Souviens-toi ta vie
Pour s'amuser.
Ils lui ont coupé les tendons et l'ont regardé se vautrer. Par derrière, bien sûr, Achille ne s'en serait pas douté non plus. Petits coups de lame bien placés, et voilà qu'il se trémousse par-terre, tortillant comme un ver, sous les rires de douleur.
- Lève-toi et cours, sans quoi tu vas mourir.
Alors il grince et il pleure, il renifle et il maugrée de peur, d'impossibilité même à fuir le terrain de l'horreur, il sent que tout ceci va se terminer mal, et d'une façon un peu désagréable. S'il arrête de se débattre, ils auront tôt fait de le réveiller à coups de pieds dans les reins. Il n'a donc que le choix imposé de faire semblant. Comme s'il allait vivre. Comme s'ils lui laissaient une chance. Les hypocrites.
- Rampe encore un peu, c'est pas fini.
Ils se moquent gentiment, c'est pas très courageux de rester au sol. C'est pas très glorieux hein, d'être soumis à cette gravité que des tendons bien placés savaient rendre caduqe... Mais c'est pas grave mon grand, tout le monde a des problèmes, et la faiblesse ne réside pas dans la chute, bien que la force soit de se relever. Alors mon grand, que fais-tu par-terre les pieds tranchés ?
- D'ailleurs on te fait une fleur, c'est toi qui dit quand c'est fini.
Ils le taquinent un peu, c'est de bonne guerre après tout. Il n'avait qu'à pas être lui-même. Ou plutôt si, et c'est une bonne chose, surtout pour lui. Il en faut un peu, des gens qui meurent et qui souffrent, sans quoi les autres ne s'amusent pas. Coup de pieds dans les reins ; mais aussi dans le foie ; au visage. Eh bien, tu ne rigoles pas ?
- Tu sais le plus intéressant dans la torture, c'est pas quand on a réussi à te faire parler...
Il sait dorénavant que son exécution ne patiente que par humiliation consciente des bastions de la mésentente humaine. Eux, ignorent les causes de leurs taches, et lui est impuissant quant aux déterminations qui en découlent. Alors il reçoit ; ses reins encaissent sereins, puisqu'ils ne lui ont promis que ça : mourir, bien.