La contrebasse, c'est un monologue de Patrick Süskind, l'auteur du parfum, publié en 81.
Dans ce monologue, un contrebassiste parle au public de musique. De contrebasse surtout. Il le décrit d'abord comme l'instrument le plus essentiel d'un orchestre. Mais au fur et à mesure, on sent poindre les frustrations et comme dit le quatrième de couverture "Peu à peu la haine d'abord refoulé de cette encombrante compagne s'exprime, se déchaîne et explose jusqu'à la folie".
Quelques extraits :
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Une chambre. Quelqu'un passe un disque, la Deuxième Symphonie de Brahms, et la fredonne en même temps. Bruits de pas qui s'éloignent et reviennent. Ce quelqu'un ouvre une bouteille et se verse de la bière.
Attendez... Ça va y être... Là ! Vous entendez ça ? Là ! Maintenant ! Vous entendez ? Ça va revenir une seconde fois, le même passage, attendez.
Là ! Là, vous entendez ? Je veux parler des basses. Des contrebasses...
Il relève le bras de la platine, la musique s'arrête.... C'est moi. C'est nous, si vous préférez. Mes collègues et moi. Orchestre National. La Deuxième de Brahms, il faut avouer que c'est impressionnant. Nous étions six, en l'occurrence. Effectif moyen. Au total, on est huit. Quelquefois, on nous envoie du renfort et on se retrouve à dix. Ou même à douze, ça s'est déjà vu : ça fait du bruit, c'est moi qui vous le dis, beaucoup de bruit. Douze contrebasses, si elles s'y mettent (en théorie, je veux dire), vous ne pouvez pas leur damer le pion, même avec l'orchestre au complet. Ne serait-ce qu'en décibels. Les autres n'ont plus qu'à aller se rhabiller. Mais si on n'est pas là, rien ne va plus. Posez la question à n'importe qui. "
"Une destinée de contrebassiste typique (…) : un père dominateur, fonctionnaire, aucun sens artistique ; une mère faible, jouant de la flûte et passionnée par tous les arts ; l'enfant que j'étais idolâtrait sa mère ; ma mère n'avait d'yeux que pour mon père ; mon père adorait ma petite sœur ; et moi personne ne m'aimait... (…). Par haine pour mon père, je décidai de n'être pas fonctionnaire, mais artiste ; mais pour me venger de ma mère, je choisis l'instrument le plus grand, le plus encombrant, le moins fait pour jouer en solo ; et pour la vexer quasi mortellement, tout en faisant un pied de nez à mon père dans sa tombe, voilà que je deviens tout de même fonctionnaire : contrebassiste à l'Orchestre National, troisième pupître. "
" L’instrument n’est pas précisément maniable. Une contrebasse, c’est plutôt, comment dire, un embarras qu’un instrument. Vous ne pouvez guère la porter, il faut la traîner; et si vous la faites tomber, elle est cassée. Dans une voiture, elle ne rentre qu’à condition d’enlever le siège avant droit. A ce moment- là, la voiture est pratiquement pleine. Dans un appartement, elle se trouve sans cesse sur votre chemin. Elle est plantée là…avec un air si bête, vous voyez…mais pas comme un piano . Un piano, c’est un meuble. Vous pouvez le fermer et le laisser là où il est. Elle, non. Elle est toujours plantée là…"
J'ai relu ça ce matin, un peu par hasard. Et je me suis rappelé à quel point c'était quand même un super texte. Avec un personnage bouffi d’orgueil, d'amertume et de doute, il est vraiment vraiment humain; et quelque part assez touchant.
Le texte n'est pas comique à proprement parler, mais il comporte quelque passage assez drôle. Le personnage se perds souvent dans ses pensées et nous entraîne avec lui, et c'est drôlement chouette.
En tout cas c'est un texte que j'ai beaucoup aimé et que je vous recommande chaudement