Seul au milieu de tout ces gens inintéressants, je me demande une fois encore ce que je fais là. « Là », c’est la salle de réception des Albernath transformée en salle de bal pour l’occasion. Et quelle occasion ! L’anniversaire de la cousine de la personne que j’aime, impossible de louper ça ! Ouais, j’arrive enfin à me l’avouer, mais plutôt mourir que de le dire de vive voix ! Non mais sérieusement, qui se fait organisé un bal pour son anniversaire ? Et puis, bien sûr, je suis obligé d’y assister…
Au moins la nourriture est bonne. Parce que oui, il est hors de question que j’aille me mêler à tout ces imbéciles heureux qui dansent de façon ridicule. Du coup, je reste cloîtré à côté du buffet. Tant pis pour l’image que je renvoie. J’ai bien le droit d’être de mauvaise humeur de temps en temps après tout !
- « Eh ben, t’as pas l’air de bonne humeur toi ! »
J’ai relevé brutalement la tête : j’étais parti tellement profondément dans mes pensés que je ne l’avais pas vu arriver, ni attendre pendant cinq bonnes minutes que je ne daigne le remarquer.
- « Matt ? Qu’es ce que tu fais là ?
- Lætitia m’a forcé à venir… Et toi ? T’as perdu un pari ?
- Non, riais-je, c’est mes parents qui voulaient que je vienne, donc je suis venu, et maintenant je regrette… »
Il hoche la tête et me tape dans le dos en signe de compassion. Moi, je reprends un petit four.
- « Au fait, commençais-je la bouche encore pleine de petit four, t’aurais pas vu Lilith ?
- Non, pourquoi ? Tu t’ennuies tellement que t’as envie de te disputer avec elle ? »
Je reprends un autre petit four. Lilith, c’est elle la fille que j’aime bien. Mais je dis que je la déteste et agis comme si c'était le cas. Par exemple : en début d’année, je lui ai interdit de s’approcher de moi à moins de cinq mètres. Au final on s’est retrouvés côte à côte le cours suivant, donc je lui ai juste interdit de m’adresser la parole. Ça n’a pas vraiment fonctionné…
- « Attends, c’est pas elle là bas ? »
Il pointe l’entrée du doigt. C’est bien son genre, ça, d’arriver après tout le monde. Je n’ai pas mis très longtemps à la voir. Il faut dire qu’elle aime se distinguer ! Et avec sa tignasse de feu remplie de bouclettes, elle y arrive toujours sans trop d’effort. Et puis cette robe : d’un magnifique vert poison découpé par sa jambe de nymphe.
- « Si, si. C’est bien elle… » Répondis je sur un ton se voulant blasé, exaspéré.
Exaspéré par sa beauté et son obsession de toujours être au centre de l’attention.
- « Vanessa n’a pas l’air d’apprécier sa tenue en tout cas ! » Se moqua-t-il.
- « Vanessa ?
- Rho la la ! tu viens à son anniversaire et tu connais même pas son nom !
- Ah, c’est elle… D’ailleurs, sérieux, qui fête son anniversaire avec un bal ?
- Ses parents sont un peu à l’ancienne… Et puis il paraît que c’est pour qu’elle se trouve un mec…
- Ah ouais ?
- Et ouais… Et elle te regarde depuis tout à l’air en plus.
- Quoi ?! » M’exclamais je, manquant de peu de m’étouffer avec mon énième petit four.
Je tourne la tête dans sa direction, et, effectivement, elle m’observait puisque nos regards se rencontrent. Cette rencontre ne suffisant visiblement pas à la satisfaire elle s’en va à ma rencontre.
- « Je te laisse champion !
- Espèce de- »
Si je recroise ta route un jour, je te tuerai sans la moindre once de pitié. Je suis scotché sur place, comme pris au piège. Si je m’en vais maintenant, je vais passer pour le pire des goujats. Il ne me reste plus qu’à attendre qu’elle traverse la foule et à espérer qu’elle n’en sortira pas. Je n’ai aucune envie de discuter avec elle.
- « Bonjour, Luc, c’est ça ? » Dit-elle avec un grand sourire.
- « Oui, c’est bien ça. Vanessa si je ne m’abuse ? » J’espère juste qu’elle n’a pas remarqué mon hésitation quand je m’apprêtais à
dire son nom.
- « C’est bien ça ! En même temps, c’était pas très compliqué : mon nom était écrit sur l’invitation, il faudrait être sacrément stupide pour ne pas le connaître !
- Oui, il faudrait effectivement être particulièrement tête en l’air ! »
S’insulter soi même, vous avez déjà essayé ? J’essaie de rire de la façon la plus convaincante possible. Heureusement que son rire couvre le mien.
J’ai continué de discuter avec elle, ou plutôt de l’écouter m’insulter sans faire exprès, pendant quelques minutes avant qu’elle ne s’en aille enfin. Bon, elle a dit qu’elle revenait juste après, mais c’est déjà ça. Et puis juste après quoi d’abord ? Je regarde dans la direction vers laquelle elle est partie, espérant trouver réponse à mon interrogation. Elle était en train de parler avec Lilith. Ça semblait être une discussion plutôt, disons « animée ».
Malgré mon intérêt pour cette conversation, je détourne rapidement les yeux, de peur de croiser à nouveau ceux de Vanessa. Acte qui ne l’empêche de revenir me voir à peine une minute plus tard. Cette fois ci, je dois bien l’admettre, j’ai eu du mal à camoufler mon agacement envers elle. Je voulais juste qu’elle me laisse, elle et ses jérémiades.
- « Tu veux aller danser ? » Propose t elle sur un ton innocent presque convaincant.
Non. Il est hors de question que je danse, avec toi, ou avec qui que soit d’autre. Mais, je ne peux pas lui dire ça. Donc il faut que trouve une excuse.
- « Heu… » Ce « Heu » est le plus long « Heu » du monde entier.
Et ce « Heu » s’arrête quand je La vois s’avancer vers moi d’un air déterminé. Lilith me tend sa main silencieusement. Elle veut que je danse avec elle. Je ne devrais pas accepter. Je le vois dans ses yeux : elle prépare un sale coup. Elle veut juste être au centre de l’attention. Elle veut juste que tous les regards soient dirigés sur elle. Elle veut se venger de sa cousine pour ce qu’elle lui dit plus tôt. Elle est juste égoïste.
J’ai attrapé sa main. Et Elle m’a attiré au milieu de la piste de danse, vidée de ses danseurs. Une valse. C’était ce qu’elle voulait danser. Alors nous avons dansé une valse.
Nous sommes, littéralement, au centre de l’attention. Tous leurs regards sont braqués sur nous. Vanessa est folle de rage. C’est égoïste. C’était égoïste de sa part de me proposer cette danse. C’était tout autant égoïste de l’accepter. C’est pour ça que je dis que je la déteste. Parce que quelque part, c’est vrai : c’est parce que nous sommes tous les deux aussi égoïstes que l’on ne pourra jamais être ensemble. Donc, comme je suis égoïste, je rejette la faute sur elle. Enfin bref, assez rêvassé, profitons de notre première et dernière danse.
Une fois notre petit numéro terminé, elle m’attire vers la sortie. Et lâche finalement ma main.
- « Tu pars déjà ? Ta cousine n’a même pas encore dansé. » M’enquérais je en la voyais se diriger seule vers la sortie.
- « Désolé, mais les fauteurs de troubles partent toujours avant la fin ! »