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Auteur Sujet: la substantifique moelle  (Lu 9639 fois)

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la substantifique moelle
« le: 23 août 2012 à 15:31:47 »
Bonjour à tous,

Voilà j'ai une proposition à vous faire.  :mrgreen:

Dans la perspective de se pencher sur ce qui fait le sel d'une histoire, du petit élément qui rend tel ou tel passage d'un livre délicieux, telle ou telle scène d'un film mémorable, j'aimerais que vous me livriez ici quelques exemples, quelques perles narratives qui vous ont fait vibrer dans votre vie de lecteur/spectateur.

Attention, je ne souhaite pas un résumé complet de l'ouvrage, même si je sais que l'élément clef à extraire de l'oeuvre est forcément bien intriqué dans cette dernière.

Non, l'astuce serait de réussir a opérer le récit pour en isoler le mécanisme à l'origine du plaisir.
On pourrait appeler ce mécanisme "la ruse", voilà il s'agirait de découvrir la ruse narrative qui fait le charme d'un récit.
De la manière la plus concise qui soit, cela va sans dire.

Mais trêve d'explications stériles voici deux exemples:

J'adore "Les Habits neufs de l'empereur", un  conte que j'ai par ailleurs découvert sur ce forum, au détour d'une conversation.
J'ai réfléchi a quelle était la ruse à l'origine du charme de ce conte et je pense que c'est l'exploitation particulièrement astucieuse de l'ironie dramatique:
Elle est biaisée (ou je dirais au second degré!) car le lecteur sait que chacun ment mais cela chacun des personnage le sait aussi... même les victimes du mensonge (les marchands).
Elle réside donc dans le fait que le lecteur sait que tous le monde ment, et que tous les personnages l'ignorent.
Il peut donc s'amuser à loisir de la sottise de tous les puissants qui pris individuellement sont pris au piège d'une vanité à laquelle n'échappe que le symbole de l'innocence.

Bref c'est un bel exemple d'ironie dramatique.


Un autre exemple:
Une scène du film "Jumanji" dans laquelle on demande à un gamin d'aller d'urgence chercher la hache dans la cabane à jardin. C'est une scène de panique et d'action ... tout va vite:
On suit la petite fille qui se précipite vers la cabane qui se trouve malheureusement être fermée. Elle cherche du regard partout autour d'elle un objet pour l'aider à enfoncer la porte et découvre au sol une hache dont elle s'empare vigoureusement. S'en suit le petit instant de flottement lorsque brandissant l'objet elle se souvient se qu'elle était venue chercher ici.
Dans ce cas la ruse consiste à emmener le spectateur dans la tourmente de la précipitation et se servir de son réflexe naturel a chercher les solutions aux problèmes posés. En lui livrant une solution avant qu'il n'ait pu l'imaginer lui-même, on s'assure qu'il sera pris a contre-pied le temps d'une seconde.
« Modifié: 27 août 2012 à 15:36:55 par kodama »
Si tu veux tout savoir, moi aussi.
Jette-lui la pierre dans le doute.
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Re : la substantifique moelle
« Réponse #1 le: 23 août 2012 à 18:26:24 »
C'est le sujet de l'année ça, je sens débouler les débats sur des scènes cultes du septième art et de la littérature.  :D
Je posterai sans doute quelques analyses le temps venu.

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Re : Re : la substantifique moelle
« Réponse #2 le: 23 août 2012 à 19:04:36 »
C'est le sujet de l'année ça, je sens débouler les débats sur des scènes cultes du septième art et de la littérature.  :D
Je posterai sans doute quelques analyses le temps venu.
Merci WEG!
Je veux une couronne de laurier pour ce prix!  :D
Mais en faite j'ai pas vraiment envie de créer des débats.
Je souhaite plutôt compiler quelques bons exemples de pirouettes narratives pour pouvoir dans un second temps lancer un exercice sur cette base.
Tu vois il ne s'agit pas de critiquer le fait qu'un tel adore tel ou tel élément d'une histoire.. je veux dire, le fait qu'il l'adore est déjà en soit suffisant... Ca signifie qu'il y a bien quelque chose, une idée originale et sympa derrière cela.
Et ce qui plaira à l'un ne plaira pas à l'autre.

En même temps je suis pas sûre de moi.
J'ai un esprit assez conceptualisateur et rationnaliste.
Ma pierre de Rosette c'est la recette secrète pour écrire de bonnes histoires.
Personne ne l'a jamais trouvée mais c'est toujours sympa de chercher.
Après j'entends déjà mes détracteurs me dire que c'est une infamie que de vouloir trouver des mécanismes à l'imaginaire...
Et je leurs concède que c'est probablement un oxymore ... mais disons que je n'oblige personne à me suivre dans cette quête vouée à l'échec.
Et puis j'ajouterais qu'on est surpris parfois à quel point les choses les plus complexes, les plus irrationnelles peuvent avoir une règle sous-jacente simple et harmonieuse.
Vous savez comme pour la théorie de l'évolution.
J'ai le sentiment que dans l'immense majorité des cas, la "ruse" que j'évoque provient d'une forme de surprise, de décalage... mais je ne parviens pas à suffisamment bien la définir.

C'est une aventure intéressante non?  :mrgreen:
« Modifié: 23 août 2012 à 19:12:31 par kodama »
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Re : la substantifique moelle
« Réponse #3 le: 26 août 2012 à 08:42:33 »
Mon sujet est en train de faire un bide on dirait  :mrgreen:
Personne ?
Vraiment ?
.
.

Allez pour la science (oui on va dire que c'est une science).
A vot' bon coeur M'sieur dames.
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Re : la substantifique moelle
« Réponse #4 le: 27 août 2012 à 13:52:33 »
Non mais ça va pas ça, ce sujet mérite mieux, allez je me sacrifie pour l'amour de la science.  :D

J'ai trifouillé un peu dans ma mémoire pour retrouver certaines perles narratives qui m'ont marqué, il se trouve que la plupart proviennent de l'univers des jeux-vidéo, ce qui est somme toute assez normal dans mon cas vu que cela a bercé mon enfance contrairement aux films et à la lecture.
Je vais détailler ici deux scènes qu'il m'est apparu possible de définir comme "ruse".

Le premier est l'excellent Braid, un jeu de plateforme très inspiré des Mario, avec en petit plus le fait de pouvoir remonter le temps.
Le but est de récuperer sa mémoire en parcourant divers niveaux et de  sauver une princesse ... En tout cas c'est ce que le héros ( et le joueur ) pense tout au long de l'aventure  :P ...
Car quand vous atteignez le dernier niveau (qui est aussi le premier), vous remarquez que quelque chose ne va pas, la musique est à l'envers, comme si vous étiez en train de remonter le temps. Puis apparaissent au dessus de vous la princesse et son ravisseur, et là chose bizarre le dialogue semble ne pas souffrir de l'altération du temps, puis la princesse s'échappe des mains du ravisseur et s'enfuie toute seule.
Le héros (vous) la poursuit tout au long du niveau, sans doute pour la rejoindre, la princesse semble en effet vous aider car elle actionne des plateformes qui vous permettent d'avancer. Puis vous finissez le niveau. Et là, juste avant la réunion entre vous et la princesse... L'impensable se produit  :)
La musique redeviens normale, le temps ne s'écoule plus à l'envers, et la princesse reviens sur ses pas, vous vous remettez à sa poursuite pour découvrir avec horreur que c'est en réalité vous le méchant. Que les plateformes qu'actionnait la princesse c'était pour vous empecher de la rejoindre, et que le gros baraqué qui semblait avoir capturé la princesse au début du niveau est en réalité son sauveur

Bref c'est un des plus beau revirement scénaristique qu'il m'est été donné de voir, et des images valant mieux que milles mots voici une vidéo.
http://www.youtube.com/watch?v=f1hRReQkaBs



Le deuxième exemple de ruse scénaristique tiens plus du pur sadisme qu'autre chose. Je parlerai cette fois du visual novel Kirakira, qui raconte en gros l'histoire de quatres lycéens (trois filles et un mec travesti(vous)) qui forment un groupe de rock et partent en tournée à travers tout le pays.
Il est possible dans cette histoire, à travers les choix qui nous sont proposés, que l'une des trois filles deviennent notre petite amie, comme dans la plupart des visual novel de ce genre donc, il y a aussi parmi ces trois filles une qu'ont peut indéniablement considérer comme l'héroine principale, comme dans la plupart des visual novel de ce genre donc... Mais ! La où ce jeu se démarque des autres, c'est qu'au cours de votre relation avec cette héroine, ben... Elle meurt  ><
Autant vous dire que pour le joueur, c'est un choc énorme, mais vraiment vraiment énorme. En plus la narration ici est parfaitement maitrisée: Après une scène relativement lambda il y'a une petite ellipse, puis le héros se retrouve seul dehors, il y'a une énorme averse et il a l'air totalement à l'ouest, ce qui suffit à attiser la curiosité du joueur. Puis on arrive à l'hopital où on trouve la mère de notre petite amie, qui nous apprend qu'il y a eu un grand incendie chez eux, la curiosité laisse place à l'apprehension. On apprend ensuite que notre bien aimée à subie de très graves brûlures et qu'elle est entre la vie et la mort, l'apprehension laisse alors place à l'horreur quand on la voit sur son lit d'hopital.
Le joueur est tout aussi perdu que le héros dans ce moment-là, car il se rend compte que ce n'est pas juste un sale coup scénaristique pour lui faire peur, que ce n'est pas une erreur de choix et donc une mauvaise fin. C'est la bonne fin, et l'héroine va vraiment mourir.
Bref c'est grandiose. Mais ce n'est pas tout  ><
Il y'a alors une ellipse de cinq ans, on retrouve notre héros totalement paumé, qui vit de petits boulots par-ci par-là. L'histoire suit tristement son cours et on en viens presque à oublier ce qui s'était produit plus tôt... Jusqu'à ce que votre héroine réaparaisse devant vous, toute neuve toute souriante  :P
Là encore le joueur se retrouve dans le même état d'esprit que le héros, il se dit que c'est impossible, totalement impossible, trop beau pour être vrai, mais en même temps il veut terriblement y croire. On découvre un peu plus tard que ce petit "retour" n'était qu'une hallucination, fruit de la folie grandissante du héros. Et voilà. Encore un coup réussi dune bande de sadiques scénaristes.


Finalement j'ai pondu un gros pavé. Mais comme je l'ai dit c'est bien interessant comme sujet  :mrgreen:
« Modifié: 27 août 2012 à 13:55:42 par World End Girlfriend »

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Re : la substantifique moelle
« Réponse #5 le: 27 août 2012 à 14:21:09 »
Merci WEG  :D on se comprend toi et moi!

J'espère qu'on va pas rester tout seuls tous les deux trop longtemps.
Il me faut plus d'exemples pour fournir une base de réflexion intéressante.
Sinon tes exemples sont parfaits, c'est exactement ce que je voulais!

J'ajoute qu'il n'est pas nécessaire d'expliquer la ruse..
Je veux dire, vous pouvez évoquer la scène de l'orgasme dans "Harry rencontre Sally" sans livrer d'analyse sur ce qui la rend jouissive  ;)
« Modifié: 27 août 2012 à 14:34:14 par kodama »
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Re : Re : la substantifique moelle
« Réponse #6 le: 27 août 2012 à 14:29:51 »
Merci WEG  :D on se comprend toi et moi!

J'espère qu'on va pas resté tout seuls tous les deux trop longtemps.
Personnellement ça fait plusieurs jours que j'ai l'onglet ouvert, mais j'ai pas encore trouvé le temps de répondre, parce que ça nécessite de réfléchir.
Mais c'est un sujet super intéressant :)
(Par contre, pourquoi poster dans la marmite ? ça aurait pas plus sa place dans les Questions Existentielles ?)
Il ne faut jamais remettre à demain ce que tu peux faire après-demain.

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Re : Re : Re : la substantifique moelle
« Réponse #7 le: 27 août 2012 à 14:37:09 »
J'espère qu'on va pas resté tout seuls tous les deux trop longtemps.
Han la fôte!.. Je suis vert  :mrgreen: , je veux dire, je sais que j'en fait pas mal mais pas d'aussi grosses quand même.

Bon plus sérieusement je l'ai mis là parce que je voudrais mener une réflexion sur les exemples soumis et nous livrer à un petit exercice collectif sur cette base par la suite.
Mais c'est vrai que ça nous emmène assez loin.. donc j'ai rien contre le fait de déplacer le fil.
« Modifié: 27 août 2012 à 14:47:29 par kodama »
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Re : la substantifique moelle
« Réponse #8 le: 29 août 2012 à 11:52:02 »
Bon puisque les exemples n'arrivent pas, je vais préciser mon idée sur le "décalage corrupteur" (j'ai inventé le terme).
Selon moi, l'ingrédient ultime des histoires qu'on invente, celui qui rends une idée magique, un récit captivant, celui qu'on passe le plus clair de notre temps a chercher est (serait) le décalage corrupteur.
Mais c'est quoi?

(attention théorie fumeuse, naissante et mal étayée):

C'est le truc qui transforme une idée plate, un concept banal, en quelque chose de signifiant et d'excitant.
Le "décalage" exprime l'idée d'une opposition, d'un changement de point de vue, d'une recherche de mise en perspective sur l'idée initiale que je désigne comme étant "plate" pour la rendre plus expressive.
La "corruption" c'est la recherche de l'antagonisme, de l'obstacle, du problème par la perversion de l'idée initiale pour qu'elle prenne du sens (parce que le décalage en lui-même ne suffit pas je trouve).

Si je prends toujours l'exemple des habits neufs de l'empereur, l'idée de départ c'est l'histoire d'un mensonge.
Comment mettre le mensonge en perspective? en général dans une histoire c'est simple car on sait ce qu'ignore la victime du mensonge (comme dans le petit chaperon rouge) ce qui créé le recule... et la perspective.
Donc le mensonge est en soit un outils littéraire fort puisqu'il porte intrinsèquement sa perspective.

Mais on peut faire mieux en rajoutant un degré: la victime sait qu'on lui ment, c'est le menteur qui en mentant devient la propre victime de son mensonge. Ainsi la perspective est encore plus grande (et donc meilleurs selon mon concept).

Ensuite on s'assure que l'ajout corrompt suffisamment le concept initial et qu'il est source d'un minimum de conflit. C'est le cas ici puisque le menteur se cause du tort à lui-même et contribue a propager le mensonge dont il est victime.

Ainsi les "habits neufs de l'empereur" repose sur un meilleurs concept narratif que "le petit chaperon rouge"...
Et selon moi pour améliorer une idée il faut chercher à lui faire subir ce genre de traitement.
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Re : Re : la substantifique moelle
« Réponse #9 le: 30 août 2012 à 11:21:58 »
Oui tout à fait Kodama (je vais devenir schizo à force d'être tout seul  ;D), alors pour pousser l'analogie je décide d'appliquer le même procédé comparatif sur le premier exemple de WEG.
Sachant que je ne suis pas certains d'avoir tout compris à 100% et que le domaine video-ludique présente quand même quelques particularités ^^

Bref, dans le jeu video "Braid", les "Game Designer" ont pris le postulat de départ à priori évident: le joueur connait le but du jeu.
Ils ont décidé de le décaler:
-il est amnésique donc il ne sait plus bien se qu'il fait là... on présume qu'il va agir par défaut, comme par conditionnement pour sauver la princesse.
Et de la corrompre:
-Comme il ne sait pas se qu'il fait ils découvrira à la fin qu'il est celui que fuit la princesse.
Joli twist en effet.

On peu en faire autant avec KiraKira, décalage sur l'idée de base qu'on est dans une romance: pour mettre en perspective l'amour, quoi de mieux que de le confronter à son pendant négatif: la mort? (Shakespeare lui-même me l'accorderait)
Dans ce cas on corrompt le concept même de la romance vidéo-ludique, on brise le code établi, on est sûre de son effet mais pour permettre au conflit de s'exprimer on fait resurgir l'être aimé.

Voilà je le répète dans mon idée le décalage induit la surprise, la corruption le conflit.. Les deux se confondant parfois pas mal.

- Mais dis-moi Kodama, pourrais-tu confronter ton concept à d'autres exemples?
- Oui voir je vais jeune padawan, les exemples trouver je vais aussi.
« Modifié: 30 août 2012 à 11:26:11 par kodama »
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Re : la substantifique moelle
« Réponse #10 le: 30 août 2012 à 11:53:50 »
Oh, pardon de couper votre dialogue, Kodama et Kodama... J'arrive un peu en retard mais j'aurais voulu intervenir quand même...

Je commence par un HS :
Citer
J'ai un esprit assez conceptualisateur et rationnaliste.
Ma pierre de Rosette c'est la recette secrète pour écrire de bonnes histoires.
Personne ne l'a jamais trouvée mais c'est toujours sympa de chercher.
Après j'entends déjà mes détracteurs me dire que c'est une infamie que de vouloir trouver des mécanismes à l'imaginaire...
Et je leurs concède que c'est probablement un oxymore ... mais disons que je n'oblige personne à me suivre dans cette quête vouée à l'échec.
Et puis j'ajouterais qu'on est surpris parfois à quel point les choses les plus complexes, les plus irrationnelles peuvent avoir une règle sous-jacente simple et harmonieuse.
Tout comme toi ! Et réfléchir à cette règle ne veut pas dire du tout qu'on tente de l'appliquer, de la recracher, ensuite, comme une recette mécanique.

BREF, revenons au sujet.

Continuons avec des remarques non constructives :
WEG --> J'adore le concept de ton jeu avec la princesse et le méchant  :o

Et maintenant, questionnons l'énoncé :
Citer
Dans la perspective de se pencher sur ce qui fait le sel d'une histoire, du petit élément qui rend tel ou tel passage d'un livre délicieux, telle ou telle scène d'un film mémorable, j'aimerais que vous me livriez ici quelques exemples, quelques perles narratives qui vous ont fait vibrer dans votre vie de lecteur/spectateur.
Moi j'ai un problème parce que je comprends pas la question  ::)
Au début, j'avais lu que ton premier message et survolé le reste. Je pensais que tu voulais qu'on identifie les détails qui nous saisissent, qui, tout à coup, nous attrapent dans le texte, nous font soudain ressentir quelque chose. (Ça peut être un détail (Faramir pris de faiblesse qui prend appuie sur le trône de son père), ou un élément précis du scénario (l'exemple de la princesse de WEG, ou des habits neufs de l'empereur).

Mais après, en lisant la suite de vos messages, j'ai l'impression que tu t'intéresses seulement à un schéma dans la tournure des scénarios, qui ferait que l'attente du spectateur ou lecteur serait dépassée, une sorte de "retournement" de l'histoire, qui donnerait toute sa valeur à la narration.

Je trouve les deux interrogations vachement intéressantes, mais avant de répondre, je voudrais savoir à laquelle des deux tu pensais  :D
Il ne faut jamais remettre à demain ce que tu peux faire après-demain.

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Re : Re : la substantifique moelle
« Réponse #11 le: 30 août 2012 à 12:34:15 »
Je trouve les deux interrogations vachement intéressantes, mais avant de répondre, je voudrais savoir à laquelle des deux tu pensais  :D

Bien en fait j'ai l'audace de penser que le même mécanisme pourrait être à l'oeuvre dans tous les cas.
Comme s'il existait une constante là-dessous.
Et c'est pour mettre ma théorie à l'épreuve du feu que je cherche toutes sortes d'exemples.

Maintenant évidemment que je restreins le champ de recherche au domaine de la narration, de l'histoire en elle-même.
C'est quelque chose qui ne relève ni de l'esthétisme ni de l'émotion a proprement parler, c'est un plaisir exclusivement cérébral.

Tiens, moi qui suis complètement hermétique à Tolkien, raconte-moi un peu mieux la scène que tu évoques s'il te plait histoire de voir s'il je n'y trouve pas le même principe.
« Modifié: 30 août 2012 à 13:06:21 par kodama »
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Re : la substantifique moelle
« Réponse #12 le: 30 août 2012 à 13:47:37 »
Si on parle de narration alors il est impensable de ne pas citer le film Memento.
Le concept lui même est totalement diabolique: On commence par la fin et on remonte petit à petit les évènements pour finir par le début.
Pour résumer un peu l'histoire le héros est atteint d'une maladie rare et assez originale, puisqu'il n'a plus de mémoire à court terme. Comprenez qu'il est incapable de se rappeler ce qu'il a fait il y'a deux minutes. Il prend donc des notes de tout ce qu'il fait et garde des photos des gens qu'il est censé connaitre pour que personne n'exploite son handicap. Tout ce qu'il sait, c'est qu'un certain John G à tué et violé sa femme, et qu'il est à sa recherche pour se venger.
Le charme du film comme je le disais, c'est que la première scène est la dernière (et maaaaaaaaaagnifiquement mise en scène aussi, jugez vous même : http://www.youtube.com/watch?v=cifPv4QWTH0 )
Donc le spectateur sait que le héros a tué quelqu'un, mais est-ce bien le fameux John G ? Dans ce cas on peut dire que la totalité du film est construite sur ce décalage temporel. D'ailleurs on va vite se rendre compte que le héros a sans doute fait une erreur.
Bref ce film est un ovni narratif qui mériterait bien qu'on s'y attarde.

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Re : la substantifique moelle
« Réponse #13 le: 30 août 2012 à 14:41:19 »
Trés bon Memento en effet.

On prend le contrepieds d'une évidence: dans le film le héros connait son passé et le spectateur l'ignore.
On décale: le héros est amnésique.. donc on égalise les informations.
On corrompt: le héros a commis un crime.

Mais le vrai génie du film tient dans la façon de raconter, qui encore une fois utilise le décalage structurel du récit.
Non parce que sur la base de ma première description, le flm aurait pu être juste sympa... On aurait suivi l'enquête pour remonter le fil des évènements.

Mais ici le film est découpé en pluieurs scènes.
Au début de chacune on est comme le personnage principal, on ne sait rien de la situation en cours puisqu'elle est antérieure à la précédente.

Et ce trait de génie répond difficilement à ma théorie.... du genre:
Décalage sur le principe d'ordre chronologique
Corruption du principe du flash-back puisque ce ne sont pas seulement ses souvenirs, ce sont les évènements tel qu'il les vit.

Mouai  :\? vite fait quoi
« Modifié: 30 août 2012 à 15:14:38 par kodama »
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Re : la substantifique moelle
« Réponse #14 le: 30 août 2012 à 14:53:49 »
Mais bon si je devais donner des exemples de ma méthode, ça donnerait:


"Martine fait les courses."
c'est plat, ça n'inspire rien.

Donc dans l'absolue sans inspiration, il ne se passe rien.
On pose cette assertion et on y contrevient en la prenant à contrepied (le décalage):
Il ne se passe rien > ajoutons un événement

Bon là, on voit que c'est trop général même si ça fonctionne déjà (on pourrait imaginer un événement comme l'alarme incendie)
Mais à priori c'est plus intéressant si on est plus spécifique sur ce qui fait l'inanité de cette activité:

1-C'est un geste du quotidien > rendons le unique: elle fait les dernières courses de sa vie..
2-C'est un acte purement utilitaire > rendons le gratuit: elle fait semblant de faire les courses..
3-On se fout de ce qu'elle mange > rendons ses choix intriguant: les objets achetés sont saugrenus, éveillent l'attention on dirait le nécessaire pour tuer quelqu'un

Ensuite on ajoute du conflit, on fini de corrompre le fait initial:

1- ... aprés un krach boursier mondial.
2- ... pour se donner un statut social aux yeux d'un proche.
3- ... elle demande conseille a un vendeur.. va-t'il comprendre?

Si on veut étendre le champs des possibles, il faut devenir encore plus spécifique.
On étend donc l'assertion initiale avant de la décaler:

C'était donc "Martine fait les courses... "
4-"... au supermarché."
5-"... non accompagnée."
6-"... comme il se doit."

Qu'est-ce qui fait que c'est toujours inintéressant?

4-C'est le geste standard de la société de consommation de masse.
5-Pas d'interactions... pas intéressant.
6-Encore un vieux cliché sexiste sur les femmes et les tâches ménagères.

on décale:

4-Rendons-la seule et révoltée
5-Faisons-la en quête de chaleur humaine, laissons-là parler aux vendeurs, faire des sourires aux inconnus, etc..
6-Caricaturons la situation comme dans une vieille pub americaine... et choquons là lorsqu'elle se trouve confrontée à un homme en caisse.

on corrompt:

4-Donnons-lui une batte de baseball de nuit dans le supermarché.
5-Avant de la confronter à sa solitude de retour chez elle devant ses achats.
6-Finalement, faisons-la quitter son mari et son caddie avec le joli caissier.
« Modifié: 30 août 2012 à 14:56:40 par kodama »
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