[Murex]

 
 
      Il était environ dix heures du soir en ce mois d’août et je prenais le frais sur mon balcon quand une ambulance stoppa au bas de mon immeuble. Celui-ci étant presque exclusivement occupé par des personnes du troisième âge, la chose n’était pas rare,  mais comment s’empêcher en pareil cas d’éprouver une sorte d’inquiétude instinctive, un vague sentiment de malaise ?… Était-ce, me dis-je, pour la locataire du second que j’ai encore croisée ce matin toute essoufflée, peinant à bouger ses grosses fesses ? Ou bien pour le petit vieux du rez-de-chaussée, maigre comme un clou, qui promène un chien aussi squelettique que lui, ou bien encore…?
     Mais brutalement mes suppositions furent interrompues par un coup de sonnette, trois ambulanciers étaient là, devant ma porte :
— Nous sommes bien chez M. Poisson au septième étage ?
— Non, non, vous êtes ici au huitième, vous faites erreur.
— Ah bon ? excusez-nous.
Les deux premiers étaient déjà sortis quand le troisième m’examina d’un air ombrageux :
— Mais dites-moi mon ami, vous m’avez l’air bien pâlichon !
Puis s’adressant à ses collègues :
— Je vous rejoins dans deux minutes, je m’occupe un instant de monsieur.
Et se tournant vers moi :
— Tirez la langue et faites ah, ah.
Je tirai la langue et fis  ah, ah.
— Hum! hum! ce n’est pas franchement rassurant…troubles digestifs, diabète peut-être. Recommencez, s’il vous plait.
— Ah, ah…
— C’est bien ce que je pensais, ça évoque des troubles digestifs sérieux. Et la selle ? Vous allez correctement à la selle ?
— Oui, oui, de ce côté là, il n’y a aucun problème.
— De ce côté-là dites-vous, c’est donc que par ailleurs vous avez des problèmes !
— Mais non, c’était une façon de parler, rien de plus.
— Moi je crois plutôt que vous cherchez à me cacher quelque chose. Il ne faut pas faire l’enfant, je parle dans votre intérêt. Bon, par prudence je vais prendre votre tension.
     Je tendis mon bras docilement. À la vue du résultat il garda un instant le silence avant de m’avertir :
— Vous vivez sur un fil mon ami, sur un fil, désolé mais il faut absolument faire des examens plus complets à l’hôpital.
     Et c’est ainsi que quelques instants plus tard, aidé par ses collègues et malgré mes protestations, je fus embarqué  dans l’ambulance.
    La suite est facile à deviner. La chambre d’hopital, nue, déshumanisée, apte à elle seule à vous rendre malade, les prises de sang, le scanner, l’IRM, la radiographie…sans parler des gélules, des suppositoires, des injections, de la bouffe infecte… en quelques jours j’avais maigri de 10 kilos, mais j’étais vivant, bien vivant, et ils me relâchèrent enfin après avoir reconnu qu’ils n’avaient rien trouvé.

   Depuis lors, j’ai vendu mon appartement et me suis réfugié à la campagne, une petite ferme isolée tout au bout d’un long chemin pierreux que le facteur est à peu près le seul être humain à emprunter, et je compte bien y mourir sereinement, à mon heure, en compagnie des bêlements de mes chèvres et de l’odeur de mes géraniums.

[Delnatja]

Bonsoir Murex, merci pour ton texte.
Je le trouve enlevé et sympathique.
Par contre, je dois être idiote, car le ne comprend pas pourquoi ce titre.
Belle soirée.

[Murex]

  Merci Delnatja pour ton retour. Non, ta remarque concernant le titre n'a rien d'idiot. C'est moi l'idiot qui est confondu le tennis le table avec l'onomatopée attribué traditionnellement aux ambulances. j'ai corrigé.
  Bien à toi

[Choumi]

Bonjour
À moi aussi ça m’avait fait drôle et puis je m’y étais habitué
Ballotté comme une balle de ping-pong 🏓 tout compte fait pris avec un peu d’humour
Bon voilà un cauchemar de derrière les fagots qui t’as fait prendre conscience qu’il y a d’autres vies à parcourir
La retraite peut en être est une, avis à ceux qui sont approchent
Amicalement
Michel

[Murex]

  bonjour   Choumi,
  Merci pour ton retour. Je me demande souvent si les lecteurs prennent mes petites histoires pour des faits réels. Ici, il s'agit  bien sûr d'une pure invention...mais qui traduit malgré tout ma hantise pour tout ce qui touche  au corps médical.
   Cela me rappelle un retour au sujet d'une histoire qui avait pour sujet l'amour absurde entre une araignée et un homme (cela avait en fait pour thème la solitude) eh bien un brave lecteur m'avait donné des conseils sur la manière d'ôter de mon salon les toiles d'araignées...Je ne suis pas certain que mes textes soient toujours bien compris !!!

[Cendres]

Merci pour ton texte
Tes écrits me font penser à des petits textes, un peu absurdes, voulant nous offrir une réflexion.
Il ne se passe rien de particulier, mais il est plaisant à découvrir et facile à lire.

[Murex]

  Merci Cendres pour ton retour qui me fait bien plaisir. On ne pouvait pas mieux dire les choses. Oui, bien souvent mes textes sont un peu absurdes, mais par derrière il y a le plus souvent une réflexion sur la vie.

  Murex

[Impa Dhacor]

Merci pour ce texte léger, sur un sujet sérieux ; l'intervention du troisième ambulancier m'a rappelé la consultation de Knock.

[Béatrice M]

Bonjour Murex un texte plaisant léger qui dépeint un sujet sérieux la santé. le titre est plutôt surprenant.
j'aurais plutôt choisi:
hop on m'embarque, ou, Tension palpable
Douce journée bises!
 

[Murex]

 
  Merci à vous deux pour ces bons retours.
  Oui, Impa Dhacor il y a un du "Knock" dans ce texte.
  Concernant le titre, Beatrice M, je l'ai choisi car c'est le bruit que l'on attribue traditionnellement aux voitures de pompiers et aux ambulances.
  Comme vous le soulignez tous deux, j'aime bien traiter avec humour les sujets sérieux. J'ai répondu la même chose à Cendres suite à son commentaire.
  Si je peux me permettre, je trouve que la plupart des textes que je lis sur ce site manque de recul, de distance vis à vis de soi-même et pour finir d'humour.
 

   Murex

   

[Lune]

Bonjour,

Merci pour ton texte amusant plein de vérités. On ressort souvent de l'hôpital parfois en mauvaise santé, assurément avec des kilos en moins !
Après, on peut toujours refuser d'y aller 

[Murex]

  Merci Lune pour ton retour. Content que tu aimé mon texte.
 
  Murex