Critique aisée n°237La nuit du 12Dominik Moll - 2022 -114 minutes
Bastien Bouillon, Bouli Lanners, Anouk Grinberg, ....
«
Chaque année, 800 homicides sont commis en France. Environ 20 % d’entre eux ne seront jamais élucidés. »
C’est la phrase qui figure en exergue de
La Nuit du 12, le dernier film de Dominik Moll.
Il y a un peu plus de vingt ans, Dominik Moll avait connu un premier grand succès avec
Harry, un ami qui vous veut du bien. Dans un sombre décor de maison oubliée dans un coin perdu de l’Auvergne profonde, le film faisait très habilement monter l’angoisse avec la découverte progressive de la personnalité d’Harry, cet ami qui vous voulait tant de bien. Gros succès, flopée de récompenses.
Il serait juste qu’avec
La Nuit du 12, ce réalisateur connaisse un succès au moins aussi grand. D’ailleurs, il semble qu’il en prenne le chemin.
Pourtant, La Nuit n’a rien à voir avec Harry. Paresseusement, les journaux l’ont classé dans la catégorie « thriller » ou « polar », comme ils disent si élégamment. Mais La Nuit n’est ni l’un ni l’autre.
Ce n’est pas un film policier bien que le personnage principal, flic, mène l’enquête sur un assassinat particulièrement horrible. Mais on sait par la phrase en exergue que le coupable ne sera jamais découvert.
Ce n’est pas un thriller, car mis à part l’instant du crime lui-même et les quelques secondes qui le précèdent, le film ne joue jamais sur l’angoisse.
Alors, on peut se permettre, pour une fois, de raconter sans divulgachage le pitch du film, inspiré d’un fait réel : au cours de la nuit du 12 octobre 2006, une jeune fille, Clara, qui rentrait seule d’une soirée entre amies est aspergée d’essence et brûlée vive. La Police Judiciaire de Grenoble, dont le jeune chef Yohan vient de prendre ses fonctions, est chargée de l’enquête.
Le film nous fait découvrir le lent travail quotidien de recherche des policiers, l’enquête menée auprès des amis de Clara, les interrogatoires des suspects successifs, les alibis qui à chaque fois font repartir l’enquête à zéro. Au fur et à mesure de l’enquête, petit à petit avec, un certain attendrissement, on comprendra la personnalité de Clara, non pas fille facile mais fille pas compliquée, comme le dira l’un de ses amants ; avec stupeur, à travers les suspects, on découvrira quelques spécimens de marginaux, plus ou moins effrayants de bêtise, d’égoisme, de narcissisme ou de violence ; avec empathie, on compatira au découragement et à la frustration de Yohan dont on devine que cette affaire, toujours non résolue, le hantera pour de nombreuses années.
La morale de cette histoire est tirée par Yohan qui dit que tous les hommes que Clara a rencontrés auraient pu la tuer, parce que «
il y a quelque chose qui cloche entre les hommes et les femmes ». Clara a été tuée «
parce qu’elle était une fille » dit sa meilleure amie.
Le film est sobre et captivant et, personnellement, si je l’ai trouvé terrifiant, c’est par la description effrayante de réalisme qui est faite de trois des suspects : le barman égoïste, l’escaladeur abruti et la brute avérée.
Les comédiens sont, pour moi en tout cas, tous de quasi inconnus. Ils sont tous excellents, avec une mention spéciale pour Bouli Lanners, flic déboussolé et pour Anouk Grinberg, juge d’instruction, dont la première scène avec Yohan est d’une densité impressionnante.
A voir, surement.