bin ouais, moi je me frottais la tête dans le cul un matin, pis tout ébourrifé y'avait aussi mes joues qui pendaient, mes yeux à moitiés larmoyants, gonflés des paupières, les arcades sourcilières, un peu austères, mais de molesse, tout comme la paresse affaissait mes cernes, et qu'avec des mains de pantin, je venais tâter du moletton, le derme élastique, le gras mou, le sans-nerf ; j'étais là, je me palpais avec le jet d'eau pour me réveiller, et effectivement, je ne l'étais pas, réveillé, pas encore, parce que tout simmplement, mon corps, était cette larve de larve, qui ramollit la carapace pour en faire un squelette... mais même dans les os, au milieu, il y a un coeur tendre, la moelle qui elle même, est rigide est solide à l'intérieur, au milieu, la forte teneur en énergie le prouve, cette énergie qui admet son propre relâchement à l'intérieur, au milieu, bref on va pas continuer, moi j'étais là à m'enfoncer alors que dans la réalité, tout ce qui s'enfonçait, c'était mes yeux dans leur orbite, et les couleurs chelou que ça faisait tout autour ; bon... donc je me remémore les cours de sculpture sur argile, et puis la terre grise, c'est ça qui est cool, en vrai, non ? : je veux dire, c'est de la chair ! ouais, tu palpes une terre, c'est comme palper un muscle, un grassouillat, t'sais ! pas la sculpture pour public, là la terre, c'pas le même intérêt, c'est quand c'est tout sec tout cuit, pis immortalisé pour durer le pluss possible au delà de la sphère mortifère du charnel ! breeeef, la terre fraiche, molle, inépuisable parait-il lol vive les écolos magiciens, eh bien, c'est de la chair en pâte-à-modeler, et dommage que y'a toujours un peu de sang mais c'est cool à travailler, et là ce matin j'étais là devant un miroir opaque pour diverses giclures tolérées dans le temps sale de mon apathie, et puis j'étais donc plus dans ces orbites enfoncées que dans ce qu'elles regardaient, ou tentaient de regarder, le reflet d'elles-mêmes que je ne discernais qu'entre telle buée, telle tâche, telle dégoulinure, tel croute, telle irrégularité qui me déformait donc, jusqu'à ce que j'en vienne à plus habiter cette orbite à la recherche d'un oeil bienveillant ; je souris alors, et hop ! je sens comme... un arbre de branches qui se diffusent dans mon visage ! il parait qu'on a beaucoup de muscles dans le visage, un peu un puzzle à gérer quoi, parce que t'as pas trente six mille manettes, au début, ça vient petit à petit, comme pour tout corps qui s'énerve un peu, qui se met des nerfs quoi... bref, heu... j'en étais où moi ? ! ; au fait qu'on est de la pâte-à-modeler oui, parce que j'étais là et je teste un peu les énergies en présence, les forces, les masses, les dynamiques étou... pis bin ouais, je suis rodin, le penseur de rodin, mais en même temps ! ouaisouais, donc... donc ? y'a pas de donc, on s'en fout faut juste expliquer ce qu'est ma pâte personnelle, avec ma patte personnelle, que je griffe et qu'on s'en fout sérieux, moi, oui moi, j'aime bien m'électriser afin de fournir mon courant psycho-moteur... bon ? bin ouais, faut juste que quand je veux mettre du fil de fer dans l'argile, faut que la cuisson se passe crème ! se déroule bien quoi ; et puis après s'il faut émailler, recouvrir, poncer, vernir ou quoi, bin ouais, mais ce qui me retient pour l'instant, c'est cette sensation énorme mais indescriptiblement ardue, à la tâche du tourneur de terre, que jamais ma qualité de spectateur ne saura pédeusement imiter en commentation flatteuse mais faut pas que je parte trop loin non, surtout ce matin pas réveillé, où là, visiblement, je suis de la pâte-à-modeler, et puis c'est ce truc enfantin un peu réactif, élastique, qui-colle-pas ou qui-pique-pas ou même... qui-sèche-pas ! heu bon, bin ouais, c'est vivant le moi, bon, c'est vivant... ça veut dire quoi cette daube sérieux ? nan mais heu... bon, pis après ? je suis de la pâte-à-modeler, c'est vivant ça ? j'sais pas, je délire, mais heu le truc d'expérimenter la pâte de soi, c'est pas facile à mettre en mot, alors je m'y exécute, et fortuitement, il se trouve que tout se facilite alors car le corps et l'esprit ne sont pas distinct autrement que par leur nécessité à se rassembler quelque part, et là... la pâte rencontre le fil de fer, le squelette le muscle, et les nerfs, c'est jusqu'au cerveau-à-modeler, que j'aime particulièrement palper avant toute autre forme de traumé inhérent... moi ? ouais bon ; et puis ? on est rigolos alors, on a des couleurs, et les enfants au début ils savent surtout prendre le marron, le rouler entre les paumes et faire des blagues avec le bout de boudin ! quand ils grandissent, ils prennent pas le temps de faire des trucs plus poussés, ils abandonnent la pâte-à-modeler, sauf certains qui se sont promenés un jour en bord de rivière et ont décelé la chair de la terre... et d'autres ! bref ! bref ? bref quoi ? j'en sais rien, ah ouaios on est de la pâte, mais... bin voilà, c'est drôle comme des fois on a des tronches de cake, ou de marionette, ou de je sais pas trop quoi d'autre... et puis en vrai il faut bien se rendre à l'évidence ! heu... je sais pas pourquoi je dis ça et je m'en fous, alors faut que je m'arrête, sans quoi mes doigts vont transformer les couleurs de la pub de pâte en marron boudin de doigt !