Et voilà !
Le dernier duel de ce second tour de la catégorie MdE, mesdames et messieurs !
Je vous présente : Gretch contre le Chat !
Je rappelle que vous devez écrire un dialogue avec le personnage de votre choix !
Eh bien quoi, le Chat est un chat ? Est-ce que ça empêche le dialogue ? Gretch est bien un narrateur, et ça n'empêche pas de dialoguer avec lui !
Alors dialoguez, je vous prie, dialoguez !Fin du vote : vendredi 18 décembre à 20h
Le Chat :Oeuvre : Il n'aura jamais plu autant que demain , de Zacharielle
Description :A la fin, il ne restera plus qu'un chat.
Mais pas n'importe quel chat. Celui-ci amènera le déluge, et comment ? En se passant la patte derrière l'oreille.
Il restera là, à regarder le monde, posément assis à sa fenêtre, et se passera la patte derrière l'oreille.
Une chose est sûre : au moins, il sera propre.
Extrait : A la fin, il ne restera plus qu'un chat.
Il se passera la patte derrière l'oreille, pour se laver la tête. La pluie tombera en déluge dans les rues. Les égouts feront des gargouillis toute la nuit. Le lendemain, ils n'en pourront plus et vomiront les eaux en torrents nauséeux. Ce sera alors le petit matin. Il contemplera son œuvre. Il sera à la fenêtre, seul à l'abri. Une mauvaise photo en contre-jour, encadrée de plastique. Il sera gris, comme tous les chats. Vos yeux embués, vous n'y croirez pas. Tout le monde lèvera la tête vers cette fenêtre, de cet immeuble, de cette ville, tout le monde et vous n'y croirez pas. Pourtant le chat continuera de se laver, de se passer la patte derrière l'oreille et pourtant toute l'eau du monde continuera à tomber du ciel. Vous ramerez sur vos petits bateaux pneumatiques jaunes. Vous serez à la recherche de biscuits secs. Il se passera des jours semblables. Des jours chaque fois un peu plus durs. Vous serez pitoyables dans votre lutte pour la survie. Pire : vous serez ignorés par le chat d'en haut. Qui, nonchalamment. Continuera de se passer la patte derrière l'oreille – le mouvement sans cesse répété. Vous rendra fous. Cette petite langue rose. Cette petite inclinaison de la tête. Cet infime frémissement des moustaches. Ce jeu de lumières sur la vitre. Et ces babines... Satisfaites ! Le petit bruit de l'oreille qui claque. Qu'il arrête ! Qu'il arrête ! Vous quitterez les canots avec un couteau dans la bouche. Tuer le chat ! Vous vous couperez la langue. Vous nagerez. Il y aura de longs fils. Vous serez électrocutés. Vous plongerez. Vous n'aurez pas le temps de voir. Vous vous planterez des barrières dans les yeux. Vous ne serez pleurés que par des nuages inextinguibles puisque. Vous et tout le monde. Moi ! Tenterez votre chance. Tous, un échec, dix échecs, mille, MAT. Et inévitablement. Fatalement.
A la fin, il ne restera plus qu'un chat.
Mais au moins, il sera propre.
Fiche par Kerena
Gretch’/Le narrateur : Oeuvre : Et moi au milieu, de Marygold
Description :
Gretch est tueur à gages. Un jour, il est affecté l’Ennemi N°1, sur lequel nombre d’agents et d’agentes se sont cassés les dents (ou autre chose). Pour une raison incompréhensible, ce dernier le laisse en vie. C’est alors que Cilly le prend en charge pour lui éviter de se faire dézinguer…
Gretch’ est un jeune agent un peu idéaliste — bien que blasé — et surtout complètement paumé après son échec. Il se laisse un peu porter par les événements (et par Cilly) à qui il n’ose pas vraiment dire non.
Extrait :
Mais ce soir, Cilly attend, sans son fils qui doit dormir dans sa soupente humide. Quand elle me voit, il y a comme une lueur dans ses yeux ; cette lueur, je ne l’aime pas du tout parce que la seule chose que j’y vois, c’est de la pitié. Et Dieu sait que je hais ce sentiment.
« Tu crois aller où comme ça ? » me demande-t-elle parce que je la dépasse sans faire mine de la voir. Elle pointe du doigt la porte qui mène à la seconde salle. « Ils sont au moins dix là-dedans. Et si tu crois qu’ils vont te laisser passer, sans demander pourquoi tu reviens en ayant l’air de t’être fait prendre une raclée, et que t’es pourtant vivant, c’est que t’as déjà la tête au ciel, idiot ! »
Elle sait, ils le savent déjà tous ici. Tout se sait, d’ailleurs, je me demande même pourquoi je suis étonné qu’elle sache ma mission : quand l’Ennemi n°1 est refourgué à un énième clampin, chacun se réjouit de ne pas être l’élu, et tous parient sur la durée de vie du pauvre gars.
« Allez, viens là. Tu passeras pas cette porte. »
« Cilly, lâche-moi. » je souffle en essayant de dégager mon bras qu’elle a agrippé. « J’irai dans la deuxième salle, et puis dans la troisième, et j’irai jusqu’à ma salle. »
« T’es con, Gretch’. Tu peux pas appeler ça un ‘salon’, une ‘cuisine’ et une ‘chambre’, comme tout le monde ? Tant qu’à faire, t’as qu’à dire que tu vas dans ta cellule ! »
« C’est une idée » je grince, et je continue de boitiller jusqu’à la porte.
« Putain, Il t’a même enlevé le cerveau, ma parole ! Fais pas l’idiot, Gretch’, viens avec moi. »
« Pourquoi ? Qu’est-ce que ça peut te faire que j’aille là-bas ? De toute façon, si c’est pas eux, ça sera Lui quand j’y retournerai, n’est-ce pas ?! C’est quoi le problème, t’as parié que je ne survivrai pas à une sortie, et tu veux m’achever à sa place pour gagner ? »
« Non » fait-elle calmement. « J’veux juste comprendre pourquoi Il l’a pas fait à la première occasion. »
Elle m’agace. Ma jambe ne me tiendra bientôt plus, tout mon corps me fait souffrir, et je suis à la limite de la nausée – l’air suffocant de la pièce n’arrange pas grand chose. Je veux me reposer, je veux mon lit, et je veux qu’on me foute la paix.
« Pourquoi ? » je lui lance, exaspéré. « Pourquoi tu veux savoir ça ? Pourquoi ça te préoccupe ? Et pourquoi tu es si sûre qu’ils vont me lyncher si je passe cette porte ? »
« Parce qu’un survivant, c’est la moitié d’un vendu. »
Je déglutis. La phrase me glace le sang. Je l’ai déjà entendue, elle m’horrifiait déjà à l’époque. Le Chef la répétait à qui voulait l’entendre, à l’époque où il vivait encore, avec un œil et une oreille en moins mais il vivait. Aujourd’hui on ne l’entend plus, mais l’idée est restée : quiconque survit à un combat sans tuer l’adversaire peut être soupçonné de s’être vendu pour sauver sa peau. Une fois sur deux, affirmait le Chef, c’est le cas. La dernière chose qui me serait utile, serait d’être considéré comme un traître. Merde.
« Ça y’est, ton cerveau s’est remis en route ? »
« Va te faire voir. »
« Je t’emmène avec moi. » réplique-t-elle, et elle reprend mon bras en me faisant passer par une autre porte, à gauche, qui mène à la ruelle. « Qui t’a vu comme ça ? »
« Cerbère évidemment. Mais il n’a rien dit. »
« Idiot. Bien sûr qu’il a rien dit, mais il a vu. Et il a retenu. Et il va faire son rapport. » Elle soupire. « On dirait que tu n’as jamais vécu ici, on dirait que tu ne connais rien à la Maison. »
« C’est pas une maison. » je marmonne pour moi-même.
On marche vite dans les petites rues du Quartier Est, on tourne furtivement dans les angles, en marchant bien dans l’ombre. Je remarque, en m’étonnant, qu’on a la même manière de dresser la tête d’un coup sec quand on entend un bruit.
« Oh, c’est bon. » chuchote-t-elle vivement. « Epargne-moi le couplet. Si tu oses seulement appeler mon entrée ‘la première salle’, je te casse la gueule. »
Le pire, c’est qu’elle en serait capable. Je ne ferais pas le poids ce soir face à elle.
« Pourquoi tu fais ça, Cilly ? »
« T’as pas fini avec tes questions ? »
« Je veux savoir. »
Elle ne répond rien, mais j’attends, je sais qu’elle finira par parler. Elle continue de me guider dans les rues, me tirant par la manche quand il faut s’engager dans une traboule pour ressortir sur une autre rue, toujours aussi minable. Je pense qu’on est passé dans le Quartier Sud, mais je ne me retrouve pas dans tous ces détours. Elle le fait à dessein.
« Tu voudrais tout savoir, mais t’as pas compris que tu ne peux plus. Il est fini ce temps-là. »
« Alors disons que je veux comprendre. On ne s’est jamais vraiment parlé, on ne connaît rien l’un sur l’autre. Je sais juste que t’as un gamin, et que les gars te croient à moitié dingue. Et là, tu veux m’aider. Je suis même pas certain que tu vas pas me couper la gorge dans un coin sombre. »
« Pourquoi tu m’as suivie, alors ? »
« Parce que je suis fou ce soir. »
Elle ralentit son rythme et s’arrête pour me regarder droit dans les yeux. Je sais que j’ai l’air bizarre en disant ça, je ne voulais pas mais c’est sorti tout seul. Je ne veux pas qu’elle sache. Mais elle doit être plus perspicace qu’elle ne le laisse penser. En soupirant, elle me prend le bras, et sans autre forme de procès, me pousse derrière une porte cochère anonyme.
Fiche par Loïc