Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

19 mai 2024 à 00:44:02
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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » Melancholia

Auteur Sujet: Melancholia  (Lu 209 fois)

Hors ligne Grégor

  • Calligraphe
  • Messages: 120
Melancholia
« le: 30 avril 2024 à 14:45:07 »
L'inaperçu est pourtant là, à l'oeuvre, bien au froid, il regarde notre vie qui s'active et gambade, pendant que la mélancolie enroule ses spires et nous asphyxie.
Il guette notre attitude positive et agaçante d'un regard sans regard, car ses yeux depuis longtemps becquetés par de mauvais corbeaux ne prédisent plus rien.
Ces oiseaux de mauvais augure ont cessé de vomir l'avenir de leurs croassements sordides. Ne demeure en ce monde que la folle agitation stérile de ceux qui jouent leurs dix-huit trous.
Cessez tout mouvement, la fuite du temps est encore le temps, nous voulons fuir la mort, mais n'avons pas d'espace, pas de chemin secret, nul pas qui nous demeure, que la somme engloutie de nos appétits borgnes.
En attendant vivons, comme nous vivons tous, gambadant et flairant la plus ou moins bonne affaire, troquons ce fiel salace que nous inflige le naître, allons, puisque nul ne saurait respirer cette angoissante vie, vidée de distractions.
Qui saurait voir, hélas, au-delà du soleil ? Cette planète jumelle, pleine de secrets. Ô vide que nous connaissons trop. Cependant, comment parler ici de connaissance ? Nous parlons d'une brève lueur noyée dans un profond et tenace oubli, dont le Léthé originel abreuve les autres bêtes...
Mais cette planète humaine et schizophrène, ce rayon fou de conscience, cette mélancholia fatale que Narcisse a contemplée, préférant à la clarté de cette douloureuse image, le fond tourbeux et glauque, d'eau et d'algues mêlées à ses poumons sans air.
La noble planète vogue, elle porte sans doute un collier d'aube et de roses blanches, mais nous ne la voyons pas.
Cachée dans l'ombre insoupçonnable du soleil, soeur homicide, elle foule sur l'orbite terrestre, jetée en sens inverse dans un tourbillon vague, les prairies bienheureuses.
Elle avance imperceptiblement, avalant les secondes comme on bat des paupières, infusant son venin noir sur la vie qu'elle rature de sa griffe sans appel.
Nous n'avons pas le temps d'argumenter en faveur de notre vie, que celle-ci, ainsi que nos arguments, se sont engouffrés derrière l'horizon, de l'autre côté du temps dont on ne revient pas.
Nous ne sommes pas Orphée, pour accomplir ses prodiges, et nous ne pouvons revenir ne serait-ce que de la seconde qui vient de s'écouler.
Il n'est pas de distance au royaume du Temps, une seconde passée n'est pas plus proche qu'une semaine, un an ou mille années.
L'instant irrémédiable, que nous ne ressusciterons pas, fuit, fuit déjà, lui qui ne sera jamais plus, posé sur la cheminée, il répète son prologue sans suite, éploie ses ailes funestes aux mortels.
Et mon esprit glisse dans cette prison, sur ces paroles de néant qui sans cesse recommencent, et mes frères dans la même ombre cherchent une même lumière.
Toute l'intelligence des hommes, tous les prodiges à venir, ne sont d'aucune prise, tout glisse, et nous sommes toujours là. Mais ce là n'est plus là, mais ce nous n'est plus nous, nous ne sommes qu'en recul sans cesse de nous-mêmes. Nous n'apercevons que la disparition d'un monde éphémère.
Et notre esprit impuissant contemple sa blessure.
« Modifié: 03 mai 2024 à 10:02:35 par Grégor »

Hors ligne Joachès

  • Calliopéen
  • Messages: 534
Re : Melancholia
« Réponse #1 le: 30 avril 2024 à 17:54:26 »
Très mélancolique en effet.

Qu’est-ce que sont les spires au début de ton texte ? Je n’ai pas l’impression que ce soit une coquille aussi je m’interroge.

Hors ligne Grégor

  • Calligraphe
  • Messages: 120
Re : Melancholia
« Réponse #2 le: 01 mai 2024 à 05:20:43 »
En réalité, j'ai écrit ce texte après avoir vu Melancholia au cinéma, le film de Lars von Trier. Le premier niveau de lecture de ces spires, c'est celle que fait l'astéroïde autour de la terre avant de revenir vers nous. Mais j'ai mis spires au pluriel pour signifier comme un serpent qui enroulerait ses spires autour de notre cou. C'est le second niveau de lecture : cette "planète jumelle" c'est la certitude de notre mort et le temps qui passe irrémédiablement.

Hors ligne Cendres

  • Comète Versifiante
  • Messages: 4 112
Re : Melancholia
« Réponse #3 le: 01 mai 2024 à 09:32:06 »
Merci pour ton texte.

Il me fait penser à cette citation "Toute notre vie n'est qu'un voyage vers notre mort".
Je ne l'ai pas trouvé mélancolique, mais les goûts et les couleurs varient en fonction des gens.
Une ambiance se dégage de ton texte et en le lisant, on voit que tu as réfléchi pour l'écrire en pesant tes mots et tes images.

Hors ligne Grégor

  • Calligraphe
  • Messages: 120
Re : Melancholia
« Réponse #4 le: 03 mai 2024 à 10:09:19 »
Oui cette citation est juste.
Sauf que la mort est vue comme un terme.
Dans mon texte le temps meurt en chaque instant.
Sinon vous avez raison, nous ne sommes pas obligés d'y lire de la mélancolie.
C'était le thème du film que j'ai commenté.
La mélancolie a quelque chose de beau et de majestueux.
Dans le film Melancholia est le nom de la planète qui vient s'écraser sur notre terre et la détruire.
J'y ai vu en accéléré notre propre destin, qui est de mourir, voire de mourir en chaque instant.

Hors ligne Béatrice M

  • Calliopéen
  • Messages: 493
    • beatricepassionnementpoesies.
Re : Melancholia
« Réponse #5 le: 03 mai 2024 à 11:39:46 »
Bonjour Grégor
C'est un texte fort intéressant, dommage que je n'ai pas vu le film.
Oui Cendres c'est une belle et véridique citation.
La mélancolie est belle et poétique, là je vois un brin de mélancolie, juste un peu, ne serait-ce pas ici l'appréhension de mourir?
Douce journée à vous

Hors ligne Danieluc

  • Plumelette
  • Messages: 16
    • travaux pratiques
Re : Melancholia
« Réponse #6 le: 03 mai 2024 à 12:54:15 »
Beau texte et, oui, la relation au magnifique film... Mais ne pas trop se contrarier à la fin, toujours ce sont les ronces qui gagnent. Et puis 2.000.000.000.000 ou deux billions de galaxies dans notre univers, il y a de quoi faire.
il y a aussi ce fameux poème dans la mythologie indoue ( je ne sais pas si cela appartient aux Upanishads..) :
Indestructible,
Sache-le, est la vie, la vie qui répand partout la vie.
En nul point du monde, par aucun moyen
On ne peut ni la diminuer, ni arrêter son cours, ni la modifier.
Daniel Farioli : les chants des Hespérides sont les chants les plus beaux.

mercurielle

  • Invité
Re : Melancholia
« Réponse #7 le: 03 mai 2024 à 13:22:15 »
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