Hello,
Un tic-tac mouvementé, sorry!

Pas eu le temps de relire, je poste à la bourre mais j'avais envie de terminer ce récit, d'aller jusqu'au bout de mon idée. J'espère que ça en valait la peine!
Des pirates félins pour l’autre— Ben, voilà ! Je t’avais dit de prendre les rames, Tigrou ! Tu les as oubliées sur le quai…
Martin, huit ans, était en train de tancer son tigre en peluche. Tigrou le regardait de ses yeux noirs impassibles.
— T’exagères quand même ! ajouta-t-il.
La côte s’éloignait petit à petit. La peur commençait à gagner le petit garçon. Il avait profité d’une sieste de son oncle pour voler sa barque de pêche avec son fidèle matelot, Tigrou. Il avait envie de vivre une aventure de pirate, une vraie. Maintenant, il se retrouvait seul sur l’océan qui malgré sa platitude, les emmenait rapidement vers le large.
— C’est comme ça, on peut jamais compter sur vous, hein ! Les tigres, c’est rien que des gros égoïstes !
Martin croisa les bras et afficha un air renfrogné. Il sentait les larmes lui monter aux yeux mais pas question de craquer devant Tigrou. Il se moquerait de lui. Alors, il se mit à réfléchir.
Le ciel était d’un bleu sans nuage. Sur le bateau, la température commençait à les faire suer. Autour d’eux tout était calme, pas une embarcation en vue pour venir à leur secours.
Non loin d’eux, la surface se mit à bouillonner. Les yeux de Martin s’agrandirent. Une flopée de pensées toutes moins rassurantes les unes que les autres défilèrent dans sa tête. Il revit le sous-marin de Jules Verne dans « 20000 lieues sous les mers », le requin blanc des dents de la mer, ou encore le monstre des abysses présent dans la dernière histoire de pirates qu’il avait lue. Il ravala sa salive. Un tourbillon venait de se former, attirant la barque.
— Oh non, non, non ! s’exclama Martin.
Il se pencha pour mettre ses mains dans l’eau et tenta de ramer pour éloigner l’embarcation de l’œil de la trombe.
— Évidemment, toi tu fais rien, comme d’habitude, fit-il à Tigrou, d’un ton plein de reproche.
Après quelques minutes d’efforts, Martin se retrouva à bout de souffle, les bras engourdis. La barque s’approchait toujours du tourbillon. Désespéré, le garçon se mit à hurler :
— Au secours ! Aidez-nous !
Personne n’entendit son appel.
— C’est ta faute tout ça ! lança-t-il à son tigre. Tu disais que tout se passerait bien et qu’on jouerait aux pirates !
Martin sanglota.
— Je vais rater le goûter en plus… Tonton avait fait un crumble aux pommes…
Le bateau tangua et chavira. Martin fut projeté contre sa peluche. Il la serra dans ses bras avant de fermer les yeux. Les flots engloutirent la barque et ses occupants. Le garçon sentit la fraicheur de la mer l’envelopper. Les joues gonflées, il retenait sa respiration comme lui avait appris sa maman quand il fallait mettre la tête sous l’eau. Une patte poilue lui attrapa la main. Il rouvrit les yeux et vit Tigrou qui lui fit un clin d’oeil.
— Respire, Martin ! dit le tigre. Comme dans l’air !
Martin se dit que Tigrou avait complètement perdu la raison, que ce n’était pas possible de respirer dans l’eau car il ne possédait pas de branchies mais tenta quand même.
— Ah ouais… constata-t-il. Oh, je peux même parler !
— Regarde ! cria le tigre.
Un galion reposait sur le fond sableux. Un des mats était encore dressé, sa coque éventrée sur le côté servait de passage pour un nuage de petits poissons argentés. La figure de proue représentait une sirène avec un doux sourire.
— Oh mince ! fit Martin. Un bateau de pirates !
— C’est celui d'Audio Jack, le pirate mélomane, affirma Tigrou d’un ton docte. Son trésor git au fond des océans. Personne ne l’a jamais trouvé…
— Tu crois qu’il est encore là ?
— Allons voir !
Ils nagèrent vers le trou béant de la coque parmi les algues qui dansaient au rythme du courant. Les poissons qui s’écartaient sur leur passage. Martin repensa à ce passage des « Dents de la mer » où le plongeur s’approche du bateau et où un visage déchiqueté surgit par un effet malicieux de contre-plongée. Il avait sursauté devant cette scène avant de passer quelques nuits blanches où des cauchemars horribles l’avaient tourmenté.
— Vas-y en premier, dit-il à Tigrou.
— Quoi ? T’es dingue !
— Mais t’es un tigre, toi ! Qui mieux qu’un tigre peut se défendre contre un requin ?
Tigrou faillit répondre que cette question n’avait aucun sens mais son honneur de tigre était en jeu. Il pénétra donc le premier à l’intérieur du galion.
Les parois du navire étaient parsemées d’une colonie de minuscules organismes fluorescents. Martin n’aurait su dire s’ils étaient d’origine végétale ou animale. Alors, il se contenta d’admirer le spectacle. Son regard tomba sur un grand coffre en bois, posé à côté d’une table circulaire en verre.
— Tigrou, le trésor !
Ils s’approchèrent. Les petits êtres lumineux passaient entre ses doigts pendant qu’il nageait. Parfois, il se posaient sur sa peau, la faisant scintiller de jaune.
— C’est cadenassé, constata le tigre.
— Crotte de bique ! Attends…
Martin fouilla les alentours du regard. Il tomba sur une mince barre de métal qu’il alla chercher.
— Essaye avec ça, dit-il.
— Pourquoi moi ?
— Parce qu’un tigre, c’est costaud !
Tigrou marmonna quelque chose en langage tigre et se mit à forcer le cadenas qui céda rapidement. Les yeux de Martin étincelèrent.
— Ouvre, vas-y ! cria-t-il tout excité.
Tigrou obtempéra. Une lumière aveuglante s’échappa du coffre. Des pièces d’or, des bijoux et des couverts dorés voyaient pour la première fois depuis longtemps des visages humains.
— Waaaaah ! fit Martin. On l’a trouvé ! Oh chouette, chouette, chouette !
Il était en train de rire quand il aperçut la mine décomposée de Tigrou. Il suivit son regard avant de se figer à son tour. Un tentacule gigantesque s’était introduit par le trou et fouillait la coque. Martin et son tigre se collèrent contre la paroi opposée, espérant que l’animal ne les trouverait pas. D’ailleurs, pensa le garçon, de quel bestiole s’agissait-il ? Trop gros pour être un poulpe, miam le poulpe ! Trop petit pour être un redoutable calamar géant, quel goût ça a le calamar géant ? C’était quoi ce truc ?
— Y a quelqu’un ? fit une grosse voix qui résonna dans les entrailles du navire, faisant frissonner les deux aventuriers.
Tigrou posa un doigt sur ses babines.
— Chut… intima-t-il à son ami.
Aucun risque que Martin ne l’ouvre, il était terrifié.
— Bon, je sais que vous êtes là, je vous ai vous entrer… dit la voix. Un petit gars et un tigre…
Martin avait de nouveau envie de pleurer. Ses lèvres se retroussèrent vers le bas. Il s’apprêtait à exploser quand la patte poilue de son ami se plaqua sur sa bouche.
— Allez, les gars, supplia la voix.
Le garçon fronça les sourcils. L’animal avait l’air plus embêté que menaçant.
— J’ai perdu mon monocle, vous pouvez me dire s’il est là ?
Martin fit un signe à Tigrou qui haussa les épaules en retour. Tous deux inspectèrent les environs avant de tomber sur la table de verre près du coffre. L’index de Martin indiqua l’objet, Tigrou acquiesça avant de partir chercher le monocle. La garçon se dit que la créature devait avoir de sacrés grands yeux et il se demanda une nouvelle fois de quoi il s’agissait. Tenaillé par la curiosité, il prit l'objet que Tigrou lui tendait et sortit du bateau par le trou. Un immense poulpe violet lui faisait face. Quand il aperçut son bien, il se tourna pour montrer son bec qui forma un sourire.
— Merci ! dit-il en chaussant son monocle. Je vais pouvoir partir chasser. Vous avez passé l’épreuve, les amis ! Le trésor est à vous !
Les yeux de Martin pétillèrent brièvement. Ils avaient le trésor mais que pouvaient-ils en faire s’ils ne pouvaient rentrer chez eux?
— Comment on rentre chez nous ? demanda-t-il. Vous savez comment faire ?
— Bien sûr ! Répondit la pieuvre. C’est comme toujours : claque des talons trois fois.
— Ah oui, pas bête…
Tigrou et lui firent ce qu’on leur avait conseillé. Tout devint noir.
Quand Martin rouvrit les yeux, il était dans la barque, sur la plage où donnait la maison de son oncle. La mer était calme, le bois du bateau sec et le trésor avait disparu. Tigrou faisait encore la sieste, affalé sur le banc.
— Tigrou ? appela Martin. Tigrou ?
Pas de réponse.
— Évidemment, t’es choqué, toi aussi… Je comprends. Une aventure de fou qu’on vient de vivre ! Mais t’as fait quoi du trésor ?
Toujours aucune réponse. Avec un soupir, Martin haussa les épaules et attrapa Tigrou par la patte avant de sortir de son embarcation. Il était tout excité par l’aventure qu’il venait de vivre et en même temps frustré de ne pas avoir ramené de preuve. Personne ne le croirait. Alors qu’il contournait la barque pour reprendre le chemin de lattes de bois, il se figea. Un sourire se dessina sur son visage et il lança un clin d’œil à Tigrou. Le coffre en bois était posé sur le sable.