pas comme je suis parti
Ne reviendrai pas, même furtivement »

Hors ligne Galianis

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Re : Lettres de rotures du Rap français
« Réponse #3 le: 04 juillet 2018 à 19:33:35 »
Youssoufa, on peut le critiquer pour les sons commerciaux qu'il a fait, d'un autre côté il a une vraie plume. Je porte une affection particulière pour Mourir mille fois.
https://www.youtube.com/watch?v=PNTCo4t9wY0
Et surtout surtout, son passage dans La Promesse avec Disiz. Couplet monumental.

Le rap conscient, intéressant souvent, frustrant parfois. J'ai horreur du rap qui se contente de dénoncer pour partager sa colère aux auditeurs.
J'appelle ça les chansons d'ados sombres. Celles qui passent leur temps à dire que le monde est trop pourri.

Je m'en vais tout de suite écouter Chilla. J'aimerais voir plus de femmes dans le rap (ou en voir tout court) mais quand j'en trouve, je n'aime pas du tout. Au lieu de s'approprier le genre d'une façon ou d'une autre, elles prennent une voix très masculine que je n'aime pas du tout

Hors ligne Aleshanee

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Re : Lettres de rotures du Rap français
« Réponse #4 le: 16 octobre 2019 à 15:29:15 »
Je suis fan de rap. C'est ce que j'écoute le plus.
Merci pour cette découverte de Virus. J'avoue qu'il y a certains textes intéressants.
En ce moment j'écoute beaucoup Hugo TSR et bien sûr le dernier album de Kery James.
Certains d'entre vous ont ils des playlists de rap sur youtube ?
Perso, j'ai commencé celle-ci :
https://www.youtube.com/watch?v=BT0BqVmGd9Y&list=PL08duo_TKM-1QRvrAnMEgthdQqbFldvPB
Il s'agit des textes ou des sons que je préfère mais ma connaissance reste limitée. Je suis preneuse si vous avez d'autres conseils !

Hors ligne Loup-Taciturne

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Re : Lettres de rotures du Rap français
« Réponse #5 le: 19 octobre 2019 à 13:26:46 »
Ah oui, entendu parlé de Hugo tsr mais pas écouté plus que ça. Je referai surement une session, merci.
Kery James, le dossier à chaque fois que je discute de rap haha, il est important, populaire car il pèse et ses messages sont forts. Mais je trouve que sa plume est assez faible et son flot trop mécanique et pas assez fluide. Mais bon, question de goût.

Moi c'est plus une décharge à sons que j'ai aimés, que je ne veux pas "perdre", qu'une playlist méticuleusement triée sur le volet pour une écoute linéaire. De toute façon j'ai pas 36 artistes que je peux écouter sur la durée :
https://www.youtube.com/watch?v=57oQFpSPIr4&list=PLP1aN3sZ8UYCadFBW5GvIPGJuUvgwIrU3

Merci pour le partage y a des trucs à découvrir ou redécouvrir dans ta playlist.
« Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
Je suis toi. Point d'exil
Si je suis toi. Point d'exil
Si tu es mon moi. Et point
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La chanson du voyageur au voyageur
Je ne reviendrai pas comme je suis parti
Ne reviendrai pas, même furtivement »

Hors ligne Miromensil

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Re : Lettres de rotures du Rap français
« Réponse #7 le: 19 octobre 2019 à 16:56:47 »
mwa ce que j'aime pas trop c'est les colons inversés du RAP...
pas que l'occident n'aie pas à s'approprier cette forme d'art...
mais plutôt qu'elle oublie d'où elle vient...

la culture afro(américaine) est à l'origine du mouvement, avec ses revendications propres qui sont souvent reniées par les rappeurs d'une autre ethnie, qui vont alors dire que le vrai rap c'est le rap conscient, intelligent, avec des alexandrins lol, qui vont houspiller les paroles vindicatives et portées sur d'autres valeurs que celles de l'occident...

là où Kery James est un peu trop français à mon goût, il joue pourtant un jeu très adroit d'insertion de réflexions sur son vécu ethnique...
là où PNL est très commercial pour son public, ils n'en dénient pas moins leurs origines (quoique, et ce qui appuie mon propos : leur dernier album est bcp plus occidental que leurs premières productions ou même celles que la france n'aurait pas acheté (je pense à 'Tahia')
là où des Orelsan empruntent avec brio le caractère amer de la société qui est souvent représenté dans le rap, ils effacent l'image du rappeur original que certes des eminem ont tenté d'ouvrir à l'occident...

de fait, 'rap français', pour moi, ce serait comme dire un 'tango chinois' ou une 'polka chilienne'...
et pourtant, La Canaille, Le bon nob, et autres plus ou moins connu du terrain, ont tout-à-fait à mes yeux leur caractère valable !

après, je me demande dans le titre... 'français'... 'francophone' ? 'blanc à la baguette et au berret' ? je suis confus...
parce que Timal a une voix de blanc mais se ferait surement traiter d'insolent ou même de vulgaire, et pourtant je lui trouve un rap sincère, certes un peu violent, mais pas du tout illégitime !

Au final, entre appropriation et divergence, le rap c'est qmm cool :)
« Modifié: 19 octobre 2019 à 17:05:57 par Dot Quote »

Hors ligne Loup-Taciturne

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Re : Lettres de rotures du Rap français
« Réponse #8 le: 22 octobre 2019 à 12:41:22 »
Citer
qui vont alors dire que le vrai rap c'est le rap conscient, intelligent, avec des alexandrins lol, qui vont houspiller les paroles vindicatives et portées sur d'autres valeurs que celles de l'occident...
Oui bah la culture dominante issue de la colonisation ou/et du capitalisme entretient un rapport colonial et élitiste avec les productions de la culture populaire. En rejetant les formes qui n'essayent pas de l'imiter et en valorisant les formes qui se rapprochent de ses valeurs. Avec en plus une fascination pour l'exotique. une sorte de syndrome Oxmo Puccino / france inter.

Mais ça c'est juste une manière de lire les rapports entre cultures et classes dominante et dominées.

On ne peut pas empêcher des gens de s’approprier le rap ou d'imiter la culture "bourgeoise". On ne peut pas empêcher les gens d'aimer retrouver leur propres valeur dans un rap devenu grand public parce qu'historiquement il est populaire.
Par contre il est certains que tout cela n'est pas anodin comme tu le soulignes et dis quelque chose des rapports sociaux.
Donc plutôt d'accord avec toi quand tu parles d'une dimension coloniale possible dans le rapport au rap.


Ce qui me pose beaucoup plus problème c'est quand tu dis :
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là où Kery James est un peu trop français à mon goût
Kery James est français, point. Pourquoi devrait-il épouser une autre image que tu te fais de lui ? parce qu'il est noir, il devrait paraitre moins "français" ? je pense que ce n'est pas ce que tu veux dire mais il faut faire attention.

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de fait, 'rap français', pour moi, ce serait comme dire un 'tango chinois' ou une 'polka chilienne'...
Eh bien ? Où est le problème ?
Chaque emprunt culturel jouit d'une réappropriation par le substrat culturel d'adoption. Oui on pourrait très parler de tango chinois, comme on parle de hip hop japonais ou de K-pop.
Là je crois que tu empruntes la pente glissante de l'essentialisme. (Malgré tes intentions sans doute honorables)

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après, je me demande dans le titre... 'français'... 'francophone' ? 'blanc à la baguette et au berret' ? je suis confus...
Non mais t'es sérieux ? Pour toi français = "blanc à la baguette" ?
"Rap français" car ces rappeurs sont ... français. et parce que c'est la dénomination habituellement utilisée pour parler de la scène française.

Je crois que tu commets une erreur en assimilant "blanc" à "français", alors que la France est un pays multiculturelle avec des citoyens de toutes origines, un des seuls États à posséder des territoires et abriter des populations aux quatre coins du monde, sur autant de continents différents. (ce n'est pas glorieux mais c'est un fait)

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Au final, entre appropriation et divergence, le rap c'est qmm cool
Oui, bien résumé !

------

Edit :
1) Glauque c'est pas mal, merci, c'est pas trop mon style mais je reconnais qu'il y a du boulot et de l’originalité dans la plume comme dans l'orchestration.

2) Je viens de tomber sur une histoire du Rap française juste en forme de mini série documentaire sur arte : French game :
https://www.arte.tv/fr/videos/RC-017359/french-game/

« Modifié: 22 octobre 2019 à 13:07:25 par Loup-Taciturne »
« Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
Je suis toi. Point d'exil
Si je suis toi. Point d'exil
Si tu es mon moi. Et point
Si la mer et le désert sont
La chanson du voyageur au voyageur
Je ne reviendrai pas comme je suis parti
Ne reviendrai pas, même furtivement »

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Re : Lettres de rotures du Rap français
« Réponse #9 le: 23 octobre 2019 à 12:42:32 »
Bah heu j'suis ptetr un brin chauvin, patriotiste, nationalique bien dans son pays et sa langue, et ses clichés, son identité parfois houlousement délicate par effet d'identité ouioui...

La question du brassage de culture ne saurait se destituer de son ambivalence inévitable :
Jusqu'où Kerry possède-t-il le goût, l'envie, le devoir, de se rattacher à l'identité immuable enfermée par le mot 'français' tel que l'entend le plus souvent le français, c'est vrai que c'est une question moins évidente à poser à un guadeloupéen, mais on peut aller se casser la tronche à demander si PNL se veut limité par son appartenance à l'Algérie, à la Corse (qui n'est pas française admettons-le x) pardon), à la France, au monde planétaire qui l'écoute...

En fait je ne suis pas tant essentialiste que tu ne le crois, juste j'aime parfois à emphaser mon propos, et tu me le soulignes avec justesse ! Ceci dit, il convient toujours de distinguer, si on ne veut pas mélanger. Et pour moi par exemple si je peux m'exprimer en nuances et non en extrêmes : "PNL apporte à la France et devant le Monde, un souffle fortement influencé par l'Algérie, assumant à la fois les conditions de mondialisation propres à son vécu, et un brassage honnête de ce qui fait son histoire, même au delà de sa généalogie, de sa géographie... (et là le sujet de mon exemple partirait en pamphlet ôdesque, mais serait alors hs à mon propos ^^)"

Pour ce qui est du multiculturel pays que serait la France... oui... bon... moi j'suis mondialiste également, donc je trouve que l'humanité ethno-nationalo-territorialo-étatico-organisée est très mal représentée dans ce que j'ai pu me faire comme espoirs, mais on fait avec...

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Re : Lettres de rotures du Rap français
« Réponse #10 le: 23 octobre 2019 à 20:50:57 »
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l'identité immuable enfermée par le mot 'français' tel que l'entend le plus souvent le français
Alors je ne suis pas français, et plutôt deux fois qu'une en tant que breton.
Tu l'auras compris, je ne partage pas du tout la croyance au mythe de l'identité univoque et immuable, qu'elle soit individuelle, collective ou pseudo-nationale.

Pour moi la question n'est pas tellement celle du goût ou du devoir de se rattacher à "l’identité française", que celle de concevoir une identité française plurielle et malléable de tous les éléments qui la constituent. Suivant une conception sociohistorique de l'identité.
C'est d'ailleurs le gros problème de la France actuelle et de tous ses débats pourris, à mon avis, le problème de sa politique assimilationniste aveugle et de l'histoire coloniale à laquelle elle s’attache pathétiquement. Elle doit repenser sa doctrine identitaire totalement hors d'âge.
Si Kery James est français, et il l'est de fait, c'est à la France de tenir compte qu'il y a des Kery James en France. Etc, et il y a de l'Algérie dans la France, et de la France dans l'Algérie, c'est une évidence (entre toutes autres choses).

Donc nous sommes d'accord, de fait la France est vivante et multiculturelle, sont identité ne peut qu'être plurielle et mouvante.
(Pour l'adhésion au mondialisme, je garde une grosse réserve, il s'agirait de définir de quel mondialisme nous parlons, mais ça c'est une autre discussion.)
« Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
Je suis toi. Point d'exil
Si je suis toi. Point d'exil
Si tu es mon moi. Et point
Si la mer et le désert sont
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Re : Lettres de rotures du Rap français
« Réponse #11 le: 24 octobre 2019 à 13:01:42 »
Yep Loup, les autres discussions déraperaient aussi bien de mon côté...
D'où qu'il faut en revenir avec les fondamentaux ouioui...

Sur spotify, parce que ça se trouve pas partout malgré l'excellence du produit :
Du rap alien non francophone... mais bien français !

Je veux bien sûr partager : Crazy Sounds With The Aliens, l'album déjanté de Maniacx !

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Re : Lettres de rotures du Rap français
« Réponse #12 le: 24 octobre 2019 à 14:46:37 »
Loup, ta playlist est extraordinaire. Je me régale. Les textes de Cenza notamment me laissent bouche bée. Merci, vraiment merci !

Quant à la question de l'identité, ce n'est qu'un " imaginaire": des chansons, des références culturelles ou religieuses, une façon de dire le langage, des textes... etc. Au fond, c'est comme dans un livre. On parle de l'imaginaire européen, africain, asiatique et plus particulièrement de l'imaginaire de certains pays ou régions.

 Nous grandissons tous avec un imaginaire. Perso, j'ai grandi dans le sud ouest. Alors, à l'imaginaire "typiquement français", s'est mêlée la culture basque/béarnaise, avec ses codes, ses dialectes, ses personnalités publiques, ses chants, ses danses, ses expressions... J'ai grandi avec tout ça, ça fait partie de moi (une partie de moi du moins...) de ma façon d'aborder le monde ou de me comporter.

L'être humain grandit donc dans ce livre, pour autant, l'expérience, les voyages et le temps lui en fait lire d'autres s'il le désire ou le peut. Il finit par être une pluralité d'imaginaires, c'est ce qui fait sa force, son originalité.
Cela lui permet de juger, prendre du recul sur son "imaginaire" d'origine ou l'enrichir.
C'est ce que disait Rousseau en tout cas, l'homme civilisé est forcément cosmopolite.
La culture/expérience/curiosité lui permet de se développer et de dépasser son monde d'origine. De devenir quelqu'un de riche, d'ouvert d'esprit qui a su confronté ses valeurs, ses opinions au monde pour développer les siennes propres. Vous voyez ce que je veux dire?

Le problème, c'est qu'aujourd'hui, beaucoup d'êtres humains peinent à accéder à cette culture, expérience et à développer leur curiosité.

Ce qui doit donc être souligné par la question de l'identité, c'est le fait qu'il existe des barrages qui nous empêchent de découvrir l'imaginaire de l'Autre,  des autres cultures.

Notamment le fait que ces barrages touchent les personnes qui vivent à l'écart de la "culture". (Les gens de la campagne profonde, les gens des cités, les analphabètes ou même ces gens qui, bercés par l'idéologie libéraliste ambiante préfèrent s'enfermer devant leur télé à regarder la téléréalité plutôt qu'à bouger et vivre etc.)

Ces gens deviennent de plus en plus nombreux dans notre France en crise.

De fait, dans les cités par exemple, où les immigrés sont parqués à cause du manque de transports, la pauvreté et le manque de mixité forment aussi une prison aux murs gigantesques. Ils sont invisibles mais je vous jure qu'ils paraissent infranchissables. En France, peu de gens connaissent vraiment la culture arabe/africaine etc. et la vraie condition/vie des immigrés français. Tout n'est que cliché à cause des médias. Ils ne connaissent pas l'Autre du coup. Du coup, idem, ils ont des oeillères. Ils restent donc prisonniers de leur imaginaire à eux, leur seule identité culturelle sans l'enrichir en cherchant vers autrui...

Ce manque d'enrichissement, de confrontation appauvrit forcément l'esprit et détruit le sens  critique. Je crois que c'est la raison pour laquelle les extrêmes sont si nombreux aujourd'hui. Par manque d'ouverture et de culture, les gens se définissent par ce petit imaginaire, qu'ils serrent dans leurs bras parce qu'à force d'avoir été enfermés dans leurs certitudes et leur ignorance des autres qu'ils en ont peur.

Les Kery James, Victor Hugo, Aimé Césaire, Rimbaud par leur génie, leur curiosité, leur courage, leurs moyens financiers ou leur talent (un mix de tout?) ont brisé ces barrières, ont arraché ces œillères. Ils ont voyagé, lu, sont allés vers l'autre. Ils sont devenus des personnalités et possèdent un imaginaire cosmopolite et métissé, alimenté par la culture et l'esprit des autres à titre collectif ou individuel. Leur origine n'est plus qu'anecdotique, à la limite une source d'inspiration.

Enfin voilà, je ne sais pas si je m'exprime bien car j'écris ça à la hâte mais pour conclure, cette notion d'identité nationale est surcôtée mais surtout mortifère pour l'esprit humain.

Oui, il s'agit d'un imaginaire commun, des codes qu'on partage, mais au fond ce ne sont que des habitudes quotidiennes, un verni...J'aurais pu tout à fait faire le ramadan si j'étais née au Maghreb ou mangé du lait de yack au petit déjeuner si j'avais été moghole. C'est pas des différences renversantes, elles sont presque anecdotiques ! Ce n'est donc pas avec ça qu'on rapproche vraiment les gens. Comme un imaginaire ou des règles que pourrait partager des frères et des soeurs ayant grandi au sein d'une même famille, mais qui ne nous définit pas. C'est donc surcôté.

Et c'est mortifère car, hélas, on considère ça comme important. Du coup, ça rapproche les gens avec cette idée d'être contre les autres, différents des autres. (Moi je suis français, je me sens français et ne suis pas comme un allemand, un sénégalais etc. )

 Enfin, je crois.

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Re : Lettres de rotures du Rap français
« Réponse #13 le: 22 novembre 2019 à 16:34:42 »
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Sur spotify
je n'ai pas accès à ça malheureusement

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Loup, ta playlist est extraordinaire. Je me régale. Les textes de Cenza notamment me laissent bouche bée. Merci, vraiment merci !
Ravi

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J'aurais pu tout à fait faire le ramadan si j'étais née au Maghreb ou mangé du lait de yack au petit déjeuner si j'avais été moghole. C'est pas des différences renversantes, elles sont presque anecdotiques !

Oui tout à fait, et en même temps ces différences sont respectables.

Dans l'ensemble je suis plutôt d'accord avec ce que tu écris.

Je voudrais juste préciser sur la culture :
Quelqu'un de "cultivé" n'est souvent rien de plus que quelqu'un de "culturé". Car en vérité tout homme est cultivé de sa propre culture. Le sens de "culture" (culture générale bourgeoise qu'on devrait plutôt appeler culture superficielle ou hors sol) n'est jamais utilisé au sens anthropologique du terme (la culture comme un processus, tout groupe humain produit et transmet de la culture sans que l'on puisse juger que l'une vaille mieux qu'une autre), mais au sens bourgeois du terme. Lorsqu'on parle d'éducation, la confusion est souvent faite et ont réduit la culture à la culture bourgeoise. Moi je plaide pour la reconnaissance et le respect des singularités culturelles sans hiérarchisation. Le problème n'est pas tant que tout le monde arrive à s’empiffrer de ("accéder à la") culture bourgeoise pour en avoir la maîtrise et pouvoir s'élever dans la société, mais que chacun soit accepté avec sa culture singulière sans avoir besoin de la renier ou de s'acculturer selon les valeurs et corpus de la culture bourgeoise. La culture bourgeoise est une culture assez inutile en pratique. Son utilité est avant tout sociale. Eelle permet à celui qui la maîtrise de se distinguer et de se mouvoir dans la société haute et d'en tirer profit et prestige (c'est là son utilité). La culture bourgeoise ne permet pas de se nourrir soi-même, de réparer des moteurs, de construire une maison, tout juste de connaître quelques espèces animales et végétales de manière superficielle et souvent théorique, sans implication pratique. La culture bourgeoise est une culture de l'élite pour l'élite. Il lui faut des cultures subalternes, subordonnées pour se reproduire. Seule, elle serait incapable de reproduire la société sur laquelle elle repose.

Pour moi chacun a le droit de se cantonner à son univers culturel, à ses valeurs traditionnelles, à sa culture populaire ou locale. On doit même être respecté pour ça, même si ça ne plais pas, même si ça ne fait pas "ouvert d'esprit". On est pas tous obligés d'avoir les mêmes valeurs, du moment qu'on respectent celles de chacun. C'est un droit fondamental. Qu'il s'agisse de culture régionale, immigrée, urbaine ou rurale. Tant que les relations culturelles ne visent pas l'assimilation des uns par les autres, comme c'est souvent le cas. tant que l'expression culturelle ne se fait pas au détriment de l'autre. Et la culture bourgeoise est la principale force oppressive, assimilationniste, car elle est la culture de la norme, celle de la classe dominante imposée par l’État, celle du pouvoir, celle de la conquête des postions sociales avantageuses.
« Modifié: 22 novembre 2019 à 16:36:15 par Loup-Taciturne »
« Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
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Re : Lettres de rotures du Rap français
« Réponse #14 le: 22 novembre 2019 à 17:27:33 »
Ah, oui, ça me dit quelque chose cette question : la pluralité des cultures est-elle un frein à la culture ?

Mais sans répondre à ce paradoxe...
Si un pays multiculturel se revendique encore pays, qu'est-ce qui le distingue alors des autres ?

Pour la première question, j'avoue que je rejoins le devoir de liberté de chacun à être honnête avec lui-même dans la construction de son univers culturel, mais je préfère me dire qu'il y a comme des dangers à éviter, notamment la fameuse aliénation que nous subissons tous, selon certains discours en situation désespérée. D'une part l'immobilisme, même de culture, n'est pas souvent autre chose qu'un pourrissement à venir, et d'autre part, je citerai le fameux je-sais-plus qui disait 'le pire ennemi de la connaissance n'est pas l'ignorance... mais l'illusion de la connaissance'... En gros oui, c'est peut-être une mode inutile d'être 'ouvert d'esprit', mais je crois que la situation culturelle ne permet pas encore de stabilité sur les plans de son incidences...

Pour la seconde, je me questionne vraiment. Les pays étaient légitimes dans un contexte de population homogène... qu'en est-il maintenant, quand on peut être de plusieurs nationalités, habiter ailleurs, parler une autre langue, ne pas partager la culture... moi je me dis que ça sert à rien ces frontières, à part couper le territoire et générer des dolipranes pour les engagés de la conversation...

Sinon pour nourrir plus sérieusement le sujet avec un peu de culturation, ou plutôt une référence à l'évidence, qui se doit d'apparaitre :
Ma jeunesse de jeune a écouté du Sniper, c'était aussi toute une autre époque !

 


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