Le roseau révolté, c'est une nouvelle de Nina Berberova, une écrivaine russe en exil après la révolution (forcément c'est un peu bourgeois par moments). La nouvelle se passe pendant et après la seconde guerre mondiale, et raconte la séparation (et les retrouvailles) de la narratrice (russe en exil à Paris, comme l'autrice) et d'Einar, suédois et obligé de fuir dans son pays, resté neutre.
La nouvelle est publiée seule ou avec d'autres nouvelles de l'autrice, mais est très courte (70 pages, pas plus). Pourtant, j'y ai trouvé beaucoup d'idées à piocher. Nina Berberova y développe notamment dans le chapitre 3 ce qu'elle appelle le "noman's land", cet espace que l'on a avec soi-même (ou parfois aussi avec quelques autres bien choisis), qu'il ne faut surtout pas laisser à quiconque le loisir d'ordonner, quitte à y perdre beaucoup.
On pourrait peut-être voir la nouvelle comme une banale histoire de séparation et de retrouvailles (forcément compliquées, décevantes, après tant d'années), mais la façon d'aborder les choses qu'a la narratrice m'a beaucoup plu, dans sa finesse, dans les détails auxquels elle s'attache, et dans sa volonté, douloureuse, de conserver sa liberté.
Je n'ai pas envie de trop en raconter, comme c'est très court, mais voilà un court extrait, sur ce "noman's land" :
"Depuis ma prime jeunesse, je pensais que chacun, en ce monde, a son no mans land, où il est son propre maître. Il y a l'existence apparente, et puis l'autre, inconnue de tous, qui nous appartient sans réserve. Cela ne veut pas dire que l'une est morale et l'autre pas, ou l'une permise, l'autre interdite. Simplement chaque homme, de temps à autre, échappe à tout contrôle, vit dans la liberté et le mystère, seul ou avec quelqu'un, une heure par jour, ou un soir par semaine, ou un jour par mois."
J'ai également lu
L'Accompagnatrice, une nouvelle il me semble plus connue de Nina Berberova, qui est très intéressante aussi et qui développe ses propres thèmes, mais qui m'a moins happé que
Le roseau révolté.