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Auteur Sujet: Le Garçon et le Héron (Miyazaki)  (Lu 1858 fois)

Hors ligne Safrande

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Le Garçon et le Héron (Miyazaki)
« le: 08 novembre 2023 à 11:29:36 »
Bon alors les gens, vous en pensez quoi de ce dernier Miyazaki ?

Clairement j'suis déçu (j'mettrais sous spoil si je dois préciser), même si j'suis content de retrouver l'organicité unique de l'image propre à ses films en 2023 - c'est toujours aussi merveilleux, un délice pour les yeux.
Il regardait le verre non à sa portée d'une façon de reproche.

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Re : Le Garçon et le Héron (Miyazaki)
« Réponse #1 le: 09 novembre 2023 à 18:02:01 »
j'en sors !

pareil, sans argumentaire, mais j'dis juste que moi j'ai bien aimé

mais ptetr parce que je m'attendais à criser d'angoisse comme pour les 99% de contenus de culture que je découvre depuis mon délirium... là j'ai osé grâce au cadre de soin psy (merci à eux), et oui, j'ai passé un bon moment que j'ai déjà eu l'occas' de renseigner par mon avis avec le groupe que nous étions... c'était d'ailleurs comme on l'encourage ici meud, assez enrichissant de confronter les points de vue ; mais chut, là je sens que si je commence, ça va être une tartine qu'on pensera indigeste... juste je peux dire que j'ai pas relevé de fautes d'orthographe

x,)

j'voulais pas réagir parce que je me sens bien trop sale pour parler de miyazaki, mais je craque qmm, c'pas un magazine de critiques que le meud, mais admettons qu'on puisse en causer avec la nuance de substance dont la densité nous sied

(et voilà, je dégouline qmm... sans argumentaire en plus, que du flood erf dsl maitre, cela part d'une bonne intention)
"i don't care if your world is ending today
because i wasn't invited to it anyway
you said i tasted famous, so i drew you a heart
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Re : Le Garçon et le Héron (Miyazaki)
« Réponse #2 le: 10 novembre 2023 à 00:49:45 »
Ben vas y franchement Dot, étale fais comme chez toi, on est là pour ça moi j'vais pas me gêner - j'aimerais bien savoir pourquoi t'as aimé  :)

C'est quoi cette histoire de trop crade pour parler de Miyazaki - il a un zizi comme toi, et comme toi dès fois il va aux toilettes avec. C'est pas des divinités intouchables les artistes, les "maîtres", ils ont des défauts et tant mieux, c'est ce qui rend leurs œuvres exceptionnelles et puis dès fois moins, c'est rien que des humains puis c'est tout, faut les désacraliser ces trucs là ; j'me réjouis de ce qu'ils nous proposent de réjouissant, et m'ennuie de ce qu'ils proposent d'ennuyant, et parlant d'ennui :

Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.


Enfin je m'arrête là mais j'ai encore des trucs à dire, en bien et en mal - puis là on dirait que j'ai détesté mais pas du tout : y'a des moments où j'ai pris mon pieds. Puis c'est ma première impression, elle peut changer - même si elle est souvent la bonne, et que son apparent changement est davantage dû au fait que je l'approfondisse et la comprenne mieux plutôt que du fait qu'elle soit totalement à côté.
« Modifié: 11 novembre 2023 à 01:34:19 par Safrande »
Il regardait le verre non à sa portée d'une façon de reproche.

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Re : Le Garçon et le Héron (Miyazaki)
« Réponse #3 le: 11 novembre 2023 à 14:24:28 »
bon ok mais alors à demi-sérieux, car j'ai été spectateur plutôt pour le loisir que pour l'analyse artistique ou philosophique...

- level up pour la qualité graphique, comme tu le dis notamment pour la scène d'ouverture, les flammes étou... j'soupçonne de nouvelles technologies d'imagerie, car vraiment, d'un côté les décors lui restent fidèles mais en encore pluss mieux (ses classiques architecturaux minéral-végétal font encore plus rêver que le chateau dans le ciel, ses décors en textures tissus, boiseries, pareil encore mieux qu'avant, sa gestion de la lumière, des reflets des ombres, plus saturés contrastés en détails de ouf, la gestion de la transparence, fenêtres, verres, de malade aussi, bref...), d'un autre côté ce qui se fait d'anatomique qui se complexifie, là où chihiro mononoké etc, on était dans des aplats de couleurs finement contourés, là ici y'a du relief, de la perspective, des animations des volumes vraiment plus poussées...
- l'intrigue teasée cool : je ne savais pas à quoi m'attendre avec le titre et la bande-annonce, c'était pas gagné d'après ceux-ci, qu'on partirait dans le fantastique, ce que je craignais car le vent se lève m'avait un peu ennuyé sans ce côté là, et là au bout de la première demi-heure, ça part total ailleurs que sur terre, et j'ai vraiment apprécié qu'il parte loin dans le monde d'en bas, c'était riche, luxuriant de magie, avec plein de détails imaginaires tout droit sortis de rêves fous !
- le propos plus qu'explicite sur l'espace temps, qui amène les classiques philosophiques avec pertinence, profondeur...
- le propos oeudipien (edit : dans le sens 'relation à la mère', bien sûr, pas une histoire d'inceste) vraiment osé (c'pas le plus facile des thèmes, peu s'y attaquent, encore moins sont pertinents pour moi), avec les figures nuancées qui ne mettent que moins de pudeur que ce à quoi je pourrais tenter comparaison sur le sujet
- le héron qui alterne de relativité toute une teneur initiale à la sagesse qu'on peut se figurer avant le visionnage, on sent qu'il sait qu'il part d'une figure mystérieuse et grâcieuse, pour glisser vers quelque chose de plus modeste, la beauté de l'oiseau, son énigmatique présence, évolue en quelque chose de méchant, inquiétant, puis burlesque, ridicule, puis humble et faillible, puis continue avec cette classique idée de transformation d'ennemi vers ami, par l'alliance d'avec maito... cette nuance qui habille le bien et le mal avec autant de couleurs psychiques
- nuance bien mal qui est sublimement illustrée lorsque les warawaras s'envolent et sont attaqués par les pélicans, la fille du feu qui vient les aider se fait houspiller par maito car elle en brule certains, mais elle se fait remercier par la pêcheuse car au moins elle met en déroute les pélicans, sauvant ainsi ces...
- ...petites bestioles qui m'ont tellement fait rêver, j'croyais impossible de faire encore plus fort que les noiraudes, les sylvains et les totoros en matière de choupi drôle, leur poésie rigolote m'a juste fait tout mon film ahah !

pareil, j'crois ne pas tout dire, mais voici au moins ceci... pis sinon par rapport à ton ressenti :
- le réchauffé, je l'ai vu sous un angle perso différent d'une déception : avec ma conviction que la pensée, les idées, sont limitées, je crois que tout artiste se confronte à ce problème, celui de voir une fin à l'inspiration : lorsqu'il réussit à faire valoir son vaste imaginaire, il ne se renouvelle pas entièrement, disons je crois plutôt, qu'il se sert dans le puits de son univers, sa créativité, mais au bout d'un moment le puits s'assèche, et alors il n'a comme choix que de revenir en son passé pour approfondir ce qu'il ne peut renouveler... peu d'entre nous serions capable de vivre une vie créative et ne pas finir d'en étaler le contenu arrivé à 80 piges, j'pense tourner en rond avec ses propres concepts est une fatalité qui nous tombe dessus quand on en a fait le tour, et c'est pas forcément une mauvaise chose, car à ce moment là seulement on se permet d'approfondir, là il réchauffe à peine son attrait pour l'aviation (on voit des cockpits en verre, mais c'tout), mais il l'approfondit avec les oiseaux qui pour moi ont une symbolique forte et pluralisée (héron, pélican, perruches...) qui entre autre rend vivante cette aviation si présente dans son oeuvre, il va même je trouve, s'en émanciper avec l'autre moyen de transport non terrestre qu'est la navigation, les bateaux ici semblent comme l'étalement d'une envie qui avant était surtout de voler, mais là de flotter... je ne considère pas qu'il réchauffe ses architectures végétal-minéral, même si c'est la même recette que beaucoup dans ses autres prods, et c'est un peu ce qui fait qu'on peut se dire 'ah, c'est bien du miyazaki'
- l'ennui je le perçois avec lui comme une ode à la lenteur, et si dans le vent se lève dont je n'ai quasi rien retenu, je me suis ennuyé, ici je l'ai trouvé à la bonne mesure, d'autant que oui ça amène bien la suite où l'autre monde est une alternative à ce que j'interprète de morose dans notre réalité du monde décrit au début... et puis j'ajouterais qu'en l'époque de la gm, la vie allait moins vite qu'ajd, ce qui ainsi montré peut ennuyer, mais fait preuve d'un réalisme qui m'a paru justifié
- re sur le propos du réchauffé... j'avoue que c'est un peu vrai, il est bcp dans l'autoréférencement, mais j'ai trouvé la balance de créativité lui répondant, comme assez lourde aussi, ptetr surtout par le côté technique de l'animation ; la flèche est très bien animée même si elle renvoie à mononoké, la mère dégoulinante comme le dieu cerf, les portes comme celles du chateau ambulant, les caricaturales personnes agées comme des youbaba, le père comme dans totoro, les mécaniques industrielles comme dans porcorosso ou le chateau dans le ciel... mais tout ceci qui s'inscrivait dans ptetr oui j'avoue, un melting pot de ses réussites passées... mais un peu comme une anthologie de son talent et ses points d'ancrage, non comme une simple réitération de ce qui fonctionne chez lui

heu...
bon, voilà, j'veux bien humaniser un peu miyazaki si tel est le sens de désacraliser, mais après je préfère rester humble, car je suis convaincu de passer à côté de mille choses qu'il souhaitait faire passer dans son travail, ça se sent des fois la complexité d'un artiste, et j'veux pas me placer à son niveau, ce serait me gonfler des chevilles en une grossière erreur de volonté à l'égalité ; autant y'en a qui réussissent sans substance, autant lui je m'incline, conscient que c'pas la même cour de jeu

imaginant une conversation qui nous révélerait à nos avis et, comme tu dis en fin, les ferait ptetr évoluer, je n'ai pourtant pas tant de cordage à te renvoyer... si d'autres idées te donnent envie de réagir (à toi ou à qqun d'autre), ça nous ouvrirait à approfondir notre approche, ce qui serait plus intéressant que ces réactions sans ricochets pour l'instant... mais j'ai pas d'idée pour faire rebondir la discussion, alors ptetr restera-ce sans ce caractère conversationnel ; en tous cas ainsi mes mots

àplusss !
« Modifié: 11 novembre 2023 à 14:38:09 par Dot Quote »
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Re : Le Garçon et le Héron (Miyazaki)
« Réponse #4 le: 13 novembre 2023 à 18:51:37 »
Ben dis donc Dot, des avis/analyse pas trop sérieuses, tu devrais le faire plus souvent, c'est pertinent et révélateur. Tu ressens bien je trouve, et t'arrives mieux que moi à nuancer ce que j'ai écrit assez brutalement sur un réalisateur que j'affectionne pourtant - peut-être que j'en attendais trop de lui, malgré que je disais que non.

T'es propos m'ont pas mal fait relativiser, et j'pense que mon prochain visionnage se fera d'un œil nouveau - même si je ne pourrais rien faire contre ce que mon bide ressent : s'il ressent pas ou peu, je pourrais enjoliver mon visionnage de milles conceptions intellectuelles (les propos philosophiques que le film soulève, le propos œdipien), d'autres extra cinématographique (être "indulgent" parce que ça fait 40 ans qu'il produit, que c'est pas une réitération mais une anthologie), ça ne me fera pas ressentir plus pour autant, d'autant que les autres films, même si certains se ressemblent, ne me font pas ça, je n'ai pas besoin de les entourer de conceptions : ça me prend direct (pas tous non plus, mais une grande partie). Mais clairement le prochain visionnage se fera moins dans le flou : tu m'as éclairci le film.

Tout ce que tu dis sur le graphique j'suis en total accord, mais avec ce truc toujours qui joue au fond de moi : dommage que ce soit pour reproduire des choses qu'il a déjà fait. La voile du bateau c'est assez impressionnant. La maternelle tartine de confiture, qui déborde de beurre et de confiture, avec laquelle on s'en met partout jusqu'au front - ça m'a donné beaucoup d'impressions ça. Le roi qui coupe le pont comme un fruit mûr. Enfin tout ça est extrêmement stimulant pour les sens, c'est à chaque fois intelligent. T'en parles vraiment bien et mieux que moi. Y'a un amour chez Miyazaki, je trouve, de la texture moelleuse, qui gonfle, et elle se retrouve partout où elle n'est pas d'habitude.
Pour moi le Héron c'est la réussite du film, surtout visuellement - car pareil l'évolution du personnage est la même que celles qui régissent tous les persos dans le Château Ambulant (notamment la sorcière des Landes), ou dans Chihiro (la première femme qui prend sous son aile la petite et qui au début ralle/est dure avec elle, pour à la fin en être gaga/l'admirer). Mais ouais visuellement c'est quelque chose de marquant le Héron, surtout quand il commence à avoir des dents ça fait quelque chose. Apparemment le propos principal du film serait la situation dans laquelle est Miyazaki (représenté par l'oncle, qui empile 13 petits bloc qui représentent ses 13 films), c'est-à-dire celle du créateur d'un monde qui pour le maintenir cherche un "héritier", quelqu'un qui veuille/puisse reprendre le flambeau, et sur l'acceptation de n'en pas trouver - et le Héron représenterait le producteur. Enfin tout ça je l'ai entendu, je sais pas si c'est réel mais ça a l'air de se tenir.
Y'a un truc assez nouveau c'est ce passage d'auto mutilation assez sombre quand même - et dommage que cette idée de mal être n'est pas plus été approfondi, ça nous aurait permis de nous attacher au petit Maito pour qui, au final, je n'ai pas eu beaucoup d'empathie, sauf à ce passage là, car sinon le remplacer par une poupée n'aurait pas changé grand chose : il n'a pas trop de personnalité je trouve, il se contente de subir/traverser les événements, de dire "non" à l'oncle, et puis c'est tout ; il est assez fadasse je trouve, comparé à une Chihiro râleuse, puis apeurée, puis maladroite, puis sûre d'elle, à un Ashitaka guidé par un principe fort et tiraillé dans l'idée de le suivre à la lettre (le passage ou il arrête le combat entre la princesse et dame Eboshi est une des plus belle scène de Miyazaki je trouve, ça fait monter les frissons à chaque fois), ou à une Sophie dont on suit la détresse dans sa malédiction, puis la lente acceptation, etc... Donc ouais j'aurais bien kiffé qu'il approfondisse ce mal être, ç'aurait été nouveau chez lui et fort, car déjà avec cette seule scène où il s'ouvre le crâne, ça m'a bien mis mal, ça m'as bien fait bader, puis ce sang qui dégouline abondement, qui lui couvre presque tout le visage...
Pour les petites bestioles moi aussi j'ai bien aimé, mais mon enthousiasme encore une fois a été freiné par le fait que ça ressemble beaucoup trop aux bestioles de Mononoké : je sais pas ça me frêne dans le plaisir que j'y prend car j'arrive pas à m'empêcher de penser que c'est pas honnête de sa part, que c'est reprendre un truc qui a fait son succès pour que rebelotte tout le monde puisse kiffer, et moi j'arrive pas à me prendre au jeu ; c'est comme me faire une blague qui me fait rire, puis la refaire en me demandant de rire encore, mais la deuxième fois c'est plus drôle – mais tout ça avec l’émerveillement. Puis finalement j'ai pas trouvé ça si "beau" leur montée au ciel en forme de spirale et protégée par un voile bleu que les pélicans déchirent, c'est assez attendu et facile je trouve. Le fait qu'ils gonflent oui, c'est mignon et rigolo, mais le reste bof.
Et pour compléter la nuance des attaques des pélicans ça va plus loin encore : car si les pélicans attaquent les warawaras c'est pour pouvoir sortir d'ici je crois, pour être assez fort pour sortir, car en gros leur vie dans ce monde est un pur enfer, et ils n'ont pas choisit d'y être, je crois que c'est l'oncle qui les y a enfermé ; donc encore relativité des points de vue, largement exploré à l'identique quasiment dans mononoké.
Pour ce qui est des propos philo etc moi j'pipe rien à peu près, donc j'avoue que je passe outre cet aspect là, ce qui doit j'imagine me faire louper un bout du film, même si ce n'est pas ce qui doit faire son intérêt non plus j'imagine.

Je pense qu'on peut faire une ode à la lenteur sans être ennuyant, ce n'est pas une question de rythme que je reproche au final, car j'aime la lenteur, j'aime Tarkovski, ou Bergman, ou la musique indienne, mais c'est que là il ne se passe rien à l'écran pendant cette lenteur, sinon les signes du Hérons qui se font de plus en plus intense et rapproché : on suit le quotidien de Maito mais sans art, trivialement, y'a vraiment des moments où je me suis dis "pourquoi il montre ça" et même "pourquoi il REmontre ça" (genre se coucher dans son lit, ou ouvrir la porte, la visite de son père) ; c'est assez cru, au niveau du dessin, de l'ambiance. Ça pourrait être plus court d'un quart au moins selon moi, y'a des trucs vraiment pas pertinent et rabâché je trouve ; aussi j'aime pas trop l'espèce d'ambiance "neutre" qui se dégage de la maison, c'est assez impersonnel – mais peut-être que c'est le but. Enfin bon j'ai senti que c'était long, alors que je trouve moins long et plus passionnant une scène de 30 minutes d'un mec qui marche avec une bougie dans Tarkovski par exemple.
Comme toi il me semble que je m'étais un peu ennuyé dans le vent se lève, mais ce qui le sauve c'est qu'il est vraiment fort émotionnellement. J'me souviens que la première et la seule fois où je l'ai regardé, c'était avec ma copine de l'époque, et qu'à la fin j'arrivais pas à m'en remettre, je pleurais et plus elle me disait des trucs et plus je pleurais - c'est d'ailleurs à cause de ces sensibleries que j'ai commencé à la dégouter  :D Là encore ce qui sauve le vent se lève c'est que les persos sont plus profond et attachants, et du coup on est plus impliqué malgré la lenteur et presque les non-événements du film.

C'est clair que Miyazaki c'est pas la même cour de jeu, c'est un artisan conscencieux et travailleur comme pas beaucoup, et dotée d'une grande sensibilité - c'est à dire les qualités rares et essentielles d'un artiste. En fait je disais désacraliser car en te comparant à lui comme à une espèce de chose malpropre ça sous entendait que lui était une espèce de lumière dans la fange, ou comme un Dieu dont on ne peut dire du mal parce que de toute façon "il est trop complexe pour nous humains" parce qu'il nous est supérieur, alors que non c'est rien qu'un homme, certes un grand sensible et un grand travailleur, mais un homme quand même et qui a eu des loupés, des coups de moins bien, des coups de mieux. Et je pense que les milles choses qu'il veut faire passer dans son travail ne sont que les milles interprétations que TU n'as pas encore découvert et formulé en toi, selon ton vécu etc - oui Miyazaki fait passer beaucoup de choses dans ses films, c'est beau et complexe, mais comme pour tous les grands artistes on a tendance à surinterpréter ses films parce qu'ils sont fertiles à notre interprétation, tout en suivant une ligne directrice claire. Comme ces profs de français qui, pour prouver je sais pas quoi, partaient loin je sais pas où, à propos d'une description de Flaubert, alors que son seul but à lui quand il a fait la description, c'est que ça sonne bien quand il la passe au gueuloir.
Juger pour moi ce n'est vraiment pas se mettre au même niveau que l'artiste, d'autant que mon jugement c'est le mien avec tout ce qu'il a de perfectible et de paradoxal, de très simple et terre à terre le plus possible, et que comme on dit le jugement est facile et l'art etc, ou sinon que les avis c'est comme les trous de balles - et j'aime bien m'enfoncer dans le mien et essayer d'en tirer le plus de chose possible (de mon avis bien entendu ;D). Puis moi je soupçonne que Miyazaki, là où il met beaucoup d'énergie, là où il y a la part la plus importante de son travail, de sa profondeur, de sa "philo" peut-on dire, c'est dans le dessin - y'a un amour absolu du dessin, comme Claude Simon ou Flaubert ont un amour absolu de l'écriture en elle même.

Et malgré tout ce que je dis là, y'a des moments où je me suis enthousiasmé fort, d'une manière comme seuls les films de Miyazaki en sont capables - notamment au moment d'entrer dans le nouveau monde, ou quand il retrouve sa mère qui n'est qu'une enfant et qui le guide, quand on découvre les perruches, quand il se fait couvrir de crapauds, etc...

Bon je laisse là dessus, mais vraiment cool de discuter avec toi sur ce film  :)
Il regardait le verre non à sa portée d'une façon de reproche.

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Re : Le Garçon et le Héron (Miyazaki)
« Réponse #5 le: 13 novembre 2023 à 20:26:54 »
nan mais pour les warawaras c'est exactement ça qui m'a bluffé, le type il prend un stylo, trente secondes de son temps, et avec un minimalisme extrême il arrive à te faire une bestiole reproductible à l'infini par multiplication du schéma, mais qui a toute une personnalité de ouf ! et encore plus ainsi en foule ! les noiraudes c'est un gribouillis noir avec des yeux, les sylvains des ptits humanoïdes qui grelottent de la tête, t'en dessines un ce sera jamais le même alors que ça se joue à rien de précis par le dessinateur qui ne se questionne pas sur l'individu qu'il crée à partir du schéma de l'espèce ; alors quand j'ai vu les warawaras la première nanoseconde je me suis dit pareil que toi, 'nan il a osé retenter le coup', et après j'ai pigé toute la singularité de ce kawaï bien distinct des noiraudes et des sylvains, et là je me suis dit, 'nan mais ouais, y'a du level overdeouf, c'est pas qu'une copie de l'un ou l'autre, c'est encore une itération du concept, et qui a toute sa singularité, tout comme les sylvains et les noiraudes sont incomparables sinon pour ce concept de masse uniforme qui inclue la singularité'... j'adore métaphoriquement ce qui fait ces bestioles, tu pourras jamais redessiner le même de l'un d'entre eux alors que c'est la même recette pour chaque individu de ces espèces, ça me fait halluciner sur le paradoxe individu/société, et là le fort de fort c'est que en dix secondes tu peux créer une singularité qui pourtant se raccroche à son espèce ! san goku et végéta ont beau se distinguer uniquement par leur coiffure, graphiquement parlant, tu peux les reconnaitre, ils sont singuliers et pourtant reproductibles dans leur identité, alors qu'un noiraude, un sylvain ou un warawara, c'est jamais le même, c'en est tjrs un nouveau, avec trois traits juste bien conçus, et même si au contraire il est difficile de les reconnaitre en tant qu'individus, bin c'est ça que j'adore ! et le fait est que en tant que concept, ces trois espèces n'ont rien à voir entre elles, si jamais il en crée une quatrième qui respecte ces codes, je serais en admiration encore plus de ouf tant que l'espèce se singularise, ce qui est je trouve, le cas pour ces trois monstres ! mais c'est vrai qu'au delà de l'exploit, on peut se dire que le concept d''espèce minimaliste synthétique féérique dont chaque individu ne se dessine qu'une fois mais pareil que tous les autres' est réchauffé... réchauffé trois fois, y'a pire pour un tel challenge non ? moi j'y vois comme un exploit, aussi fort en fond que en forme, j'suis aussi admiratif que sur les points autour de l'infini combiné à l'unité, de ce truc mathématique qui a agité cet été 2023 autour de la découverte du (ou d'un ?) carreau einstein... ptetr y'en a d'autres ? dans tous les cas l'apériodisme du truc, adjoint au minimalisme de la forme, j'trouve ça carrément ouf, et j'y ai retrouvé assez d'originalité pour me dire que c'était balèze

bien noté, la sorcière des landes est également une belle image de la relativité bien/mal, décidémment il a bien intégré le fluide yinyang cet octogénaire ! mais alors qu'on l'aborde sous l'oeil de sophie qui par tolérance lui rend sa relativité, là le héron semble relatif plus sous son prisme à lui : il se la joue pur au début, montre les dents ensuite (oui ça bien noté aussi, c'était très ambigu ce passage vers le monstre, je me suis demandé les premières fois où il montre les dents, si c'était un choix pour humaniser le perso en mode 'personne remarquera'... la suite m'a émerveillé/dégoûté ahah la tête qui sort du gosier chelou !), puis se dévoile dans sa faiblesse comme si son costume faisait sa force, qu'il perd, puis reconquiert... là le protagoniste ne sert qu'à le réparer l'endommager, et lui rend sa relativité que s'approprie un peu trop dignement sophie pour la sorcière, cette dernière n'étant au final que le résultat de la bienveillance d'âme de sophie...

j'avoue te suivre sur l'idée que maïto est un bloc de marbre... je ne sais qu'en penser, je n'arrive pas à m'extraire de l'idée qu'on est encore dans un système général humain où l'homme n'a que peu d'espace pour exprimer son émotivité... pour l'automutilation ça se justifie sous ce prisme je crois, la limite émotionnelle est franchie et ses dégâts irréparables : il est rejeté par ses camarades, et se mure dans une armure, je crois le mensonge sur l'appropriation des blessures est un schéma qu'on trouve encore dans la réalité de nos jours, alors est-ce à l'artiste de proposer d'autres visions ? cela change-t-il tant que ça la réalité lorsqu'il le fait réellement contre pertinence du réalisme de l'image proposée en alternative ? je ne sais...

le propos de l'oncle je te suis aussi, j'y ai à peine réfléchi car je me disais qu'une telle projection si on en parlait trop sous l'angle du truc, aurait un effet néfaste sur les soi-disant chevilles de tout démiurge, mais à un moment donner faut oui, qmm, rendre à césar ce qui est à césar, et j'ai aimé le personnage dans ce qu'il semble non seulement être seul sur son pouvoir, mais en pleine difficulté comme tout sommet est un endroit périlleux ; et puis la succession et l'angoisse sur ces enjeux est bien menée, par contre j'ai trouvé ça presque poétique justement, que maïto refuse... comme si ce devoir ne pouvait qu'être endossé par qui est désigné par le destin ; une réponse à la naïveté et l'innocence que les suiveurs voudraient un légitime maître pour ensuite ne faire que le rabaisser, le critiquer, le remettre en question pour ses décisions de meneur ; ici je voyais le refus comme un 'vous humains ne voulez plus de chef, alors démerdez-vous'

ce sommet qui demande, en plus du pouvoir, un effort faramineux auquel vient donner profondeur le roi perruche, représentant pour moi le potentiel côté vicié de tout air du sommet... une nuance bienmal m'avait saisi mais j'ai oublié le contenu de la scène, alors je me tais là pour ce roi, continuant pour ces oiseaux, symbole d'une politique de la majorité qui écrase peu à peu la biodiversité de la tour... autant j'ai longtemps considéré l'unanimité comme une force, autant le fascisme né d'un monopole unique commence à me faire peur, et ici on sent bien l'aliénation du peuple perruche sur le monde d'en bas lorsque l'histoire se raconte, et... bin philosophiquement ça me fait personnellement renoncer à beaucoup de rêves, mais je vois que c'est pertinent, comme le panoptique est une oppression, les mouvements trop solidaires peuvent être dangereux et c'est ici bien illustré

bref bref, cool aussi de lire ton avis Safrande, et de pouvoir y rebondir, je me dis que j'suis passé à côté de le vent se lève, ptetr un jour y trouverai-je les trésors que tu sembles avoir repérés, je ne connais pas tes références pour la lenteur mais reste curieux surtout en admettant que ce propos n'est sûrement pas le principal de le garçon et le héron, et que donc il peut probablement être plus poussé ailleurs ; je me dis aussi que oui, rabaisser un peu le piédestal que je me figure à miyazaki, est un relativisme qui peut porter de beaux fruits pour moi et mes complexes, et de ce schéma l'acceptation ou la bonne répartition des talents pourrait devenir plus agréable, car moi et mes chevilles, tu me demandes de peindre un chateau dans le ciel, je me seppuku avant même de commencer !

et donc en nuance perso pour ne pas que glorifier, mes petites déceptions pour que le piédestal ne soit pas socle à statue divine... le matelas ! bon dieu qu'il bouge mal en fonction de comment maïto bouge dessus, c'est quoi ça, les futons qui n'ont pas la même physique que dunlopilo ?!!! et La 'belle femme' : toutes pareilles, la maman, la belle maman, eboshi ailleurs... les veilles laideurs ont plus de personnalité avec leurs yeux globuleux leurs nez grossiers, leurs sourires non frigides, et pourtant le caractère transcendantal de la beauté vient tenter de donner raison à ces belles femmes qui interverties entre elles n'apporterait pas grand changement...
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Hors ligne Beglous

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Re : Le Garçon et le Héron (Miyazaki)
« Réponse #6 le: 19 novembre 2023 à 14:28:02 »
Ça y est, je l'ai vu !

Et pour ma part je me suis passablement ennuyée et suis restée assez indifférente à cette histoire.

Pourtant, dire que j'aime les œuvres de Miyazaki !

Vous avez pondu de sacrés pavés pour parler du film. Je me suis racontée beaucoup de choses aussi en sortant de la séance. Et tout ce dire autour de l’œuvre rejoint mon impression de quelque chose de décousu, avec bien moins de cohérence que dans ses films précédents. J'ai fini par en conclure que Miyazaki voulait parler de lui mais ne l'assumait pas tout à fait. Car l'enjeu de cet héritage apparait à la fin, presque anecdotique, et son refus se fait finalement assez discret, sans trop de conséquence.
D'habitude, dans les œuvres de Miyazaki, je suis emportée dès le début, mais là rien, la tragédie glissait sur moi.
Et je crois que ce qui a beaucoup péché pour moi c'est la part dédiée à Hisaishi que j'ai trouvée vraiment en dessous par rapport à leurs collaborations précédentes. Je pense que pour moi c'est la rencontre artistique entre ces deux personnes qui me plaît particulièrement. D'habitude, je sors d'un de leurs films et j'ai le thème dans la tête avec ce sentiment heureux d'avoir été immergée dans l’œuvre. Mais là, impossible, ce motif répétitif au piano n'a laissé aucune trace.
Beaucoup de redites aussi, des plans où j'avais l'illusion de retrouver un personnage antérieur. C'est peut-être volontaire puisqu'il semble s'agir d'un hommage à soi-même ou d'un deuil de soi.
Finalement j'ai trouvé le fond très triste et je compatis à la souffrance de l'homme derrière le réalisateur, mais je ne me suis pas sentie touchée, prise par l'émotion comme toujours, jusqu'ici.

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Re : Le Garçon et le Héron (Miyazaki)
« Réponse #7 le: 19 novembre 2023 à 15:17:52 »
hmmm ui Beglous, tu pointes un truc que j'avais qu'à moitié conscientisé, je cite ton qualificatif que j'ai aussi ressenti : 'décousu'... ou plutôt cousu en mode patchwork, non ? j'avais l'impression que l'ambiance était imprévisible et multiple, que chaque 'chapitre' n'était que peu en lien avec les autres, tant dans les lieux, que dans les ressors scénaristiques et psychologiques... ça m'a déstabilisé par rapport à la progression homogène d'autres de ces films : chihiro se tient même lorsqu'elle part des bains avec le train sur l'eau, mononoké voit ashtaka se faire son aventure dans un monde qui reste le même, totoro est parfaitement habité dans ce bout de campagne, alors que là on commence à tokyo, on bouge loin, y'a la tour et le monde d'en bas, la zone maritime, et on passe de l'un à l'autre un peu linéairement comme si le tout était segmenté par des coutures qui morcellent la force qui aurait été d'une unité plus substantielle...

dommage que tu te fus ennuyée, perso je l'ai trouvé assez 'fantastique' pour que mes rêves s'en inspirent de la stupéfaction, de l'émerveillement, de la surprise

merci pour ce nouvel angle de vue, je le trouve très pertinent et il m'aide à relativiser le produit cinématographique ; ne connaissant pas vraiment le bonhomme ni l'acolyte que tu cites, j'ai moins perçu ce caractère personnel dont j'avais pourtant eu vent de l'intention... une morne impression pour toi sur ce plan ? ptetr parce que même les stars, à la confesse, ne sont que des humains comme tout le monde, et qu'il peut leur être difficile de se montrer ainsi et non brillant dans le firmament...
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Re : Le Garçon et le Héron (Miyazaki)
« Réponse #8 le: 21 novembre 2023 à 21:03:47 »
Oui, "patchwork" ça me va bien aussi comme qualificatif :)

Peut-être que si je n'avais pas connu ces œuvres précédentes je ne me serais pas ennuyée. C'est une appréciation relative.

Je ne connais pas bien non plus, faut pas croire. J'ai seulement vu un documentaire sur le réalisateur - fort intéressant - qui m'a donné l'illusion de "rencontrer" un peu de l'homme derrière l'artiste. Beaucoup d'exigences, un travailleur acharné, des relations professionnelles qui peuvent en pâtir, un imaginaire extrêmement présent, parfois à la limite du réel pour lui : je crois me souvenir qu'il avait dit voir les sylvains ; un peu comme ce vieil homme dans son dernier film, qui a délaissé le monde réel pour un monde rêvé, mais un rêve qu'il faut maîtriser à tout prix pour éviter l'effondrement.
Et pour ce qui est de son acolyte Hisaishi, c'est le compositeur qui l'accompagne sur quasiment - si ce n'est toutes - ses œuvres.
Je n'ai pas bien compris ce que tu demandais par rapport à la possibilité d'une "morne impression".
Je ne sais pas ce qu'est être un humain comme tout le monde ; mais c'est sûr que l'on vieillit tous et que la proximité fluctuante de la mort dans nos existences s'entend, se voit, se lit dans nos manifestations. Même les stars - au sens anglophone que tu as repris - finissent par s'éteindre.

Et puis les gens changent, lui comme nous. Ce qui résonne un jour ne résonne pas toujours. Peut-être que plus âgée, je verrais ce film avec un autre regard, un autre ressenti. Quand je revois ses œuvres précédentes, je vis toujours un petit voyage temporel où il y a moi d'aujourd'hui qui regarde le film et celle que j'étais avant qui retrouve la première rencontre. Dans cette perspective, j'ai peut-être vu ce film trop tôt. J'ajouterais que j'ai le sentiment que cette œuvre prendra une autre dimension de signification quand son réalisateur ne pourra définitivement plus tenir en équilibre les pierres. Je pense que cela a contribué à mon fond de tristesse, car quelqu'un qui a tant fait pour partager son univers interne, personnellement cela m'a donné ce sentiment d'avoir grandi auprès de lui, d'avoir été nourrie par sa façon de voir les choses, de les restituer, et donc c'est quelqu'un qui me manquera et dont j'aurai à faire le deuil, à l'instar de son protagoniste.
« Modifié: 21 novembre 2023 à 21:15:58 par Beglous »

 


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